Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 IV 148



215 IV 148

23. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 30 avril 1999
dans la cause X. contre Ministère public du canton du Jura (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 23 Abs. 1 al. 5 und Abs. 2 ANAG, Scheinehe.

    Die Vermittlung von Scheinehen mit dem Ziel, Ausländern zu einer
Aufenthaltsbewilligung in der Schweiz zu verhelfen, fällt weder unter
Art. 23 Abs. 1 al. 5 ANAG noch unter Art. 23 Abs. 2 ANAG.

Sachverhalt

    A.-  En 1994/95, X., agissant en collaboration avec d'autres personnes,
a participé à l'organisation de plusieurs mariages de complaisance entre
des femmes suisses et des ressortissants étrangers. Les futurs époux
n'avaient pas l'intention de vivre ensemble. Le but poursuivi par les
étrangers était d'obtenir une autorisation de séjour en Suisse; quant aux
Suissesses, elles acceptaient de se marier pour de l'argent, soit 25'000
à 30'000 francs selon les cas. Un seul mariage a finalement été conclu;
X. a encaissé, au total, 4'000 francs de commissions.

    B.-  Par jugement du 27 février 1998, le Président du Tribunal du
district de Delémont a reconnu X. coupable d'infraction à la loi fédérale
sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE, RS 142.20) pour
avoir, à réitérées reprises et dans un dessein d'enrichissement illégitime,
tenté de préparer et préparé le séjour illégal d'étrangers en Suisse
(art. 23 al. 2 LSEE et art. 22 al. 1 CP). Il l'a condamnée à une peine de
trois mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans, sous déduction
de 64 jours de détention préventive, et à 5'000 francs d'amende.

    Statuant sur appel de X., la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien
a confirmé le jugement par arrêt du 2 décembre 1998.

    C.-  X. a interjeté un pourvoi en nullité auprès du Tribunal fédéral;
elle conclut à l'annulation de l'arrêt querellé.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) La recourante fait grief à l'autorité cantonale d'avoir
violé l'art. 23 al. 2 LSEE ainsi que les art. 1 et 22 CP.

    Aux termes de l'art. 23 al. 2 LSEE, celui qui, pour se procurer un
enrichissement illégitime, aura facilité ou aidé à préparer l'entrée ou le
séjour illégal d'un étranger dans le pays, sera puni de l'emprisonnement
et de l'amende jusqu'à 100'000 francs; l'art. 23 al. 2 LSEE prévoit
en outre que la même peine est applicable au délinquant agissant
sans dessein d'enrichissement mais dans le cadre d'un groupe ou d'une
association de personnes, formé dans le but de commettre de tels actes de
manière continue. L'art. 23 al. 2 LSEE réprime ainsi des cas qualifiés de
l'infraction prévue à l'art. 23 al. 1 par. 5 LSEE, selon lequel est puni de
l'emprisonnement jusqu'à six mois celui qui, en Suisse ou à l'étranger,
facilite ou aide à préparer une entrée ou une sortie illégale ou un
séjour illégal.

    b) La cour cantonale a estimé que le comportement de la recourante
constituait un délit manqué d'infraction à l'art. 23 al. 2 LSEE, sur la
base du raisonnement suivant:

    La loi fédérale du 23 mars 1990 - en vigueur depuis le 1er janvier 1992
- modifiant la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité
suisse du 29 septembre 1952 (LN; RS 141.0) a abrogé l'art. 3 LN, selon
lequel la femme étrangère acquérait automatiquement la nationalité
suisse par son mariage avec un Suisse (RO 1991 p. 1034). Dans la mesure
où les mariages dits de nationalité n'étaient plus possibles, l'ancien
art. 120 ch. 4 CC, qui prévoyait que le mariage était nul lorsque la femme
n'entendait pas fonder une communauté conjugale mais voulait éluder les
règles sur la naturalisation, perdait sa raison d'être et a donc aussi
été abrogé (RO 1991 p. 1041).

    Dans le cadre du nouvel art. 7 al. 1 LSEE, le droit à l'octroi et
à la prolongation de l'autorisation de séjour a néanmoins été accordé au
conjoint étranger d'un ressortissant suisse et ce, non seulement à la femme
étrangère d'un Suisse, mais également au mari étranger d'une Suissesse,
avec la cautèle prévue à l'art. 7 al. 2 LSEE (ATF 121 II 97 consid. 3a p.
101). Selon cette dernière disposition, le droit à l'octroi et à la
prolongation de l'autorisation de séjour n'existe pas lorsque le mariage
a été contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et
l'établissement des étrangers et notamment celles sur la limitation du
nombre des étrangers. Cette règle s'inspire de l'ancien art. 120 ch. 4
CC concernant les mariages dits de nationalité.

    La cour cantonale a estimé que si la modification législative qui a
introduit le nouvel art. 7 LSEE n'a pas complété l'art. 23 LSEE, on ne
saurait en déduire que le législateur n'a pas voulu réprimer pénalement le
mariage fictif. Le législateur ne pouvant dresser la liste exhaustive de
tous les comportements susceptibles de tomber sous le coup de l'art. 23 al.
1 par. 5 ou al. 2 LSEE, il faut considérer que toute activité propre à
permettre le séjour illégal de l'étranger ou à le faire durer est un
acte de facilitation au sens de cette disposition; tel est notamment
le cas pour l'organisation de mariages fictifs. En effet, l'étranger
trompe l'autorité sur une circonstance importante pour l'application
de l'art. 7 al. 1 LSEE, à savoir l'existence d'un mariage conforme aux
règles légales, ce qui constitue une violation de l'art. 3 al. 2 LSEE et
un motif de révocation selon l'art. 9 al. 2 litt. a, respectivement al. 4
litt. a LSEE. En préparant ainsi, par son mariage fictif, l'octroi ou le
renouvellement facilité d'une autorisation de séjour, l'étranger commet
une tentative d'infraction à l'art. 23 al. 1 par. 4 LSEE.

    Quant aux personnes qui fournissent une aide concrète à l'organisation
de tels mariages fictifs, elles favorisent, au sens de l'art. 23 al. 1
par. 5 LSEE, l'infraction à l'art. 23 al. 1 par. 4 LSEE.

Erwägung 2

    2.- a) La recourante soutient que le séjour en Suisse d'un étranger
au bénéfice d'une autorisation obtenue à la suite d'un mariage fictif
est absolument légal et n'est nullement constitutif de l'infraction de
séjour illégal en Suisse, au sens de l'art. 23 al. 1 par. 4 LSEE. Par
conséquent, les personnes qui favorisent la conclusion d'un mariage fictif
d'un étranger ne favorisent ni n'aident à préparer le séjour illégal
d'un étranger en Suisse au sens de l'art. 23 al. 1 par. 5 et al. 2 LSEE,
puisqu'un tel séjour est absolument légal.

    b) Par séjour illégal au sens de l'art. 23 LSEE, il faut entendre
le fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse sans droit. Séjourne
sans droit l'étranger qui n'est pas au bénéfice d'une autorisation de
séjour ou d'établissement, sous réserve des cas où, selon la loi sur le
séjour et l'établissement des étrangers, il n'a pas besoin d'une telle
autorisation (art. 1 LSEE; cf. VALENTIN ROSCHACHER, Die Strafbestimmungen
des Bundesgesetzes über Aufenthalt und Niederlassung der Ausländer vom
26. März 1931 [ANAG], thèse Zurich 1991, p. 42, 45 et 80 s.).

    Le mariage est une institution dont le contenu est impérativement fixé
par la loi. L'échange des consentements devant l'officier d'état civil est
générateur d'un statut du droit de la famille; il crée l'union conjugale
(art. 159 al. 1 CC) avec tous les effets que la loi - et la loi seule -
y attache, sans qu'il soit possible aux époux, même de leur consentement
mutuel, de s'affranchir des devoirs et obligations qu'il comporte. Mis à
part les cas de nullité, limitativement énumérés, les circonstances du
mariage, quelles qu'elles soient, sont sans conséquence sur les effets
du mariage; les motifs respectifs des époux pour se marier et la portée
qu'ils attachent à leur mariage sont sans pertinence (ATF 97 II 7 consid. 3
p. 9; 121 III 149 consid. 2b p. 150). Le fait de se marier dans le seul
but d'obtenir une autorisation de séjour en Suisse n'est pas un motif de
nullité (cf. art. 120 CC); un tel mariage est donc valide. Les enfants
issus d'un tel mariage acquièrent d'ailleurs la nationalité suisse du
père ou de la mère (cf. ATF 122 II 289 consid. 1c p. 292 s.).

    Le conjoint étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi
et à la prolongation de l'autorisation de séjour (art. 7 al. 1 phr. 1
LSEE). Ce droit subsiste en principe tant que le mariage existe sur le plan
juridique, même si de fait, la communauté n'existe pas; le législateur
a volontairement renoncé à faire dépendre le droit à une autorisation de
séjour de la vie commune afin d'éviter que le conjoint étranger ne soit
livré à l'arbitraire de son conjoint suisse (ATF 121 II 97 consid. 4 p. 103
s.; 118 Ib 145 consid. 3d p. 151). Toutefois, selon l'art. 7 al. 2 LSEE,
ce droit n'existe pas lorsque le mariage a été contracté pour éluder les
dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers.

    Le fait qu'un mariage fictif, conclu uniquement dans le but d'éluder
les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers, ne donne
pas droit à une autorisation de séjour n'empêche pas que l'autorisation
puisse, à tort, être accordée, en particulier pour le motif que l'autorité
administrative ignore le caractère fictif du mariage. Une autorisation
ainsi accordée peut être révoquée en vertu de l'art. 9 al. 2 litt. a LSEE,
pour le motif que l'étranger l'a obtenue en dissimulant un faits essentiel.
La loi parle expressément de révocation, et cette révocation n'est qu'une
faculté et non une obligation (cf. ATF 93 I 1 consid. 4 p. 10; HANS PETER
MOSER, Die Rechtsstellung des Ausländers in der Schweiz, RDS 86/1967 II
325 ss, p. 428 s.). Il faut nécessairement en déduire que l'autorisation
obtenue en dissimulant le caractère fictif du mariage n'est pas nulle
ab ovo; elle est valable et le reste tant qu'elle n'est pas révoquée.
L'étranger, ainsi au bénéfice d'une autorisation de séjour obtenue à tort
mais néanmoins valable, réside légalement en Suisse.

    c) En l'espèce, la recourante a aidé ou tenté d'aider des étrangers
à obtenir, sans droit, des autorisations de séjour, autorisations leur
permettant de résider légalement en Suisse. Arranger, dans ce but,
des mariages fictifs ou de complaisance n'est donc pas favoriser un
séjour illégal, et un tel comportement ne tombe pas sous l'art. 23 al. 1
par. 5 ou l'art. 23 al. 2 LSEE (dans le même sens, arrêt du Tribunal
fédéral non publié du 28 août 1997, paru au JdT 1998 IV 79; CORINNE
SUTER KASEL-SEIBERT, Le mariage fictif, thèse Zurich 1989, p. 142 et
p. 187 i.f.). Le comportement de la recourante, consistant à aider des
étrangers à tromper l'administration afin d'obtenir une autorisation de
séjour est certes répréhensible, mais l'art. 23 LSEE ne connaît aucune
règle comparable à l'art. 14 DPA (loi fédérale sur le droit pénal
administratif, RS 313.0), disposition selon laquelle est punissable
celui qui aura astucieusement induit en erreur l'administration par la
dissimulation de faits et aura, de la sorte, pour lui-même ou pour un
tiers, obtenu sans droit une autorisation.

    La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en considérant que la
recourante s'était rendue coupable de délit manqué d'infraction à la LSEE,
au sens des art. 22 al. 1 CP et 23 al. 2 LSEE; le pourvoi sera donc admis,
la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision.

Erwägung 3

    3.- (Suite de frais).