Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 IV 113



125 IV 113

17. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 26 juillet 1999
dans la cause Z. c. Tribunal administratif du canton de Genève (recours
de droit administratif) Regeste

    Art. 38 Ziff. 1 StGB; bedingte Entlassung.

    Voraussetzungen der bedingten Entlassung bei einem lebenslänglich
Verurteilten, der mehrere schwere Verbrechen begangen hat.

Sachverhalt

    A.-  En 1991, Z., ressortissant tunisien né en 1961, a été condamné par
la Cour d'assises du canton de Genève à la réclusion à vie et à l'expulsion
à vie également. La Cour d'assises l'a reconnu coupable d'avoir commis,
entre septembre 1981 et avril 1987, cinq assassinats, un délit manqué
d'assassinat, sept brigandages aggravés, trois vols et une mise en danger
de la vie d'autrui. La culpabilité de l'auteur a été jugée extrêmement
grave. La cour et le jury ont en effet estimé que Z. avait tué trois
de ses victimes dans des circonstances particulièrement sordides, qu'il
avait commis les crimes qui lui étaient reprochés en faisant preuve d'un
total manque de scrupules à l'égard de valeurs aussi fondamentales que la
vie et l'intégrité corporelle d'autrui et qu'à aucun moment il n'avait
manifesté de regrets ou de remords, même s'agissant de deux assassinats
et d'une tentative achevée d'assassinat à propos desquels il ne pouvait
ni nier la matérialité des faits ni minimiser le rôle qu'il y avait joué.

    Vu le danger sérieux et objectif représenté par le condamné, celui-ci
a été placé longtemps en cellule individuelle puis en régime de sécurité
renforcée. Il a passé dans différents établissements pénitentiaires
(Champ-Dollon, Regensdorf) mais la majeure partie de sa détention a eu
lieu aux Établissements de la Plaine de l'Orbe. Il a souvent sollicité le
réexamen de ses conditions de détention. Le 26 juillet 1995, le Conseil
d'Etat du canton de Genève a préconisé un «certain desserrement» de
ces conditions. Ainsi, dès le 14 août 1995 le détenu a été mis au régime
préparatoire II et, dès le 15 février 1996, au régime ordinaire. A la suite
d'une bagarre, intervenue le 16 octobre 1996 et ayant causé de multiples
fractures du nez et des contusions à un autre détenu, le condamné a subi
20 jours d'arrêts disciplinaires puis a été replacé en régime de sécurité
renforcée jusqu'au 25 février 1997. Après un mois de régime préparatoire
II, il se trouve en régime de responsabilisation depuis le 26 mars 1997.

    Une éventuelle libération conditionnelle pouvant intervenir à
partir du 14 février 1998, date à laquelle le condamné a subi 15 ans
de détention, le Service genevois d'application des peines et mesures
a entrepris une pré-étude dès mai 1996 et la Commission genevoise
de libération conditionnelle (ci-après: la Commission) a ordonné une
expertise psychiatrique. Par décision du 13 janvier 1998, la Commission a
rejeté une demande de libération conditionnelle déposée par l'intéressé
le 24 novembre 1997, précisant que le cas ne pourrait pas être revu
avant avril 2002. Cette décision a fait l'objet d'un recours devant
le Tribunal administratif du canton de Genève, qui l'a confirmée, puis
du Tribunal fédéral, qui a considéré que le refus de réexaminer le cas
avant 2002 violait le droit fédéral, précisant qu'un délai d'une année
apparaissait raisonnable.

    B.-  Le 16 novembre 1998, Z. a présenté une nouvelle demande de
libération conditionnelle, qui a été rejetée par décision de la Commission
du 12 janvier 1999.

    Par arrêt du 20 avril 1999, le Tribunal administratif du canton de
Genève rejette le recours formé par Z. contre cette décision. La cour
cantonale estime que le comportement de l'intéressé en détention peut
désormais être qualifié de satisfaisant mais qu'en revanche un pronostic
favorable quant à sa conduite future en liberté ne peut pas être posé avec
une certitude suffisante en raison des doutes qui subsistent en particulier
sur le suivi médical auquel il doit être astreint et surtout sur le degré
de son éventuel amendement, Z. ayant varié très souvent sur ce sujet dans
ses déclarations. Le Tribunal administratif relève en outre que lorsque
la Commission aura à statuer à nouveau, elle devra au préalable soumettre
l'intéressé à une nouvelle expertise psychiatrique.

    C.-  Z. a formé un recours de droit administratif contre cette
décision. Soutenant que l'autorité cantonale a fait une application
arbitraire de l'art. 38 CP, le recourant conclut, avec suite de dépens,
à l'annulation de l'arrêt attaqué et à sa mise en liberté conditionnelle
aux conditions fixées par le Tribunal fédéral.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.-  a) Conformément à l'art. 38 ch. 1 et 2 CP, lorsqu'un condamné à
la réclusion ou à l'emprisonnement aura subi les 2/3 de sa peine, ou 15
ans de sa peine s'il a été condamné à vie, l'autorité compétente pourra
le libérer conditionnellement si son comportement pendant l'exécution de
la peine ne s'oppose pas à son élargissement et s'il est à prévoir qu'il
se comportera bien en liberté.

    La jurisprudence a relevé que la libération conditionnelle constitue
la quatrième et dernière étape de l'exécution de la peine, de sorte
qu'elle doit être considérée comme la règle, de laquelle il convient de ne
s'écarter que s'il y a de bonnes raisons de penser qu'elle sera inefficace
(ATF 124 IV 193 consid. 3, p. 194 et consid. 4d, p. 198).

    Comme celle portant sur l'octroi ou le refus du sursis, la décision
relative à la libération conditionnelle repose sur une appréciation globale
prenant en considération les antécédents de l'auteur, sa personnalité
ainsi que son comportement en général d'une part et dans le cadre de la
commission des délits qui sont à l'origine de sa condamnation d'autre
part (ATF 124 IV 193 consid. 3). Dans le même arrêt, le Tribunal fédéral
s'est posé la question de savoir si le comportement du condamné pendant
l'exécution doit encore être considéré comme un critère distinct ou s'il
ne constitue pas plutôt l'un des éléments à prendre en considération pour
établir le pronostic quant à la conduite future de l'intéressé en liberté
(ATF 124 IV 193 consid. 3 p. 195 et l'arrêt cité).

    La nature des délits commis par l'intéressé n'est, en tant que telle,
pas à prendre en compte, en ce sens que la libération conditionnelle
ne doit pas être exclue ou rendue plus difficile pour certains types
d'infractions. Toutefois, les circonstances dans lesquelles l'auteur a
encouru la sanction pénale sont pertinentes dans la mesure où elles sont
révélatrices de sa personnalité et donnent ainsi certaines indications sur
son comportement probable en liberté. Au demeurant, pour déterminer si l'on
peut courir le risque de récidive, inhérent à toute libération qu'elle soit
conditionnelle ou définitive (ATF 119 IV 5 consid. 1b, p. 7), il faut non
seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle
infraction soit commise mais également l'importance du bien qui serait
alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est
moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle
de ses victimes que s'il a commis par exemple des infractions contre le
patrimoine (ATF 124 IV 193 consid. 3, p. 195 et les arrêts cités).

    A propos du droit allemand, qui prévoit également l'exigence d'un
pronostic favorable avant toute libération conditionnelle et comprend
une disposition spécifique pour la libération conditionnelle en cas de
condamnation à la détention à vie, la doctrine considère que, comme il
s'agit de cas de criminalité extrêmement grave, la protection de la
sécurité publique revêt une importance toute particulière. Dès lors,
une libération conditionnelle n'est pas envisageable tant que demeure le
moindre risque de récidive; la société n'a pas à assumer un tel risque,
c'est le condamné qui a le cas échéant à le supporter (GÜNTER GRIBBOHM,
Leipziger Kommentar, 11e éd., § 57a N. 24; idem SCHÖNKE/SCHRÖDER/STREE,
Kommentar, 25e éd., § 57a N. 12 et les références citées; TRÖNDLE,
Kurzkommentar, 49e éd., § 57a N. 9) en ce sens que sa libération
conditionnelle doit être refusée tant qu'il subsiste.

    On ne saurait ignorer qu'aucune méthode psychiatrique, psychologique
et criminologique, si fine et performante soit-elle, ne permet
de conclure avec une certitude absolue qu'une personne ne présente
véritablement aucun danger de récidive (voir à ce propos VOLKER DITTMANN,
Beurteilung und Behandlung sogenannter gemeingefährlicher Straftäter
aus forensisch-psychiatrischer Sicht, in Berner Universitätsschriften,
vol. 42, Berne 1997, p. 128 s.). Il n'en demeure pas moins que l'on admet
de nos jours que les milieux psychiatriques sont en mesure d'établir un
véritable pronostic qui s'avère pertinent dans certaines limites même
en cas de criminalité grave. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle
le projet de révision des dispositions générales du code pénal prévoit
que la libération conditionnelle consécutive à une peine privative de
liberté pour une infraction grave, l'assassinat ou le meurtre par exemple,
devra être précédée d'une audition des milieux psychiatriques. Afin de
garantir l'impartialité nécessaire, il est précisé qu'il y aura alors
lieu de faire appel à des personnes qui n'ont pas encore traité le détenu
et ne s'en sont occupées à aucun titre auparavant (Message concernant la
modification des dispositions générales du code pénal suisse, FF 1999, p.
1927). Cette exigence correspond à celle admise par la doctrine allemande,
selon laquelle une libération conditionnelle ne peut être envisagée,
s'agissant d'un condamné à une peine privative de liberté à vie, que si une
expertise a permis d'établir que le danger spécifique révélé par les actes
qui sont à l'origine de la condamnation n'existe plus (GÜNTER GRIBBOHM,
op.cit., § 54a N. 25; SCHÖNKE/SCHRÖDER/STREE, op.cit., loc.cit.; TRÖNDLE,
op.cit., loc.cit.).

    b) En l'espèce, la dernière expertise psychiatrique dont on dispose est
antérieure à la précédente décision de refus de libération conditionnelle
et elle fait état de l'existence d'un danger pour les tiers dans la mesure
où la dégradation de sa réalité mettrait le recourant lui-même en danger.
On ne saurait dans ces circonstances considérer que le risque de récidive
a disparu dans ce sens que le danger spécifique révélé par les actes
réprimés n'existe plus. Dès lors, l'autorité cantonale n'a pas abusé
du large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en cette matière (ATF
119 IV 5 consid. 2 p. 8) en estimant ne pas pouvoir poser un pronostic
favorable même compte tenu du bon comportement du recourant en détention
ainsi que des projets personnels et professionnels élaborés en vue de
son retour en Tunisie.

    Il y a lieu de relever enfin que, conformément aux principes qui ont
été développés ci-dessus, une prochaine décision relative à la libération
conditionnelle du recourant devra reposer sur une nouvelle expertise
psychiatrique. Elle devra dans toute la mesure du possible émaner d'un
expert neutre, en ce sens qu'il n'a pas été auparavant amené à traiter
ou à examiner le recourant dans un autre contexte, et qui dispose d'une
expérience ou de connaissances spécifiques relatives aux délinquants
qui ont commis plusieurs crimes graves, de manière à pouvoir cerner avec
le plus de précision possible la personnalité du recourant et, partant,
à pouvoir évaluer avec un maximum d'exactitude les éventuels risques de
récidive. Le recours doit donc être rejeté.