Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 II 450



125 II 450

45. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 30 août 1999 en
la cause Banque X. c. Commission fédérale des banques (recours de droit
administratif) Regeste

    Internationale Amtshilfe gegenüber deutschen Bundesaufsichtsamt für
den Wertpapierhandel.

    Art. 35 Abs. 2 BEHG: Verpflichtung zur Erteilung der verlangten
Auskünfte (E. 2).

    Art. 38 Abs. 2 lit. c BEHG: Verhältnis zwischen Rechtshilfe in
Strafsachen und Amtshilfe. Wenn die Eidgenössische Bankenkommission
im Einvernehmen mit dem Bundesamt für Polizeiwesen einer eventuellen
Weitergabe von Informationen an die für die Strafverfolgung zuständige
ausländische Behörde zustimmt, muss sie hierfür im Besitz aller nach
schweizerischem Recht nötigen Zusicherungen sein (E. 3). Das erfordert,
dass die materiellen Voraussetzungen für die Rechtshilfe gesamthaft erfüllt
sind, einschliesslich das Erfordernis der doppelten Strafbarkeit nach
Art. 64 IRSG. In dieser Hinsicht muss aus der Einwilligung des Bundesamtes
für Polizeiwesen hervorgehen, dass die Vorschriften über die internationale
Rechtshilfe in Strafsachen erfüllt sind. Im vorliegenden Fall sind die
Voraussetzungen zur Bewilligung der Weitergabe an die Strafbehörde nicht
gegeben (E. 4).

Sachverhalt

    Le 30 septembre 1998, l'autorité de surveillance de la bourse
de Francfort, soit la «Handelsüberwachungsstelle der Frankfurter
Wertpapierbörse» (en abrégé: la HÜST) a constaté des ordres inhabituels
passés sur les actions de la société IG Farben in Liquidation, qui
pouvaient faire croire que le prix en bourse avait été manipulé. Un ordre
de vente avait été donné à 10.07h. sur 60'000 actions et à 11.13h. un
ordre d'achat portant sur 50'000 actions a suivi. Pour un cours s'élevant
précédemment à DM 3.48, le cours d'achat était limité à DM 2.15 et le
cours de vente à DM 2.05. La limite de cours a été fixée à DM 2.50 et
l'ordre de vente a été en conséquence partiellement exécuté à un cours de
DM 2.50. Le jour suivant, le cours de l'action à l'ouverture s'élevait à
DM 3.05. D'après l'enquête préliminaire menée par la HÜST, les ordres de
vente avaient été donnés par la Dresdner Bank AG de Francfort, laquelle
a déclaré avoir agi pour le compte de la Banque X. à Genève.

    Par requête du 26 novembre 1998, l'Office fédéral allemand
de surveillance pour le commerce des papiers-valeurs, soit le
«Bundes-aufsichtsamt für den Wertpapierhandel» (en abrégé: le BAWe) qui,
selon le droit allemand, est chargé de collaborer avec les autorités de
surveillance étrangères en matière d'entraide internationale, a demandé
à la Commission fédérale des banques la transmission des informations
en possession de la Banque X. Il a également sollicité l'autorisation
de pouvoir transmettre, cas échéant, les informations recueillies aux
autorités pénales.

    Le 2 novembre 1998, la Commission fédérale des banques a demandé
à la Banque X. de lui communiquer le nom et l'adresse du client et de
l'éventuel ayant droit économique, pour lequel les actions IG Farben en
Liquidation avaient été vendues, et de lui dire pourquoi le prix de vente
minimum de ces actions avait été fixé en dehors du prix du marché. La
Banque X. a répondu le 18 novembre 1998 que les ordres de vente avaient
été passés pour le compte de la Banque X. Cayman Ltd, aux Iles Cayman
(ci-après: la X. Bank Cayman). Elle a ensuite contesté la compétence
de la Commission fédérale des banques pour demander des renseignements
relatifs à des clients de filiales à l'étranger et déclaré que le client
de la X. Bank Cayman s'opposait au dévoilement de son identité.

    Le 14 décembre 1998, la Commission fédérale des banques a pris la
décision suivante:
      «1. La Commission fédérale des banques ordonne à la Banque X.,
      sous la

    menace des peines d'amende ou d'arrêts de l'art. 292 du code pénal
suisse,

    de lui communiquer les noms et adresses du client, et de l'éventuel
ayant

    droit économique, de sa filiale X. Bank (Cayman) Ltd pour lequel elle a

    passé un ordre de vente portant sur 50'000 actions de la société
IG Farben

    in Liquidation en date du 30 septembre 1998 et de lui faire savoir,
si cela

    est possible, pourquoi le prix de vente minimum a été fixé en
dehors des

    prix des marchés. Cette communication doit se faire dans un délai
de dix

    jours à compter de la notification de la présente décision.
      2. La Commission fédérale des banques accorde l'entraide
      administrative

    au Bundesaufsichtsamt für den Wertpapierhandel et lui transmet les
noms et

    adresses du client, et de l'éventuel ayant droit économique, de
la filiale

    X. Bank (Cayman) Ltd pour lequel Banque X. à Genève a passé un ordre de

    vente portant sur 50'000 actions de la société IG Farben in
Liquidation en

    date du 30 septembre 1998, ainsi que les renseignements relatifs à la

    fixation du prix des actions mentionnés sous chiffre 1.
      3. La Banque X. est tenue de communiquer la présente décision
      au client

    mentionné sous chiffre 1.
      4. La Commission fédérale des banques rappelle au Bundesaufsichtsamt
      für

    den Wertpapierhandel que les informations et documents transmis
ne doivent

    être utilisés qu'à des fins de surveillance directe des bourses et du

    commerce des valeurs mobilières.
      5. La Commission fédérale des banques autorise la retransmission des

    informations figurant sous chiffre 2 à la Handelsüberwachungsstelle der

    Frankfurter Wertpapierbörse.
      6. En accord avec l'Office fédéral de la police, la Commission
      fédérale

    des

    banques autorise l'éventuelle transmission des informations figurant
sous

    chiffre 2 par la Handelsüberwachungsstelle der Frankfurter
Wertpapierbörse

    aux autorités pénales allemandes compétentes. La

    Handelsüberwachungsstelle

    der Frankfurter Wertpapierbörse est tenue de rappeler aux autorités
pénales

    que l'utilisation de ces informations est limitée à la poursuite
du délit

    de manipulation de cours.
      (...)».

    La Banque X. a formé un recours de droit administratif contre cette
décision et a conclu à son annulation. Le 5 février 1999, elle a également
transmis à la Commission fédérale des banques les noms et adresses des
deux clients de la X. Bank Cayman pour lesquels l'ordre de vente portant
sur les actions de la société IG Farben avait été passé. Elle a également
précisé qu'elle ne savait pas pourquoi le prix de vente minimum desdites
actions avait été fixé en dehors des prix du marché.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) En vertu de l'art. 35 al. 2 de la loi fédérale sur les bourses
et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (LBVM; RS 954.1),
les personnes et les sociétés soumises à surveillance ont l'obligation de
fournir à la Commission fédérale des banques tous les renseignements et
les documents qu'elle exige afin d'accomplir sa tâche. La même obligation
figure à l'art. 23bis al. 2 de la loi fédérale sur les banques et les
caisses d'épargne (LB; RS 952.0). Dans la mesure où la Commission est
chargée de l'assistance administrative (art. 38 LBVM), il lui appartient
de recueillir toutes les informations utiles à l'exécution de sa tâche. En
cas de refus, elle peut donc contraindre les intéressés à fournir les
renseignements demandés par une décision formelle («Auskunftsverfahren»;
voir ANNETTE ALTHAUS, Amtshilfe und Vor-Ort-Kontrolle, Diss. Bern 1997, p.
173 et 204; URS ZULAUF, Rechtshilfe - Amtshilfe, RSDA 2/1995, p. 59 n. 44;
RICCARDO SANSONETTI, L'entraide administrative internationale dans la
surveillance des marchés financiers, Zurich 1998, p. 587/588). Lorsque
des clients sont concernés, la procédure de recherche d'informations
et celle de leur transmission à l'autorité étrangère sont étroitement
liées. Une décision formelle sur les renseignements à donner ne met
donc pas fin à la procédure, mais constitue seulement une étape avant la
décision sur l'entraide administrative et doit dès lors être qualifiée
de décision incidente (ATF 125 II 79 consid. 3a p. 81 et les références
citées). Du point de vue des règles de procédure, la Commission fédérale
des banques n'est toutefois pas obligée de séparer la procédure de
recherche d'informations de celle de leur transmission. Par économie
de procédure et pour faire avancer la procédure d'entraide, elle peut,
dans la même décision, à la fois obliger l'institut bancaire à fournir les
informations requises au sujet de ses clients et décider de transmettre les
informations ainsi obtenues à l'autorité étrangère (arrêt 2A.213/1998 du
29 octobre 1998 en la cause S. et consorts, consid. 3, publié partiellement
in Bulletin CFB 37 p. 21ss).

    b) La recourante s'étant opposée à donner les informations requises, la
Commission fédérale des banques l'a contrainte formellement à s'exécuter.
Sur ce point, la recourante prétend que son droit d'être entendue aurait
été violé, car elle n'a pas eu la possibilité de présenter ses arguments
dans un délai raisonnable avant la décision attaquée.

    Il est vrai que le 23 novembre 1998, après avoir eu connaissance
de la réponse incomplète de la recourante, la Commission fédérale des
banques a exigé que la Banque X. lui fournisse les renseignements demandés
dans un délai de 48 heures et qu'elle n'a ensuite pas non plus accepté
de lui accorder le délai de 60 jours que l'intéressée a sollicité par
lettre du 25 novembre 1998. Toutefois, entre le moment où la demande
d'entraide administrative a été envoyée à la recourante, le 2 novembre
1998, et la date où la décision attaquée a été rendue, le 14 décembre
1998, la recourante a disposé de suffisamment de temps pour faire valoir
ses arguments. C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait dans sa lettre du 25
novembre 1998, en déclarant qu'elle entendait préalablement contester la
compétence de la Commission sous l'angle de la loi sur les bourses et de
l'entraide judiciaire. Son droit d'être entendue n'a donc pas été violé. Au
sujet des clients de la banque, la Commission fédérale des banques avait
déjà invité la recourante, dans sa lettre du 2 novembre 1998, à informer
les clients concernés de la demande d'entraide administrative et à leur
dire qu'ils pouvaient prendre position s'ils le désiraient. Ceux-ci
n'ont cependant pas fait usage de cette possibilité et ont laissé à
la recourante le soin de déclarer qu'ils n'étaient pas d'accord que
leur identité soit communiquée. On ne saurait ainsi considérer qu'ils
n'ont pas eu l'occasion de se prononcer sur la demande d'entraide les
concernant. Certes, la Commission aurait pu rendre d'abord une décision
incidente pour contraindre la recourante à fournir les informations, ce
qui aurait permis de fixer aux clients également un délai pour prendre
position. Elle n'y était cependant pas obligée compte tenu de l'intérêt
à pouvoir accélérer la procédure et du fait que l'on pouvait présumer que
les clients en question avaient eu connaissance de la demande d'entraide,
mais qu'ils avaient renoncé à prendre position, puisqu'ils s'étaient
opposés par l'intermédiaire de la banque à ce que leur identité soit
révélée (arrêt précité du 29 octobre 1998 en la cause S. et consorts).

    c) Sur le plan matériel, la recourante estime que, dans le cadre d'une
demande d'entraide administrative, elle n'est pas tenue de renseigner
la Commission fédérale des banques sur des relations de l'une de ses
filiales à l'étranger avec des clients. Comme on l'a vu, cette obligation
découle des art. 35 al. 2 LBVM et 23bis LB, dans la mesure où l'assistance
administrative fait partie des tâches de la Commission (art. 38 LBVM). La
recourante ne peut donc pas opposer le secret bancaire à l'autorité de
surveillance, d'autant plus que l'art. 47 al. 4 LB réserve expressément
les dispositions de la législation fédérale et cantonale instituant
l'obligation de renseigner l'autorité et de témoigner en justice
(ATF 125 II 83 consid. 5 p. 84; SANSONETTI, op.cit. p. 529). En outre,
la recourante ne saurait davantage se soustraire à cette obligation en
faisant valoir qu'il s'agit d'une relation d'affaires de sa filiale aux
Iles Cayman, dès lors que la Commission fédérale des banques avait bien
précisé qu'elle renonçait à la transmission des informations requises si
l'intéressée pouvait confirmer que la relation d'affaires en cause était
gérée exclusivement par la X. Bank Cayman et qu'elle-même n'en avait
aucune connaissance. La recourante n'a cependant pas été en mesure de
donner cette confirmation. Elle a au contraire admis que certains de ses
organes, à l'occasion des pouvoirs, fonctions ou relations qu'ils avaient
eus avec la X. Bank Cayman détenaient des informations sur l'identité
des clients concernés, de sorte que rien ne l'autorise à se soustraire
à son devoir de renseigner l'autorité suisse de surveillance.

    d) Au vu de ce qui précède, la Commission fédérale des banques a exigé
à juste titre que la recourante lui fournisse les informations demandées.
Cette procédure se fonde au demeurant sur le droit de souveraineté de
la Suisse qui lui permet de contrôler toutes les relations d'affaires
se déroulant sur son territoire, sans pour autant violer la souveraineté
d'un Etat étranger (ATF 108 Ib 513 consid. 2b p. 519).

Erwägung 3

    3.- Selon l'art. 38 al. 2 LBVM, la Commission fédérale des banques
peut, à certaines conditions, transmettre aux autorités étrangères
de surveillance des informations et des documents liés à l'affaire,
non accessibles au public. Il doit s'agir des «autorités étrangères de
surveillance des bourses et du commerce des valeurs mobilières» qui
utilisent ces informations exclusivement à des fins de surveillance
directe des bourses et du commerce des valeurs mobilières (art. 38
al. 2 lettre a LBVM; principe de la spécialité) et qui sont liées
«par le secret de fonction ou le secret professionnel» (art. 38 al. 2
lettre b LBVM). Les informations données ne peuvent être transmises «à
des autorités compétentes et à des organismes ayant des fonctions de
surveillance dictées par l'intérêt public qu'avec l'assentiment préalable
de l'autorité de surveillance suisse ou en vertu d'une autorisation
générale contenue dans un traité international» (art. 38 al. 1 lettre c
1ère phrase LBVM). La transmission à des autorités pénales est prohibée,
lorsque l'entraide judiciaire en matière pénale est exclue. Sur ce point,
l'autorité de surveillance décide en accord avec l'Office fédéral de la
police (art. 38 al. 2 lettre c 2ème et 3ème phrase LBVM).

    a) L'Office fédéral allemand de surveillance pour le commerce des
papiers-valeurs, soit le BAWe, est une autorité de surveillance des
marchés financiers au sens de l'art. 38 al. 2 LBVM, à laquelle l'entraide
administrative peut être accordée (ATF 125 II 65 consid. 4 p. 71). Sa
demande d'entraide a pour but de transmettre les informations obtenues
à l'autorité de surveillance de la bourse de Francfort, la HÜST. La loi
sur les bourses n'exclut pas une telle transmission, mais exige seulement
qu'il s'agisse d'organismes ayant des fonctions de surveillance dictées
par l'intérêt public et que la Commission fédérale des banques ait
donné son assentiment préalable (art. 38 al. 2 lettre c 1ère phrase
LBVM). Selon le droit allemand, c'est au BAWe qu'il appartient de
coopérer avec les autorités étrangères de surveillance de sorte que,
s'il ne dirige pas lui-même l'enquête, il y a lieu de déterminer, déjà
dans la décision accordant l'entraide, si les informations transmises
peuvent être communiquées à l'autorité chargée de l'enquête en cause. Les
conditions pour une éventuelle transmission à la HÜST des informations
recueillies sont en l'espèce remplies, dès lors que cette autorité est
chargée d'enquêter dans la présente affaire pour savoir s'il y a eu ou
non manipulation des cours.

    b) En l'espèce, la Commission fédérale des banques a aussi autorisé
l'éventuelle transmission des informations communiquées à la HÜST aux
autorités allemandes compétentes pour la poursuite pénale, si les soupçons
de manipulations des cours devaient être confirmés.

    Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de souligner les rapports
de connexité étroits pouvant exister entre l'entraide administrative et
l'entraide judiciaire en matière pénale, dans la mesure où la loi n'a
pas seulement pour but de surveiller les bourses et les négociants, mais
aussi le comportement du marché des valeurs mobilières. Ainsi, sur le
plan interne, la Commission fédérale des bourses doit-elle ordonner les
enquêtes nécessaires lorsque la bourse lui annonce qu'elle soupçonne une
infraction à la loi ou une irrégularité (art. 6 al. 2 LBVM). Il s'agit-là
d'une simple mesure de surveillance, même si l'infraction soupçonnée donne
lieu ensuite à une enquête pénale. Par ailleurs, en matière d'entraide, la
globalisation et l'internationalisation des marchés financiers nécessitent
une surveillance générale et, partant, une collaboration étroite entre
autorités de surveillance (ATF 125 II 69 consid. 7 p. 75). Il n'y a donc
pas lieu de se montrer trop strict sur l'énoncé de la demande d'entraide
administrative, ni de déterminer si les soupçons sont ou non fondés;
il suffit qu'un début de soupçon justifie l'ouverture d'une enquête (ATF
125 II 65 consid. 6b p. 74). Les renseignements requis doivent cependant
s'inscrire dans le cadre de l'enquête et paraître utiles à son déroulement.

    Il n'en demeure pas moins que le législateur n'a pas voulu que
l'entraide administrative puisse servir à contourner les conditions de
l'entraide judiciaire en matière pénale. La loi sur les bourses limite
donc l'utilisation des informations à des fins de surveillance directe
des bourses et du commerce des valeurs mobilières (art. 38 al. 2 lettre a
LBVM; principe de la spécialité). En outre, ces informations ne peuvent pas
être transmises à d'autres autorités sans l'assentiment de la Commission
fédérale des banques (ou sans une autorisation contenue dans un traité
international), pas plus qu'elles ne peuvent être données à des autorités
pénales étrangères si l'entraide judiciaire en matière pénale est exclue
(art. 38 al. 2 lettre c LBVM). Ces restrictions obligent donc la Commission
à ne pas perdre le contrôle de l'utilisation des informations obtenues
après leur transmission à l'autorité étrangère de surveillance («Prinzip
der langen Hand»; voir ZULAUF, op.cit. p. 57/58). De plus, l'accord donné
pour la transmission des informations à une autre autorité, et notamment
à l'autorité pénale, doit être donné sous forme d'une décision susceptible
de recours (ATF 125 II 65 consid. 10 p. 77).

    Dans une précédente affaire (ATF 125 II 65 ss), l'Office fédéral
allemand de surveillance du commerce des papiers-valeurs avait expressément
déclaré qu'il connaissait les conditions dans lesquelles la Suisse
accorde l'entraide administrative et qu'il s'engageait à les respecter,
en particulier qu'il demanderait l'accord de la Commission fédérale des
banques avant une éventuelle transmission des informations obtenues à une
autre autorité. Sur la base de ces déclarations, le Tribunal fédéral avait
alors jugé que les assurances données étaient suffisantes pour garantir
le principe de la spécialité (ATF 125 II 65 consid. 9b p. 76). Par la
suite, le Président du BAWe a confirmé les assurances données, mais en
relevant que si la loi allemande sur les bourses (Wertpapierhandelsgesetz,
soit l'art. 18 WpHG) l'obligeait à dénoncer les délits de manipulation
des cours au Procureur général en cas de soupçons, la même obligation
était prévue lorsque des faits semblables lui étaient transmis par une
autorité étrangère de surveillance. C'est pourquoi, dans de tels cas,
il sollicitait l'accord de la Commission fédérale des banques pour une
transmission éventuelle des informations au Procureur général, déjà dans
la demande d'entraide administrative. Le BAWe a procédé de cette manière
en l'espèce, de sorte qu'en accord avec l'Office fédéral de la police, la
Commission a autorisé la HÜST à communiquer les informations délivrées aux
autorités pénales allemandes. Une telle pratique correspond, au demeurant,
au principe généralement admis en droit européen (ALTHAUS, op.cit. p. 77;
ZULAUF, op.cit. n. 26 p. 57; SANSONETTI, op.cit. p. 338).

    c) Le Tribunal fédéral admet que le droit suisse n'oblige pas les
autorités étrangères de surveillance à faire une déclaration contraignante
sur le plan international et qu'il suffit qu'elles s'engagent à mettre
tout en oeuvre pour respecter le principe de la spécialité. S'il devait
s'avérer qu'une autorité étrangère ne puisse plus respecter ce principe
en raison de sa législation interne ou d'une décision contraignante à
laquelle elle n'a pas les moyens de s'opposer, il appartiendrait alors
à la Commission fédérale des banques de refuser l'entraide (arrêt non
publié du 25 janvier 1999 en la cause J., consid. 4 et arrêt précité du
29 octobre 1998 en la cause S. et consorts).

    En l'espèce, les déclarations du Président du BAWe qui, d'une manière
générale, affirme que les conditions d'entraide administrative posées
par la Suisse seront respectées, tout en relevant que l'obligation de
dénonciation pénale subsiste lorsque le soupçon d'infraction provient
de faits révélés par l'autorité étrangère de surveillance, ne permettent
pas de savoir comment le BAWe se comporterait si la Commission fédérale
des banques devait refuser de donner son accord pour la transmission des
informations fournies à une autre autorité, accord obligatoire en vertu
de l'art. 38 al. 2 lettre c LBVM (ATF 125 II 65 consid. 9b p. 76). Cette
incertitude n'entraîne toutefois pas le refus de l'entraide administrative,
pour autant que la Commission fédérale des banques (d'entente avec l'Office
fédéral de la police) ait pu valablement consentir à la transmission des
données aux autorités chargées de la poursuite pénale en l'état du dossier.
Dans le cas contraire, l'entraide administrative doit être refusée jusqu'à
l'obtention de toutes les assurances requises selon le droit suisse en
la matière.

Erwägung 4

    4.- a) L'art. 38 al. 2 lettre c LBVM interdit la transmission des
informations aux autorités pénales lorsque l'entraide judiciaire en matière
pénale est exclue. La même obligation est contenue à l'art. 23sexies
al. 2 lettre c LB, introduit par la loi fédérale du 18 mars 1994, ainsi
qu'à l'art. 63 al. 2 de la loi fédérale sur les fonds de placement du
18 mars 1994 (LFP; RS 951.31). Elle avait été vigoureusement débattue
aux Chambres lors de son adoption à la suite de l'amendement Poncet
(SANSONETTI, op. cit. p. 494/495). Le Conseiller national Charles Poncet
avait en effet proposé de refuser toute transmission d'informations à des
autorités pénales lorsque l'entraide internationale n'a pas été accordée
(BO 1993 CN 2462/2463 et 2496/2497). Le législateur a finalement refusé
cet amendement, tant pour l'art. 23sexies al. 2 lettre c LB que pour
l'art. 63 al. 2 lettre c LFP, en démontrant qu'il entendait ne pas vider
l'entraide administrative de sa substance et pour éviter d'accumuler
les procédures d'entraide judiciaire en matière pénale (BO 1994 CE 10 et
26). Reste que la Commission fédérale des banques et l'Office fédéral de
la police sont tenus de se prononcer sur la base des éléments dont ils
disposent et doivent demander, au besoin, des compléments d'information à
l'autorité étrangère requérante; ils ne peuvent pas se désaisir en faveur
du juge pénal (SANSONETTI, op.cit. p. 601), de sorte qu'il importe de
déterminer en quoi doit consister leur examen des conditions matérielles
de l'entraide en matière pénale.

    b) Selon Althaus, l'interdiction prescrite à l'art. 38 al. 2 lettre c
LBVM correspond aux motifs d'exclusion des art. 2 ss de la loi fédérale
sur l'entraide internationale en matière pénale du 20 mars 1981 (EIMP;
RS 351.1). En revanche, le principe de la double incrimination prévu
à l'art. 64 EIMP ne serait pas applicable, car il s'agit d'une condition
pour l'octroi de l'entraide pénale internationale, mais non d'un motif
d'exclusion (ALTHAUS, op.cit. p. 162 ss). D'autres auteurs admettent
en revanche que la transmission des informations aux autorités pénales
implique que toutes les conditions de l'entraide pénale internationale
soient remplies (SANSONETTI, op. cit p. 600; PETER NOBEL, Schweizerisches
Finanzmarktrecht, Berne 1997, n. 300 p. 209). Cette dernière opinion est
convaincante. Bien que le Conseil fédéral, dans son Message du 27 mai
1998 sur la révision de la loi sur les banques et les caisses d'épargne,
ait incidemment indiqué que la formulation proposée renvoyait aux motifs
d'exclusion des art. 2 ss EIMP (FF 1998 p. 3399 ss), on ne peut en déduire
que la transmission des données aux autorités pénales ne doit être refusée
que si l'entraide judiciaire «est exclue» dans le sens étroit et technique
du terme. Rien ne laisse en effet présumer que le législateur ait voulu
consciemment étendre la possibilité d'utilisation des données fournies
dans des procédures pénales par rapport aux règles régissant l'entraide
judiciaire en matière pénale en général. La question n'a d'ailleurs pas
été débattue aux Chambres (séance du Conseil des Etats du 23 septembre
1998: BO 1998 CE 995 ss et séance du Conseil national du 9 mars 1999: BO
1999 CN 203 ss). Lors de la transmission de données aux autorités pénales,
trois solutions sont envisageables: soit la transmission est permise sans
autre, soit elle est possible, si l'entraide judiciaire en matière pénale
peut être accordée, soit elle est interdite. Le législateur a en fait
choisi la voie médiane, qui autorise la transmission des informations
aux autorités pénales étrangères lorsque les conditions de l'entraide
judiciaire en matière pénale sont remplies, plutôt que les autres voies
consistant à autoriser la transmission dans tous les cas ou à la refuser
systématiquement en exigeant le dépôt d'une demande expresse d'entraide
pénale internationale, comme le voulait l'amendement Poncet (BO 1993
CN 2462 et 2496). Il s'agit donc de simplifier la procédure, tout en
évitant que l'autorité étrangère puisse éluder les règles de l'entraide
judiciaire en matière pénale (ZULAUF, op.cit. n. 39 p. 58; ATF 125 II
65 consid. 5b in fine p. 74). Cela implique que toutes les conditions
matérielles de l'entraide judiciaire en matière pénale soient réunies,
y compris l'exigence de la double incrimination prévue à l'art. 64 EIMP.

    A cet égard, il y a lieu d'exiger qu'avant de donner son accord,
l'Office fédéral de la police confirme que ces conditions sont respectées,
soit en se ralliant à une prise de position détaillée de la Commission
fédérale des banques, soit en motivant lui-même son approbation. Il paraît
en effet exclu qu'il se contente, comme en l'espèce, d'une simple mention
(«einverstanden») au bas d'une lettre de la Commission, dont le contenu est
des plus sommaire. Expressément voulue par le législateur dans plusieurs
lois fédérales (art. 23 sexies al. 2 lettre c LB, 63 al. 2 lettre c LFP
et 38 al. 2 lettre c LBVM), son intervention ne saurait en effet être
purement formelle, mais doit servir de garantie pour que les règles de
l'entraide judiciaire en matière pénale ne soient pas éludées. En outre,
s'il n'y a pas lieu d'être trop exigeant quant à l'exposé des faits, il
faut toutefois que ces derniers puissent être qualifiés du point de vue
juridique et que la demande contienne le texte des dispositions légales
applicables pour que l'autorité saisie puisse vérifier d'emblée s'il
existe, de manière évidente, un motif d'exclusion (ROBERT ZIMMERMANN,
La coopération judiciaire internationale en matière pénale, Berne 1999,
n. 162 p. 120). Dans le cas particulier, la demande présentée par le
BAWe ne permet pas de dire si la présomption de manipulation des cours
constatée le 30 septembre 1998 à la bourse de Francfort par la HÜST tombe
sous le coup de l'art. 161bis CP, introduit par l'art. 46 LBVM, qui punit
d'emprisonnement ou de l'amende toute manipulation de cours. Par ailleurs,
rien n'indique que les conditions pour l'ouverture d'une information
pénale soient réunies.

    c) Il s'ensuit que la décision attaquée doit être annulée en tant
qu'elle autorise la transmission des informations recueillies auprès de la
Banque X. aux autorités pénales allemandes compétentes. Il va également
de soi que, même si cela n'a aucune incidence sur le plan pratique,
les références au ch. 6 du dispositif qui sont faites aux ch. 7 et
9 dudit dispositif doivent également être annulées. Vu qu'en l'état
actuel du dossier, une transmission des données requises par le BAWe,
respectivement la HÜST, aux autorités pénales doit être exclue, l'octroi
de l'entraide administrative dépend de l'assurance que les autorités
allemandes respecteront la décision de la Commission fédérale des banques
(voir consid. 3c in fine). Celle-ci ne pourra dès lors transmettre les
informations demandées qu'après obtention d'une telle déclaration de la
part du BAWe.