Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 II 396



125 II 396

38. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 23 juin 1999
dans la cause Office fédéral des routes c. G. et Tribunal administratif
du canton de Fribourg (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 14 Abs. 2 lit. c SVG, Art. 16 Abs. 1 und 3 lit. b SVG;
Warnungsentzug wegen Fahrens in angetrunkenem Zustand und Sicherungsentzug
wegen Trunksucht.

    An der Fahreignung eines stark alkoholisierten Fahrzeuglenkers (mehr
als 3 Promille), der bereits früher Alkoholwerte in dieser Grössenordnung
aufgewiesen hat, bestehen ernstliche Zweifel. Deshalb darf die Behörde
nicht bloss einen Warnungsentzug wegen Fahrens in angetrunkenem Zustand
anordnen, sondern muss vielmehr einen Sicherungsentzug ins Auge fassen und
im Hinblick darauf ein ärztliches Gutachten zur Frage einer allfälligen
Trunksucht einholen (E. 2).

    Art. 35 Abs. 3 VZV; vorsorglicher Entzug.

    Auch das Bundesgericht kann einen vorsorglichen Entzug anordnen;
ein solcher bildet im Übrigen während eines Sicherungsentszugs-Verfahrens
die Regel (E. 3).

Sachverhalt

    A.-  Le 6 février 1998 vers 23 heures 10, à Châtel-St-Denis, la police
cantonale a constaté que X., né en 1950 et titulaire du permis de conduire
depuis 1973, circulait en voiture en étant pris de boisson. L'analyse de
sang effectuée a révélé une alcoolémie moyenne de 3,31 g o/oo. Son permis
de conduire a été saisi sur-le-champ.

    X. a déjà fait l'objet de deux retraits de son permis de conduire
pour avoir circulé en état d'ébriété, le premier prononcé en 1988 pour
une durée de deux mois (alcoolémie de 3,45 g o/oo), le deuxième en 1994
pour une durée de quatre mois (alcoolémie de 2,95 g o/oo).

    Selon un rapport de la police cantonale du 18 février 1998, X. est
connu pour s'adonner régulièrement à la boisson, avec excès; il utilise
un véhicule pour se rendre à son travail.

    Par courrier du 19 février 1998, X. a indiqué ne pas contester les
faits tout en exprimant ses regrets.

    B.-  Par décision du 5 mars 1998, la Commission des mesures
administratives en matière de circulation routière du canton de Fribourg
(CMA) a considéré qu'un retrait d'admonestation fondé sur l'art. 16
al. 3 let. b de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR; RS
741.01) devait être prononcé et a fixé sa durée à dix-huit mois, en
application des art. 17 al. 1 let. d LCR et 33 al. 2 de l'ordonnance
réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation
routière (OAC; RS 741.51). Elle a en outre relevé qu'en cas de nouvelle
ivresse au volant, un retrait de sécurité serait en principe ordonné.

    Par décision du 23 février 1999, la IIIe Cour administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg, statuant sur le recours de
X., a confirmé le retrait prononcé.

    C.-  L'Office fédéral des routes dépose un recours de droit
administratif au Tribunal fédéral contre cette décision. Selon lui,
l'autorité cantonale ne pouvait se contenter d'ordonner un retrait
d'admonestation pour une durée de dix-huit mois, alors que les
circonstances auraient dû l'amener à examiner si les conditions pour un
retrait de sécurité étaient données. Il conclut à l'annulation de la
décision attaquée, au renvoi de la cause au CMA pour que soit ordonné
un examen médical en vue d'établir si X. s'adonne à la boisson au sens
de l'art. 14 al. 2 let. c LCR, au retrait immédiat à titre préventif
du permis de conduire de celui-ci, et, pour le cas où l'examen médical
ne permettrait pas de conclure au prononcé d'un retrait de sécurité,
au maintien du retrait d'admonestation conformément à la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.-  Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert
contre une décision cantonale de dernière instance en matière de retrait du
permis de conduire (art. 24 al. 2 LCR). Interjeté en temps utile (art. 24
al. 6 LCR, 106 al. 1 OJ) par l'autorité habilitée (art. 24 al. 5 let. c
LCR), le recours est recevable.

    Il peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris
l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le
Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut
aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). Lorsque le
recours est dirigé - comme c'est le cas en l'espèce - contre la décision
d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts
ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de procédure (art. 105 al. 2 OJ).

    Saisi d'un recours d'une autorité fédérale habilitée à intervenir afin
d'assurer l'application uniforme du droit fédéral, le Tribunal fédéral
peut, sans égard aux règles cantonales sur la reformatio in pejus, modifier
la décision attaquée au détriment de l'intimé (ATF 119 Ib 154 consid. 2b p.
157; 113 Ib 219 consid. 1c p. 222; 102 Ib 282 consid. 2 et 3 p. 286 ss).

Erwägung 2

    2.-  La question litigieuse est de déterminer si, compte tenu de
l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, un retrait d'admonestation
pouvait être prononcé sans égard à un éventuel retrait de sécurité.

    a) aa) Fondé sur l'art. 16 al. 2 et al. 3 LCR, le retrait
d'admonestation suppose une infraction fautive à une règle de la
circulation compromettant la sécurité de la route ou incommodant
le public. Il a pour but l'amendement du fautif, la lutte contre les
récidives et la sécurité du trafic; il a un caractère éducatif et préventif
(cf. art. 30 al. 2 OAC; Bussy/Rusconi, Code suisse de la circulation
routière, Lausanne 1996, n. 2.1 ad art. 16 LCR).

    bb) Conformément à l'art. 16 al. 1 LCR, le permis de conduire doit
être retiré lorsque l'autorité constate que les conditions légales de
sa délivrance ne sont pas ou plus remplies et l'art. 14 al. 2 let. c
LCR prévoit que le permis de conduire ne peut être délivré à celui qui
s'adonne à la boisson ou à d'autres formes de toxicomanie pouvant diminuer
ses aptitudes à conduire.

    Le retrait fondé sur les art. 14 al. 2 et 16 al. 1 LCR est un retrait
de sécurité destiné à protéger la sécurité de la circulation contre les
conducteurs incapables (art. 30 al. 1 OAC). Un tel retrait, s'il est en
particulier ordonné pour cause d'alcoolisme, est prononcé pour une durée
indéterminée et assorti d'un délai d'épreuve d'une année au moins (art. 17
al. 1bis LCR; art. 33 al. 1 OAC; ATF 124 II 559 consid. 2a p. 562).

    Selon la jurisprudence, doit être considéré comme alcoolique celui qui
consomme habituellement des quantités d'alcool telles que sa capacité de
conduire est diminuée et qu'il est incapable de combattre cette tendance
par sa volonté propre (ATF 124 II 559 consid. 2b p. 562; 104 Ib 46 consid.
3a p. 48). Le recourant se réfère aussi à deux auteurs d'après lesquels
il est généralement admis que les conducteurs qui prennent le volant
avec une alcoolémie élevée sont susceptibles de présenter des problèmes
de dépendance (cf. RENÉ SCHAFFHAUSER, Zur Entwicklung von Recht und
Praxis des Sicherungsentzugs von Führerausweisen, in PJA 1/1992 p. 33
s.; EGON STEPHAN, Trunkenheitsdelikte im Verkehr: Welche Massnahmen sind
erforderlich ?, in PJA 4/1994, n. 14, p. 453).

    b) En 1988 et 1994, l'intimé a fait l'objet de deux retraits
d'admonestation pour ivresse au volant; l'alcoolémie constatée était
respectivement de 3,45 g o/oo et de 2,95 g o/oo. S'agissant des faits
d'espèce, l'intimé a circulé avec une alcoolémie de 3,31 g o/oo. Ainsi,
par trois fois sur une période de dix ans, l'intimé a été contrôlé avec
une alcoolémie considérable, très largement au-dessus de celles que
l'on rencontre habituellement. De tels taux d'alcool atteints de manière
répétée font déjà songer à une dépendance. Qui plus est, il ressort de la
décision attaquée que, selon un rapport de la police cantonale, l'intimé
est connu pour consommer régulièrement de l'alcool avec excès.

    Sur la base de ces faits - qui lient le Tribunal fédéral (art. 105
al. 2 OJ) -, il est indéniable que l'intimé, demeuré totalement insensible
à deux retraits d'admonestation, présente plus que quiconque le risque de
se mettre au volant dans un état le rendant dangereux pour la circulation
(cf. ATF 105 Ib 385 consid. 1b p. 387). L'autorité cantonale ne pouvait
se contenter de relever que, si l'intimé devait une fois encore circuler en
étant pris de boisson, un retrait de sécurité serait en principe prononcé.
Au contraire, l'ensemble des circonstances aurait dû l'amener à avoir de
très sérieux doutes sur l'aptitude de l'intimé à s'abstenir de consommer
de l'alcool avant de conduire et lui imposait d'envisager un retrait de
sécurité. Dans cette mesure, elle a violé le droit fédéral.

    c) Le retrait de sécurité pour cause d'alcoolisme ou d'autres causes
de toxicomanie constitue une atteinte profonde à la personnalité du
conducteur visé. L'autorité doit donc, avant de prononcer un tel retrait,
éclaircir d'office et dans chaque cas la situation de la personne concernée
(ATF 120 Ib 305 consid. 4b p. 309; 104 Ib 46 consid. 3a p. 48). L'examen
de l'incidence de la toxicomanie sur le comportement comme conducteur
en général ainsi que la détermination de la mesure de la dépendance
exigent des connaissances particulières, qui justifient le recours à des
spécialistes, donc que soit ordonnée une expertise. Il peut y être renoncé
exceptionnellement, par exemple lorsque la toxicomanie est manifeste et
particulièrement grave (ATF 120 Ib 305 consid. 4b p. 309 et les arrêts
cités).

    En l'espèce, il n'est pas nécessaire de définir si l'on se trouve
dans un cas suffisamment clair pour prononcer un retrait de sécurité
sans qu'une expertise sur la situation de l'intimé n'ait été ordonnée. En
effet, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions prises
(art. 114 al. 1 OJ) et les conclusions du recourant tendent à ce que
soit ordonné un examen médical de l'intimé en vue d'établir s'il s'adonne
à la boisson au sens de l'art. 14 al. 2 let. c LCR.

    Il convient donc de renvoyer la cause à l'autorité cantonale, à la
CMA en l'occurrence (art. 114 al. 2 dernière phrase OJ), à laquelle il
incombera de commettre un expert pour déterminer quel est le degré de
dépendance de l'intimé à l'égard de l'alcool. En fonction de la réponse
donnée, l'autorité cantonale décidera ensuite si un retrait de sécurité
s'impose. Dans l'hypothèse où les conditions d'un tel retrait ne seraient
pas réunies, celui d'admonestation initialement prononcé sur la base
de l'art. 16 al. 3 let. b LCR apparaîtrait alors comme conforme au droit
fédéral, étant au demeurant observé que, compte tenu des circonstances,
sa durée fixée à dix-huit mois n'a rien d'excessif.

Erwägung 3

    3.-  Le recourant sollicite en outre que, sur la base des art. 94,
113 OJ et 35 al. 3 OAC, le permis de l'intimé soit retiré à titre préventif
jusqu'à l'issue de la procédure sur le retrait de sécurité.

    Il importe peu de définir si la référence par le recourant aux
art. 94 et 113 OJ est pertinente ou non. En effet, la mesure requise est
expressément prévue par le droit fédéral à l'art. 35 al. 3 OAC, selon
lequel le permis de conduire peut être retiré immédiatement, à titre
préventif, jusqu'à ce que les motifs d'exclusion aient été élucidés. Dès
lors que, dans les limites des conclusions prises, le Tribunal fédéral
peut lui-même statuer sur le fond (cf. art. 114 al. 1 et 2 OJ), rien ne
s'oppose à ce qu'il ordonne lui-même, en application du droit fédéral,
un retrait à titre préventif.

    Le retrait ordonné sur la base de l'art. 35 al. 3 OAC est une mesure
provisoire destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la
procédure principale (ATF 122 II 359 consid. 1a p. 362). Cette disposition
tient compte des intérêts à prendre en considération lors de l'admission
des conducteurs au trafic. Eu égard au danger potentiel inhérent à la
conduite de véhicules automobiles, le retrait préventif du permis de
conduire se justifie déjà lorsqu'il existe des indices laissant apparaître
qu'un conducteur représente un risque particulier pour les autres usagers
et qu'on peut sérieusement douter de sa capacité à conduire un véhicule
automobile. Tel est notamment le cas s'il existe des indices concrets
d'une dépendance alcoolique (ATF 122 II 359 consid. 3a p. 364).

    En l'espèce, l'existence d'indices concrets d'une dépendance alcoolique
ne souffre aucune contestation. Les intérêts de la sécurité du trafic
imposent de toute évidence l'octroi de la mesure sollicitée. En matière
de retrait de sécurité, la règle est d'ailleurs de retirer immédiatement
le permis à titre préventif, quitte à rapporter ensuite cette mesure,
s'il s'avère, après expertise, qu'elle n'est pas justifiée (cf. ATF 106
Ib 115 consid. 2b p. 117). Il faut cependant souligner que cette mesure
est provisoire et que l'expertise ordonnée doit intervenir dans les
meilleurs délais.

Erwägung 4

    4.-  (Suite de frais).

Entscheid:

                         Par ces motifs,
                     le Tribunal fédéral,

    1. Admet le recours de droit administratif, annule la décision attaquée
et renvoie la cause à la Commission des mesures administratives en matière
de circulation routière du canton de Fribourg pour nouvelle décision dans
le sens des considérants.

    2. Ordonne le retrait immédiat à titre préventif du permis de conduire
de l'intimé jusqu'à droit jugé dans la présente cause et charge la
Commission des mesures administratives en matière de circulation routière
du canton de Fribourg d'y procéder.