Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 III 386



125 III 386

67. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 31 août 1999 dans la
cause X. SA contre Société Z. et Cour de justice du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Art. 81 Abs. 3 SchKG; Art. 36 des Lugano-Übereinkommens vom
16. September 1988 über die gerichtliche Zuständigkeit und die
Vollstreckung gerichtlicher Entscheidungen in Zivil- und Handelssachen;
Art. 472B des Zivilprozessgesetzes des Kantons Genf.

    Wird die Vollstreckbarkeitserklärung für ein ausländisches zu
einer Geldleistung verpflichtendes Urteil im Rahmen des auf definitive
Rechtsöffnung gerichteten Verfahrens verlangt, ist es nicht willkürlich,
anzunehmen, dass die Frist für das Einlegen eines Rechtsmittels
nicht durch Art. 36 LugÜ festgelegt wird, sondern durch das kantonale
Prozessrecht; allerdings kann letzteres in diesem Punkt auf die Regelung
im Konventionsrecht verweisen.

Auszug aus den Erwägungen:

                Considérant en fait et en droit:

Erwägung 1

    1.- Se fondant sur un jugement rendu le 11 février 1998 par le Tribunal
de Grande instance de Bonneville (France), la Société Z. a sollicité, le
23 octobre suivant, l'exequatur de cette décision, ainsi que la mainlevée
définitive de l'opposition au commandement de payer formée par X. SA. Par
prononcé du 7 décembre 1998, le Tribunal de première instance de Genève a
accueilli les conclusions de la requérante. Statuant le 15 avril 1999 sur
l'appel interjeté par la débitrice, la Cour de justice du canton de Genève
l'a déclaré irrecevable, pour tardiveté. Le Tribunal fédéral a admis le
recours de droit public exercé par X. SA et annulé l'arrêt attaqué.

Erwägung 3

    3.- La Cour de justice a considéré, en l'espèce, que le juge de
la mainlevée était seul compétent, en vertu du droit fédéral, pour se
prononcer sur le caractère exécutoire de la décision française, ce qui
exclut toute «procédure spéciale en exequatur». La procédure de mainlevée
étant soumise aux règles habituelles, le délai d'appel n'est pas déterminé
par la Convention de Lugano (art. 36), mais bien par l'art. 354 LPC/GE,
qui fixe ce délai à dix jours.

    La recourante se plaint d'arbitraire dans l'application de l'art. 472B
al. 4 LPC/GE, dont le texte clair renvoie au délai de recours prévu par
la convention.

    a) Lorsque la décision étrangère, portant condamnation à payer une
somme d'argent ou à constituer des sûretés (art. 38 al. 1 LP), est rendue
dans un Etat lié à la Confédération par une convention internationale
sur l'exécution réciproque des jugements ou des sentences arbitrales, il
appartient au juge de la mainlevée de statuer sur l'exequatur (art. 81 al.
3 LP; voir les arrêts cités par GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale
sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. I, n. 99 ad art. 81 LP).
Si la décision en cause est soumise à la Convention de Lugano, du 16
septembre 1988, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale (RS 0.275.11; ci-après: CL),
l'opinion majoritaire accorde, en outre, au créancier la possibilité
de requérir, sans passer par la poursuite préalable, l'exequatur dans
une procédure distincte et unilatérale, conformément aux art. 26 et 31
ss CL (cf. notamment: Observations de l'Office fédéral de la justice,
in FF 1991 IV 306 ss, spéc. 310/311 et 314; DONZALLAZ, La Convention de
Lugano, vol. II, §§ 1924 ss et les références citées; STAEHELIN, in Basler
Kommentar zum SchKG, vol. I, n. 27 ss ad art. 30a LP; CAMBI FAVRE-BULLE,
La mise en oeuvre en Suisse de l'art. 39 al. 2 de la Convention de
Lugano, RSDIE 1998 p. 335 ss, spéc. 357 ss, avec d'autres citations;
cf. les critiques de GILLIÉRON, op.cit., n. 62 ss ad art. 30a LP); dans
deux arrêts, non publiés, le Tribunal fédéral s'est, incidemment, rallié
à cette solution (causes 5P.494/1997, consid. 3; 5P.15/1998, consid. 3a),
alors que la Cour de justice genevoise l'a rejetée (cf. la jurisprudence
rapportée par CAMBI FAVRE-BULLE, op.cit., p. 362 n. 103).

    Comme le relève avec raison l'intimée, cette controverse n'a pas
d'incidence en l'espèce, dès lors que l'exequatur du jugement français
a été requis dans le cadre de la procédure de mainlevée définitive. Or,
le Tribunal fédéral a jugé dans les arrêts précités, en se référant à
AMONN/GASSER (Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 6e éd.,
§ 19 N. 29), que les dispositions de la Convention de Lugano relatives à
l'exécution (art. 31 ss) ne sont pas applicables dans cette hypothèse. Il
s'ensuit que les magistrats cantonaux ne sont pas tombés dans l'arbitraire
en considérant que le délai de recours n'obéissait pas - directement (cf.
infra, let. b) - à l'art. 36 al. 1 CL (Office fédéral de la justice,
in FF 1991 IV 313/314; cf. en outre: BESSON, A propos de deux arrêts du
Tribunal cantonal: exequatur d'un jugement comportant une condamnation
pécuniaire selon la Convention de Lugano, JdT 1996 III p. 6 ss, spéc. 14,
15/16 et les références, ainsi que JAMETTI GREINER, Die vollstreckbare
öffentliche Urkunde, BN 1993 p. 37 ss, spéc. 51; idem, Rapporti tra la
Convenzione di Lugano e le altre convenzioni, L'adattamento della LEF,
Gli effetti sulla procedura di rigetto dell'opposizione e sul sequestro,
Rep. 125/1992 p. 109 ss, spéc. 124 ch. IV/1). La question ressortit ainsi
au droit interne - en l'occurrence cantonal (cf. GILLIÉRON, op.cit.,
n. 81 ss ad art. 84 LP et la jurisprudence citée) -, dont le Tribunal
fédéral ne revoit l'application que sous l'angle restreint de l'arbitraire
(sur cette distinction: ATF 105 Ib 37 consid. 4c p. 43/44; arrêt précité
5P.494/1997, consid. 2).

    b) Estimant qu'il était nécessaire d'adapter la loi de procédure civile
aux contraintes découlant de la ratification de la Convention de Lugano
(cf. Mémorial des séances du Grand Conseil 1991 p. 5151, 5153, 5154;
1992 p. 1078; pour d'autres législations cantonales, cf. KAUFMANN-KOHLER,
L'exécution des décisions étrangères selon la Convention de Lugano: titres
susceptibles d'exécution, mainlevée définitive, procédure d'exequatur,
mesures conservatoires, SJ 119/1997 p. 561 ss, spéc. 569 n. 38), le
législateur genevois a adopté le 13 mars 1992 un nouvel article 472B,
qui prévoit, en substance, que, si cette convention trouve à s'appliquer,
le demandeur peut solliciter, dans le même acte, tant l'exequatur du
jugement que des mesures conservatoires (al. 1er); le tribunal statue,
sans audition de la partie contre laquelle l'exécution est demandée,
par ordonnance provisoire qui porte citation des parties à comparaître
(al. 2); celles-ci dûment appelées, le tribunal statue sur la requête en
procédure sommaire et peut, s'il en a été requis, statuer sur la demande
en mainlevée de l'opposition (al. 3); enfin, tout intéressé, qu'il ait ou
non comparu, peut recourir contre le jugement devant la Cour de justice,
le délai de recours étant fixé par l'art. 36 de la convention (al. 4).

    Il faut admettre, avec la recourante, que l'art. 472B LPC/GE vise
toutes les décisions qui tombent dans le champ d'application de la
Convention de Lugano, donc aussi celles qui condamnent le débiteur à une
prestation en espèces ou en sûretés (cf. BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT,
Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, vol. III, n. 2, 3 et 6
ad art. 472B LPC); cette conclusion découle de son al. 3, car la «demande
en mainlevée de l'opposition» ne peut avoir pour objet que de telles
décisions (art. 38 al. 1 LP). Cela étant, le «jugement» qui peut être
déféré dans le «délai de recours fixé par l'article 36 de la convention»
(al. 4) est également celui par lequel le tribunal a statué sur ladite
«demande en mainlevée» (cf. BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, n. 2). Cette
interprétation ressort sans la moindre ambiguïté des travaux préparatoires:
l'art. 36 CL «s'applique à tous les aspects du jugement (reconnaissance,
exequatur, mainlevée d'opposition, mesures conservatoires)» (Mémorial 1991
p. 5157, ad art. 472B al. 4; sur une dissociation possible des voies et
délais de recours, cf. GILLIÉRON, L'exequatur des décisions étrangères
condamnant à une prestation pécuniaire ou à la prestation de sûretés selon
la Convention de Lugano, RSJ 88/1992 p. 117 ss, spéc. 127; LEUENBERGER,
Lugano-Übereinkommen: Verfahren der Vollstreckbarerklärung ausländischer
«Geld»-Urteile, AJP 1992 p. 965 ss, spéc. 970/971 et n. 47). La distinction
opérée par l'arrêt attaqué entre la «procédure d'exequatur proprement
dite», régie par les art. 472A ss LPC/GE, et la «procédure de mainlevée
d'opposition», soumise à la procédure sommaire et au bref délai de recours
qu'elle institue, se trouve donc clairement démentie par le législateur;
elle est, au reste, d'autant plus incompréhensible que la Cour de justice
dénie précisément au créancier la faculté de requérir l'exequatur de
son titre dans une procédure distincte de la procédure de mainlevée
d'opposition (cf. supra, let. a). La solution eût été plus discutable si la
recourante ne s'était prévalue en appel que des exceptions énumérées par
l'art. 81 al. 1 LP, à savoir l'extinction de la dette, l'obtention d'un
sursis ou la prescription, puisque c'est l'application du droit interne
qui est alors en jeu (ATF 105 Ib 37 consid. 4c p. 43/44); cet aspect n'a,
cependant, pas besoin d'être examiné plus avant, l'intéressée n'ayant
soulevé que des moyens déduits du droit conventionnel.

    Il résulte de ce qui précède que le législateur genevois a délibérément
soumis à un régime particulier, dérogeant à la norme générale de l'art.
472A LPC, les décisions étrangères dont l'exécution appelle la mise en
oeuvre de la Convention de Lugano (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, op.
cit., n. 1 ad art. 472B LPC/GE); convaincu de la nécessité d'aménager la
procédure de mainlevée pour la rendre conforme aux impératifs du nouveau
traité (cf. DONZALLAZ, op.cit., § 3910, pour qui les délais [de recours]
sont désormais «uniformisés, quant à leur durée, par la CL, le droit
cantonal, dont ils relevaient jusqu'ici, étant abrogé par une règle de
rang supérieur»), il a fait prévaloir la réglementation conventionnelle
sur celle du droit procédural interne, ici l'art. 354 LPC. En déclarant
l'appel irrecevable, faute d'avoir été déposé dans le délai de dix jours
prévu par cette dernière disposition, la Cour de justice est tombée dans
l'arbitraire: sa décision doit, dès lors, être cassée.