Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 125 III 18



125 III 18

4. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 20 novembre 1998 dans la
cause Beauregard Sàrl contre Chambre des recours du Tribunal cantonal du
canton de Vaud (recours de droit administratif) Regeste

    Umwandlung einer Gesellschaft mit beschränkter Haftung in eine
Aktiengesellschaft.

    Obschon im Gesetz eine solche Umwandlung nicht ausdrücklich
vorgesehen ist, kann unter bestimmten Voraussetzungen die durch
blosse Statutenänderung vorgenommene Umwandlung einer Gesellschaft
mit beschränkter Haftung in eine Aktiengesellschaft im Handelsregister
eingetragen werden.

Sachverhalt

    A.- Beauregard Sàrl a été constituée le 2 avril 1996 par Gérard
Badaroux, pour une part sociale de 121'000 fr., José Dias, pour une part
sociale de 118'000 fr., et Françoise Kropf, pour une part sociale de 1000
fr. La société a pour but l'exploitation d'établissements publics. Le
capital social de 240'000 fr. a été libéré par l'apport en nature des
valeurs matérielles et immatérielles du café-restaurant Beauregard, à
Villars-le-Terroir. Les biens apportés sont énumérés et évalués dans une
convention du 11 mars 1996, reproduite dans les statuts; ils correspondent
aux meubles, à la vaisselle, aux ustensiles et à la batterie de cuisine
du café-restaurant Beauregard, pour un montant de 153'945 fr., ainsi qu'à
la clientèle de l'établissement (goodwill), pour un montant de 146'055 fr.

    Par acte authentique du 28 mai 1997, l'assemblée des associés a
décidé à l'unanimité de transformer Beauregard Sàrl en société anonyme,
ce qui impliquait d'adapter les statuts au droit de la société anonyme,
principalement en ce qui concerne la raison sociale, la subdivision du
capital social et les organes.

    B.- Le 5 juin 1997, le notaire Pierre Philippe Crevoisier a déposé
auprès du registre du commerce du district d'Echallens une requête tendant
à l'inscription de la transformation en société anonyme de Beauregard
Sàrl, sans dissolution, ni liquidation. La préposée a refusé de procéder
à l'opération requise.

    Beauregard Sàrl a recouru auprès de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud, qui a rejeté le recours par décision du 22
janvier 1998.

    C.- Beauregard Sàrl interjette un recours de droit administratif
au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la décision de la
Chambre des recours et à ce qu'ordre soit donné au préposé au registre du
commerce du district d'Echallens de procéder à l'inscription sollicitée
le 5 juin 1997.

    La Chambre des recours a déclaré se référer aux considérants de
sa décision.

    Invité à déposer ses observations, l'Office fédéral du registre du
commerce (ci-après: OFRC) propose l'admission du recours.

    Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours et annulé la
décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- La recourante entend se transformer en société anonyme par la
seule modification de ses statuts, sans dissolution ni liquidation.

    a) Se ralliant à la doctrine classique qualifiée de majoritaire, la
Chambre des recours est d'avis que l'opération voulue par la recourante
est dépourvue de base légale et que cette absence de réglementation semble
bien constituer un silence qualifié, et non une lacune qu'il appartient
aux autorités du registre du commerce de combler. Au surplus, la cour
cantonale fait observer que la valeur des apports en nature composant
le capital social de la recourante n'a pas fait l'objet d'un rapport
de vérification, de sorte que l'inscription au registre du commerce
de la transformation en société anonyme pourrait mettre en danger les
intérêts des créanciers; elle relève également que la responsabilité
des actionnaires d'une société anonyme n'est pas semblable à celle des
associés d'une société à responsabilité limitée.

    b) S'appuyant sur plusieurs avis de doctrine récents ainsi que sur la
pratique actuelle de l'OFRC, la recourante fait valoir que l'inscription
requise n'est ni manifestement ni indubitablement contraire au droit de
sorte que la préposée, dans le cadre de son pouvoir d'examen limité des
conditions matérielles de l'inscription, devait y procéder. A son sens,
aucune objection de principe ne s'oppose à la transformation d'une
société à responsabilité limitée en société anonyme. De plus, dans le
cas particulier, ni les intérêts des créanciers de la société, ni ceux
d'éventuelles minorités d'associés ne sont mis en péril.

Erwägung 3

    3.- a) Le passage d'une société d'une forme juridique à une autre peut
s'effectuer par la dissolution et la liquidation de la société existante,
puis la fondation d'une nouvelle société à laquelle le patrimoine de
l'ancienne société est cédé selon les règles de la succession à titre
singulier (cf. art. 181 CO; MANFRED KÜNG, Die Behandlung von Fusion und
Umwandlung im Grundbuch, in Revue Suisse du Notariat et du Registre foncier
77/1996 [ci-après: op.cit. 1996], p. 147; CHRISTIAN MEIER-SCHATZ, Die
Zulässigkeit aussergesetzlicher Rechtsformwechsel im Gesellschaftsrecht,
in RDS/ZSR 113/1994 I, p. 374). Cette manière de procéder, qui est la
plus compliquée, ne pose pas de problème sur le plan juridique.

    Dans la transformation dite par transfert (übertragende Umwandlung),
il y a dissolution sans liquidation, le patrimoine de la société dissoute
étant transféré par succession universelle à la société nouvellement
constituée. La transformation d'une société anonyme en société à
responsabilité limitée selon les art. 824 ss CO réalise ce cas (KÜNG,
op.cit. 1996, p. 148; MEIER-SCHATZ, op.cit., p. 374).

    En l'espèce, la recourante veut se soumettre à une transformation par
changement de la forme juridique (rechtsformwechselnde Umwandlung). Cette
construction ne suppose ni dissolution, ni liquidation de la société; seul
l'"habit juridique" de la personne morale change. L'opération s'effectue
par une simple modification des statuts (KÜNG, op.cit. 1996, p. 148/149;
MARKUS REICH, Umwandlung von Genossenschaften in Aktiengesellschaften
ohne Änderung der Rechtsträgerschaft, in Revue fiscale 1995, p. 518;
HENRY PETER, La Transformation des Sociétés en Droit Suisse, in Annuaire
du Registre du commerce 1995, p. 32; MEIER-SCHATZ, op.cit., p. 374).

    La transformation - par transfert ou par changement de la forme
juridique - d'une société à responsabilité limitée en société anonyme
n'est pas prévue par la loi. Il s'agit donc d'examiner si, en l'espèce,
la préposée devait néanmoins inscrire cette opération sur le registre
du commerce.

    b) Aux termes des art. 940 al. 1 CO et 21 al. 1 de l'Ordonnance sur le
registre du commerce (ORC; RS 221.411), le préposé au registre du commerce
doit vérifier si les conditions légales requises pour l'inscription sont
remplies. Ces dispositions n'excluent pas une vérification portant sur
le bien-fondé de l'inscription demandée. Le principe fondamental est que
l'inscription doit être conforme à la loi (ATF 121 III 368 consid. 2a;
114 II 68 consid. 2).

    Selon la jurisprudence, le préposé vérifie d'abord les conditions
formelles posées par le droit en matière de registre du commerce, soit
la portée des normes qui régissent immédiatement la tenue du registre. Il
jouit à cet égard d'un plein pouvoir d'examen. Il contrôle également, mais
avec un pouvoir limité, les conditions matérielles, soit l'interprétation
des règles, de droit civil ou de droit public, qui fondent la conformité de
la réalité constatée avec la loi et dont le respect constitue la condition
indirecte de l'inscription. Selon les art. 940 al. 2 CO et 21 al. 2 ORC,
le préposé examine, avant de procéder à l'inscription de modifications
statutaires, si celles-ci ne dérogent pas à des dispositions légales de
caractère impératif et si elles contiennent les éléments exigés par la loi.
Il se borne à vérifier le respect des dispositions impératives de la loi
qui sont édictées dans l'intérêt public ou en vue de la protection de
tiers. Il doit renvoyer à agir devant le juge civil les justiciables qui
invoquent des prescriptions de droit dispositif ou concernant uniquement
des intérêts privés. Comme la délimitation entre les unes et les autres
peut s'avérer difficile, l'inscription ne sera refusée que s'il est
manifeste et indiscutable qu'elle est contraire au droit; elle ne devra
en revanche pas l'être si elle repose sur une interprétation plausible
de la loi, dont l'appréciation doit être laissée en définitive au juge
(ATF 121 III 368 consid. 2a; 117 II 186 consid. 1; 114 II 68 consid. 2;
107 II 246 consid. 1; 91 I 360 consid. 2).

    c) L'inscription de la transformation d'une société sur le registre
du commerce constitue un cas particulier à cet égard. L'opération requise
relève sans conteste du droit matériel. Au-delà d'une simple modification
des statuts, elle implique toutefois un changement de la forme juridique
de la société. Vu sa portée, il ne suffit pas que la transformation en
cause soit admise par une large part de la doctrine récente ainsi que dans
la pratique de l'OFRC et de plusieurs registres du commerce cantonaux
pour que le préposé se voie contraint d'accepter son inscription sans
plus ample examen. Comme l'OFRC le fait observer avec pertinence dans sa
détermination, la transformation d'une société à responsabilité limitée
en société anonyme est de nature à porter atteinte aux intérêts de tiers
et à violer des dispositions impératives sur la structure de base des
différentes formes juridiques en cause ou édictées dans l'intérêt public.
Il ne peut dès lors être question de laisser le soin à un hypothétique
tiers ou associé minoritaire d'attaquer la nouvelle forme juridique
empruntée par la personne morale. De même qu'il ne peut pas inscrire sur le
registre du commerce une société dont la forme n'est pas prévue par la loi,
le préposé ne saurait inscrire une transformation de société en se bornant
à constater que l'opération n'est «pas manifestement et indubitablement
contraire au droit». L'inscription suppose que la transformation requise
soit autorisée par la loi, expressément ou par interprétation. Sur ce
point, le préposé et, à sa suite, l'autorité de surveillance cantonale
et le Tribunal fédéral statuant comme Chambre administrative, ne peuvent
se fonder sur une interprétation plausible, mais doivent, au bénéfice
d'un libre pouvoir d'examen, examiner si la transformation repose, le
cas échéant, sur une interprétation correcte de la loi.

    Il reste à examiner si c'est à juste titre que la préposée, suivie
par la Chambre des recours, a refusé l'inscription de la transformation
requise par la recourante.

Erwägung 4

    4.- a) Selon la doctrine traditionnelle, la loi énumère de manière
exhaustive les cas de fusion et de transformation autorisés (art. 748 et
749 CO [fusion de sociétés anonymes], 750 CO [fusion d'une société en
commandite par actions et d'une société anonyme], 770 al. 3 CO [fusion
de sociétés en commandite par actions], 914 CO [fusion de sociétés
coopératives], 824 ss CO [transformation d'une société anonyme en société à
responsabilité limitée], art. 14 de la loi fédérale sur les banques et les
caisses d'épargne (LB; RS 952.0) [transformation d'une banque coopérative
en société anonyme ou en société en commandite par actions]; VON GREYERZ,
Die Aktiengesellschaft, in SPR VIII/2, n. 5, p. 288; BÜRGI/NORDMANN,
Zürcher Kommentar, n. 11 ad Vorbemerkungen zu den Art. 748-750 OR; WERNER
VON STEIGER, Zürcher Kommentar, n. 43 et 44 ad art. 823 CO et n. 2 ad art.
826 CO; FRITZ DE STEIGER, Le droit des sociétés anonymes en Suisse, p.
346/347; DANIEL WEHRLI, Die Umwandlung einer Genossenschaft in eine
Aktiengesellschaft als Beispiel der Umwandlung einer Körperschaft unter
Berücksichtigung der steuerlichen Folgen, thèse Zurich 1976, p. 19; cf.
également MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, Schweizerisches Gesellschaftsrecht,
8e éd., n. 33, p. 582 et n. 87, p. 591, qui appellent de leurs voeux une
libéralisation dans ce domaine, mais doutent qu'elle puisse se fonder
sur le droit actuel, et FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, Schweizerisches
Aktienrecht, n. 24, p. 911, pour lesquels le droit en vigueur ne contient
aucun indice en faveur de la possibilité pour une société anonyme de se
transformer en une autre forme juridique que la société à responsabilité
limitée). Certains de ces auteurs admettent néanmoins des dérogations
au principe susmentionné: reprise d'une société à responsabilité limitée
par une corporation de droit public, à l'instar de ce que les art. 751 et
915 CO prévoient pour la société anonyme et la société coopérative (VON
STEIGER, op.cit., n. 41 in fine ad art. 823 CO), ou encore transformation
par modification des statuts d'une société en commandite par actions
en société anonyme et vice-versa (DE STEIGER, op.cit., p. 346/347;
cf. LARDELLI, Umwandlung einer Kommanditaktiengesellschaft in eine
Aktiengesellschaft und umgekehrt, in SAG/SAS 31/1959, p. 177 ss).

    Depuis quelques années, une partie de la doctrine se montre favorable
à certaines fusions et transformations bien qu'elles ne soient pas
prévues par la loi. Selon Küng, le principe de l'autonomie privée autorise
différentes personnes juridiques à fusionner sur une base conventionnelle,
même si elles ne revêtent pas la même forme juridique. Cet auteur relève
que de telles fusions se rencontrent dans la pratique et qu'elles sont
tenues pour valables; à titre d'exemples, il cite la fusion entre
une fondation de prévoyance du personnel et une société coopérative
poursuivant le même but, opération autorisée par le Conseil d'Etat du
canton de Soleure, ou la fusion entre une société anonyme et une société
à responsabilité limitée, inscrite sur le registre du commerce du canton
de Zurich (Zum Fusionsbegriff im schweizerischen Recht, in SZW/RSDA 1991
[ci-après: op.cit. 1991], p. 245 ss). Mandaté par l'Office fédéral de la
justice, FRANK VISCHER arrive à la conclusion qu'une fusion entre deux
sociétés à responsabilité limitée est admissible, sous certaines conditions
tirées d'une application analogique de la loi, telle une décision prise
à la majorité qualifiée des trois quarts des associés représentant au
moins les trois quarts du capital social (cf. notamment art. 784 al. 2
CO). Le même auteur ne voit pas non plus d'obstacle insurmontable à la
reconnaissance de fusions entre sociétés ne revêtant pas la même forme
juridique (Drei Fragen aus dem Fusionsrecht, in SZW/RSDA 1993, p. 1 ss).

    La transformation présentant une indéniable parenté avec la fusion
entre sujets de formes juridiques différentes (cf., entre autres,
BURKHARD K. GANTENBEIN, Die Fusion von juristischen Personen und
Rechtsgemeinschaften im schweizerischen Recht, thèse Fribourg 1995,
p. 154), la tendance à la libéralisation s'est également fait sentir dans
ce domaine. Selon MEIER/SCHATZ, les besoins de l'économie et le principe de
l'autonomie privée plaident en faveur de la licéité de transformations non
prévues par la loi, en particulier de la mutation directe d'une société
coopérative en société anonyme (op.cit., p. 356 ss).

    A la suite de ces prises de position, l'OFRC a assoupli sa pratique en
matière de fusions et de transformations. Afin de préserver les intérêts
des tiers - en particulier des créanciers - et des associés minoritaires,
l'admission de telles opérations est soumise aux conditions suivantes (cf.
prise de position de l'OFRC dans la présente affaire et rapport explicatif
de novembre 1997 concernant l'avant-projet de loi fédérale sur la fusion,
la scission et la transformation de sujets [ci-après: rapport explicatif],
p. 5):

    - les formes juridiques en cause doivent être fondamentalement

    compatibles;

    - la continuité du patrimoine et celle du sociétariat doivent être

    garanties;

    - l'acte envisagé ne doit pas porter atteinte aux intérêts directs ou

    potentiels des créanciers.

    De nombreux auteurs ont salué l'attitude des autorités du registre
du commerce, notamment dans le cas de la transformation d'une société
à responsabilité limitée en société anonyme (CLEMENS MEISTERHANS,
Die rechtsformwechselnde Umwandlung einer Genossenschaft in einen
Verein, in Annuaire du Registre du commerce 1997, p. 66 ss; le même,
Die Umwandlung einer Aktiengesellschaft in eine GmbH, in Annuaire du
Registre du commerce 1995, p. 61 ss; HERBERT WOHLMANN, GmbH-Recht,
p. 29 et p. 134; KÜNG, op. cit. 1996, p. 145 ss; PASCAL MONTAVON,
Droit et pratique de la Sàrl, p. 411 ss; LUKAS HANDSCHIN, Die GmbH -
ein Grundriss, p. 201 ss; GANTENBEIN, op. cit., p. 113 ss, p. 133 ss,
p. 155 ss; MARC RUSSENBERGER, Kantonalbanken im Umbruch - vom staatlichen
Institut zur privatrechtlichen Aktiengesellschaft, in SZW/RSDA 1995,
p. 8; VON BÜREN, Die Rechtsformumwandlung einer öffentlichrechtlichen
Anstalt in eine private Aktiengesellschaft nach OR 620 ff., in SZW/RSDA
1995, p. 85 ss; REICH, op. cit., p. 517/518). Pour sa part, Forstmoser
a reconnu récemment qu'en doctrine et en pratique, l'opinion s'était
imposée, selon laquelle des restructurations sous forme de fusion ou
de transformation sans liquidation devaient être admises même sans base
légale expresse (Gestaltungsfreiheit im schweizerischen Gesellschaftsrecht,
in Zeitschrift für Unternehmens- und Gesellschaftsrecht, Sonderheft 13:
Gestaltungsfreiheit im Gesellschaftsrecht, p. 276).

    b) En 1992, l'Office fédéral de la justice a chargé Frank Vischer de
préparer un projet en vue d'une nouvelle réglementation sur la fusion de
personnes morales, y compris les associations et les fondations, sur la
scission de sociétés et sur la transformation. L'expert a déposé un premier
projet l'année suivante. Parallèlement, le Département fédéral de justice
et police a institué un groupe de réflexion dont la tâche consistait à
examiner les besoins encore existants dans le droit des sociétés après
l'entrée en vigueur du nouveau droit de la société anonyme. Dans son
rapport final, le groupe de travail a relevé notamment que le droit suisse
réglementait la fusion et la transformation de manière incomplète et se
distinguait par son manque de flexibilité. Les propositions Vischer ont
alors été retravaillées en collaboration avec l'OFRC.

    L'avant-projet de loi fédérale sur la fusion, la scission et
la transformation de sujets de novembre 1997 (ci-après: AP) pose le
principe selon lequel le sujet peut changer sa forme juridique par
voie de transformation, tout en conservant l'ensemble de ses rapports
juridiques (art. 68). En particulier, une société de capitaux - telle une
société à responsabilité limitée - peut se transformer en une société
de capitaux de forme juridique différente - telle une société anonyme
(art. 69 al. 1 let. a AP; rapport explicatif, p. 56). Il s'agit là
d'une transformation par changement de la forme juridique (rapport
explicatif, p. 13 et 55). L'AP contient plusieurs dispositions tendant
à protéger les intérêts des créanciers et des associés minoritaires en
cas de transformation (art. 71 à 84 AP; rapport explicatif, p. 13/14,
p. 58 ss; cf. également VON BÜREN/KINDLER, Der Vorentwurf zu einem neuen
Bundesgesetz über die Fusion, Spaltung und Umwandlung von Rechtsträgern,
in SZW/RSDA 1998, p. 7/8; TURIN/KLÄY, La loi sur la fusion en consultation,
in L'Expert-comptable suisse 1998, p. 48).

    La possibilité de transformer une société à responsabilité limitée
en société anonyme est également prévue dans le projet des experts
du 29 novembre 1996 concernant la révision du droit de la société
à responsabilité limitée (art. 824 projet; BÖCKLI/FORSTMOSER/ RAPP,
Révision du droit de la Sàrl, publication CEDIDAC 34, p. 60).

    c) Seule la transformation d'une société anonyme en société à
responsabilité limitée est réglementée dans le code des obligations
(art. 824 ss). Faut-il en déduire que toute autre transformation, et
en particulier la transformation par changement de forme juridique d'une
société à responsabilité limitée en société anonyme, est prohibée? A ce
propos, les travaux préparatoires sur la révision du droit des sociétés de
1936 ne contiennent aucun élément déterminant qui indiquerait une volonté
du législateur de s'opposer à toute transformation en dehors de celle
régie par les art. 824 ss CO (MEIER-SCHATZ, op.cit., p. 365/366). En effet,
les parlementaires n'ont abordé la question de la fusion entre sujets de
formes juridiques différentes et celle, voisine, de la transformation qu'en
rapport avec la société coopérative (VISCHER, op.cit., p. 4; KÜNG, op.
cit. 1991, p. 255).

    Dans la jurisprudence, des cas de fusion ou de transformation non
prévus par la loi ont été reconnus valables. Le Tribunal fédéral a
ainsi admis la fusion de deux fondations, comprise comme une succession
universelle (ATF 115 II 415), la transformation sans liquidation d'une
société coopérative en association (ATF 87 I 301) ou encore la fusion de
deux associations (ATF 53 II 1). Il faut en conclure que l'absence de base
légale expresse ne constitue pas nécessairement un obstacle insurmontable à
ce genre d'opération. Contrairement aux formes de sociétés, limitativement
énumérées dans la loi de l'avis unanime, le principe du numerus clausus
ne paraît ainsi pas s'appliquer en matière de fusion et de transformation.

    Il convient de relever par ailleurs que le contexte économique s'est
beaucoup modifié depuis soixante ans et que le besoin de souplesse des
entreprises est plus important qu'auparavant. Cette donnée est prise
en compte dans les avant-projets de loi cités plus haut. La tendance à
la libéralisation en matière de fusion et de transformation correspond
également à la conception partagée par la majorité des auteurs qui se sont
exprimés récemment sur le sujet. Enfin, la loi elle-même ne se montre pas
d'une rigueur à toute épreuve en matière de transformation. C'est ainsi
que l'art. 161 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP;
RS 291), entré en vigueur le 1er janvier 1989, autorise une société de
droit étranger à se transformer directement, sans liquidation, en une
société de droit suisse, pourvu qu'elle puisse s'adapter à l'une des
formes du droit suisse et, en principe, que les conditions fixées par
le droit étranger soient réunies. Au terme de cet examen, il n'apparaît
pas que le législateur de 1936 ait été conscient des enjeux à venir et
ait cherché intentionnellement à interdire d'emblée toute transformation
dépourvue de base légale expresse. L'existence d'un silence qualifié ne
saurait dès lors être retenue en l'occurrence.

    d) Comme les deux sujets en cause sont des sociétés de capitaux,
poursuivant un but économique, la transformation directe d'une société
à responsabilité limitée en société anonyme ne pose pas de difficultés
fondamentales. Il ne saurait toutefois être question d'autoriser sans
autre ce genre d'opération non réglementé par la loi. Conformément à
l'art. 1er al. 2 et 3 CC, il appartient au juge de combler la lacune qui
résulte de l'absence de modalités légales pour la transformation. Les
intérêts à prendre en compte résultent indirectement des art. 824 ss CO,
qui illustrent les préoccupations du législateur; il s'agit d'adopter
des conditions qui protègent les tiers, avant tout les créanciers, et
les actionnaires, en particulier minoritaires (cf. PETER, op.cit., p. 33).

    Dans cette optique, l'OFRC propose un certain nombre de conditions
auxquelles la cour de céans peut se rallier. Il convient de les compléter,
notamment pour tenir compte du fait qu'en l'espèce, le capital social est
entièrement constitué d'apports en nature. En revanche, il n'y a pas lieu,
dans le cas particulier, de rechercher si la décision de transformation
doit être prise à l'unanimité (cf. art. 784 al. 3 CO) ou à la majorité
qualifiée (cf. art. 784 al. 2, 791 al. 2, 820 ch. 2 et 822 al. 3 CO) et
si, le cas échéant, de quelle manière les parts sociales et les droits de
sociétariat doivent être maintenus. En effet, les associés de la recourante
ont décidé la transformation à l'unanimité et leurs parts sociales
respectives ne subissent pas de modification à la suite de cette opération.

    Les conditions suivantes doivent en tout cas être remplies pour que
la transformation requise par la recourante puisse être inscrite sur le
registre du commerce:

    - Le capital de la société à responsabilité limitée sera entièrement

    libéré. En effet, la responsabilité solidaire des associés (art. 772
al. 2,

    802 CO) ne peut être transposée dans la forme juridique de la société

    anonyme. Si le capital social n'est pas entièrement libéré, les
créanciers

    pourraient subir un préjudice.

    - Le capital sera entièrement couvert au moment de la transformation.

    Cette exigence suppose l'existence d'un bilan de transformation récent.

    L'évaluation des apports en nature doit être vérifiée et attestée
par écrit

    par un réviseur (cf. art. 634 ch. 3, 635 ch. 1 et 635a CO).

    - Le capital social de la société à responsabilité limitée sera, le cas

    échéant, augmenté à 100'000 fr. au moins (cf. art. 621 CO).

    - Les dispositions statutaires instituant à charge des associés

    l'obligation de faire des versements supplémentaires ou d'autres

    prestations (art. 777 ch. 2, 803 CO) ou leur imposant une prohibition
de

    concurrence (art. 818 al. 2 CO) seront abrogées avant la transformation

    (cf. art. 680 al. 1 CO).

    - La décision de transformation contiendra toutes les adaptations

    statutaires nécessitées par le passage à la forme de la société anonyme

    (raison de commerce, convocation de l'assemblée générale, organisation,

    etc.). Elle désignera également les nouveaux organes de la société
(membres

    du conseil d'administration, organe de révision).

    e) Faute, en particulier, de disposer d'une attestation sur
l'estimation des apports en nature des associés de la recourante, la cour
de céans n'est pas en mesure d'ordonner elle-même l'inscription requise
sur le registre du commerce. En conséquence, il y a lieu d'admettre
partiellement le recours et d'annuler la décision attaquée. En application
de l'art. 114 al. 2 OJ, la cause sera renvoyée au préposé au registre du
commerce du district d'Echallens, qui procédera à la vérification des
conditions susmentionnées et, le cas échéant, impartira un délai à la
recourante pour présenter les documents manquants.