Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 V 346



124 V 346

58. Arrêt du 2 novembre 1998 dans la cause P. contre "La Fédérale",
Caisse de santé et Tribunal administratif du canton de Berne Regeste

    Art. 31 Abs. 1, Art. 32 und 33 Abs. 2 und 5 KVG; Art. 33 lit. d KVV;
Art. 17 und 18 KLV: Zahnärztliche Behandlung zu Lasten der obligatorischen
Krankenpflegeversicherung. Die vom Eidgenössischen Departement des Innern
erlassenen Ausführungsbestimmungen zu Art. 31 Abs. 1 KVG (Art. 17 f. KLV)
weisen insoweit keine Lücke auf, als sie die Zuckerkrankheit nicht als
schwere Krankheit aufführen, die eine zahnärztliche Behandlung bedingen
kann.

Sachverhalt

    A.- P., née en 1942, est atteinte d'un diabète de type II
insulino-dépendant depuis le mois de janvier 1992. Selon son médecin
traitant, elle souffre, entre autres complications de cette maladie,
d'une inflammation chronique des gencives occasionnant un déchaussement
des dents ainsi que d'infections à répétition (rapport du 25 février 1997).

    P. est assurée contre la maladie auprès de "La Fédérale", Caisse
de santé. Le 3 avril 1997, elle a requis de cette caisse la prise en
charge d'honoraires pour soins dentaires dont le coût était estimé à
4'760 fr. 60, en faisant valoir que ce traitement était en relation avec
le diabète dont elle souffrait.

    Par lettre du 29 avril 1997, la caisse a refusé de prendre en charge
ces frais. Elle a confirmé son refus par une décision sur opposition du
10 juillet 1997.

    B.- Par jugement du 27 octobre 1997, le Tribunal administratif du
canton de Berne a rejeté le recours formé par l'assurée contre cette
décision.

    C.- P. interjette un recours de droit administratif en concluant à
l'annulation de ce jugement et à la prise en charge par la caisse des
frais dentaires litigieux.

    "La Fédérale" conclut au rejet du recours, ce que, implicitement,
propose aussi l'Office fédéral des assurances sociales.

Auszug aus den Erwägungen:

                      Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le 1er janvier 1996 est entrée en vigueur la LAMal, qui est
applicable aux traitements effectués postérieurement à cette date
(art. 103 al. 1 LAMal a contrario). C'est donc à la lumière de cette
nouvelle loi qu'il faut trancher le présent litige (voir RAMA 1998 no K
988 p. 2 consid. 1).

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 31 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins
prend en charge les coûts des soins dentaires:

    a. s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non évitable du
système de la mastication, ou

    b. s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou ses
séquelles, ou

    c. s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses
séquelles.

    Selon l'art. 33 al. 2 LAMal, il appartient au Conseil fédéral de
désigner en détail les prestations prévues à l'art. 31 al. 1 LAMal. A
l'art. 33 let. d OAMal, le Conseil fédéral, comme le permet l'art. 33
al. 5 LAMal, a délégué à son tour cette compétence au Département fédéral
de l'intérieur (DFI). Le DFI a fait usage de cette sous-délégation aux
art. 17 à 19a de l'ordonnance sur les prestations dans l'assurance
obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS;
RS 832.112.31).

    L'art. 17 OPAS (édicté en exécution de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal)
renferme une liste des maladies graves et non évitables du système de la
mastication. L'art. 18 OPAS (édicté en application de l'art. 31 al. 1 let.
b LAMal) énumère les autres maladies graves susceptibles d'occasionner des
soins dentaires; il s'agit de maladies qui ne sont pas, comme telles,
des maladies du système de la mastication, mais qui ont des effets
nuisibles sur ce dernier. Quant à l'art. 19 OPAS (édicté en exécution
de l'art. 31 al. 1 let. c LAMal), il prévoit que l'assurance prend en
charge les soins dentaires nécessaires aux traitements de certains foyers
infectieux bien définis. Enfin, l'art. 19a OPAS concerne les traitements
dentaires occasionnés par les infirmités congénitales.

Erwägung 3

    3.- a) La liste des affections de nature à nécessiter des soins
dentaires à la charge de l'assurance selon les art. 17 à 19 OPAS est
exhaustive (ATF 124 V 194 consid. 4). Cela résulte déjà de l'art. 33
al. 2 LAMal, selon lequel il appartient au Conseil fédéral de désigner
en détail les prestations visées par l'art. 31 al. 1 LAMal. En outre,
rien dans le texte des normes de délégation susmentionnées (art. 33 al. 2
LAMal, art. 33 let. d OAMal), ni d'ailleurs dans celui des dispositions
citées de l'OPAS, ne permet de dire qu'il puisse s'agir d'une liste
exemplative. Enfin, l'examen des travaux préparatoires révèle que le
législateur a voulu que soit dressé par voie d'ordonnance un catalogue
exhaustif des maladies pour lesquelles l'assurance doit prendre en
charge les traitements dentaires. Tant la commission d'experts pour la
révision de l'assurance-maladie (rapport de la commission des experts du 2
novembre 1990, p. 52 de l'édition de l'Office central fédéral des imprimés
et du matériel) que le Conseil fédéral dans son message du 6 novembre
1991 (FF 1992 I 139 sv.) ont insisté sur la nécessité d'établir un tel
catalogue. Par la suite, cet impératif a été constamment réaffirmé, en
particulier lors des délibérations de la Commission de la sécurité sociale
et de la santé publique (CSSS) du Conseil national (procès-verbal de la
séance du 1er avril 1993, p. 34 ss), puis devant le plénum du Conseil
national (BO CN 1993 p. 1843).

    b) Le diabète, de quelque type qu'il soit, ne figure pas au rang
des maladies susceptibles d'entraîner la prise en charge du coût d'un
traitement dentaire en vertu des art. 17 à 19 OPAS. En particulier, il
n'est pas mentionné dans la liste des maladies graves pouvant occasionner
des soins dentaires selon l'art. 18 OPAS.

    La recourante soutient toutefois que cette omission constitue une
lacune qu'il appartient au juge de combler.

    aa) On est en présence d'une lacune authentique lorsque le législateur
s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune
solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. On a en
revanche affaire à une lacune improprement dite lorsque la loi offre certes
une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante; il en va notamment
ainsi lorsque le rattachement d'un état de fait à une disposition légale
s'impose d'après son texte clair, mais apparaît comme une application
insoutenable de la loi d'un point de vue téléologique (ATF 122 I 255
consid. 6a, 121 III 225 sv.). D'après la jurisprudence, seule l'existence
d'une lacune authentique appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui
est en principe interdit, selon la conception traditionnelle, de corriger
les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens
réputé déterminant de la norme ne soit consécutif d'un abus de droit,
voire d'une violation de la Constitution (ATF 123 V 130 consid. 2, 121
III 226 consid. 1d/aa, 121 V 176 consid. 4d, 119 V 254 consid. 3b).

    bb) La doctrine médicale, citée dans le jugement attaqué, admet la
possibilité d'une influence négative du diabète sur l'état des gencives
(et donc sur l'état des dents). Ainsi, il a déjà été relevé que le diabète
pouvait provoquer des parodontites (PSCHYREMBEL, Klinisches Wörterbuch,
258e éd., 1998, p. 342 ad "Diabetes mellitus"; cf. aussi, pour les aspects
juridiques, GEBHARD EUGSTER, Aspects des soins dentaires selon l'art. 31
al. 1 LAMal à la lumière du droit de l'assurance-maladie [traduction
française de BEAT RAEMY] in: Revue mensuelle d'odontostomatologie,
vol. 107 [1997], p.127; voir p. 99 ss pour le texte original allemand
de cette étude, également publié dans LAMal-KVG, Recueil de travaux en
l'honneur de la Société suisse de droit des assurances, Lausanne 1997,
p. 227 ss). Cette circonstance est certainement connue des médecins (comme
en atteste le rapport du 25 février 1997 établi par le médecin traitant
de l'assurée) et plus encore, sans doute, des membres de la Commission
fédérale des prestations générales, dont la mission est de conseiller le
département pour la désignation des prestations visées à l'art. 33 OAMal
(art. 37a et 37d OAMal).

    Comme le rappellent justement les premiers juges, le législateur a
voulu assurer, dans la nouvelle loi, la prise en charge de traitements
dentaires dans les cas de maladies graves, à l'exclusion des caries et des
traitements de la parodontite, considérés comme des affections évitables,
en grande partie tout au moins, par une hygiène buccale irréprochable
(BO 1992 CE 1302; BO 1993 CN 1843). Or, le critère du caractère évitable
de l'affection joue un rôle non seulement dans le cas des art. 31 al. 1
let. a LAMal et 17 OPAS, mais aussi quand il s'agit pour le DFI de
décider de la prise en charge d'un traitement consécutif à une maladie
en application des art. 31 al. 1 let. b LAMal et 18 OPAS (EUGSTER,
loc.cit., p. 119). Dès lors, on peut supposer que le DFI, en n'incluant
pas le diabète parmi les maladies graves susceptibles d'occasionner des
soins dentaires, a considéré, dans le strict prolongement de la volonté
exprimée par le législateur, que les affections dentaires secondaires au
diabète pouvaient être évitées par des mesures d'hygiène buccale.

    Ces éléments permettent de conclure à l'existence d'un silence
qualifié du législateur (en l'occurrence le DFI) et non pas d'une lacune
authentique de l'ordonnance qu'il appartient au juge de combler. Le moyen
soulevé n'est dès lors pas fondé.

Erwägung 4

    4.- Indépendamment du comblement de lacunes, les dispositions adoptées
par le DFI n'échappent pas au contrôle du juge, sous l'angle de leur
légalité et de leur constitutionnalité. Lorsqu'il se prononce sur une
ordonnance du Conseil fédéral fondée sur une délégation du Parlement
(ou sur une ordonnance d'un département fédéral en cas de sous-délégation
du Conseil fédéral), le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre
de la délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité
exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi
ou à la Constitution. Dans l'examen auquel il procède, le juge ne doit
toutefois pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité
dont émane la réglementation en cause (ATF 124 II 245 consid. 3, 124 V
15 consid. 2a, 123 II 44 consid. 2b, 476 consid. 4a).

    Dans le cadre de ce contrôle, le Tribunal fédéral des assurances
est en principe habilité à examiner, par exemple, si c'est à tort qu'une
maladie n'a pas été mentionnée à l'art. 18 OPAS. Néanmoins, il s'impose une
grande retenue dans cet examen. En effet, l'ordonnance, souvent révisée,
peut être corrigée à bref délai par le DFI. En outre, comme on l'a vu,
le catalogue des maladies repose sur une consultation préalable de la
Commission fédérale des prestations générales. Le Tribunal fédéral des
assurances, pour sa part, ne dispose pas des connaissances nécessaires pour
se faire une opinion sur la question sans recourir à l'avis d'experts. Or,
sous l'angle médical, les avis de la commission sont propres à assurer
au contenu de la liste une certaine homogénéité, qui ne serait donc plus
garantie en cas de complètement de cette liste par le juge (ATF 124 V
195 consid. 6).

    En l'espèce, quelles que soient les raisons qui ont poussé les auteurs
de l'ordonnance à ne pas inclure le diabète parmi les maladies graves
susceptibles d'occasionner des soins dentaires, on ne voit pas que cette
solution sorte du cadre de la délégation du législateur ou soit contraire
à l'art. 4 Cst. Le caractère évitable de la parodontite peut déjà, à lui
seul, justifier cette exclusion de la liste.

    Partant, le recours est mal fondé.