Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 I 327



124 I 327

40. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 22 octobre 1998
dans la cause Michailov contre Chambre d'accusation du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV und Art. 6 Ziff. 2 EMRK, Unschuldsvermutung; kassatorische
Natur der staatsrechtlichen Beschwerde; Beachtung der Verpflichtungen
aus der EMRK.

    In Anbetracht der aus Art. 4 BV und Art. 6 Ziff. 2 EMRK
fliessenden Unschuldsvermutung darf die Behörde die Aufrechterhaltung
der Untersuchungshaft nicht mit dem Hinweis auf die Strafe begründen,
welche gegenüber dem Betroffenen ausgesprochen wird (E. 3).

    Kassatorische Natur der staatsrechtlichen Beschwerde und Ausnahmen
davon (E. 4a-4c); Formulierung des Dispositivs, wenn das Bundesgericht
eine Beschwerde abweist, indessen feststellt, dass der angefochtene
Entscheid die Unschuldsvermutung verletzt (E. 4d).

    Die Feststellung der Verletzung von Art. 4 BV und Art. 6 Ziff. 2 EMRK
nicht im Dispositiv, sondern in den Erwägungen ist mit der Konvention
(Art. 1, 19 und 53 EMRK) vereinbar, da den Staaten bei der Umsetzung der
internationalen Verpflichtungen ein weiter Spielraum zusteht (E. 4d/bb).

Sachverhalt

    A.- Le 17 octobre 1996, le Juge d'instruction du canton de Genève
a inculpé Sergueï Anatolevitch Michailov, ressortissant russe né en
1958, de participation à une organisation criminelle (art. 260ter CP)
et de blanchissage d'argent (art. 305bis CP). Michailov a été placé
immédiatement en détention préventive. Le 22 octobre 1996, l'inculpation
a été étendue aux chefs de violation des art. 28 de la loi fédérale
sur l'acquisition d'immeubles par des étrangers (LFAIE; RS 211.412.41)
et 23 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE;RS 142.20). Michailov était soupçonné d'avoir transféré en Suisse
des fonds provenant de diverses activités illicites exercées en qualité
de dirigeant de l'organisation criminelle russe connue sous le nom de
"Solntsevskaya". Il était aussi reproché à Michailov d'avoir éludé le
régime d'autorisation régi par la LFAIE et d'avoir séjourné plus de trois
mois en Suisse sans autorisation valable.

    Le 20 août 1997, le Juge d'instruction a inculpé Michailov de faux
dans les titres au sens de l'art. 251 CP.

    Le 17 mars 1998, le Juge d'instruction a inculpé l'un des défenseurs de
Michailov, Me I., de soutien à une organisation criminelle (art. 260ter
CP) et d'entrave à l'action pénale (art. 305 CP). Il est reproché à
I. d'avoir servi d'intermédiaire entre Michailov et son complice K.,
lui-même en relation avec la famille de Michailov et des correspondants
en Russie, en Autriche, en Hongrie et en Israël, soit les dénommés A.,
P., Z., R. et T. I. aurait acheminé clandestinement une cinquantaine
de messages de Michailov à ses comparses, permettant ainsi au détenu de
continuer à diriger son organisation depuis sa cellule et de fausser les
éléments de preuve recueillis au cours de l'enquête.

    Le 26 mai 1998, le Juge d'instruction a inculpé Michailov d'un nouveau
chef de participation à une organisation criminelle (art. 260ter CP),
à raison des faits ayant conduit à l'inculpation d'I.

    Par ordonnance du 1er septembre 1998, la Chambre d'accusation a
autorisé la prolongation de la détention provisoire de Michailov jusqu'au
1er décembre 1998. Se référant à ses ordonnances des 3 mars et 2 juin
1998, ainsi qu'à la requête du Procureur général dont elle a fait siens
les motifs, la Chambre d'accusation a considéré que les faits mis à la
charge du prévenu seraient graves et qu'il existerait un risque concret
de récidive, de fuite et de collusion. Au sujet de la proportionnalité,
la Chambre d'accusation a dit ceci:

    "Que cette dernière [i.e. la durée de la détention] n'est à ce jour pas
   disproportionnée vu la gravité et la nature des infractions
   retenues notamment de faux dans les titres et de participation à
   une organisation criminelle, ainsi que la peine qui sera infligée à
   l'inculpé, compte tenu en plus des faits nouveaux qui ont débouchés
   (sic) sur l'arrestation de son ancien avocat (...)".

    Agissant le 24 septembre 1998 par la voie du recours de droit public,
Sergueï Anatolevitch Michailov demande principalement au Tribunal fédéral
d'annuler l'ordonnance du 1er septembre 1998 et d'ordonner sa libération
immédiate. A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à la
Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants. Il
invoque les art. 4 Cst. et 4 Cst. gen., ainsi que les art. 5 et 6 CEDH.

    Le 9 octobre 1998, la Chambre d'accusation a renvoyé Michailov devant
la Cour correctionnelle du canton de Genève pour être jugé de faux dans
les titres et de participation à une organisation criminelle au sens des
art. 251 et 260ter CP, ainsi que d'infraction à l'art. 28 LFAIE. L'audience
de la Cour correctionnelle est fixée au 30 novembre 1998.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    (1.- Exceptionnellement, les griefs matériels soulevés dans le recours
doivent être examinés avant les griefs formels).

    (2.- En l'espèce, le maintien de la détention préventive du recourant
ne viole ni la liberté personnelle, ni l'art. 5 CEDH).

Erwägung 3

    3.- D'un point de vue formel, le recourant reproche à la Chambre
d'accusation d'avoir préjugé sa condamnation. Il y voit une violation de
l'art. 6 par. 1 CEDH, conférant à l'accusé notamment le droit de voir
sa cause entendue par un tribunal indépendant et impartial, ainsi que
des art. 4 Cst., 4 Cst. gen. et 6 par. 2 CEDH consacrant la présomption
d'innocence. Pour les raisons évoquées ci-dessus (consid. 1), ce grief
sera examiné nonobstant le rejet du recours au fond.

    a) Dans le système de la Convention européenne des droits de l'homme,
la procédure de contrôle de la détention préventive est régie par l'art. 5
par. 4 CEDH, à teneur duquel toute personne privée de sa liberté par
arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un
tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et
ordonne sa libération si la détention est illégale. Le contrôle judiciaire
de la détention selon l'art. 5 par. 4 CEDH ne doit pas nécessairement
offrir les mêmes garanties formelles que celles de l'art. 6 par. 1 CEDH
régissant la procédure devant l'autorité de jugement; de portée autonome,
l'art. 5 par. 4 CEDH doit cependant respecter les garanties fondamentales
de la procédure découlant notamment du droit d'être entendu et de l'égalité
des armes (ATF 115 Ia 293 consid. 4 p. 299-302; 114 Ia 182 consid. 3b et c
p. 185-188, et les nombreuses références citées; cf. aussi les arrêts non
publié S. du 14 mars 1994 consid. 4d et C. du 4 mars 1982, reproduit in:
SJ 1982 p. 545; arrêt de la Cour européenne du 13 juillet 1995 dans la
cause Kampanis c. Grèce, Série A, vol. 318 B, par. 47; JACQUES VELU/RUSEN
ERGEC, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles, 1990,
no346; JOCHEN A. FROWEIN/WOLFGANG PEUKERT, EMRK-Kommentar, 2ème éd., Kehl,
Strasbourg, Arlington, 1996, N.143 ad art. 5; MARK E. VILLIGER, Handbuch
der Europäischen Menschenrechtskonvention, Zurich, 1993, N. 368/369). Tel
qu'il est formulé, le grief de violation de l'art. 6 par. 1 CEDH n'a pas
de portée propre dans ce contexte.

    b) Selon la jurisprudence, l'art. 6 par. 2 CEDH, consacrant la
présomption d'innocence, n'interdit pas seulement à l'autorité de
prononcer un verdict de condamnation lorsque la culpabilité de l'accusé
ne repose pas sur une appréciation objective des preuves recueillies
(ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Cette
disposition est aussi violée lorsque l'autorité de jugement - ou toute
autre autorité ayant à connaître de l'affaire à un titre quelconque -
désigne une personne comme coupable d'un délit, sans réserve et sans
nuance, incitant ainsi l'opinion publique à tenir la culpabilité pour
acquise et préjugeant de l'appréciation des faits par l'autorité appelée
à statuer au fond (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du
10 février 1995 dans la cause Allenet de Ribemont c. France, Série A,
vol. 308, par. 35-41; cf. aussi la décision rendue par la Commission
européenne des droits de l'homme dans l'affaire Petra Krause c. Suisse,
reproduite in: JAAC 1983 161 p. 538-541 et relatée par VILLIGER, op.cit.,
N. 490). Plus spécifiquement, la présomption d'innocence est méconnue
si, sans établissement légal préalable de la culpabilité du prévenu et,
notamment, sans que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer ses droits de
défense, une décision judiciaire le concernant "reflète le sentiment qu'il
est coupable", et cela "même en l'absence de constat formel" (arrêt de
la Cour européenne des droits de l'homme du 25 mars 1983 dans la cause
Minelli c. Suisse, Série A, vol. 62, par. 37). Dans son appréciation,
le juge chargé du contrôle de la légalité de la détention peut sans doute
prendre en compte le critère de la peine dont serait menacé l'inculpé en
cas de verdict de culpabilité, mais il doit user à cet égard d'une réserve
particulière. Il doit notamment veiller à ne pas maintenir la détention au
motif qu'il tiendrait l'accusé pour coupable; tout au plus peut-il faire
état de soupçons étayés à ce sujet (arrêt du 18 avril 1997 concernant le
recourant consid. 4; cf. FROWEIN/PEUKERT, op.cit., N. 162 ad art. 6). La
protection qu'accordent à l'accusé les art. 4 Cst. et 4 Cst. gen. ne vont
pas, sur ce point, au-delà de celle conférée par l'art. 6 par. 2 CEDH.

    c) L'ordonnance attaquée évoque comme motif du maintien de la détention
"la peine qui sera infligée" au recourant. Cette appréciation lapidaire
viole l'art. 6 par. 2 CEDH. Dans sa réponse du 30 septembre 1998, la
Chambre d'accusation indique toutefois que l'omission d'un mot dans ce
passage de sa décision en altérerait le sens: il conviendrait de lire "la
peine qui sera vraisemblablement infligée". Cette correction, apportée dans
le cadre de la présente procédure, n'est pas de nature à supprimer le vice
originel dont est affectée la décision attaquée, car elle ne dissipe pas
le sentiment que l'autorité cantonale a décidé comme elle l'a fait parce
qu'elle tenait la culpabilité du recourant pour acquise. La formulation
malheureuse et imprudente de la décision attaquée sur ce point constitue
pour elle-même une violation de l'art. 6 par. 2 CEDH, commise au détriment
du recourant. Ce défaut n'entraîne pas pour autant l'admission du recours,
ni l'annulation de l'ordonnance attaquée, ni la libération immédiate
du recourant, le maintien de la détention préventive du recourant étant
compatible avec les exigences de la liberté personnelle et de l'art. 5
CEDH (consid. 2 ci-dessus). Il reste à déterminer si et de quelle façon
ce constat de violation doit être reflété dans le dispositif de l'arrêt.

Erwägung 4

    4.- a) Selon la formule évoquée pour la première fois, comme telle,
dans l'arrêt Fröbel et consorts du 10 mars 1904 (ATF 30 I 59 consid. 1
p. 64/65), la fonction du recours de droit public est purement cassatoire
(on évoque aussi à ce propos la nature, l'effet ou le caractère cassatoire
du recours de droit public). Ce principe - déduit de l'art. 175 al. 3
OJ dans sa teneur du 22 mars 1893, devenu depuis lors l'art. 90 al. 1
let. b OJ -, a pour conséquence qu'en cas d'admission du recours,
le dispositif de l'arrêt du Tribunal fédéral se borne à indiquer que
la décision cantonale est annulée, en tout ou partie. A contrario, le
Tribunal fédéral ne confirme ni ne réforme la décision attaquée.

    Cette règle a pour conséquence que sont seules recevables, à l'appui
du recours de droit public, les conclusions tendant à l'annulation
de la décision attaquée; les conclusions allant en-deçà ou au-delà de
l'annulation, ou tendant à autre chose que l'annulation, sont irrecevables
selon une jurisprudence constante depuis 1904 (cf. en dernier lieu ATF 124
I 231 consid. 1d p. 234/235; 123 I 87 consid. 5 p. 96; 122 I 120 consid. 2a
p. 323; 121 I 326 consid. 1b p. 328; 120 Ia 220 consid. 2b p. 222; 119
Ia 28 consid. 1 p. 30; 118 Ia 64 consid. 1e p. 68, et les arrêts cités;
sur l'historique de cette jurisprudence, cf. PHILIPPE GERBER, La nature
cassatoire du recours de droit public, thèse Genève, 1997, p. 43-58).
   b) La jurisprudence a apporté à ces règles un certain nombre de
   tempéraments.

    aa) Lorsqu'il admet un recours de droit public et annule la décision
attaquée, le Tribunal fédéral peut aller au-delà de la cassation lorsque
la seule annulation de la décision attaquée ne suffit pas à rétablir
une situation conforme à la Constitution et qu'une mesure positive
est nécessaire (cf. GERBER, op.cit., p. 187ss). Ainsi, par exemple,
le Tribunal fédéral peut lever la détention préventive (ATF 115 Ia 293
consid. 1a p. 297; 107 Ia 256 consid. 1 p. 257; 105 Ia 26 consid. 1 p. 29
et les arrêts cités), décider de la mainlevée à l'exécution d'un jugement
condamnatoire rendu par un tribunal étranger (ATF 116 II 625 consid. 2
p. 627; 102 Ia 406 consid. 1c p. 409; 101 Ia 154 consid. 4 p. 160, et
les arrêts cités) ou désigner lui-même le tribunal compétent au regard
de l'art. 59 Cst. (ATF 101 Ia 141 consid. 4 p. 147; 93 I 323 consid. 2
p. 326; 91 I 11 consid. 1 p. 13 et les arrêts cités).

    bb) Le Tribunal fédéral peut aussi déroger à l'effet cassatoire du
recours de droit public en donnant des injonctions à l'autorité intimée
en vue du rétablissement d'une situation conforme à la Constitution. Il
peut ainsi lui enjoindre de statuer sans délai (ATF 117 Ia 336 consid. 1b
p. 338 et les arrêts cités), d'ordonner une mesure d'exécution forcée
(ATF 119 Ia 28 consid. 1 p. 30), de délivrer une autorisation de police
refusée à tort (ATF 115 Ia 134 consid. 2c p. 137/138; ATF 114 Ia 209
consid. 1b p. 212, et les arrêts cités), de mettre à la disposition du
recourant une autorité judiciaire au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF
120 Ia 19 consid. 5 p. 31; 119 Ia 88 consid. 7 p. 98) ou de convoquer
les électeurs (arrêt non publié F. du 4 novembre 1998).

    cc) Le Tribunal fédéral peut aussi, dans son arrêt, délimiter les
compétences fiscales cantonales ou ordonner la restitution d'impôts perçus
en violation de l'interdiction constitutionnelle de la double imposition
(ATF 111 Ia 44 consid. 1c p. 47 et les arrêts cités).

    Dans ces cas exceptionnels, les conclusions allant au-delà de
l'annulation de la décision attaquée sont recevables.

    c) aa) Il est aussi arrivé au Tribunal fédéral, dans le dispositif d'un
arrêt statuant sur un recours de droit public, de constater l'existence
d'un droit en faveur des recourants (ATF 116 Ia 359, 382) et de délimiter,
sous la forme d'un constat, l'étendue de ce droit (ATF 104 Ia 79, 87), la
portée de la norme attaquée et la façon dont il convenait de l'appliquer
(ATF 55 I 228, 242). Ces arrêts - rares - constituent de véritables
décisions constatatoires au sens de l'art. 25 PA (GERBER, op.cit.,
p. 277-290). Ils se distinguent en cela d'autres espèces dans lesquelles
le Tribunal fédéral a indiqué, dans les considérants de son arrêt, que la
décision attaquée n'était pas conforme au droit supérieur (cf. par exemple
en dernier lieu ATF 124 I 193 consid. 5c p. 201/202). Ainsi, dans l'ATF
114 Ia 88, le Tribunal fédéral, après avoir dit que la mesure de détention
préventive contestée ne heurtait pas la liberté personnelle, a relevé,
dans les considérants de l'arrêt, que la procédure suivie avait méconnu
l'art. 5 par. 4 CEDH prescrivant au juge de la détention de statuer à
bref délai. Le dispositif de l'arrêt, prononçant l'admission partielle
du recours au sens des considérants, reflète implicitement ce constat de
violation de la Convention (ATF 114 Ia 88 consid. 5d p. 92/93).

    bb) La pratique n'est toutefois pas constante: à d'autres occasions,
le Tribunal fédéral a constaté expressément, dans le dispositif de l'arrêt,
que la procédure cantonale n'avait pas respecté les prescriptions formelles
fixées par le droit constitutionnel non écrit et l'art. 5 CEDH (cf. par
exemple en dernier lieu l'arrêt M. du 17 août 1998).

    cc) En dehors du droit de procédure, il convient encore de mentionner
qu'en matière de droit économique, le législateur a récemment introduit,
dans la loi fédérale sur le marché intérieur, du 6 octobre 1995 (LMI;
RS 943.02), entrée en vigueur sur ce point le 1er juillet 1998, une
disposition, l'art. 9 al. 3, qui prévoit que le Tribunal fédéral, saisi
d'un recours de droit public relatif à une restriction à la liberté
d'accès au marché, spécialement en matière de marchés publics, peut dans
certaines circonstances être amené à constater dans quelle mesure la
décision contestée viole le droit fédéral.

    d) La présomption d'innocence découlant des art. 4 Cst. et 6 par. 2
CEDH, en tant qu'elle proscrit tout préjugé défavorable à l'accusé avant le
prononcé du jugement (consid. 3b ci-dessus), impose à l'autorité à la fois
une obligation de résultat et une obligation de comportement. Lorsque la
première est violée, l'innocent condamné à tort doit être acquitté. Lorsque
la seconde est violée sans toutefois que la décision ne doive être annulée
au fond, comme c'est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral doit examiner
la forme que doit prendre le dispositif de l'arrêt.

    aa) Au regard du droit de procédure national, ni une admission
partielle du recours, ni un rejet partiel au sens des considérants
n'entrent en ligne de compte, car le vice affectant la décision attaquée
est irrémédiable. Il en découle que le recours de droit public doit être
intégralement rejeté.

    bb) Au regard du droit européen, il est également décisif et suffisant
que le considérant 3 du présent arrêt indique clairement que la motivation
de la décision attaquée est incompatible avec la présomption d'innocence
(cf. ATF 124 I 231 consid. 1d p. 235). En effet, d'une part, ce constat
représente pour le recourant une réparation suffisante du défaut affectant
la procédure cantonale (dans le même sens: ATF 124 I 274, consid. 3b, et
les références citées; arrêt Minelli, précité, par. 44). D'autre part -
et surtout - un tel constat formel, contenu dans la motivation de l'arrêt
à défaut de son dispositif, est compatible avec ce que la Cour européenne
des droits de l'homme désigne comme "la liberté de choix reconnue à
l'Etat quant aux moyens de s'acquitter de son obligation" au titre de
l'art. 53 CEDH (cf. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
Vermeire c. Belgique du 29 novembre 1991, Série A, vol. 214-C, par. 26;
sur l'autorité dite de la "chose interprétée" des arrêts de la Cour pour
les Etats qui ne sont pas parties au litige, déduite des art. 1er et 19
CEDH, cf. VELU/ERGEC, op.cit., no1211ss; JOHAN CALLEWAERT, Commentaire de
l'art. 53, in: LOUIS-EDMOND PETTITI/EMMANUEL DECAUX/PIERRE-HENRI IMBERT,
La Convention européenne des droits de l'homme, Paris, 1995, p. 847-856,
spécialement p. 855/856; ANDREW DRZEMCZEWSKI, L'exécution des décisions
dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme, in: La
protection des droits de l'homme et l'évolution du droit international,
Paris, 1998, p. 215-270, spécialement p. 251/252, no132-135). Il
suffit à cet égard de considérer que l'absence de constat de violation
de l'art. 6 par. 2 CEDH dans le dispositif de l'arrêt ne cause aucun
préjudice au recourant, dont le droit ne se trouve pas atteint dans sa
substance même de ce fait (cf. arrêt de la Cour européenne des droits
de l'homme Ashingdane c. Royaume-Uni du 28 mai 1985, Série A, vol. 93,
par. 57). Quant à la procédure du recours de droit public, telle qu'elle
est régie par l'OJ, elle relève de l'autonomie procédurale reconnue
aux Etats par le droit européen, qui leur confère dans ce domaine une
"grande liberté dans le choix des moyens propres à permettre à leur système
judiciaire de répondre aux exigences de la Convention", l'essentiel étant
"que les ressources offertes par le droit interne se révèlent effectives",
ce qui est le cas en l'espèce (arrêt de la Cour européenne des droits de
l'homme Colozza et Rubinat c. Italie du 12 février 1985, Série A, vol. 89,
par. 30; voir aussi, dans le contexte communautaire, mutatis mutandis,
CJCE arrêt Magorrian et Cunningham du 11 décembre 1997, aff. C-246/96,
Rec.1997, p. I-7153ss, 7186, par. 37 et la jurisprudence citée).

    Il se justifie enfin de tenir compte de l'issue de la cause dans le
règlement des frais et de réduire en proportion le montant de l'émolument
mis à la charge du recourant.