Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 I 297



124 I 297

36. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 26 août 1998 dans la cause
Luc Meylan, Jean-Marc Terrier, Gérard L'Héritier, Gérard Bosshart,
Marc-André Nardin et Patrick Frunz contre Grand Conseil du canton de
Neuchâtel (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV: Alterslimite für die Ausübung des Notariats.

    Urkundspersonen können sich nicht auf die Handels- und Gewerbefreiheit
berufen (E. 3a).

    Darstellung der Funktion eines Notars (E. 4a), insbesondere im Kanton
Neuenburg, der das System des freien Notariats kennt (E. 4b). Art. 62
des neuenburgischen Gesetzes über das Notariat, der die Funktion des
Notars als Urkundsperson einer Alterslimite von 70 Jahren unterstellt,
verletzt weder das Willkürverbot noch das Gleichbehandlungsgebot (E. 4c).

Sachverhalt

    A.- Le 26 août 1996, le Grand Conseil du canton de Neuchâtel a adopté
une nouvelle loi sur le notariat (LN) qui, notamment, introduit à son
art. 62 la limite d'âge suivante:

    "1Le notaire perd sa qualité d'officier public dès l'âge de 70 ans
   révolus.

    2Il conserve néanmoins son titre et son brevet."

    En conséquence, s'agissant de la perte du caractère d'acte authentique
d'un acte notarié, l'art. 76 lettre a LN prévoit:

    "L'acte notarié n'a pas le caractère d'un acte authentique, notamment:

    a) si le notaire se trouve dans un cas d'inhabilité, s'il est
atteint par
   la limite d'âge ou si les conditions requises pour instrumenter dans
   l'espace ne sont pas remplies."

    A titre de disposition transitoire, l'art. 101 LN dispose toutefois:

    "Ne sont pas visés par la limite d'âge prévue à l'article 62, les
   notaires qui, à l'entrée en vigueur de la présente loi, ont déjà
   atteint l'âge de 65 ans."

    La nouvelle loi sur le notariat a été publiée dans la Feuille
officielle du canton de Neuchâtel le 6 septembre 1996 et est entrée en
vigueur le 1er janvier 1998, après l'expiration du délai référendaire.

    B.- Agissant le 7 octobre 1996, puis le 7 janvier 1998 par la voie du
recours de droit public, Luc Meylan, Jean-Marc Terrier, Gérard L'Héritier,
Gérard Bosshart, Marc-André Nardin et Patrick Frunz, tous notaires
établis dans le canton de Neuchâtel, ont demandé au Tribunal fédéral
d'annuler l'art. 62 de la loi du 26 août 1996 sur le notariat ainsi que,
en conséquence, l'art. 76 lettre a, mots 11 à 19 («s'il est atteint par
la limite d'âge») et l'art. 101 de ladite loi. Ils se prévalaient à cet
égard des principes de l'égalité de traitement et de l'interdiction de
l'arbitraire (art. 4 Cst.).

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) Les recourants renoncent à invoquer la liberté du commerce et
de l'industrie, si ce n'est par analogie, considérant à juste titre que
celle-ci ne s'applique pas aux officiers publics (ATF 103 Ia 394 consid. 2c
p. 401; 73 I 366 consid. 2 p. 371; RDAT 1997 II 10 14, consid. 3f; question
laissée indécise in SJ 1990 97 consid. 5a et ZBGR 75 1994 239 consid. 3).

    En revanche, les recourants se plaignent d'une violation des principes
de l'égalité de traitement et de l'interdiction de l'arbitraire. Ils
reprochent aux dispositions litigieuses, d'une part, de mettre sur le
même pied l'ensemble des personnes du troisième âge en instituant une
limite d'âge unique alors que le maintien des aptitudes diffère selon
les individus, et, d'autre part, d'appliquer aux notaires le système
prévalant pour les fonctionnaires, alors que les premiers exercent,
contrairement aux seconds, une profession libérale et indépendante. De
plus, les recourants soutiennent que la mesure attaquée est arbitraire
au sens où elle ne respecte pas le principe de la proportionnalité.

    Par ailleurs, les recourants ne remettent véritablement en cause
que la limite d'âge introduite par l'art. 62 LN. Ils ne contestent pas,
en eux-mêmes, les art. 76 lettre a et 101 LN, de sorte que ceux-ci n'ont
pas à être examinés indépendamment de l'art. 62 LN.

    b) Selon la jurisprudence, un arrêté de portée générale est arbitraire
lorsqu'il ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni sens
ni but. Il est contraire au principe de l'égalité de traitement lorsqu'il
établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif
raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il
omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances,
c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière
identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente;
cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se
rapporte à une situation de fait importante (ATF 123 I 241 consid. 2b
p. 243; 123 II 16 consid. 6a p. 26; 122 I 305 consid. 6a p. 313 et
la jurisprudence citée). La question de savoir s'il existe un motif
raisonnable pour une distinction peut recevoir des réponses différentes
suivant les époques et les idées dominantes. Il convient de respecter
en cette matière le pouvoir d'appréciation qui appartient à l'autorité
compétente, spécialement lorsqu'il s'agit de questions d'organisation et
de rémunération (ATF 121 I 49 consid. 3b p. 51, 102 consid. 4a p. 104;
ZBl 98 1997 210 consid. 2 p. 211 ss).

Erwägung 4

    4.- a) Les modalités de la forme authentique relèvent du droit
cantonal (art. 55 al. 1 tit. fin. CC), mais la notion de forme authentique
appartient au droit fédéral. En ce sens, les dispositions cantonales
doivent non seulement respecter les limites tracées par le droit fédéral,
mais encore satisfaire à certaines exigences minimales dictées par
la finalité de l'institution selon le droit matériel (ATF 106 II 146
consid. 1 p. 147; CHRISTIAN BRÜCKNER, Schweizerisches Beurkundungsrecht,
Zurich 1993, p. 3-8). Toutefois, le droit fédéral donne aux cantons
la compétence de désigner les personnes aptes à instrumenter les actes
authentiques, soit de fixer le statut du notaire et le cadre de l'exercice
du notariat. En particulier, le canton peut choisir entre le notariat
libre et le notariat fonctionnarisé, l'instrumentation restant dans les
deux cas une fonction officielle (ATF 73 I 366 consid. 2 p. 371/372).

    En tant que détenteurs du pouvoir d'instrumentation, les notaires
sont des organes de la juridiction gracieuse et remplissent ainsi une
activité étatique (ATF 73 I 366 consid. 2 p. 371; ALFRED SANTSCHI, Die
Berufspflichten des bernischen Notars, Winterthour 1959, p. 7; RUDOLF
ULRICH, Die Organisation des solothurnischen Notariates, Winterthour 1966,
p. 5; LOUIS CARLEN, Notariatsrecht der Schweiz, Zurich 1976, p. 36). Dans
les cantons où le notariat est une profession libre - par opposition au
système des notaires fonctionnaires -, la personne choisie par le canton
pour revêtir les fonctions de notaire ne bénéficie pas, en principe,
d'une autorisation ordinaire comparable au brevet d'avocat dont l'octroi
est obligatoire lorsque certaines conditions sont remplies; plutôt que de
simplement lever une interdiction générale, le brevet de notaire confère
à son destinataire un droit dont l'Etat est seul titulaire. En obtenant
le pouvoir d'instrumenter, le particulier acquiert la qualité d'officier
public. Qu'il soit alors considéré comme un concessionnaire (HANS MARTI,
Notariatsprozess, Berne 1989, p. 56; le même, Das freiberufliche Notariat,
in: Le notaire bernois 39, 1978 p. 449 ss, spéc. p. 452) ou comme un
simple délégataire de l'Etat (BLAISE KNAPP, Précis de droit administratif,
Bâle 1991, no 2734), cette position d'officier public, détenteur d'une
parcelle du pouvoir étatique, le place dans un rapport de droit public
spécial. Cela le soumet notamment à une série d'incompatibilités visant
à garantir la qualité du service qu'il accepte d'assurer; étant cependant
indépendant de l'Etat, il agit non seulement en son nom, mais aussi pour
son compte, à ses profits et à ses risques (RDAT 1997 II 10 14 consid. 3b;
SJ 1990 p. 97 ss consid. 2, voir aussi ATF 94 I 213 consid. 3 p. 217).

    b) Le canton de Neuchâtel a adopté le système du notariat libre et
l'a réglementé de la façon suivante:

    Le notaire est un officier public soumis à la surveillance de l'Etat
(art. 1 al. 1 LN), qui exerce toutefois une profession libérale, de
manière indépendante et sous sa propre responsabilité (art. 1 al. 2
LN). Le brevet n'est octroyé qu'à celui qui est de nationalité suisse,
a l'exercice des droits civils, est licencié en droit d'une université
suisse ou porteur d'un titre jugé équivalent, a accompli le stage légal
et réussi l'examen, et présente des garanties suffisantes de solvabilité,
de probité et de moralité (art. 7 LN). Le Conseil d'Etat exerce la haute
surveillance sur les notaires qui pratiquent dans le canton (art. 17 al. 1
LN). Le Conseil notarial veille à ce que les notaires remplissent leurs
devoirs professionnels et ne compromettent pas la réputation du notariat;
sa surveillance concerne aussi bien la manière de traiter les affaires que
l'exercice technique de la fonction (art. 20 LN). Enfin, la Commission
de surveillance du notariat est l'autorité disciplinaire (art. 24 ss LN)
et peut en outre, indépendamment de toute responsabilité disciplinaire,
retirer le brevet de notaire de celui qui ne remplit plus les conditions
de son octroi (art. 27 LN).

    Ainsi, comme les membres des autres professions libérales, le notaire
établi dans le canton de Neuchâtel exerce de manière indépendante
et sous sa propre responsabilité, jouit d'une confiance particulière
du public et est soumis à l'autorisation ainsi qu'à la surveillance
de l'Etat. Toutefois, contrairement, par exemple, aux avocats et aux
médecins, le notaire est un officier public, investi d'une parcelle de
la puissance publique et, à ce titre, représentant de l'Etat, partant,
subordonné à des exigences rigoureuses d'aptitudes, de moralité et de
probité. Dans ces conditions, il se justifie en principe de comparer sa
situation à celle des autres agents publics plus qu'à celle des membres
d'autres professions libérales. Du reste, considérant précisément que,
contrairement aux avocats, les notaires sont des officiers publics, le
canton de Neuchâtel a limité l'accès au notariat aux citoyens suisses,
alors qu'il a ouvert l'exercice du barreau aux étrangers titulaires d'un
permis d'établissement (Rapport du 15 mai 1996 du Conseil d'Etat au Grand
Conseil à l'appui d'un projet de loi sur le notariat, p. 6; art. 22 al. 1
lettre a de la loi du 26 mars 1986 sur la profession d'avocat).

    c) Avec le temps, les facultés intellectuelles, physiques ou mentales,
de même que l'aptitude à s'adapter aux conditions nouvelles ainsi qu'à
l'évolution des connaissances et de la technique, sont susceptibles de
s'altérer. A partir d'un certain âge, le risque existe que ces capacités
soient diminuées au point de ne plus être compatibles avec la sécurité que
doit assurer l'acte authentique ni, plus généralement, avec la confiance
dont le notaire jouit, de sorte que celui-ci n'est plus en mesure d'exercer
sa fonction d'officier public de manière parfaitement irréprochable.

    Pour remédier à ce risque, plusieurs systèmes sont concevables. On
peut opter pour une méthode subjective, consistant à examiner de cas
en cas, périodiquement à partir d'un certain âge, si les intéressés
peuvent continuer à exercer leur charge, ou choisir une méthode objective,
consistant à appliquer à tous une limite unique. Il est également possible
de laisser les organes de surveillance des notaires décider librement
de retirer le brevet de ceux qui ne sont plus aptes à remplir leur
fonction. En revanche, la solution fondée sur l'idée que le notaire qui ne
dispose plus des capacités nécessaires en raison de son âge voit fatalement
sa clientèle diminuer, ce qui conduirait à un contrôle automatique des
membres les plus âgés de la profession, ne peut être admise, car l'Etat
ne saurait prendre le risque que les citoyens réalisent tardivement,
à leurs dépens, l'inaptitude du notaire choisi.

    aa) Dans le canton de Neuchâtel, comme ailleurs en Suisse, les
fonctionnaires, magistrats et autres membres d'autorités sont assez
généralement soumis au système objectif susdécrit. La limite d'âge est
fixée très souvent en fonction de l'âge de la retraite au sens de l'art. 21
de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre
1946 (LAVS; RS 831.10), certaines catégories ne devant toutefois cesser
leur activité qu'à l'âge de 70 ans (pour les membres de l'exécutif et du
législatif, cf. infra).

    En effet, les fonctionnaires neuchâtelois doivent cesser leur activité
lorsqu'ils arrivent à l'âge fixé par la loi sur l'assurance-vieillesse
et survivants pour l'ouverture du droit à une rente de vieillesse
simple (art. 38 de la loi du 28 juin 1995 sur le statut de la fonction
publique). Il en va de même des magistrats du pouvoir judiciaire et de
leurs suppléants, les fonctions des jurés cantonaux et des assesseurs de
l'autorité tutélaire ne prenant toutefois fin que lorsqu'ils atteignent
l'âge de 70 ans (art. 25 al. 4 de la loi du 27 juin 1979 d'organisation
judiciaire neuchâteloise). Enfin, les fonctions des présidents, des
membres et des secrétaires des commissions cantonales administratives,
consultatives, d'examens ou d'experts expirent lorsque les intéressés
sont âgés de 70 ans (art. 1er de l'arrêté du Conseil d'Etat du 18 mai
1973 concernant les membres des commissions cantonales administratives,
consultatives, d'examens ou d'experts).

    Au plan fédéral, les rapports de service prennent fin au plus tard à
65 ans révolus (art. 57 al. 1bis de la loi fédérale du 30 juin 1927 sur
le statut des fonctionnaires; RS 172.221.10), même pour les membres des
commissions fédérales de recours et d'arbitrage, lorsqu'ils exercent à
plein temps (art. 8 al. 2 de l'ordonnance concernant l'organisation et la
procédure des commissions fédérales de recours et d'arbitrage; RS 173.31),
et les professeurs des Ecoles polytechniques fédérales (art. 16 al. 1
de l'ordonnance sur le corps des maîtres des EPF; RS 414.142). Les juges
fédéraux n'échappent pas davantage à une telle mesure, puisque, selon un
gentlemen's agreement entre l'Assemblée fédérale et le Tribunal fédéral,
ils doivent quitter leur fonction à un âge déterminé, fixé précédemment
à 70 ans et, depuis peu, à 68 ans (EDUARD SCHNEIDER, 150 und 125 Jahre
Bundesgericht, Berne 1998, p. 39/40).

    Il est vrai que les membres des pouvoirs législatifs ou exécutifs,
tels que les conseillers d'Etat ou les députés au Grand Conseil ou au
Parlement fédéral, ne sont pas soumis à une limite d'âge, mais leur charge
est remise en cause à intervalles réguliers indépendamment de leur âge.

    bb) Certes, contrairement aux fonctionnaires, les notaires ne sont
pas salariés et ne bénéficient pas nécessairement d'une pension de
retraite. En ce sens, il n'est pas exclu que la limite d'âge mette dans
une situation difficile ceux d'entre eux qui n'ont pas réussi à constituer
des ressources suffisantes pour assurer leurs vieux jours, alors que
leurs aptitudes leur permettraient de continuer à pratiquer. Toutefois,
un fonctionnaire retraité ne touche pas forcément une pension complète. De
plus, la nécessité de constituer soi-même sa retraite est la contrepartie
des avantages du statut d'indépendant tels que la possibilité d'obtenir
des revenus fondés sur le résultat. Il n'est donc pas arbitraire, ni
contraire au principe de l'égalité de traitement d'appliquer aux notaires
le système objectif auquel sont soumis les fonctionnaires.

    Par ailleurs, l'âge limite choisi n'est pas davantage contraire
à l'art. 4 Cst. En effet, l'âge de 70 ans est un seuil normalement
assez élevé pour permettre aux notaires de constituer leur pension de
retraite, d'autant que rien n'empêche les intéressés de compléter leurs
ressources en poursuivant d'autres activités juridiques. Du reste, si
certains fonctionnaires ou magistrats peuvent prolonger leur activité
au-delà de 65 ans, cette extension ne dépasse pas les 70 ans, comme on
l'a vu plus haut. Certes, le projet de loi du Conseil d'Etat fixait cette
limite à 75 ans (rapport susmentionné du 15 mai 1996, p. 26). Toutefois,
des discussions serrées ont ensuite eu lieu au Grand Conseil, qui ont
abouti à ramener ce seuil à 70 ans (Bulletin du Grand Conseil, séance
de relevée du 26 août 1996, p. 942 ss), de sorte que cette délimitation
constitue un choix politique dont le Tribunal fédéral n'a pas à remettre
en cause l'opportunité.

    Enfin, s'il est certes schématique, partant, nécessairement
rigoureux dans certains cas, le système objectif a l'avantage d'éviter des
discussions pénibles avec les intéressés et des décisions délicates. Cette
méthode est en outre de nature à assurer la mobilité et le renouvellement
nécessaires à un exercice dynamique des fonctions officielles et s'inscrit
finalement dans le cadre de la réalité sociale de la retraite, qui,
si elle s'impose au premier chef pour les salariés, n'en influence pas
moins l'activité professionnelle des personnes de condition indépendante.

    d) Dès lors, l'art. 62 LN ne viole ni le principe de l'égalité de
traitement, ni le principe de l'interdiction de l'arbitraire. Cette
disposition, ainsi que les art. 76 lettre a et 101 LN, doivent donc être
maintenus et le recours doit être rejeté.