Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 IV 121



124 IV 121

22. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 30 avril 1998
dans la cause P. contre Ministère public du canton de Neuchâtel (pourvoi
en nullité) Regeste

    Art. 58 StGB und Art. 261bis Abs. 1 StGB; Einziehung von Gegenständen,
die dazu gedient haben, das Vergehen der Rassendiskriminierung zu begehen.

    Unter Art. 261bis Abs. 1 StGB fällt eine Behauptung, in welcher Form
und über welches Medium sie auch verbreitet wird, die Personen wegen
ihrer Rasse, Ethnie oder Religion im Bereich ihrer Menschenwürde einen
minderen Wert zuschreibt (E. 2b).

    Einziehung von Zeitschriften und CDs, die solche Behauptungen enthalten
(E. 2a und c).

Sachverhalt

    A.- En octobre 1996, l'inspection des douanes de l'aéroport de Genève
a saisi un colis, en provenance de Detroit (Michigan/USA), contenant 20
numéros identiques d'une revue intitulée "Resistance" et 30 CD, destinés
à "M. c/o K., CP 108, 2005 Neuchâtel", dont le contenu a été considéré
comme raciste.

    Un article de cette revue reflète des idées telles que "we think all
black people are bad"; ainsi, sont cités les propos d'un comédien noir,
lequel aurait affirmé que le peuple noir est plus raciste que le peuple
blanc, car il hait aussi les noirs; y figurent également une distinction
entre les "noirs" et les "nègres", une description de l'homme noir,
et la constatation, sous le couvert de chiffres invérifiables, selon
laquelle les noirs sont plus violents que les blancs; en conclusion, il
y est indiqué que "tous les noirs ne sont pas des criminels mais qu'une
Amérique sans noirs serait plus sûre, plus propre et plus riche". D'autres
passages de la revue affichent de la haine pour ce qui n'est pas blanc
et rabaissent la race noire en la traitant de race boueuse, sous-humaine,
sauvage, semblable à des singes.

    De plus, cette revue publie deux entretiens à propos de
l'holocauste. Le premier indique qu'il faut croire aux thèses
révisionnistes selon lesquelles il n'y a pas eu un programme
d'extermination systématique des juifs mais que les seules victimes du
génocide étaient le peuple d'Europe et en particulier le million de "SS"
qui ont donné leur vie pour la race aryenne et qui étaient les créatures
les plus évoluées dans l'histoire de la planète. Dans le second entretien,
il est relevé que l'holocauste des juifs, "la nation la plus haïe",
était le processus le plus sensationnel.

    En ce qui concerne le CD, il a été retenu qu'il était lié à la
revue. Les chansons contiennent des propos tels que "solution finale" ou
"si tu n'es pas blanc, tu seras mort". La suprématie de la race blanche
y est prônée, alors que les autres races, en particulier la noire,
sont rabaissées.

    B.- Par jugement du 8 avril 1997, le Tribunal de police du district
de Neuchâtel a acquitté K., qui avait été renvoyé en jugement sous
l'accusation de discrimination raciale (art. 261bis CP), et a ordonné
la restitution des revues et CD séquestrés.

    Statuant sur un pourvoi du Ministère public, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois, par arrêt du 29 décembre 1997,
a réformé partiellement ce jugement, en ce sens qu'elle a ordonné la
confiscation et la destruction du CD et des 20 exemplaires de la revue
encore séquestrés.

    La cour cantonale a d'abord relevé que, contrairement à l'opinion
du premier juge, tant la revue que le CD tombaient objectivement sous
le coup de l'art. 261bis CP; en revanche, le premier juge devait être
suivi, lorsqu'il niait la réalisation de l'élément subjectif de cette
infraction chez K. Elle a ensuite estimé que tant la morale que l'ordre
public exigeaient que des pièces d'un tel contenu fussent confisquées et
détruites, en application de l'art. 58 al. 1 let. b CP.

    C.- K. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Soutenant que les conditions légales de la confiscation ne sont
pas réunies, il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de
la décision attaquée, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
restitution du matériel saisi et sollicite par ailleurs l'effet suspensif.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le pourvoi dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- (Recevabilité).

Erwägung 2

    2.- a) Seule la confiscation du matériel encore saisi reste litigieuse.

    En citant l'art. 58 al. 1 let. b CP, la cour cantonale se réfère
manifestement à tort à l'ancien texte de cette disposition, ce qui,
en l'occurrence, reste sans conséquence.

    Selon le texte actuel de l'art. 58 al. 1 CP entré en vigueur le
1er août 1994 (RO 1994 p. 1614 et 1618), "alors même qu'aucune personne
déterminée n'est punissable, le juge prononcera la confiscation d'objets
qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont
le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des
personnes, la morale ou l'ordre public".

    Cette disposition permet donc notamment de confisquer des objets qui
ont servi à commettre une infraction ou devaient servir à la commettre (les
"instrumenta sceleris"; cf. TRECHSEL, Kurzkommentar, 2ème éd. Zurich 1997,
art. 58 no 7), à la condition toutefois qu'ils compromettent la sécurité
des personnes, la morale ou l'ordre public. On ne saurait cependant émettre
des exigences élevées en ce qui concerne ce danger; il suffit qu'il soit
vraisemblable qu'il y ait un danger si l'objet n'est pas confisqué en mains
de l'ayant droit (TRECHSEL, op.cit., art. 58 no 9; cf. également FF 1993
III p. 297 s.). Comme il ressort du texte légal, la confiscation sera
prononcée même si l'auteur n'est pas punissable. Il importe donc peu que
l'auteur reste inconnu ou qu'il ait agi à l'étranger, au moins lorsque,
comme c'est le cas en l'espèce, le matériel était notamment destiné à
être diffusé au public en Suisse (cf. TRECHSEL, op.cit., art. 58 no 10).

    b) La cour cantonale a estimé que le matériel confisqué était
l'instrument d'une discrimination raciale au sens de l'art. 261bis CP.

    Cette disposition pénale a été examinée à l'ATF 123 IV 202, auquel
il convient de se référer.

    La revue et le disque en cause n'étaient pas destinés à être remis
directement à des noirs ou à des juifs, mais bien à des tiers, ce qui
exclut d'emblée l'application de l'art. 261bis al. 4 et 5 CP; on ne
saurait parler d'une idéologie dûment développée (art. 261bis al. 2 CP)
ou d'une mesure d'organisation (art. 261bis al. 3 CP), de sorte que le
cas doit être examiné à la lumière de l'art. 261bis al. 1 CP (cf. ATF
123 IV 202 consid. 3b p. 207).

    Cette disposition déclare punissable "celui qui, publiquement,
aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou
un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique
ou religieuse".

    L'auteur doit donc agir publiquement, ce qui suppose qu'il s'adresse
à un large cercle de destinataires (ATF 123 IV 202 consid. 3d p. 208). En
l'espèce, il est manifeste - et non contesté - que les auteurs de la
revue et du disque en ont créé de nombreux exemplaires et qu'ils les ont
distribués largement.

    Il faut également que le message, quelle qu'en soit la forme ou le
support, s'en prenne - en s'adressant à des tiers (REHBERG, Strafrecht IV,
Zurich 1996, p. 186) - à une ou plusieurs personnes en raison de leur
appartenance raciale, ethnique ou religieuse. En l'espèce, le message
s'en prend à tous les noirs et tous les juifs, exclusivement parce qu'ils
sont noirs ou juifs. La race, au sens de l'art. 261bis CP, se caractérise
notamment par la couleur de la peau (STRATENWERTH, Bes. Teil II, Berne
1995, § 39, no 26, p. 167; TRECHSEL, op.cit., art. 261bis no 11; NIGGLI,
Rassendiskriminierung, Zurich 1996, no 368, p. 101); il n'est donc pas
douteux que les noirs constituent une race au sens de cette disposition. Le
judaïsme constitue une religion au sens de l'art. 261bis CP (ATF 123 IV
202 consid. 4c p. 209; STRATENWERTH, op.cit., no 27, p. 168; TRECHSEL,
op.cit., art. 261bis no 13).

    Il faut encore, selon l'art. 261bis al. 1 CP, que le message incite
à la haine ou à la discrimination. Par inciter, il faut entendre le
fait d'éveiller le sentiment de haine ou d'appeler à la discrimination
(cf. ATF 123 IV 202 consid. 3b p. 207). La discrimination consiste à
traiter injustement de façon moins favorable (REHBERG, op.cit., p. 184).

    Le contenu que doit avoir le message n'est pas décrit plus précisément
par l'art. 261bis al. 1 CP; il suffit qu'il soit propre à éveiller la haine
ou à appeler à la discrimination. Les autres alinéas de l'art. 261bis CP,
où l'on parle d'abaisser, de dénigrer, et de discriminer d'une façon
qui porte atteinte à la dignité humaine, permettent de mieux cerner
l'idée. N'importe quelle critique ou la constatation objective d'une
différence ne suffisent pas; le message doit atteindre la personne dans
sa dignité d'être humain, et ceci en raison de son appartenance raciale,
ethnique ou religieuse. Le message doit faire apparaître les personnes
qui appartiennent à une race, une ethnie ou une religion comme étant de
moindre valeur du point de vue de la dignité humaine (TRECHSEL, op.cit.,
art. 261bis no 22; REHBERG, op.cit., p. 184; GUYAZ, L'incrimination de
la discrimination raciale, Berne 1996, p. 255; NIGGLI, op.cit., no 767
et 769, p. 204 s.). Dans les cas extrêmes, il s'agit de dénier toute
dignité humaine, voire même le droit à l'existence (REHBERG, op.cit.,
p. 184). Nier, minimiser grossièrement ou tenter de justifier un génocide
est mentionné à l'art. 261bis al. 4 CP (STRATENWERTH, op.cit., no 37,
p. 171; TRECHSEL, op.cit., art. 261bis no 35; REHBERG, op.cit., p. 187).

    Déterminer le contenu d'un message relève des constatations de fait
qui lient la Cour de cassation (art. 277bis al. 1 PPF); dire si ce contenu
correspond aux notions figurant dans la loi est une question de droit.

    En l'espèce, la cour cantonale a constaté que la revue contenait
l'affirmation selon laquelle une Amérique sans noirs serait plus sûre,
plus propre et plus riche; la race noire y est traitée de race sale,
de race boueuse, sous-humaine, sauvage, semblable à des singes. En
tout cas, ce dernier passage, lequel assimile les noirs à des bêtes,
tend à les abaisser, en raison de leur race, dans leur dignité d'être
humain. De telles affirmations, attentatoires à la dignité de l'être
humain, sont manifestement de nature à éveiller le mépris et la haine,
de sorte qu'elles tombent sous le coup de l'art. 261bis al. 1 CP. Il
n'est donc pas nécessaire d'examiner la portée du passage concernant
l'holocauste des juifs.

    S'agissant du disque, la cour cantonale a constaté que son contenu
était violent, abaissait systématiquement les noirs et contenait la phrase
"si tu n'es pas blanc, tu seras mort". Ce passage peut effectivement
être interprété en ce sens qu'il dénie aux noirs, en raison de leur
race, jusqu'au droit à l'existence; il s'agit de la forme suprême du
mépris de toute dignité humaine, qui appelle à la haine, voire à la
discrimination. Ce passage du disque tombe donc également sous le coup
de l'art. 261bis al. 1 CP.

    Sur le plan subjectif, l'infraction implique un comportement
intentionnel, dicté par des mobiles de discrimination raciale; le dol
éventuel suffit (ATF 123 IV 202 consid. 4c p. 210). Il n'est ni contesté
ni contestable que les auteurs de la revue et du disque les ont diffusés
intentionnellement, en toute connaissance de cause, dans un but de
discrimination raciale.

    Les éléments de l'infraction sont donc réunis.

    c) Les revues et les disques étaient les moyens de commettre
l'infraction, c'est-à-dire de rendre le message public. Ils ont donc
servi à commettre l'infraction au sens de l'art. 58 al. 1 CP ("instrumenta
sceleris").

    L'infraction prévue par l'art. 261bis CP, qui est conçu en première
ligne pour protéger la dignité humaine, est classée parmi les infractions
contre la paix publique (ATF 123 IV 202 consid. 2 p. 206), de sorte que
l'on peut admettre que la propagation de tels messages comporte un risque
pour l'ordre public. Il est évident que ce risque n'a pas disparu, puisque
le recourant pourrait remettre ces objets à des tiers, les prêter ou même
se les faire voler. L'existence de ces objets, qui sont, par leur nature,
destinés à être diffusés, est propre à perpétuer les effets de l'infraction
et laisse subsister le risque pour l'ordre public.

    Comme on l'a vu, la confiscation est possible "alors même qu'aucune
personne déterminée n'est punissable". Il importe donc peu que les
personnes qui ont diffusé ces revues et ces disques ne puissent pas être
identifiées ou poursuivies en Suisse. Il est également sans pertinence que
le recourant ne soit pas lui-même auteur de l'infraction ou participant
à celle-ci.

    Le recourant ne demande pas de faire expurger à ses frais les revues
et le disque, en supprimant les passages condamnables, de sorte qu'il
n'y a pas lieu d'examiner la question sous cet angle. La mesure prononcée
n'apparaît pas disproportionnée et ne viole donc pas l'art. 58 al. 1 CP.

Erwägung 3

    3.- (Suite de frais)