Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 II 19



124 II 19

3. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 20 octobre 1997
dans la cause Ligue neuchâteloise pour la protection de la nature et
consorts contre Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (recours de droit
administratif) Regeste

    Art. 24sexies Abs. 5 BV, Art. 14 Abs. 2 lit. d NHV, Art. 3 Abs. 1
und 5 Abs. 1 lit. b HochmoorV, Art. 3 Abs. 1 FlachmoorV und AuenV, Art.
4 Abs. 1 lit. d MoorlandschaftsV; kantonaler Plan zum Schutz der Moore,
der Moorlandschaften und der Auen von nationaler Bedeutung; Festlegung
von Pufferzonen; Torfabbau von Hand.

    In den Schutzplänen sind ökologisch ausreichende Pufferzonen im
Sinne von Art. 3 Abs. 1 der Hochmoorverordnung, der Flachmoorverordnung
sowie der Auenverordnung auszuscheiden (E. 3b). Der Torfabbau von
Hand zur Deckung des Eigenbedarfs an Brennstoffen für Heizzwecke ist
bundesrechtlich in Hochmooren von nationaler Bedeutung ausgeschlossen
(E. 5b). Er kann dagegen in Moorlandschaften von nationaler Bedeutung
beibehalten werden, sofern dadurch keine im Schutzgebiet liegenden Hoch-
oder Flachmoore von nationaler Bedeutung beeinträchtigt werden und die
verbleibende Torfschicht sowie die Geländegestaltung nach vorgenommenem
Abbau eine Regeneration erlauben (E. 5c).

Sachverhalt

    Le 27 juin 1990, le Grand Conseil neuchâtelois a adopté un décret
concernant la protection des marais, des sites marécageux et des zones
alluviales d'importance nationale. Entré en vigueur le 29 août 1990,
ce décret institue des zones réservées, au sens de l'art. 27 de la loi
fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), d'une durée de
cinq ans, pour les biotopes précités situés sur le territoire cantonal. Il
emporte notamment l'interdiction d'exploiter la tourbe et d'effectuer
de nouveaux drainages ou des travaux de réfection de drainages existants
sur le périmètre des biotopes protégés et leurs zones-tampon. Il suspend
également les exploitations de tourbe autorisées depuis le 1er juin 1983
ou entreprises depuis cette date sans autorisation, les exploitations
autorisées avant le 1er juin 1983 pouvant être poursuivies moyennant le
dépôt d'un plan d'exploitation.

    Le Service cantonal de l'aménagement du territoire a chargé le Bureau
d'études en biologie de l'environnement Ecoconseil de fixer, à partir de
critères scientifiques, la limite des objets protégés et des zones-tampon,
de faire des propositions de gestion des objets à protéger et d'élaborer
des plans d'exploitation. Le bureau d'expert a rendu, en février 1993,
un rapport final qui dégage, pour chaque objet protégé, une description
générale, les problèmes mis en évidence, une évaluation fonctionnelle et
une proposition d'utilisation agricole des bordures, avec une indication
chiffrée des surfaces protégées et des zones de transition.

    Sur la base de cette étude, le canton de Neuchâtel a élaboré un
projet de plan cantonal de protection des marais, des sites marécageux
et des zones alluviales d'importance nationale, qu'il a soumis à enquête
publique du 31 mai au 19 juin 1995, avec son règlement. Ce projet a suscité
plusieurs oppositions, dont celles de la Ligue suisse pour la protection
de la nature, de sa section cantonale et de la Fondation World Wildlife
Fund for Nature (ci-après, la Fondation WWF Suisse). Ces organisations
critiquaient notamment la délimitation des zones de protection de certains
objets portés à l'inventaire fédéral des hauts-marais ainsi que l'absence
de toutes dispositions relatives à l'étendue et à l'usage des zones-tampon
et à la protection des biotopes protégés contre le piétinement. Elles
demandaient également la suppression ou la modification de diverses
dispositions du règlement consacrées notamment à l'exploitation artisanale
de la tourbe dans les hauts-marais et les sites marécageux d'importance
nationale.

    Par décision du 1er juillet 1996, le Département cantonal de la gestion
du territoire a levé les oppositions et adopté sans modification le plan de
protection et son règlement. Contre cette décision, la Ligue suisse pour la
protection de la nature, sa section cantonale ainsi que la Fondation WWF
Suisse ont formé un recours que le Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel
(ci-après, le Conseil d'Etat) a rejeté par décision du 18 décembre 1996.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, les
organisations de protection de la nature précitées demandent au Tribunal
fédéral d'annuler cette décision et de renvoyer la cause à l'autorité
intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

    Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours, dans la mesure
où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Les recourantes reprochent aux autorités cantonales de ne pas avoir
délimité les zones-tampon dans le plan cantonal de protection. Elles
tiennent pour contraire au droit fédéral la clause de l'art. 35 du
règlement selon laquelle le plan pourra être adapté, à l'initiative du
département ou sur demande des propriétaires et des exploitants, afin de
permettre la délimitation de ces zones.

    a) Les zones-tampon sont des surfaces destinées à protéger les
biotopes marécageux ainsi que leur faune et leur flore spécifiques
contre les menaces et les atteintes nuisibles en provenance des surfaces
exploitées environnantes (KARIN MARTI/REGULA MÜLLER, Zones-tampon
pour les marais, Cahier de l'environnement no 213, OFEFP, Berne 1994,
p. 5). Les spécialistes distinguent trois catégories de zones-tampon
selon les fonctions assignées à chacune d'entre elles. La zone-tampon
hydrique comprend les surfaces adjacentes aux biotopes marécageux,
dans lesquelles aucune modification du régime hydrique susceptible de
compromettre l'approvisionnement en eau nécessaire à la conservation
des marais n'est tolérée. La zone-tampon trophique inclut les terres
agricoles cultivées, situées en dehors du biotope marécageux à protéger
et soumises à des restrictions d'exploitation. Elle doit réduire ou
prévenir l'engraissement indirect des marais pauvres en substances
nutritives. L'étendue de ces zones dépend des types de sol concernés
et de la configuration des lieux (MARIO BROGGI, Questions et réponses
relatives à l'inventaire des bas-marais, Manuel "Conservation des marais
en Suisse", vol. 1, contribution 2.3.1, ch. 2.2.2, p. 4/5; MARTI/MÜLLER,
op.cit., p. 7 et les références citées). Les zones-tampon biologiques
s'étendent enfin aux terrains servant d'espace vital aux espèces animales
et végétales spécifiques des biotopes marécageux et des zones de transition
(GÜNTHER GIEPKE, Modèle d'ordonnance sur la protection des marais,
Manuel "Conservation des marais en Suisse", vol. 2, contribution 1.2.1,
ch. 4.3.2, p. 6). Une zone-tampon suffisante du point de vue écologique,
au sens des art. 3 al. 1 de l'ordonnance sur les bas-marais (RS 451.33,
ci-après: OBM), de l'ordonnance sur les hauts-marais (RS 451.32, ci-après:
OHM) et de l'ordonnance sur les zones alluviales (RS 451.31, ci-après:
OZA), doit en principe comprendre les surfaces nécessaires pour assurer
les diverses fonctions énumérées ci-dessus (BERNHARD WALDMANN, Der Schutz
von Mooren und Moorlandschaften, thèse Fribourg 1997, p. 174/175).

    L'art. 24sexies al. 5 Cst., adopté en votation populaire du 6 décembre
1987, place sous protection les marais et les sites marécageux d'une beauté
particulière et présentant un intérêt national. Selon les art. 18a al. 1,
23a, 23b al. 3 et 23c al. 1 de la loi fédérale sur la protection de la
nature et du paysage (LPN; RS 451), il appartient au Conseil fédéral
de désigner les biotopes d'importance nationale, après avoir pris
l'avis des cantons, de délimiter leur situation et d'établir les buts de
protection. En revanche, la délimitation exacte des objets protégés et la
mise en oeuvre des mesures de protection et d'entretien nécessaires pour
atteindre les buts visés par la protection incombe aux cantons (art. 18a
al. 2 et 23c al. 2 LPN; art. 5 OHM et OBM). En vertu des art. 14 al. 2
let. d de l'ordonnance sur la protection de la nature et du paysage (OPN;
RS 451.1), 3 al. 1 OHM, 3 al. 1 OBM et 3 al. 1 OZA, ces derniers sont
notamment tenus de délimiter des zones-tampon suffisantes du point de
vue écologique, après avoir pris l'avis des propriétaires fonciers, des
exploitants et des autres personnes concernées. La création de zones-tampon
destinées à protéger les biotopes marécageux des menaces et des atteintes
en provenance des terres agricoles environnantes fait partie des mesures
de protection nécessaires à la conservation des objets protégés, de sorte
que l'on ne saurait admettre que le Conseil fédéral aurait mis à la charge
des cantons une obligation nouvelle en leur imposant de délimiter des
zones-tampon suffisantes du point de vue écologique. S'ils bénéficient,
dans l'exécution de cette tâche, d'une certaine liberté d'appréciation
(cf. ZBl 97/1996, p. 122 consid. 1a p. 124), les cantons doivent satisfaire
à leur obligation de délimiter les zones-tampon et de prendre les mesures
propres à assurer leur exploitation d'une manière conforme aux buts visés
par la protection, dans les délais impartis par le Conseil fédéral (art. 6
al. 2 OHM, OBM et OZA). Une délégation de cette tâche aux communes est par
ailleurs exclue, s'agissant des biotopes marécageux d'importance nationale,
compte tenu de l'art. 13 al. 3 de la loi cantonale du 22 juin 1994 sur
la protection de la nature (LCPN), qui confie au Conseil d'Etat le soin
d'en assurer la protection, la surveillance et, au besoin, l'entretien.

    b) En l'occurrence, le canton de Neuchâtel s'est contenté d'assurer
la protection des bas-marais, des hauts-marais, des zones alluviales et
des sites marécageux d'importance nationale situés sur son territoire
dans les limites fixées par les différents inventaires fédéraux. Il n'a
en revanche pas délimité de zones-tampon dans le plan, à l'exception de
la grande majorité des zones de contact mentionnées à l'inventaire fédéral
des hauts-marais, qui ont été intégrées au périmètre protégé. Le règlement
litigieux se borne sur ce point à prévoir la possibilité d'adapter le
plan, à l'initiative du département ou sur demande des propriétaires et
des exploitants, afin de permettre la délimitation de zones-tampon.

    Dans le rapport du 15 mai 1995 annexé au projet de plan et de
règlement, le Service cantonal de l'aménagement du territoire a
indiqué qu'il entendait imposer un moratoire sur la délimitation des
zones-tampon pour des raisons tenant à la situation financière difficile
des collectivités publiques et aux oppositions des propriétaires et
des communes concernés. Une telle position ne serait assurément pas
conforme au droit fédéral, qui oblige les cantons à prendre les mesures de
protection et d'entretien des biotopes marécageux dans les délais fixés
aux art. 6 al. 2 OHM, OBM et OZA. Le Conseil d'Etat a précisé toutefois
qu'il fallait comprendre cette clause non pas comme une renonciation
définitive à instituer des zones-tampon, mais comme une volonté d'en
différer la délimitation précise, préférant assurer la protection
des biotopes marécageux contre les atteintes provenant des surfaces
environnantes par la conclusion de conventions avec les exploitants et
les propriétaires concernés.

    Le droit fédéral laisse aux cantons une certaine liberté d'appréciation
dans le choix des instruments mis à leur disposition pour satisfaire aux
exigences de l'art. 24sexies al. 5 Cst. et de ses ordonnances d'exécution
(BO 1986 CE 357). En vertu des art. 18a al. 2 et 23c al. 2 LPN, le
moyen choisi doit cependant être approprié, c'est-à-dire garantir à long
terme le but de protection visé pour chaque objet protégé au sens des
art. 4 OHM, OBM et OZA. Le choix du moyen adéquat dépend de l'objet à
protéger, des menaces potentielles, des mesures de protection existantes
et de la protection visée (JÖRG LEIMBACHER/LUKAS BÜHLMANN, Inventaires
fédéraux, Mémoire ASPAN no 60, ch. 3.2, p. 44; GÜNTHER GIEPKE, op.cit.,
ch. 3, p. 3). Cependant, lorsque le droit fédéral délègue aux cantons
l'accomplissement d'une tâche de la Confédération dans ce domaine, les
ordonnances et les plans de protection constituent le moyen approprié
pour assurer sa concrétisation. Tel est le cas en particulier de la
délimitation exacte des objets protégés et des zones-tampon suffisantes
du point de vue écologique, car, en vertu de la protection absolue
accordée aux marais et aux sites marécageux d'importance nationale par
l'art. 24sexies al. 5 Cst., directement applicable, il n'y a aucune place
pour des négociations sur leur périmètre dans le cadre de conventions
de droit privé (WALDMANN, op.cit., p. 191; JÖRG BAUMANN/FREDY SPIESER,
Naturschutz: Kantonale Vollzugsstrategien, Zurich 1994, p. 181; voir
également en ce sens, HERIBERT RAUSCH, Le droit de la protection des
marais et des sites marécageux, Manuel "Conservation des marais", vol. 1,
contribution 4.1.1, ch. 3.3, p. 5; MARTI/MÜLLER, op.cit., p. 14; contra,
LEIMBACHER/BÜHLMANN, op.cit., ch. 3.2, p. 48/49). Dans ces conditions,
le canton de Neuchâtel ne saurait renoncer à délimiter les zones- tampon
suffisantes d'un point de vue écologique dans le cadre du plan cantonal
de protection des marais, des sites marécageux et des zones alluviales
d'importance nationale. Cette solution est la seule qui permette une
protection durable des objets protégés et une participation adéquate
de la population et des collectivités publiques concernées ainsi que
des organisations de protection de la nature au sens de l'art. 4 LAT
(WALDMANN, op.cit., p. 196/197). Elle répond en outre à l'obligation
faite aux cantons de veiller à ce que les prescriptions qui règlent le
mode d'utilisation du sol soient conformes aux exigences du droit fédéral
(art. 5 al. 1 let. a OHM, 5 al. 2 let. a OBM et OZA). Par ailleurs, on
relèvera que la délimitation des zones-tampon devrait pouvoir aisément
être exécutée dans les délais impartis par le droit fédéral, puisque le
canton dispose à ce propos des données scientifiques nécessaires.

    Le recours doit dès lors être admis sur ce point et le dossier renvoyé
au Département cantonal de la gestion du territoire, pour qu'il délimite
les zones-tampon dans le cadre du plan cantonal d'affectation et prenne,
sur cette base, les mesures nécessaires pour garantir le respect des
buts visés par la sauvegarde des objets protégés. Vu l'annulation de la
décision attaquée sur ce point, il n'y a pas lieu d'examiner les critiques
relatives à la délimitation exacte des objets protégés dans les zones du
Bois-des-Lattes et du Marais Rouge.

Erwägung 5

    5.- Les recourantes considèrent que les art. 13 et 21 du
règlement violeraient le droit fédéral en tant qu'ils autorisent, à
certaines conditions, l'exploitation artisanale de la tourbe dans les
hauts-marais et les sites marécageux. Celle-ci devrait être exclue dans
les hauts-marais. Quant à l'art. 21 du règlement, il devrait être précisé
en ce sens que l'exploitation artisanale de la tourbe dans les sites
marécageux est limitée aux surfaces non protégées par les ordonnances
sur les hauts-marais et sur les bas-marais.

    a) L'art. 13 du règlement interdit l'exploitation industrielle de
tourbe dans les hauts-marais (al. 1). Le département peut autoriser la
poursuite d'exploitations artisanales de tourbe destinées exclusivement
aux besoins de l'exploitant en combustible de chauffage, pour son
propre usage, pour autant qu'elles soient compatibles avec le but de
protection et qu'elles permettent de reconstituer des milieux particuliers
abritant une flore et une faune rares spécialisées (al. 2). La poursuite
d'une exploitation artisanale doit faire l'objet d'une autorisation du
département, qui fixe les conditions de l'exploitation et de la remise en
état (al. 3). L'autorisation d'exploiter artisanalement de la tourbe est
délivrée à l'exploitant personnellement et pour une durée limitée (al. 4).

    L'art. 20 al. 1 du règlement interdit également l'exploitation
industrielle de tourbe dans les sites marécageux. Le département peut, à
teneur de l'art. 21, autoriser la poursuite d'exploitations artisanales de
tourbe destinées exclusivement aux besoins de l'exploitant en combustible
de chauffage, pour son propre usage, pour autant que cette exploitation
ne porte pas atteinte à des éléments naturels ou paysagers typiques du
site marécageux et qu'elle ne concerne que des murs de tourbe en cours
d'exploitation (al. 1). La poursuite d'une exploitation artisanale doit
faire l'objet d'une autorisation du département, qui fixe les conditions de
l'exploitation et de la remise en état (al. 2). L'autorisation d'exploiter
artisanalement de la tourbe est délivrée à l'exploitant personnellement
et pour une durée limitée (al. 3).

    b) L'art. 24sexies al. 5 Cst. interdit d'"aménager" des installations
de quelque nature que ce soit et de "modifier le terrain sous une forme
ou sous une autre" dans le périmètre protégé des marais et des sites
marécageux d'importance nationale. La protection accordée aux biotopes
marécageux par cette disposition est absolue et exclut la prise en
considération d'autres intérêts d'importance nationale de valeur égale
ou supérieure dans les cas concrets (ATF 117 Ib 243 consid. 3b p. 247;
ZBl 94/1993, p. 522, consid. 4a-c; LUKAS BÜHLMANN, Conséquences de
la révision de la loi fédérale sur la protection de la nature et
du paysage, in: Territoire & Environnement, décembre 1995, ch. 2.2,
p. 33). L'art. 24sexies al. 5 Cst. prévoit uniquement des exceptions en
faveur des installations, des constructions et des modifications de terrain
servant à assurer la protection conformément au but visé et à la poursuite
de l'exploitation à des fins agricoles. Répondent à la première condition
toutes les installations, constructions et modifications de terrain qui
favorisent de manière active et positive le but de protection attaché
à un objet concret (BO 1992 CE 602). A cet égard, est déterminant le
fait qu'au terme d'un bilan global des influences d'un projet, celui-ci
apporte une contribution positive à la protection de l'objet concerné
(WALDMANN, op.cit., p. 281). En ce sens, l'extraction de la tourbe,
fût-elle artisanale et limitée aux sites déjà exploités, va à l'encontre
du but de protection, puisqu'elle implique une modification durable, voire
irréversible du biotope (LEIMBACHER/BÜHLMANN, op.cit., p. 27). Elle est
également contraire à l'art. 5 al. 1 let. b OHM, qui interdit l'extraction
de la tourbe dans les hauts-marais d'importance nationale.

    L'autorité intimée prétend s'être conformée sur ce point à l'avis
donné par l'OFEFP dans la lettre que cet office lui a adressée le 20 mai
1994. Celui-ci a distingué la poursuite de l'exploitation artisanale de
la tourbe à l'intérieur d'un haut-marais d'importance nationale de celle
située à l'extérieur de celui-ci, mais dans le périmètre protégé d'un
site marécageux. Après avoir rappelé que l'exploitation artisanale ou
industrielle à l'intérieur des hauts-marais d'importance nationale était
contraire à l'art. 5 al. 1 let. b OHM, il a relevé que l'exploitation
artisanale de la tourbe avait donné naissance, à certains endroits,
à des milieux particuliers, abritant une faune et une flore rares et
spécialisées dignes d'être protégées. Il a reconnu que, dans le cadre d'un
plan de gestion du haut-marais, il pouvait être souhaitable de maintenir
ces milieux, voire d'en recréer et a admis, dans cette mesure limitée,
la compatibilité d'une exploitation contrôlée d'une certaine quantité de
tourbe avec les buts de protection, à la condition qu'elle fasse l'objet
d'une convention avec l'exploitant ou le propriétaire.

    En tant qu'il laisse entrevoir aux titulaires d'une autorisation
d'exploiter artisanalement la tourbe la possibilité de poursuivre une
telle activité pour un usage personnel, l'art. 13 al. 2 du règlement
n'est pas compatible avec le droit fédéral, qui interdit l'exploitation
artisanale de la tourbe dans les hauts-marais. Seule une exploitation
contrôlée de tourbe, dans les limites strictes évoquées par l'OFEFP dans
son courrier du 20 mai 1994, peut encore être considérée comme conforme
au droit fédéral. La disposition litigieuse doit être modifiée dans le
sens indiqué par l'OFEFP dans sa lettre du 8 février 1995, ce qui conduit
à l'admission du recours sur ce point.

    c) L'exploitation admissible dans un site marécageux est déterminée
par la Constitution (art. 24sexies al. 5 Cst.), la loi fédérale sur la
protection de la nature et du paysage (art. 23b ss LPN) et l'ordonnance
sur les sites marécageux (art. 5 al. 2 de l'ordonnance sur les sites
marécageux; RS 451.35, ci-après: OSM). L'art. 23d LPN autorise en
particulier l'aménagement et l'exploitation des sites marécageux dans la
mesure où ils ne portent pas atteinte à leurs éléments caractéristiques. Le
législateur fédéral a ainsi étendu les exceptions prévues à l'art. 24sexies
al. 5 Cst. en admettant non seulement les interventions qui servent au but
de protection, mais également celles qui ne portent pas préjudice au but
de protection (BO 1992 CE 620; BO 1993 CN 2105; YVES NICOLE, La définition
et la délimitation des sites marécageux, RSJ 92/1996, p. 223). Tel est
le cas des interventions qui ne diminuent pas véritablement la valeur du
site marécageux, lorsque celui-ci, pris dans sa globalité, n'est atteint
tout au plus que très marginalement (cf. BÜHLMANN, op.cit., p. 33 et la
référence citée). Dans cette perspective, l'exploitation traditionnelle
paysanne de la tourbe, effectuée à la main et destinée aux besoins
personnels de l'exploitant, peut être maintenue à la condition qu'elle
ne porte pas atteinte aux hauts-marais et aux bas-marais d'importance
nationale compris dans le périmètre du site marécageux et que la couche de
tourbe restante, ainsi que la forme des lieux à la fin de l'exploitation,
permettent leur régénération (cf. art. 4 al. 1 let. d OSM; URS HINTERMANN,
Inventaire des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance
nationale, OFEFP, Berne 1992, Cahier de l'environnement no 168, p. 83 ss;
WALDMANN, op.cit., p. 311).

    En limitant l'octroi des autorisations d'exploiter la tourbe
aux anciens exploitants, pour leurs propres besoins en combustible de
chauffage, à la condition qu'il ne soit pas porté atteinte à des éléments
naturels ou paysagers typiques du site marécageux et que l'exploitation
se limite aux sites existants, l'autorité cantonale est restée dans
le cadre restreint défini par le droit fédéral et par l'OFEFP dans
sa lettre du 20 mai 1994. Certes, l'art. 21 du règlement ne précise
pas que la poursuite de l'exploitation est exclue à l'intérieur des
biotopes marécageux d'importance nationale compris dans le périmètre
d'un site marécageux. Toutefois, cette conséquence résulte de l'art.
7 let. a du règlement, qui interdit toute exploitation agricole dans les
hauts-marais. En ce qui concerne les bas-marais, le département pourra
imposer ces restrictions dans le cadre de la convention qu'il sera amené
à conclure avec les exploitants et les propriétaires concernés, en vertu
de l'art. 15 du règlement, ou de la décision qu'il lui appartiendra de
prendre en cas d'échec des négociations selon l'art. 16 du règlement. Il
n'y a aucune raison de douter que le département s'écarte de ces principes
dans les négociations qu'il devra mener avec les exploitants ou les
propriétaires concernés. Il n'est donc pas nécessaire de compléter le
règlement dans le sens proposé par les recourantes.

    Dans ces conditions, le recours doit être rejeté sur ce point.