Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 III 463



124 III 463

80. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 2 juillet 1998 dans la
cause Banque X. et K. contre Époux A. et E. (recours en réforme) Regeste

    Art. 44 OG, 46 OG, 253b OR; sachliche Zuständigkeit; Mietvertrag;
kontrollierte Mietzinse; Erhöhung der Nebenkosten.

    Begriff der Zivilrechtsstreitigkeit (Rekapitulation der Rechtsprechung;
E. 3).

    Die Nichtanwendbarkeit der Bestimmungen über die Anfechtung
missbräuchlicher Mietzinse bei Wohnräumen, deren Bereitstellung von der
öffentlichen Hand gefördert wurde und deren Mietzinse durch eine Behörde
kontrolliert werden (Art. 253b Abs. 3 OR), erstreckt sich auch auf die
Nebenkosten (E. 4).

Sachverhalt

    A.- K. a remis à bail aux époux A., d'une part, et à E., d'autre part,
deux appartements rénovés avec l'aide de la Confédération. Les loyers,
cédés à la Banque X., sont soumis au contrôle de l'Office fédéral du
logement (ci-après: OFL).

    En juin 1996, le bailleur a fait notifier aux locataires deux
augmentations des acomptes mensuels de charges à partir du 1er janvier
1997. Le motif donné était l'adaptation à la législation fédérale
encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements.

    B.- Les locataires ont contesté la hausse de leurs charges. Après
échec de la procédure de conciliation, K. et la Banque X. ont saisi
le Tribunal de district de La Chaux-de-Fonds de deux actions tendant à
faire constater la validité de leurs nouvelles prétentions. Par jugement
du 25 août 1997, le tribunal a rejeté les deux demandes, qui avaient été
jointes entre-temps.

    La Cour de cassation civile du canton de Neuchâtel  a déclaré
irrecevable le recours des demandeurs par arrêt du 23 décembre 1997. Les
magistrats cantonaux ont estimé que les prétentions litigieuses échappaient
à la compétence des juridictions civiles en vertu de l'art. 253b al. 3 CO.

    C.- Les demandeurs ont recouru en réforme, invitant le Tribunal
fédéral à constater la compétence des juridictions civiles et à renvoyer
la cause à l'instance cantonale pour jugement au fond. Le recours a été
déclaré irrecevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) Le recours en réforme n'est recevable qu'à la condition
qu'on soit en présence d'une contestation civile (art. 44, 46 OJ). La
jurisprudence entend ainsi une procédure contradictoire entre au moins
deux personnes physiques ou morales prises en leur qualité de titulaires
de droits privés, ou entre de telles personnes et une autorité à laquelle
le droit fédéral reconnaît la faculté d'être partie. Dans tous les cas,
il faut que les parties exercent des prétentions fondées sur le droit
civil fédéral et que celles-ci soient objectivement litigieuses (ATF 122
I 351 consid. 1d). Pour savoir si ces exigences sont remplies, on examine
l'objet de la contestation (POUDRET, COJ II, n. 2.1.3 ad Titre II OJ).

    b) En soi, les prescriptions sur la compétence font partie du droit
de procédure, domaine qui est demeuré réservé aux cantons (art. 64 al. 3
Cst.). La règle n'est cependant pas absolue. Outre certaines exceptions qui
ressortent déjà de dispositions spéciales du droit de fond, elle trouve sa
limite, de manière générale, dans le principe de la force dérogatoire du
droit fédéral; d'après celui-ci, les cantons sont en effet tenus d'assurer
la mise en oeuvre du droit matériel fédéral (ATF 115 II 237 consid. 1c).

    Pour juger du bien-fondé des modifications unilatérales que le
bailleur veut apporter au contrat, le droit fédéral impose aux cantons
d'instituer une ou plusieurs autorités de conciliation et de permettre
ensuite un contrôle judiciaire dans leurs lois de procédure (art. 270b,
274a et 274f CO). Il est constant que dans le canton de Neuchâtel cette
tâche est exercée par les tribunaux civils. La question à résoudre,
en l'espèce, est de savoir si le législateur fédéral n'a pas lui-même
exclu les prétentions litigieuses de ces garanties. La réponse dépend de
la nature juridique de ces prétentions.

Erwägung 4

    4.- a) L'art. 253b al. 3 CO stipule que les dispositions relatives
à la contestation des loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux
d'habitation en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été
prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle
d'une autorité. Ces conditions sont remplies en l'occurrence. A la suite
de l'octroi au bailleur de l'"aide fédérale", les loyers litigieux sont
sous la surveillance de l'OFL (art. 45 de la loi fédérale encourageant la
construction et l'accession à la propriété de logements [LCAP; RS 843],
17 OCAP [RS 843.01]). Ce contrôle administratif remplace donc celui mis
en place dans le droit privé pour les loyers prétendument abusifs. Les
contestations relatives à l'abaissement des loyers en vertu de la LCAP
ne constituent dès lors pas des affaires civiles au sens de l'art. 44
OJ; font seulement exception les conséquences civiles d'une éventuelle
violation des dispositions du droit public (cf. dans un sens analogue
POUDRET, op. cit., n. 2.3.22 ad Titre II OJ).

    b) Les demandeurs font valoir que les frais accessoires sont soumis
au régime prévu par le droit privé, même pour les contrats sujets au
contrôle de l'autorité publique. A leurs yeux, la cour cantonale a violé
le droit fédéral en niant la compétence des tribunaux civils pour connaître
du litige.

    aa) La loi s'interprète en premier lieu pour elle-même, c'est-à-dire
selon sa lettre, son esprit et son but ainsi que selon les valeurs
sur lesquelles elle repose, conformément à la méthode téléologique. On
s'appuie sur la ratio legis. Si la teneur d'une norme paraît trop large
au regard de sa finalité, on s'en tient à une interprétation juridique
restrictive. On part de l'idée que le législateur a entendu mettre en place
une solution raisonnable et autant que possible exempte de contradictions
(ATF 121 III 219 consid. 1d).

    bb) Déjà sous l'empire de l'arrêté fédéral instituant des mesures
contre les abus dans le secteur locatif (ci-après: AMSL), les logements
dont le loyer était arrêté et soumis à la surveillance des pouvoirs
publics se trouvaient, pour l'essentiel, soustraits à la surveillance
prévue dans le droit privé; seules s'appliquaient quelques dispositions
de l'arrêté, dont celles sur les frais accessoires (art. 4 al. 2 OSL). Le
projet du Conseil fédéral sur une loi fédérale instituant des mesures
contre les abus dans le secteur locatif du 27 mars 1985 (FF 1985 I
p. 1369 ss) excluait aussi partiellement de son champ d'application,
en son art. 3 al. 2, les locaux d'habitation en faveur desquels des
mesures d'encouragement avaient été prises par les pouvoirs publics et
dont le loyer était soumis au contrôle d'une autorité. Selon le message
du Conseil fédéral, une dérogation était prévue en ce qui concerne les
dispositions relatives aux loyers abusifs résultant d'un prix d'achat
manifestement exagéré. En outre, les locaux subventionnés devaient se
voir appliquer, notamment, les dispositions sur les frais accessoires
(op.cit., p. 1464). L'actuel art. 253b al. 3 CO correspond sur le fond
au projet de loi; quant à l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur le bail à
loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF;
RS 221.213.11), il reprend les réserves mentionnées dans le message, parmi
lesquelles celle qui a trait aux frais accessoires. D'après l'ordonnance,
les dispositions matérielles concernant ces frais (art. 257a et b CO) ainsi
que les prescriptions formelles régissant leur introduction (art. 269d
al. 3 CO) s'appliquent également aux loyers contrôlés par les pouvoirs
publics. La conformité de l'art. 2 al. 2 OBLF avec le code des obligations
ne fait cependant pas l'unanimité en doctrine (cf. COMMENTAIRE DE L'USPI,
1re éd., n. 8 ad art. 253a-253b CO; HIGI, Commentaire zurichois, n. 86
ad art. 253a-253b CO; WEBER/ZIHLMANN, in Kommentar zum Schweizerischen
Privatrecht, Bâle, 2e éd., n. 9 ad art. 253a-253b CO; LACHAT, Le bail
à loyer, chapitre 4.4.2.8, note de pied de page 53, p. 82).

    cc) Le 12 décembre 1991, la Direction des finances de la Ville de
Zurich a retenu, en se fondant sur une prise de position de l'OFL,
que l'introduction de nouveaux frais accessoires pour des logements
subventionnés devait être contestée auprès des autorités de conciliation,
et non des autorités administratives chargées du contrôle des loyers
(mp 1992 p. 116; cf. LACHAT, ibidem, note de pied de page 55).

    Le Tribunal suprême du canton de Zurich a en revanche estimé, dans une
décision du 9 février 1994, que la procédure de contestation des loyers
instituée par le droit privé était exclue en ce qui concerne les locaux
visés à l'art. 253b al. 3 CO, y compris s'agissant des frais accessoires
(Droit du bail (DB) 1996 p. 20 (traduction française); cf. aussi SOMMER,
Zum Ausschluss der Anwendbarkeit der Mieterschutzbestimmungen bei staatlich
geförderten Wohnräumen, in Mietrecht Aktuel (MRA) 1995 p. 167). La Cour
de cassation civile neuchâteloise s'est ralliée à cette dernière solution.

    dd) La ratio legis de l'art. 253b al. 3 CO est évidemment d'empêcher
un double contrôle des loyers et d'éviter le prononcé de décisions
contradictoires. Pour les habitations qui font l'objet de mesures
d'encouragement par les pouvoirs publics, l'autorité chargée du contrôle
des loyers jouit d'une compétence exclusive, et la procédure prévue dans le
droit des obligations est fermée. L'art. 2 al. 2 OBLF ne réserve donc pas,
à juste titre, l'application de l'art. 270b CO, singulièrement de l'alinéa
2 de cette disposition relatif à la contestation de l'introduction de
nouveaux frais accessoires. On n'obtiendra toutefois la sécurité du droit
requise que si l'exclusivité de la compétence de l'autorité instituée par
la législation sur les mesures d'encouragement s'étend à tous les points
soumis à la surveillance officielle (dans un sens identique, cf. SOMMER,
op. cit., p. 171). L'art. 253b al. 3 CO apparaît, de la sorte, comme une
véritable norme de compétence, alors que les réserves mentionnées à l'art.
2 al. 2 OBLF doivent être considérées comme des renvois au droit matériel
(cf. aussi HIGI, op. cit., n. 86 ad art. 253a-253b CO; pour un résultat
identique, COMMENTAIRE DE L'USPI, 1e éd., n. 8 ad art. 253a-253b CO).

    Les prescriptions fédérales sur l'encouragement à la construction et à
l'accession à la propriété traitent également des frais accessoires (art.
38 al. 2 LCAP, 25 OCAP). Il ne s'agit cependant pas exactement des mêmes
charges que dans le droit privé. Dans ce dernier cas, seules les dépenses
relatives à l'usage de la chose louée sont prises en considération, alors
que la législation publique vise aussi des coûts liés à l'existence de la
chose louée elle-même, par exemple les impôts (cf. art. 38 al. 2 LCAP;
SOMMER, op. cit., p. 171). L'ordonnance contient, par ailleurs, une
disposition d'application, fondée sur l'art. 38 al. 3 LCAP, qui permet
à l'OFL d'autoriser le paiement par forfaits mensuels de tout ou partie
des frais accessoires (art. 25 al. 3 OCAP). L'objectif d'unicité de la
procédure qui sous-tend l'art. 253b al. 3 CO s'oppose dès lors à la thèse
des demandeurs.

    Un autre élément mérite encore d'être relevé en faveur de la solution
de la cour cantonale. Les frais accessoires nouvellement mis à la charge
des locataires faisaient jusque là partie du loyer net, dont le montant
n'a pourtant pas changé. C'est dire qu'on est devant une augmentation de
ce dernier poste, qui ne comprend plus certains coûts désormais considérés
comme accessoires, alors qu'ils faisaient précédemment partie du loyer
soumis au contrôle de l'autorité. On le voit, la distinction entre
loyer et frais accessoires présente un certain "caractère artificiel",
pour reprendre l'expression utilisée par les magistrats cantonaux. La
ventilation entre le loyer et les frais accessoires n'est pas toujours
identique, et lorsque le paiement des charges a lieu par forfaits
mensuels, la distinction peut même paraître purement formelle aux
yeux du locataire. Exiger, dans de telles conditions, des locataires
d'habitations subventionnées par les pouvoirs publics et soumises à une
surveillance officielle la mise en oeuvre de deux procédures différentes
pour contester les loyers et les frais accessoires serait source non
seulement de complications inutiles, mais encore d'un risque accru de
décisions contradictoires (cf. ATF 124 III 201 consid. 2 concernant la
consignation et SOMMER, op. cit., p. 171).

    Que l'art. 2 al. 2 OBLF déclare applicable l'art. 269d al. 3 CO aux
logements construits avec l'aide des pouvoirs publics ne change rien
aux considérations qui précèdent. L'usage de la formule officielle,
qui n'a de sens que lorsque le contrôle prévu par le droit privé peut
s'exercer, doit être réservé, pour des raisons téléologiques, aux cas
dans lesquels il n'y a pas de surveillance administrative; on rencontrera
une telle situation lorsque le bailleur modifie de son propre chef le
contrat au détriment du locataire autrement qu'en majorant le loyer ou
en introduisant de nouveaux frais accessoires, soit dans toutes les
autres circonstances qui entrent dans la notion générale des "autres
modifications unilatérales du contrat par le bailleur" (là-dessus,
cf. aussi SOMMER, op. cit., p. 170). Les recourants ne peuvent non plus
tirer argument de ce que la commission de recours DFEP a estimé que l'OFL
n'était pas autorisé à prendre des décisions pour obtenir le respect des
loyers fixés ou approuvés par lui, mais qu'il fallait agir par la voie de
l'action en application de l'art. 17 al. 3 OCAP (JACC 1997, p. 378 ss);
c'est la compétence qui est déterminante, et non la procédure.