Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 III 414



124 III 414

71. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 7 septembre 1998 dans la
cause Charles Constant Jr Dupont (patronyme fictif) contre C.F. Dupont
(patronyme fictif) (recours en réforme) Regeste

    Art. 469 Abs. 3 ZGB; Irrtum in Bezug auf die Bezeichnung von Personen
und Auslegung eines Testaments.

    Hat der Erblasser den eingesetzten Erben aus offensichtlichem Irrtum
falsch bezeichnet, so ist die Verfügung richtig zu stellen, wenn sein
Wille mit Bestimmtheit festgestellt werden kann (E. 2b).

    Zeigt es sich, dass mehrere Personen den richtig gestellten
Familiennamen tragen, ist durch Auslegung zu ermitteln, welche von ihnen
der Erblasser zu begünstigen beabsichtigte (E. 2b). Für diesen Fall stellt
der Gesetzgeber an das Beweismass keine besonderen Anforderungen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Dame H., née B. le 26 juillet 1905, de nationalité hollandaise,
veuve de H., né le 19 septembre 1893, est décédée sans postérité, le 8
août 1989, à son domicile de La Tour-de-Peilz.

    Elle a laissé un testament daté du 31 octobre 1986 et homologué le
14 août 1991, dans lequel elle a notamment institué héritier des valeurs
déposées au Crédit Suisse, à Montreux, et auprès de la banque Mextrust,
à Amsterdam, "Monsieur C.F. Dupont, 000 East 00, Manhattan, NEW YORK
N.Y., U.S.A."

    B.- Par décision du 11 juillet 1991, la Justice de Paix du cercle
de La Tour-de-Peilz a désigné le notaire R. en qualité de curateur de
l'absent C.F. Dupont, en vue d'en retrouver la trace et de gérer dans
l'intervalle ses biens.

    Après d'infructueuses recherches, le notaire a chargé S. SA
d'entreprendre les démarches nécessaires pour trouver le dénommé
"C.F. Dupont". Les investigations ont abouti à la découverte de Charles
Constant Jr Dupont, né le 24 octobre 1922 et parent au cinquième degré
de la défunte. Il est le fils de Charles Constant Dupont, né le 8 mars
1894 et décédé le 10 septembre 1965, en laissant une épouse, E. Il est
lui-même père de trois filles, C., M. et T. Cette dernière a vécu à
l'adresse indiquée dans le testament de 1979 à 1983.

    Les recherches complémentaires visant à déterminer si Charles Constant
Jr Dupont ou feu son père ont pu avoir un frère portant les initiales
"C.F." ou s'il existe une autre personne susceptible de répondre au
patronyme "C.F. Dupont" n'ont donné aucun résultat.

    C.- Par décision du 12 juin 1995, l'autorité tutélaire a refusé
d'autoriser la délivrance de la succession à Charles Constant Jr Dupont,
pour le motif qu'il subsiste une incertitude quant à sa qualité d'héritier.

    D.- Le 14 novembre 1995, Charles Constant Jr Dupont a ouvert action
en pétition d'hérédité.

    La Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté cette demande,
sous suite de frais et dépens, le 5 novembre 1997.

    E.- Charles Constant Jr Dupont exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt
cantonal en ce sens qu'il est reconnu comme l'héritier institué de feu
dame H. et que les biens désignés dans le testament lui sont remis. Il
demande, subsidiairement, le renvoi de la cause à l'autorité cantonale
pour complément d'instruction et nouvelle décision.

    L'intimé s'en remet à justice.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il est
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le recourant reproche à la cour cantonale de lui avoir dénié à
tort la qualité d'héritier institué. Il se plaint, en résumé, de violations
de l'art. 469 al. 3 CC et de la règle d'interprétation "favor testamenti".

    a) Se fondant sur l'art. 469 al. 3 CC, les juges cantonaux ont admis
une erreur de la testatrice dans la désignation de son héritier. Ils ont
toutefois refusé de rectifier la disposition testamentaire erronée pour
le motif que la volonté d'instituer héritier le demandeur n'a pu être
constatée avec certitude. Ce faisant, ils ont violé le droit fédéral.

    b) Selon l'art. 469 al. 3 CC, en cas d'erreur manifeste dans la
désignation de personnes ou de choses, les dispositions erronées sont
rectifiées d'après la volonté réelle de leur auteur, si cette volonté
peut être constatée avec certitude. Cette norme - qui institue un cas
particulier d'interprétation des dispositions testamentaires, lorsque la
volonté du disposant a été exprimée clairement, mais de manière erronée
(PAUL PIOTET, Droit successoral, in Traité de droit privé suisse, Tome IV,
p. 192) - suppose que l'erreur soit manifeste et que la volonté réelle
du défunt puisse être rétablie avec certitude. Concernant ce dernier
point, cela signifie pour celui qui se prévaut de la rectification qu'il
démontre que le disposant a voulu sans aucun doute le gratifier (ATF
50 II 332 consid. 3 p. 335; 89 II 182 consid. 7 p. 184 et l'arrêt cité;
ESCHER, Kommentar zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, n. 26 ad art. 469
CC; HANNES GLAUS, Irrtumsanfechtung und Auslegung beim Testament, thèse
Zurich 1982, ch. 4, p. 19).

    Ces réquisits sont remplis en l'espèce. Selon l'arrêt entrepris
(art. 63 al. 2 OJ), il n'y a jamais eu d'individus de sexe masculin
prénommés "C.F." dans la lignée Dupont apparentée à la testatrice; par
contre, deux hommes portent des prénoms commençant par les lettres "C.C.",
à savoir le demandeur, Charles Constant Jr Dupont, et son père, Charles
Constant Sr Dupont. Il faut dès lors admettre - et nul ne le conteste -
que la défunte s'est manifestement trompée en utilisant les initiales
"C.F." et a voulu en réalité désigner un dénommé "C.C. Dupont". Est en
revanche litigieuse la question de savoir si elle a entendu gratifier le
père ou le fils. Dans ce cadre, il ne s'agit plus de rectifier une erreur
en application de l'art. 469 al. 3 CC, mais d'interpréter une déclaration
de volonté ambiguë, afin de dégager la véritable volonté du testateur
(PAUL PIOTET, op.cit., p. 192; DRUEY, Grundriss des Erbrechts, 4e éd.,
§ 12, n. 5, p. 145-146; GUINAND/STETTLER, Droit civil II: Successions
(art. 457-640 CC), 3e éd., n. 117).

Erwägung 3

    3.- Pour interpréter un testament, le juge doit partir de son texte,
qui seul exprime valablement la volonté librement manifestée du disposant;
il peut, cependant, si les dispositions testamentaires manquent de clarté
au point qu'elles peuvent être comprises aussi bien dans un sens que
dans l'autre, recourir aux circonstances extrinsèques lorsque celles-ci
éclairent la volonté manifestée dans les formes légales par le testateur
(ATF 120 II 182 consid. 2a p. 184; 103 II 88 consid. 3a p. 92; 100 II
440 consid. 6 p. 446 et les arrêts cités); il peut également se référer
à l'expérience générale de la vie (DRUEY, op.cit., § 12, n. 2, p. 145
et n. 21 s., p. 149) et au principe du favor testamenti, selon lequel,
entre deux solutions possibles, il faut choisir la plus favorable au
maintien de l'acte (ATF 89 II 185 consid. 3 p. 191 et 437 consid. 1a
p. 441; PAUL PIOTET, op.cit., p. 195; GUINAND/STETTLER, op.cit., n. 118,
let. g). Contrairement à l'art. 469 al. 3 CC, le législateur ne pose en la
matière aucune exigence s'agissant du degré de preuve requis. Le Tribunal
fédéral revoit librement l'interprétation que l'autorité cantonale a donnée
aux dispositions du testateur eu égard à l'ensemble des circonstances du
cas d'espèce; seules les constatations de fait du jugement attaqué dont
l'on peut déduire la volonté du disposant le lient (cf. ATF 120 II précité;
115 II 323 consid. 1a p. 325 et la jurisprudence mentionnée).

    Dans le cas particulier, il ressort du testament - rectifié
en application de l'art. 469 al. 3 CC - que la testatrice a entendu
gratifier un homme prénommé "C.C." résidant à "000 East 00, Manhattan,
NEW YORK N.Y., U.S.A.". Les recherches entreprises ont révélé que deux
individus portent des prénoms dont les initiales sont "C.C.", à savoir
le demandeur et son père. Ce dernier est décédé à l'âge de septante
et un an le 10 septembre 1965, à savoir plus de vingt ans avant la
confection du testament. Il n'existe aucun lien entre sa personne et
l'adresse indiquée dans la disposition de dernière volonté. En revanche,
il est établi que la fille du demandeur y a résidé de 1979 à 1983, à
savoir bien postérieurement au décès de Charles Constant Dupont Senior
et qu'elle a occupé un appartement loué par la famille Dupont (art. 64
al. 2 OJ). Sur le vu de ces circonstances, de l'âge des intéressés et
en vertu du principe favor testamenti, il faut admettre que la défunte a
entendu désigner le demandeur. Cette interprétation s'impose d'autant plus
qu'il est peu probable qu'à quatre-vingt-un an elle ait voulu gratifier
quelqu'un de onze ans son aîné. Dans ces conditions, le premier chef de
conclusions du demandeur doit être accueilli. Celui qui vise la remise
des biens désignés dans le testament, à savoir des valeurs déposées au
Crédit Suisse, à Montreux, et auprès de la banque Mextrust, à Amsterdam,
est en revanche irrecevable; il n'est pas suffisamment déterminé pour
être exécuté (art. 55 al. 1 let. b OJ; POUDRET, Commentaire de la loi
fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 1.4.1.2 ad art. 55).