Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 III 382



124 III 382

68. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 20 août 1998 dans la
cause Banque Bruxelles Lambert (Suisse) SA et huit consorts contre
République du Paraguay et Sezione speciale per l'assicurazione del credito
all'esportazione (recours en réforme) Regeste

    Gerichtsbarkeits-Immunität eines fremden Staates.

    Die Frage der Immunität eines fremden Staates ist auch dann im Rahmen
der Eintretensfrage zu prüfen, wenn sie materiell relevant ist (E. 3).

    Unterscheidung zwischen Handlungen iure imperii und iure gestionis
(E. 4a). Im vorliegenden Fall handelte der Staat iure gestionis, als er
Verpflichtungen einging, welche einer Bankgarantie entsprechen (E. 4b).
Umfang der Vertretungsmacht eines Konsuls in der Schweiz (E. 4c).

    Lugano-Übereinkommen (LugÜ): Auslegungsregeln; Protokoll Nr. 2 und
Zusatzerklärungen; Anwendungsbereich, Art. 1 LugÜ; Gerichtsstand in
Versicherungssachen, Art. 7 ff, 8 Abs. 1 Ziff. 2, 11 Abs. 1 , 12 Ziff. 2
und 5 LugÜ.

    Auslegungsregeln (E. 6c, 6e und 8b); Begriff der "Zivil- und
Handelssachen" gemäss Art. 1 Abs. 1 LugÜ (E. 6d und e). Vorliegend
fallen die Versicherungsverträge, welche eine staatliche
Kreditversicherungsanstalt abgeschlossen hatte, unter diesen Begriff
(E. 6f).

    Begriff des Versicherungsnehmers gemäss Art. 8 Abs. 1 Ziff. 2 LugÜ:
Der Gerichtsstand am Wohnsitz des Versicherungsnehmers im Sinne dieser
Bestimmung steht nicht nur dem Versicherungsnehmer zur Verfügung,
sondern auch jeder anderen Partei (Versicherter; Begünstigter), welcher
ein Anspruch gegen den Versicherer zusteht (E. 8).

Sachverhalt

    Dans le cadre de projets industriels développés au Paraguay, deux
sociétés italiennes ont conclu des contrats de construction d'usines avec
deux sociétés paraguayennes. Le financement de ces opérations, incluant
le prix des fournitures et équipements étrangers, a fait l'objet de deux
contrats de prêts accordés par deux syndicats de banques, comprenant
la Banque Bruxelles Lambert (Suisse) SA, à Genève (BBL), et divers
établissements à l'étranger. Les prêts ont été mis en place par Overland
Trust Bank, à Genève (ci-après: OTB), en qualité d'agent des banques.

    Deux contrats de garantie sont venus se greffer sur ces contrats de
prêts: d'une part, Gustavo Gramont Berres, Consul à Genève, au nom de la
République du Paraguay, a émis deux garanties le 5 juin 1986 et le 1er
septembre 1987 à l'égard des deux syndicats de banques, avec élection
de for, de la part de la République du Paraguay, en faveur des tribunaux
suisses; d'autre part, la Sezione Speciale per l'Assicurazione del Credito
all'esportazione, organisme d'assurance-crédit de droit public italien
créé en 1977, dont le siège est à Rome (ci-après: la SACE), a elle-même
donné sa garantie à l'engagement de la République du Paraguay par polices
d'assurance du 26 août 1986 et du 1er octobre 1987.

    Les sociétés paraguayennes n'ayant pas remboursé les prêts consentis,
et ni la République du Paraguay, ni la SACE n'ayant honoré leurs garanties,
les banques ont ouvert action devant les tribunaux genevois, d'une part
contre la République du Paraguay afin d'obtenir le paiement des sommes
garanties, d'autre part contre la SACE, afin d'obtenir la constatation
du défaut de paiement, de manière à lier cet organisme d'assurance-crédit.

    Par jugement incident du 19 décembre 1996, le Tribunal de première
instance a débouté les défenderesses des exceptions d'immunité de
juridiction et d'incompétence ratione loci qu'elles avait soulevées.

    Statuant le 14 novembre 1997 sur l'appel de ces parties, la Cour de
justice du canton de Genève a confirmé le jugement en tant qu'il déboutait
la République du Paraguay de ses exceptions d'immunité de juridiction
et d'incompétence ratione loci, et en tant qu'il déboutait la SACE de
son exception d'incompétence ratione loci à l'égard de BBL. La Cour de
justice a en revanche annulé ledit jugement pour le surplus et, statuant
à nouveau, a déclaré irrecevable, pour cause d'incompétence ratione
loci des tribunaux genevois, l'action dirigée contre la SACE par les
établissements bancaires étrangers. La prorogation de for en faveur des
tribunaux italiens, figurant dans les contrats d'assurance antérieurement
au litige, n'était pas opposable aux banques en vertu de l'art. 12 ch. 2 de
la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution
des décisions en matière civile et commerciale (CL; RS 0.275.11). Les
banques pouvaient agir, en vertu de l'art. 8 al. 1 ch. 2 CL, au domicile
du preneur d'assurance; toutefois, ce dernier n'était pas OTB, simple
représentant, mais bien les banques elles-mêmes. A l'exception de BBL,
sise à Genève, les demandeurs ne pouvaient donc pas agir à Genève contre
la SACE.

    Le Tribunal fédéral a été saisi de trois recours en réforme interjetés
par diverses banques à l'étranger (recours I), par la République du
Paraguay (recours II) et par la SACE (recours III). Le Tribunal fédéral a
rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours II portant sur
l'immunité de juridiction invoquée par la République du Paraguay; il a
rejeté le recours III contestant la compétence ratione loci des tribunaux
genevois et suisses pour connaître de l'action intentée par BBL contre la
SACE; il a admis le recours I et annulé l'arrêt attaqué dans la mesure où
celui-ci déclarait irrecevable, faute de compétence ratione loci, l'action
intentée devant les tribunaux genevois par les banques à l'étranger.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) Les trois recours en réforme sont formés dans le cadre d'une
même cause civile; ils sont dirigés contre le même arrêt impliquant les
parties dans diverses constellations. Il convient de statuer sur eux par
un arrêt unique (ATF 111 II 270 consid. 1, p. 272; 123 II 16 consid. 1
p. 20) rendu par la section de céans du Tribunal fédéral (art. 8 al. 2
du Règlement du Tribunal fédéral, RS 173.111.1). La recevabilité des
différents recours fera l'objet des considérants spécifiques ci-dessous.

    b) Le sort du recours I, formé par les banques, dépend en partie de
l'issue réservée à l'exception d'immunité soulevée par la République du
Paraguay dans son recours II. Par ailleurs, le recours I est formé pour
violation de l'art. 8 CL et suppose résolue la question de l'application de
cet instrument, question soulevée dans le recours III de la SACE à l'appui
de son exception d'incompétence ratione loci des tribunaux suisses. Il
convient dès lors de statuer successivement sur le recours II, sur le
recours III, puis sur le recours I.

    Recours II (Immunité de juridiction invoquée par la République du
Paraguay)

Erwägung 2

    2.- La République du Paraguay reprend son argumentation relative à
l'immunité de juridiction, dont elle se prévalait devant les instances
genevoises. Elle reproche d'une part au Tribunal de première instance,
et, à sa suite, à la cour cantonale, d'avoir différé l'examen de cette
question qui, selon elle, devait être résolue d'entrée de cause. Elle
persiste en outre à considérer que les contrats de garantie auraient été
signés en son nom par un représentant sans pouvoirs, soit Gramont Berres,
de sorte que la renonciation à l'immunité de juridiction, figurant dans
ces contrats, ne la lierait pas.

    a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des recours qui lui sont soumis (ATF 124 I 11 consid. 1 p. 13). En
l'espèce, l'arrêt entrepris constitue une décision incidente, prise
séparément du fond par la juridiction suprême du canton. Une telle
décision peut être attaquée directement par la voie du recours en réforme,
pour violation des prescriptions de droit fédéral sur la compétence
territoriale (art. 49 al. 1 OJ; ATF 124 III 134 consid. 2b/aa/ccc p. 140 et
la jurisprudence citée). Ces prescriptions comprennent en effet également
les règles relatives à l'immunité (consid. 1 non publié de l'ATF 120 II
400; ATF 85 II 153 consid. 1 p. 159/160). Il y a donc lieu en principe
d'entrer en matière.

    b) Aux termes de l'art. 63 al. 2 OJ, le Tribunal fédéral ne fonde
son arrêt que sur les faits constatés par la dernière autorité cantonale,
à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées. Est en outre réservée la rectification d'office de constatations
reposant manifestement sur une inadvertance. En l'espèce, l'essentiel du
mémoire de recours est consacré à un exposé des faits où la recourante
et défenderesse prétend apporter les précisions nécessaires en ce qui
concerne en particulier le rôle de Gustavo Gramont Berres dans les crimes
dont celui-ci aurait été l'auteur au Paraguay et en Suisse. Au regard
de la disposition précitée de l'OJ, il n'y a pas lieu pour le Tribunal
fédéral de considérer ces faits, dont la présentation est largement
appellatoire. Il suffit de constater que la recourante ne prétend pas
que des dispositions en matière de preuve auraient été violées par la
Cour de justice dans l'arrêt querellé, et que, selon ses propres termes,
elle "n'entend pas critiquer l'état de fait tel qu'exposé par la Cour
de justice dans son arrêt du 14 novembre 1997 en tant qu'il comporte,
souvent exposées de manière très succinctement résumée, des références
aux faits essentiels pour la compréhension du présent litige". Le recours
est dès lors irrecevable dans la mesure où il se fonde sur des faits qui
n'ont pas été constatés par la dernière autorité cantonale.

Erwägung 3

    3.- La cour cantonale a présumé, au stade de la recevabilité de la
demande, l'existence des pouvoirs de représentation de Gramont Berres
et, partant, de l'élection de for et de la renonciation à l'immunité de
juridiction figurant dans les actes de garantie. A l'instar du Tribunal de
première instance, la Cour de justice a en effet considéré que, lorsque la
question des pouvoirs de représentation se pose à la fois pour déterminer
la compétence du juge saisi et pour la solution au fond de la prétention
litigieuse, ce fait doublement pertinent doit être résolu une fois pour
toutes à l'occasion de l'examen du fond. Certes peu satisfaisante du point
de vue de la méthode, cette manière de procéder permettrait au défendeur
d'opposer l'exception de chose jugée à une action qui pourrait être
introduite ultérieurement à un for alternatif (ATF 122 III 249 consid.
3b/bb p. 252).

    a) Sans remettre en cause, à ce stade, l'appréciation de la cour
cantonale s'agissant de la compétence ratione loci des tribunaux genevois,
la République du Paraguay conteste cette application de la théorie des
faits de double pertinence en ce qui concerne l'exception d'immunité dont
elle se prévaut. Elle estime que cette théorie s'applique avant tout aux
contestations relatives au for, et tend à permettre au défendeur d'obtenir
une décision sur le fond à opposer au demandeur en cas de nouvelle
demande à un for alternatif. Elle ne s'appliquerait pas, en revanche, à
la question de l'immunité de juridiction invoquée par un Etat. Dans un tel
cas, l'exception devrait être examinée d'entrée de cause, quant bien même
elle relèverait aussi du fond, car il ne serait pas acceptable d'imposer
à l'Etat de procéder devant un tribunal dont la compétence est contestée.

    La recourante se plaint du traitement procédural de son exception; elle
n'invoque toutefois pas une violation des dispositions du droit cantonal de
procédure qui imposeraient le traitement immédiat de l'exception soulevée,
voire un déni de justice formel, griefs qui devraient faire l'objet d'un
recours de droit public.

    b) Lorsque l'Etat défendeur se prévaut de l'immunité de juridiction,
cette question paraît devoir être tranchée d'entrée de cause; il ne
serait en effet guère compatible avec le principe même de l'immunité de
forcer un Etat à procéder sur le fond alors qu'il entend, en invoquant sa
souveraineté, se soustraire à toute juridiction d'un autre Etat. Comme
le relève la recourante, la possibilité de renvoyer à l'examen du fond
les questions de procédure possédant une double pertinence est admise à
titre exceptionnel, dans l'intérêt du défendeur (ATF 122 III 249 précité;
cf. également FRANÇOIS KNOEPFLER, Réflexions sur la théorie des faits
doublement pertinents, PJA 1998, p. 787-791). Or, l'intérêt de l'Etat
qui se prévaut de son immunité de juridiction commande au contraire que
cette question soit résolue avant toute autre.

    c) En l'espèce, la Cour de justice a certes présumé, à ce stade
de la procédure, les pouvoirs de représentation de Gramont Berres,
signataire des contrats de garantie. Elle ne l'a toutefois fait que pour
admettre la validité de l'élection de for figurant dans ces garanties,
question qui ne fait pas, en tant que telle, l'objet du présent recours. En
revanche, s'agissant de l'immunité de l'Etat requérant, la cour cantonale
a considéré que les garanties, données par l'Etat recourant dans le cadre
d'opérations commerciales, relevaient clairement d'actes accomplis jure
gestionis. Cette considération, dont le bien-fondé est examiné ci-dessous,
suffisait à rejeter l'exception d'immunité, sans qu'il y ait à rechercher,
comme l'a fait la cour cantonale à titre subsidiaire, si la renonciation
figurant dans les contrats de garantie engageait valablement la République
du Paraguay. Le recours, qui porte essentiellement sur cette dernière
question, tombe ainsi à faux.

Erwägung 4

    4.- a) Le principe de l'immunité de juridiction permet aux Etats
étrangers qui en invoquent le bénéfice d'exclure à leur égard la
compétence des tribunaux suisses dans les domaines relevant de leur
souveraineté. Ainsi compris, le principe de l'immunité de juridiction
détermine, au sens de l'art. 49 al. 1 OJ, "la compétence à raison de
la matière" des tribunaux suisses lorsqu'un Etat étranger est partie à
un litige international (POUDRET, COJ II 1990, ch. 1.62 ad art. 49 OJ,
p. 332).

    La recourante invoque le bénéfice de la Convention européenne du 16
mai 1972 sur l'immunité des Etats (RS 0.273.1), tout en reconnaissant que
cette convention, ratifiée par la Suisse, n'est pas applicable en l'espèce,
faute pour le Paraguay d'y être partie. Même si les traités internationaux
sont considérés, par la jurisprudence, comme couverts par la notion de
prescriptions de "droit fédéral" au sens de l'art. 49 al. 1 OJ (POUDRET,
COJ II, 1990, p. 330 ch. 1.6.1 ad art. 49 OJ), la convention précitée
n'est effectivement pas applicable en l'espèce. Seules le sont les règles
générales du droit international relatives à l'immunité de juridiction.

    Depuis 1918 (ATF 44 I 49), le Tribunal fédéral s'est rallié à une
conception restrictive de l'immunité des Etats. Selon cette jurisprudence,
le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers n'est pas
une règle absolue. Si l'Etat étranger a agi en vertu de sa souveraineté
(jure imperii), il peut invoquer le principe de l'immunité de juridiction;
si, en revanche, il a agi comme titulaire d'un droit privé ou au même
titre qu'un particulier (jure gestionis), l'Etat étranger peut être
assigné devant les tribunaux suisses, à condition toutefois que le
rapport de droit privé auquel il est partie soit rattaché de manière
suffisante au territoire suisse ("Binnenbeziehung"; ATF 120 II 400
consid. 4 p. 406). La distinction des actes jure gestionis et jure
imperii ne saurait se faire sur la seule base de leur rattachement
au droit public ou au droit privé. Ce critère dépend en effet de la
définition, malaisée, du droit public, laquelle diffère selon les Etats;
il ne saurait être pris en considération qu'à titre d'indice, parmi
d'autres (JOLANTA KREN KOSTKIEWICZ, Staatenimmunität im Erkenntnis-
und im Vollstreckungsverfahren nach schweizerischem Recht, Berne 1998,
p. 286 ss). De même, le but poursuivi par l'Etat dans sa transaction ne
saurait être déterminant, car ce but vise toujours, en dernière analyse,
un intérêt étatique. On recherchera donc prioritairement quelle est la
nature intrinsèque de l'opération: il s'agit de déterminer si l'acte qui
fonde la créance litigieuse relève de la puissance publique, ou s'il s'agit
d'un rapport juridique qui pourrait, dans une forme identique ou semblable,
être conclu par deux particuliers (ATF 110 II 255 consid. 3a p. 259; 104
Ia 367 consid. 2c p. 371). La jurisprudence range ainsi parmi les actes
accomplis iure imperii les activités militaires, les actes analogues à une
expropriation ou une nationalisation (ATF 113 Ia 172 consid. 3 p. 176),
les décisions de saisie d'objets d'une valeur historique ou archéolo-gique
(ATF 111 Ia 52 consid. 4a p. 58); sont en revanche des actes accomplis iure
gestionis les emprunts de l'Etat ou d'une banque centrale souscrits sur le
marché monétaire (ATF 104 Ia 376), les contrats d'entreprise (ATF 112 Ia
148; 111 Ia 62), de bail (ATF 86 I 23), ou les contrats de travail passés
par une représentation diplomatique avec des travailleurs remplissant
une fonction subalterne (ATF 120 II 400, 408; voir aussi les exemples
cités par KREN KOSTKIEWICZ, op.cit. p. 295-296). La jurisprudence recourt
aussi à des critères extérieurs à l'acte en cause. Elle voit par exemple
l'indice d'un acte accompli jure gestionis dans le fait que l'Etat est
entré en relation avec un particulier sur le territoire d'un autre Etat,
sans que ses relations avec ce dernier soient en cause (ATF 104 Ia 367
consid. 2c p. 371; 86 I 23 consid. 2 p. 29). Ces activités commerciales,
telles des accords de livraison de marchandises ou de prestations de
service, ou des engagements financiers comme, en particulier des contrats
de prêt ou de garantie, ne sont évidemment pas couvertes par l'immunité
diplomatique (KREN KOSTKIEWICZ, op.cit. p. 297-298).

    Par ailleurs, ce qui vaut pour l'immunité de juridiction vaut en
principe aussi pour l'immunité d'exécution, la seconde n'étant qu'une
simple conséquence de la première, sous la seule réserve que les mesures
d'exécution ne concernent pas des biens destinés à l'accomplissement
d'actes de souveraineté.

    b) En l'espèce, c'est à juste titre que la Cour de justice a exclu la
recourante et défenderesse du bénéfice de l'immunité de juridiction. C'est
en vue du financement de contrats de développement industriel que
la République du Paraguay a garanti aux deux syndicats des banques
demanderesses le remboursement des fonds engagés. Dans le document
établi le 5 juin 1986 et signé par l'ambassadeur en mission spéciale
Gustavo Gramont Berres, la République du Paraguay, garant, s'oblige
à verser aux banques ou détenteurs tous montants dus par la société
paraguayenne et impayés par elle. Comme le relève la cour cantonale, sans
être sérieusement contredite par la recourante, il s'agit d'engagements
similaires à ceux qui sont régulièrement assumés par des établissements
bancaires ou par d'autres particuliers. Sur le vu des principes rappelés
ci-dessus, il apparaît en effet que, de par leur nature et leur portée
économique pour l'Etat en cause, ces actes juridiques tombent dans le champ
des actes accomplis jure gestionis. Un Etat ne saurait ainsi opposer son
immunité à un particulier pour prétendre faire échec à la revendication
des garanties auxquelles il a consenti (voir aussi la réglementation
contenue dans le projet de la International Law Association, cité par
KREN KOSTKIEWICZ, op.cit. p. 297-298). L'Etat recourant est manifestement
intervenu au même titre qu'une personne privée (jure gestionis), dans le
cadre d'une opération typiquement commerciale. La prorogation de for en
faveur des tribunaux suisses constitue enfin, elle aussi, l'indice d'un
acte "jure gestionis".

    c) Ces considérations suffisent à sceller le sort du recours. Dès
lors que l'Etat recourant ne peut se prévaloir de son immunité
de juridiction, il n'y a en principe pas à rechercher s'il y a
valablement renoncé. Toutefois, la question de la validité des pouvoirs
de représentation de Gramont Berres, signataire des contrats (question
qui fait l'objet principal du recours), conserve une pertinence pour
juger de la validité de la prorogation de for en faveur des tribunaux
suisses. Quand bien même elle relève pour le surplus du fond, cette
question peut être résolue, au stade actuel de la procédure, à la faveur
des considérations suivantes.

    aa) La recourante et défenderesse prétend que les garanties datées
du 5 juin 1986 et du 1er septembre 1987 seraient des faux; les autorités
pénales paraguayennes auraient condamné Gramont Berres le 30 décembre 1992
pour faux, falsification de sceaux officiels et violation des devoirs de
fonction. La recourante ne conteste toutefois pas que Gustavo Gramont
Berres a été régulièrement annoncé comme consul auprès du Consulat du
Paraguay à Genève du 6 novembre 1979 au 7 février 1989, ainsi qu'il
ressort d'une attestation du Département fédéral des affaires étrangères
(DFAE) du 16 novembre 1995. La même attestation précise qu'il n'existait,
à l'époque, aucune ambassade du Paraguay à Berne, et que Gustavo Gramont
Berres n'était pas accrédité en Suisse en tant qu'ambassadeur en mission
spéciale.

    bb) L'ensemble du droit diplomatique et consulaire est fondé sur
les rapports de confiance particuliers qu'entretiennent les Etats
contractants. A l'obligation internationale de l'Etat accréditaire de
s'abstenir de tout comportement susceptible d'empêcher l'Etat accréditant
de s'occuper convenablement de ses affaires, correspond l'obligation
de l'Etat accréditant de veiller à ce que les diplomates qui dépendent
de lui n'outrepassent pas le cadre de leurs fonctions dans l'Etat
accréditaire. La Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24
avril 1963 (RS 0.191.02) souligne, dans son préambule, que les privilèges
et immunités ne sont pas destinés à avantager des individus, mais à
"assurer l'accomplissement efficace de leurs fonctions par les postes
consulaires au nom de leurs Etats respectifs". Il en découle que les
relations consulaires, empreintes de formalisme dans leur établissement,
ont pour corollaire un degré élevé de confiance réciproque entre les
Etats qui se les accordent.

    cc) En l'espèce, l'établissement des relations consulaires entre la
Suisse et le Paraguay s'est fait par consentement mutuel, conformément
à l'art. 2 ch. 1 de la Convention de Vienne. De manière générale, les
fonctions consulaires consistent notamment à favoriser le développement de
relations commerciales, économiques, culturelles et scientifiques entre
l'Etat d'envoi et l'Etat de résidence et à promouvoir de toute autre
manière des relations amicales entre eux. La reconnaissance par le DFAE
des fonctions officielles de consul à Genève de Gustavo Gramont Berres
suppose que les formalités liées à la lettre de provision (art. 11 de
la Convention de Vienne) et à l'exequatur, soit l'autorisation de l'Etat
de résidence d'admettre le chef de poste consulaire à l'exercice de ses
fonctions à Genève (art. 12 de la Convention) ont été régulièrement
accomplies. Il en découle que les opérateurs économiques qui ont été
amenés à traiter avec Gustavo Gramont Berres pouvaient légitimement
partir de l'idée que le consul était dûment habilité à traiter avec
eux. Sous l'angle du droit consulaire, même la désignation, le 27 mai
1983, par le Président de la République du Paraguay, de Gramont Berres
en qualité d'ambassadeur en mission spéciale, et les précisions données
par le Ministre des finances, le 22 mai 1986, sur la nature des fonctions
qui étaient confiées à l'intéressé, n'était pas de nature à susciter a
priori la méfiance des interlocuteurs européens de Gramont Berres, puisque
l'art. 17 ch. 1 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires
envisage dans certaines circonstances qu'un fonctionnaire consulaire
puisse, dans un Etat où l'Etat d'envoi n'a pas de mission diplomatique,
être chargé d'accomplir certains actes diplomatiques. Il en résulte que
l'Etat défendeur doit assumer les pouvoirs à tout le moins apparents créés
en faveur de celui qu'il considère maintenant comme un falsus procurator.

    Le recours II doit par conséquent être rejeté en tant qu'il est
recevable.

    Recours III (champ d'application matériel de la Convention de Lugano;
notion de "matière civile et commerciale" au sens de l'art. 1 al. 1 CL)

Erwägung 5

    5.- a) La SACE, défenderesse et recourante sur incident, soulève
l'exception d'incompétence ratione loci des tribunaux genevois, au motif
que le litige l'opposant à BBL ne saurait être assimilé à une "matière
civile et commerciale" au sens de l'art. 1er CL. Elle demande à ce titre
l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice du 14 novembre 1997, en
tant qu'il admet la compétence des autorités judiciaires genevoises pour
connaître de la demande formée par BBL.

    b) Déposé dans les forme et délai (art. 34 al. 1 let. c OJ) utiles,
le recours est dirigé contre une décision incidente, rendue par la
juridiction suprême du canton, relative à la compétence territoriale
(art. 49 al. 1 OJ; ATF 124 III 134 consid. 2b/aa/ccc, p. 140). Il y a
donc lieu en principe d'entrer en matière.

    c) La recourante ne prétend pas que des dispositions fédérales en
matière de preuves aient été violées; elle se borne, dans l'essentiel de
sa partie en fait, à une présentation appellatoire des faits. Dans cette
mesure, le recours est irrecevable.

    d) Dans son mémoire de recours, puis dans une écriture du 24 juin
1998, la recourante demande de pouvoir répliquer et, en application de
l'art. 62 OJ, de plaider l'affaire devant le Tribunal fédéral. Il n'y a
pas lieu de donner suite à ces requêtes. Selon l'art. 59 al. 4 seconde
phrase OJ, il n'est en règle générale pas procédé à un échange ultérieur
d'écritures. Il n'est fait exception à cette règle que dans les cas où
la réponse au recours contiendrait des arguments nouveaux et pertinents
justifiant, en vertu du droit d'être entendu, que la partie recourante
puisse s'exprimer à nouveau (Poudret, COJ II, 1990, no 2.6 ad art. 59 et
61 OJ). En l'espèce, la recourante ne se prévaut pas de son droit d'être
entendue, mais évoque la "question de principe posée par l'affaire" et ses
"répercussions possibles", motifs qui ne sauraient justifier à eux seuls
un droit de répliquer, ou de plaider.

Erwägung 6

    6.- Reprenant largement les arguments soutenus devant la cour
cantonale, la SACE conteste l'application ratione materiae de la Convention
de Lugano. Une entité publique appartenant à l'Etat italien, et contrôlée
par lui, ne saurait être partie à des rapports juridiques relevant de la
"matière civile et commerciale" au sens de l'art. 1er CL.

    a) Dans l'arrêt entrepris du 14 novembre 1997, la Cour de justice a
d'abord constaté que la CL était applicable ratione personae, puisque
la SACE avait son siège à Rome, et que l'action sur le fond avait été
introduite en Suisse (voir art. 2 CL). La CL était également applicable
ratione temporis, l'action ayant été introduite en Suisse le 7 février
1995, soit après l'entrée en vigueur de la Convention pour la Suisse,
le 1er janvier 1992 (art. 54 al. 1 CL). Cela n'est pas contesté.

    Seule reste litigieuse la question de l'application ratione materiae de
la Convention. A ce propos, la Cour de justice s'est référée à la doctrine
(JAN KROPHOLLER, Europäisches Zivilprozessrecht, 4e éd., 1993, no 6 ad art.
1 CL; YVES DONZALLAZ, La Convention de Lugano, vol. I, Berne 1996, no 827
p. 337) pour relever que ce qui importe, c'est bien l'objet du litige,
et l'existence éventuelle d'un rapport de subordination entre parties. Or
en l'espèce, si la SACE est un organisme étatique italien financé par
les deniers publics et les primes d'assurance, son but est de promouvoir
l'exportation et d'assumer la sécurité des transactions commerciales
avec certains Etats. Les contrats conclus par la SACE avec l'intimée
constituaient des contrats analogues à ceux que peut conclure un assureur
privé. Le fait que les contrats d'assurance litigieux renvoyaient eux-mêmes
aux règles du code civil italien (applicable en complément de la loi
spéciale italienne sur la SACE, qui ne règle que la question des risques et
des opérations commerciales à assurer et des conditions contractuelles) et
que ces contrats ne comportent aucune trace d'un rapport de subordination
entre cocontractants, permettait de conclure que les contrats d'assurance
litigieux relevaient effectivement de la "matière civile et commerciale"
et que la Convention de Lugano s'appliquait au litige.

    b) Se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes (CJCE), et sur les conclusions développées par
certains avocats généraux devant elle, la recourante estime que la Cour de
justice de la République et canton de Genève a "insuffisamment tenu compte
de l'interprétation de la Cour de La Haye" (recte: Luxembourg). Le fait
que l'art. 1er de la loi italienne no 227 du 14 mai 1977 instituant la
SACE ait institué différents organismes composés de fonctionnaires aurait
dû amener la Cour de justice à considérer que la SACE était dépositaire
de l'exercice de la puissance publique et ainsi exclure l'application de
la Convention (CJCE, arrêt Etat néerlandais c. Rüffer du 16 décembre 1980,
aff. 814/79, Rec. 1980, p. 3807 ss).

    c) Comme tout traité, la Convention de Lugano doit être interprétée de
bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans
leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (art. 31 al. 1
de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, RS 0.111).
L'étroite dépendance de la Convention de Lugano de 1988 de la Convention de
Bruxelles de 1968, qui lui a servi de modèle, est un élément important du
"contexte" de l'interprétation qui comprend, selon l'art. 31 al. 2 CV,
outre le texte, préambule et annexes inclus, tout accord ayant rapport
au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de
la conclusion du traité (let. a); et tout instrument établi par une ou
plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par
les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité (let. b).

    Dans le préambule, les Etats parties à la Convention de Lugano se
sont montrés désireux d'en assurer "une interprétation aussi uniforme que
possible". Comme l'a récemment relevé le Tribunal fédéral (ATF 123 III
414, consid. 4 p. 421), l'un des moyens destinés à cette interprétation
uniforme est une prise en compte, requise par l'art. 1er du Protocole no 2
sur l'interprétation uniforme de la Convention, des décisions pertinentes
rendues par les tribunaux des autres Etats contractants. En outre, dans le
préambule du Protocole no 2 précité, les parties contractantes soulignent
non seulement "le lien substantiel qui existe entre [la Convention de
Lugano] et la Convention de Bruxelles", mais également que ledit protocole
a été conclu "en pleine connaissance des décisions rendues par la CJCE
sur l'interprétation de la Convention de Bruxelles jusqu'au moment de la
signature de la présente Convention", soit jusqu'au 16 septembre 1988,
en relevant que les négociations qui ont conduit à la Convention de
Lugano "ont été fondées sur la Convention de Bruxelles à la lumière de ces
décisions". Enfin, dans une déclaration des représentants des Gouvernements
de l'AELE signataires de la Convention de Lugano (déclaration qui fait
également partie du "contexte" de la Convention, au sens de l'art. 31
ch. 2 let. b CV), ces Etats ont déclaré "qu'ils considèrent approprié
que leurs tribunaux, en interprétant la Convention de Lugano, tiennent
dûment compte des principes contenus dans la jurisprudence de la CJCE
et des tribunaux des Etats membres des Communautés européennes relative
aux dispositions de la Convention de Bruxelles qui sont reproduites en
substance dans la Convention de Lugano".

    d) De la jurisprudence de la CJCE, il ressort que la notion de "matière
civile et commerciale" de l'art. 1er al. 1 de la Convention de Bruxelles
- disposition identique à celle de la Convention de Lugano - doit être
considérée comme une notion autonome qu'il faut interpréter en se référant,
d'une part, aux objectifs et au système de la Convention et, d'autre part,
aux principes généraux qui se dégagent de l'ensemble des systèmes des
droits nationaux (voir en particulier CJCE, arrêt du 14 octobre 1976 LTU c.
Eurocontrol, aff. 29/76, Rec. 1976, p. 1541 ss, § 3, p. 1550/51 et point
1 du dispositif, p. 1552; CJCE, arrêt Bavaria-Germanair du 14 juillet
1977, aff. 9 et 10/77, Rec. 1977, p. 1517 ss, p. 1525, § 4; CJCE, arrêt
Gourdain du 22 février 1979, aff. 173/78, Rec. 1979, p. 733 ss, p. 743,
§ 3; CJCE, arrêt Etat néerlandais c. Rüffer précité, Rec. 1980, p. 3819,
§ 7). La Cour de Luxembourg souligne que l'interprétation "autonome" de
l'art. 1 al. 1 de la Convention de Bruxelles se justifiait - dans le cadre
communautaire - par la nécessité d'assurer, "dans la mesure du possible,
l'égalité et l'uniformité des droits et obligations qui en découlent pour
les Etats membres contractants et les personnes intéressées" (CJCE, arrêt
Etat néerlandais c. Rüffer précité, p. 3821, § 14): une telle exigence
implique que le champ d'application de la Convention soit déterminé
"essentiellement en raison des éléments qui caractérisent la nature des
rapports juridiques entre les parties au litige ou l'objet de celui-ci"
(ibid.). Si un rapport juridique a sa source dans un acte relevant de la
puissance publique, il est en conséquence exclu du champ d'application
matériel de la Convention (ibid., § 15).

    e) Il n'y a aucune raison de ne pas suivre cette ligne d'interprétation
aux fins de l'application, par le tribunal de céans, de la Convention
de Lugano. Le principal avantage de toute interprétation "autonome" d'un
traité est d'éviter l'insécurité juridique consécutive au simple renvoi
aux droits nationaux des parties contractantes (Olivier Jacot-Guillarmod,
Strasbourg, Luxembourg, Lausanne et Lucerne: méthodes d'interprétation
comparées de la règle internationale conventionnelle, in: Les règles
d'interprétation (Principes communément admis par les juridictions), sous
la direction de JEAN-FRANÇOIS PERRIN, Fribourg, 1989, p. 109-125, spéc.
p. 115-116; voir également VINCENT BRULHART, La compétence internationale
en matière d'assurances dans l'espace judiciaire européen, thèse Fribourg,
1997, p. 19 à propos de la notion centrale d'assurances des art. 7ss CL).
L'imprévisibilité de l'interprétation qui en résulterait ruinerait
la volonté manifestée par les parties contractantes d'assurer une
interprétation aussi uniforme que possible des deux instruments.

    Sans doute, la Convention de Bruxelles répond-elle, par son fondement
juridique dans le droit constitutionnel communautaire (art. 220 CE,
"en tant que de besoin"), à un fonctionnalisme communautaire relevé
par la Cour de Luxembourg dès son premier arrêt rendu en application
de la Convention de Bruxelles (CJCE, arrêt Tessili c. Dunlop du 6
octobre 1976, aff. 12/76, Rec. 1976, p. 1473 ss, p. 1484-1485, § 9-11;
cf. aussi, à propos de la double imposition, CJCE, arrêt Epoux Robert
Gilly du 12 mai 1998, aff. C-336/96, § 15). Et il pourrait arriver que
l'application conjointe d'une disposition du traité CE (par exemple son
art. 6 relatif à l'interdiction de toute discrimination à raison de la
nationalité), puisse influencer l'interprétation d'une disposition de
la Convention de Bruxelles dans la sphère communautaire, et inhiber une
reprise de cette interprétation par les juridictions non communautaires
appelées à interpréter les concepts correspondants de la CL (dans ce
sens, IVO SCHWANDER, PJA 1994, p. 795-797; contra PAUL VOLKEN, RSDIE
1994, p. 1-2). Mais, mis à part ces cas - qui devraient au demeurant
rester rares -, il y a lieu de considérer que les territoires des Etats
parties à la Convention de Lugano - même pour ceux d'entre eux pour
lesquels la Convention de Lugano n'est que le prolongement des accords
de libre échange de 1972 - constituent une "entité" géographique ou
un espace judiciaire commun appelant, dans l'intérêt des opérateurs
économiques, une application aussi uniforme que possible (cf. CJCE,
arrêt Mund et Fester du 10 février 1994, aff. C-398/92, Rec. 1994, p.
I-467 ss, p. I-480, § 19; dans ce sens, BRULHART, op.cit. p. 17; comp.
ANDREAS FURRER, Das Lugano-Ubereinkommen als europarechtliches Instrument,
in: Das Luganer Konvergenzsystem auf dem Prüfstand von Praxis und Politik,
PJA 1997, p. 486-501, notamment p. 488 et 497/498).

    Etant donné qu'en Suisse, le Tribunal fédéral suit une méthode
éclectique pour définir le tracé, dans un cas concret, entre le droit
privé et le droit public (ATF 120 II 412 consid. 1b p. 414), il y a
lieu de considérer que les critères retenus par la CJCE dans le cadre de
son interprétation autonome peuvent être repris par le Tribunal fédéral
dans le cadre interprétatif rappelé ci-dessus. En d'autres termes, le
critère des personnes (privées ou publiques) parties au rapport juridique
considéré n'est pas déterminant, mais bien davantage la question de savoir
si, au regard de l'objet du litige, l'autorité en question a agi "jure
gestionis" ou "jure imperii". Il convient d'admettre de surcroît que la
notion de "matière civile et commerciale" doit être entendue largement,
conformément à une tendance générale au plan international et en raison
de l'opportunité de favoriser l'effet utile de la Convention de Lugano
(voir en particulier DONZALLAZ, op.cit., vol. I p. 335-344, notamment
ch. 826/827, 838, 853 et 856).

    f) En l'espèce, la SACE, malgré son statut d'organisme étatique
italien, financée par le budget de l'Etat et les primes d'assurance,
a bien conclu des contrats d'assurance comparables aux contrats que peut
passer un assureur privé.

    Le contrat d'assurance au sens des art. 7 à 12bis CL, est celui par
lequel le preneur se fait promettre, moyennant le paiement d'une prime ou
d'une cotisation, une prestation de l'assureur pour lui ou pour un tiers,
en cas de réalisation d'un risque (BRULHART, op.cit. p. 96ss, 112). La
police conclue à Rome le 26 août 1986 entre la SACE et l'Overland Trust
Bank (Genève) correspond à ces critères. Certes, elle se réfère, sous point
1, à la loi italienne no 227 de 1977 (avec modifications) et à l'art. 6
de la loi italienne du 9 février 1979, mais mentionne aussitôt que la
garantie SACE est régie, "en plus de la loi et des clauses contenues dans
le présent contrat, par les dispositions du Code civil [italien] en matière
d'assurances en général et d'assurances contre les dommages en particulier,
celles-ci étant donc applicables puisqu'il n'y a pas été spécifiquement
dérogé" (ch. 4 du préambule, qui fait, selon le ch. 9 du même préambule
"partie intégrante du présent contrat"). Les montants assurés (art. 5),
les risques assumés en garantie (art. 4), les obligations de l'assuré et
de l'agent (art. 7), la prime (art. 8) - d'un montant de 4'171'104 CHF -
due à la SACE comme contrepartie à la garantie accordée, de même que les
clauses relatives au remboursement, au délai constitutif du sinistre,
au paiement de l'indemnisation, à la subrogation, à la cession des
droits, à la prescription et à la loi et au for compétent (art. 9-19),
sont typiques de contrats d'assurance privés. Ce contrat - pas plus
que les circonstances ayant mené à sa conclusion - ne fait apparaître
aucun rapport de subordination entre la SACE et l'OTB ou les banques,
de sorte que l'on doit admettre que la SACE a agi pour l'essentiel comme
une personne privée. Comme le Tribunal fédéral l'a récemment relevé,
l'applicabilité de la Convention de Lugano ne saurait être exclue du seul
fait que l'une des parties en litige est une collectivité publique (ATF
124 III 134 consid. 2b/aa/bbb p. 139, avec des références à la doctrine).

    g) En résumé et en conclusion, la SACE, en concluant le contrat
d'assurance litigieux, n'a pas agi dans l'exercice de prérogatives de
la puissance publique, mais bien plutôt comme l'aurait fait un simple
particulier ("jure gestionis"), en traitant sur un pied d'égalité avec son
cocontractant: il s'ensuit qu'aux fins de l'application de la Convention de
Lugano, la matière couverte par le contrat peut être qualifiée de "civile
et commerciale" au sens de l'art. 1er al. 1 CL et que les dispositions des
art. 7 ss CL sont bien applicables. Le recours III doit, en conséquence,
être rejeté.

    Recours I (compétence ratione loci des juridictions genevoises,
art. 8 al. 1 ch. 2 CL)

Erwägung 7

    7.- a) Dans leur recours en réforme, les recourantes I, demanderesses,
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice
du canton de Genève du 14 novembre 1997 en ce qu'il déclare irrecevable,
pour cause d'incompétence ratione loci des tribunaux genevois, l'action
dirigée par elles contre la SACE; elles requièrent le Tribunal fédéral
de dire et constater que les tribunaux genevois sont compétents pour
connaître de leur action.

    b) Déposé en temps utile, le recours remplit en outre les conditions
de recevabilité posées par les art. 48 al. 1 et 49 al. 1 OJ. Par ailleurs,
le moyen tiré de la violation de la Convention de Lugano est recevable
dans le cadre du recours en réforme (art. 43 al. 1 OJ), ce traité posant
des règles de compétence d'application directe, en particulier de for,
dans une contestation pour laquelle le recours en réforme est ouvert.

Erwägung 8

    8.- Les recourantes font grief à l'arrêt querellé d'avoir violé
l'art. 8 al. 1 ch. 2 CL. Elles reprochent à la Cour de justice d'avoir
considéré qu'elles étaient elles-mêmes "preneurs d'assurance" au sens
de cette disposition, autrement dit qu'elles avaient conclu elles-mêmes
le contrat d'assurance, de sorte qu'elles ne pouvaient (à la différence
de la Banque Bruxelles Lambert, domiciliée à Genève) agir contre la SACE
à Genève.

    a) L'art. 8 al. 1 ch. 2 CL a la teneur suivante:
        "L'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant
        peut être
      attrait: (...) 2. dans un autre Etat contractant, devant le tribunal
      du lieu où le preneur d'assurance a son domicile".

    b) La SACE, intimée, conteste, outre l'application de la CL elle-même,
celle des dispositions relatives aux contrats d'assurance. Elle estime
qu'il s'agirait en l'espèce de simples garanties de paiement, qui ne
seraient pas assimilables à un contrat d'assurance privée concernant
un risque concret. Une banque - et, a fortiori, un syndicat bancaire -
ne saurait se prévaloir des avantages accordés à la partie faible par
les art. 7 ss CL.

    A titre liminaire, il convient de faire remarquer, au regard tant du
préambule de l'art. 1er du Protocole no 2 à la CL sur l'interprétation
uniforme de la Convention que de la déclaration des représentants
des Gouvernements des Etats signataires de la Convention membres des
Communautés européennes (RS 0.275.11), que sur les points d'interprétation
litigieux, il n'existe apparemment ni jurisprudence des tribunaux des
Etats parties à la CL, ni jurisprudence, antérieure ou postérieure au
16 septembre 1988, de la CJCE ou des tribunaux des Etats des Communautés
européennes relative aux dispositions de la Convention de Bruxelles qui
sont reproduites en substance dans la CL (Institut suisse de droit comparé,
Recueil de la jurisprudence de la Cour des Communautés européennes et
des Cours suprêmes des Etats parties relative à la Convention de Lugano,
vol. I, II, III, Zurich 1996, 1997, 1998). Cela étant, les arguments de
l'intimée ne sont guère concluants.

    Les art. 7 ss CL ont certes pour objectif de protéger la partie dite
faible, lors de la conclusion d'un contrat d'adhésion. Les cas où une
telle protection a été exclue, s'agissant de risques d'envergure, sont
toutefois expressément mentionnés aux art. 12 ch. 5 et 12bis CL. Avec
raison, l'intimée ne soutient pas que les contrats conclus avec les
banques en feraient partie. Par ailleurs, la SACE ne saurait non plus,
comme cela est relevé ci-dessus, exciper de sa qualité d'entité publique
pour exclure l'application de la section 3 CL (cf. DONZALLAZ, op.cit.,
vol. III no 5678 p. 590).

    c) Dans les deux contrats d'assurance litigieux, conclus à Rome le 26
août 1986 et le 1er octobre 1987, seul apparaît le nom d'Overland Trust
Bank, avec siège à Genève, qui a agi en tant qu'agent ou "chef de file"
(capofila, agente, dans le texte italien; Agent, Manager, dans le texte
anglais). C'est donc lui qui avait conclu le contrat et qui doit être
considéré comme "preneur d'assurance" au sens de l'art. 8 al. 1 ch. 2
(HÉLÈNE GAUDEMET-TALLON, Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, 2e
éd., 1996, p. 173). Est en effet preneur d'assurance (policy holder),
selon cette disposition, celle des parties au contrat qui recherche,
pour elle-même ou pour un tiers, la protection de l'assurance (BRULHART,
op.cit. p. 188; DONZALLAZ, op.cit., vol III no 5682 p. 591); c'est
précisément en cette qualité qu'OTB a conclu les polices d'assurance et
s'est soumis à la juridiction des tribunaux de Rome (voir l'art. 19 de ces
polices). Pour leur part, les banques étaient désignées comme assurées
(assicurati, guaranteed parties) dans les contrats eux-mêmes, car c'est
sur leurs intérêts que pesait le risque couvert (BRULHART, op.cit. p. 189).

    La Convention de Lugano, dans sa section III relative à la "Compétence
en matière d'assurances" (art. 7-12bis) fait une distinction, aux art. 11
al. 1 et 12 ch. 2, entre le preneur d'assurance (Versicherungsnehmer),
l'assuré (Versicherte) et le bénéficiaire (Begünstigte). Or, le for du
domicile du preneur d'assurance, au sens de l'art. 8 al. 1 ch. 2 CL,
est à la disposition non seulement du preneur d'assurance, mais de toute
autre partie (assuré, bénéficiaire) qui a un droit à faire valoir contre
l'assureur. La prorogation de for opérée en 1986 par OTB pour lui-même en
faveur des juridictions italiennes n'a donc pas eu pour effet d'empêcher
les recourantes I, assurées, d'agir aujourd'hui contre l'assureur au
for prévu par l'art. 8 al. 1 ch. 2 CL, soit à Genève, lieu où le preneur
d'assurance (OTB) a son domicile (voir sur ce point, BRULHART, op.cit. p.
206; voir également GAUDEMET-TALLON, op.cit. p. 173; KROPHOLLER, op.cit.,
no 2 ad art. 8 CL). En d'autres termes, le domicile genevois d'OTB a créé
en l'espèce la compétence des juridictions genevoises pour connaître
de toutes actions dirigées contre la SACE. Les recourantes, en tant
qu'assurées, peuvent ainsi attraire la SACE à ce for.

    Le recours en réforme déposé par les recourantes I doit ainsi être
admis, et l'arrêt attaqué annulé en tant qu'il nie l'existence d'un for à
Genève, et déclare irrecevable l'action formée par les banques recourantes.