Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 124 III 134



124 III 134

25. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour civile du 15 janvier 1998 dans la
cause Commune de Macot La Plagne contre Banques X., Y. et Z. (recours de
droit public) Regeste

    Internationales Privatrecht. Gerichtsstandsvereinbarung.  Kognition
des Bundesgerichts im Hinblick auf das ausländische Recht (Art. 17 und
27 Ziff. 1 LugÜ, Art. 43a Abs. 2 OG).

    Die Frage, ob ein Garantievertrag, der vom Bürgermeister einer
französischen Gemeinde mit einem schweizerischen Finanzinstitut
abgeschlossen wurde und eine Gerichtsstandsvereinbarung zugunsten eines
schweizerischen Gerichtes enthält, nach französischem Verwaltungsrecht
Gültigkeit hat, ist dem Bundesgericht mit staatsrechtlicher Beschwerde
zu unterbreiten.

Sachverhalt

    A.- a) Au début de l'année 1988, une société à responsabilité limitée,
immatriculée au registre du commerce d'Albertville, s'est vu accorder,
par un établissement financier genevois, un prêt de 13'500'000 DM, divisé
en trois tranches de 4'500'000 DM chacune, pour la construction d'un hôtel
de luxe sur le territoire de la commune de Macot La Plagne (Savoie/France;
ci-après: la commune). Le remboursement de ce prêt devait être garanti
par ladite commune.

    Le 11 mars 1988, le conseil municipal a accepté de fournir semblable
garantie et d'autoriser le maire de la commune à conclure une convention
à cette fin. A la même date, l'emprunteuse et la commune, représentée
par son maire, ont signé, avec l'établissement financier genevois,
trois conventions de prêt identiques, portant chacune sur une tranche de
4'500'000 DM et contenant la clause suivante:
       "La présente convention ainsi que la garantie sont régies par
       le droit
   suisse. Tout différend pouvant en résulter est de la compétence des
   tribunaux ordinaires de la République et canton de Genève, avec droit
   de recours au Tribunal fédéral à Lausanne."

    Le maire a encore signé, le même jour, pour le compte de la commune,
trois déclarations de garantie.

    b) Par lettre du 22 mars 1988, le sous-préfet d'Albertville, qui avait
reçu, le 15 du même mois, la délibération précitée du conseil municipal,
a indiqué au maire que la prudence devrait conduire le conseil municipal
à limiter sa garantie, afin que celle-ci n'excédât pas le pourcentage
autorisé par la loi.

    Informé par le maire du fait que la garantie dépassait la limite
légale, le conseil municipal a décidé, en séance du 1er avril 1988,
d'annuler la délibération du 11 mars 1988 concernant cet objet.

    c) Dans l'intervalle, par acte du 30 mars 1988, l'établissement
financier genevois avait cédé ses créances découlant des conventions de
prêt du 11 mars 1988 à trois banques luxembourgeoises. La somme prêtée
a été versée le 7 avril 1988 à l'emprunteuse.

    d) Dès octobre 1990, l'emprunteuse n'a plus été en mesure de
s'acquitter des intérêts des prêts qui lui avaient été consentis. Aussi
a-t-elle été mise en demeure, entre le 25 mars et le 1er juillet 1991,
par les trois banques cessionnaires. La commune en a été informée.

    Par jugement du 26 juin 1992, l'emprunteuse a été déclarée en état
de cessation de paiements.

    B.- Le 28 avril 1992, les banques X., Y. et Z., se basant sur la
clause de prorogation de for, ont assigné la commune devant le Tribunal
de première instance du canton de Genève. Elles ont conclu, chacune, au
paiement de la contre-valeur en francs suisses de 5'426'286.39 DM, plus
intérêts, soit d'un montant total de quelque 14'642'000 fr. en capital.

    La défenderesse a soulevé d'entrée de cause l'exception d'incompétence
territoriale. Par jugement sur incident du 29 avril 1993, la juridiction
saisie a rejeté cette exception.

    Dans l'appel qu'elle a interjeté contre ce jugement, la commune a
soulevé, pour la première fois, à titre d'argument supplémentaire, une
exception d'incompétence à raison de la matière. Statuant par arrêt du
13 septembre 1996, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le
jugement de première instance.

    C.- Contre l'arrêt de la Cour de justice, la défenderesse exerce,
parallèlement, un recours de droit public pour violation de l'art. 4
Cst. et un recours en réforme. Dans le premier, elle conclut à l'annulation
de cet arrêt.

    Les intimées proposent le rejet du recours de droit public, en
contestant au surplus la recevabilité de plusieurs des griefs qui y sont
soulevés. La cour cantonale se réfère, pour sa part, aux motifs énoncés
dans cet arrêt.

    Le Tribunal fédéral rejette ledit recours dans la mesure où il est
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité
des recours qui lui sont soumis (ATF 123 I 112 consid. 1 et l'arrêt cité).

    a) L'arrêt attaqué constitue une décision incidente prise en dernière
instance cantonale. En vertu de l'art. 87 OJ, le recours de droit public
pour violation de l'art. 4 Cst. n'est recevable contre de telles décisions
que s'il en résulte un dommage irréparable pour l'intéressé. Cependant,
de jurisprudence constante, les décisions qui, à l'instar de la présente,
ont trait à la compétence ratione loci ou ratione materiae ne sont pas
soumises à cette exigence (ATF 122 I 39 consid. 1a et l'arrêt cité). Le
recours de la commune est ainsi recevable sous cet angle.

    b) Le recours de droit public a un caractère subsidiaire par rapport
aux autres moyens de droit (art. 84 al. 2 OJ). Il est donc irrecevable
lorsque les moyens soulevés auraient pu être soumis au Tribunal fédéral par
la voie du recours en réforme (art. 43 ss OJ) ou par celle du recours en
nullité (art. 68 ss OJ). En l'occurrence, tous les griefs articulés dans
le recours de droit public le sont également, à côté d'autres moyens,
dans le recours en réforme (subsidiairement en nullité) interjeté
parallèlement par la recourante. Quant à la valeur litigieuse minimale
conditionnant l'ouverture de cette voie de droit (art. 46 OJ), elle est
largement dépassée puisque la contestation porte sur un montant supérieur
à 14 millions de francs suisses. Il y a lieu, dès lors, d'examiner,
sur le vu des explications fournies dans les deux mémoires de recours,
si les griefs en question relèvent de la procédure du recours en réforme,
auquel cas leur irrecevabilité devrait être constatée dans l'arrêt sur le
recours de droit public, étant précisé que le principe de subsidiarité
absolue de ce dernier moyen de droit ne commande pas d'inverser l'ordre
de priorité instauré par l'art. 57 al. 5 OJ en faveur de celui-ci.

    aa) aaa) Au considérant 2 de son arrêt du 19 août 1994, en la cause
4P.48/1994, Commune de Romorantin-Lanthenay c. X. S.A., le Tribunal fédéral
a émis l'opinion suivante au sujet de son pouvoir d'examen à l'égard du
droit étranger:
       "Dans les contestations civiles portant sur un droit de nature
   pécuniaire, telle la présente affaire, on ne peut pas faire valoir,
   par la voie du recours en réforme, que la décision attaquée applique
   de manière erronée le droit étranger (art. 43a al. 2 OJ). Avant
   l'entrée en vigueur de l'art. 43a OJ, le Tribunal fédéral n'a fait une
   exception à cette règle que lorsqu'il s'est agi pour lui de déterminer,
   à titre préjudiciel, parmi plusieurs droits étrangers entrant en ligne
   de compte, lequel était applicable, parce que de la réponse à cette
   question dépendait la solution à apporter, à la lumière du droit suisse,
   au problème principal (ATF 98 II

    231 consid. 1a, 91 II 117 consid. II/3; actuellement: art. 43a al. 1
let. a

    OJ). Il n'est pas nécessaire de décider, en l'espèce, si ce principe
   jurisprudentiel devrait régir toute question de droit étranger
   préjudicielle à l'application du droit suisse (POUDRET, COJ, n. 1.3
   ad art.

    43a). En effet, le point de savoir si un contrat a été valablement
conclu
   au regard du droit étranger ne revêt pas un caractère préjudiciel pour
   l'application du droit suisse, mais constitue une question principale
   qui tombe sous le coup de l'art. 43a al. 2 OJ. C'est aussi une question
   de ce genre que celle du pouvoir de représentation de la personne qui
   conclut un contrat avec un tiers au nom du représenté. Ainsi, il n'est
   pas possible d'examiner, dans la procédure du recours en réforme,
   si le droit français autorisait le maire de la commune à passer la
   convention d'élection de for litigieuse. Le recours de droit public
   pour arbitraire était donc bien la voie à suivre, en l'occurrence,
   pour soumettre ce problème au Tribunal fédéral."

    La recourante soutient que le Tribunal fédéral, statuant comme
juridiction de réforme, peut vérifier en l'espèce si la cour cantonale a
appliqué correctement le droit français lors de l'examen des exceptions
d'incompétence à raison de la matière et du lieu. A cet égard, elle
souligne que le problème de la validité de l'acte administratif litigieux
- à savoir la décision du maire de signer les conventions incluant une
clause d'élection de for - relève de la juridiction exclusive et d'ordre
public des tribunaux administratifs français, en ce sens qu'une décision
prise à ce sujet par un juge civil, français ou non, serait frappée de
nullité absolue et, dans l'hypothèse où elle aurait été rendue hors de
France, ne serait pas susceptible de reconnaissance dans ce pays en
vertu de l'art. 27 ch. 1 de la Convention de Lugano du 16 septembre
1988 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions
en matière civile et commerciale (RS 0.275.11; ci-après: Convention de
Lugano ou CL). Or, les règles du droit suisse touchant la compétence
internationale, en particulier l'art. 5 de la loi fédérale sur le droit
international privé (LDIP; RS 291) relatif à l'élection de for, ne sont
pas applicables si elles violent l'ordre public étranger, ainsi que cela
ressort indirectement de l'art. 19 LDIP. Il s'ensuit que la question de
droit étranger est, en l'occurrence, préjudicielle à l'application du droit
suisse. Par conséquent, le Tribunal fédéral doit pouvoir l'examiner dans
la procédure du recours en réforme afin d'être en mesure de sanctionner
une violation médiate de ce droit.

    Les intimées ne partagent pas cet avis. Pour elles, la présente cause
ne se distingue pas essentiellement de celle qui a donné lieu au précédent
déjà cité, le fait que les motifs allégués pour établir l'absence de
pouvoir de représentation du maire soient différents dans les deux cas
ne commandant pas une autre solution. Il convient donc de s'en tenir
au principe voulant que le point de savoir si un contrat contenant une
clause attributive de juridiction a été valablement conclu au regard du
droit étranger ne revête pas un caractère préjudiciel pour l'application
du droit suisse. L'argumentation développée par la recourante méconnaît
ce principe, car elle implique que toute question liée à la conclusion du
contrat deviendrait préjudicielle dès lors que le contrat contiendrait
une clause d'élection de for et que se poserait, à titre préalable, la
question de la compétence du tribunal saisi. Au demeurant, elle aurait
ceci de paradoxal que le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en réforme
contre une décision quant à la compétence, pourrait revoir l'application
du droit étranger en rapport avec la conclusion du contrat litigieux,
alors qu'il ne pourrait pas le faire si la même question lui était soumise
dans un recours en réforme visant la décision sur le fond.

    bbb) L'examen de la recevabilité du recours en réforme et, par voie
de conséquence, de celle du recours de droit public nécessite la recherche
préalable des normes juridiques applicables.

    La Convention de Lugano est entrée en vigueur le 1er janvier 1992
en Suisse et en France, et le 1er février 1992 au Luxembourg. Elle est
applicable en l'espèce, ratione temporis, étant donné que les intimées ont
introduit leur action judiciaire le 28 avril 1992, soit postérieurement
à son entrée en vigueur dans l'Etat d'origine (art. 54 al. 1 CL; ATF
119 II 391 consid. 2). Peu importe, au demeurant, que les parties à la
présente procédure soient domiciliées sur le territoire d'Etats membres des
Communautés européennes. En effet, la Convention de Lugano s'applique en
tout état de cause en matière de compétence, à l'exclusion de la Convention
dite de Bruxelles (CB), lorsque son art. 17, qui a trait à l'élection de
for, confère une compétence aux tribunaux d'un Etat contractant, telle
la Suisse, qui n'est pas membre des Communautés européennes (art. 54ter
ch. 2 let. a CL). L'applicabilité de la Convention de Lugano ne saurait
non plus être exclue du seul fait que l'une des parties en litige est
une collectivité publique (cf. sur ce point: HÉLÈNE GAUDEMET-TALLON,
Les Conventions de Bruxelles et de Lugano, 2e éd., p. 22/23, n. 30;
JAN KROPHOLLER, Europäisches Zivilprozessrecht, 5e éd., n. 9 ad art. 1
CB). Aussi bien, la commune, en passant les conventions litigieuses
par l'intermédiaire de son maire, n'a pas agi dans l'exercice de ses
prérogatives de puissance publique, mais au même titre qu'un particulier
traitant avec un tiers sur un pied d'égalité (voir, dans ce sens, une
décision rendue le 9 décembre 1996 par le Tribunal des conflits, dans
l'affaire Préfet du Gard, et publiée in: L'Actualité juridique - Droit
administratif [AJDA] 1997 p. 477, ainsi que les observations subséquentes
de François Chouvel). D'où il suit que, dans son champ d'application,
la Convention de Lugano rend inopérante la loi fédérale sur le droit
international privé, conformément à l'art. 1er al. 2 de cette loi.
C'est dire que la recourante fonde en vain son argumentation sur l'art. 5
LDIP, qui régit l'élection de for en matière internationale.

    L'art. 17 CL fixe les conditions de validité de la clause
attributive de juridiction. Il pose avant tout des conditions de forme
et ne mentionne qu'une condition de fond tenant à l'objet de la cause
(exigence d'un rapport de droit déterminé; cf. GAUDEMET-TALLON, op.cit.,
p. 84 ss, n. 116 ss). Ces conditions ne font pas problème en l'espèce. La
recourante ne conteste pas davantage, à juste titre d'ailleurs, le droit
des intimées de se prévaloir de la clause de prorogation de for incluse
dans les conventions de prêt qu'elles ont reprises (cf. GAUDEMET-TALLON,
op.cit., p. 97/98, n. 140; ATF 123 III 35 consid. 3c p. 46). La norme
conventionnelle précitée ne règle toutefois pas les autres conditions
de fond de l'élection de for, notamment celles dont dépend la validité
de la convention attributive de juridiction en tant qu'accord de volonté
(capacité des parties, consentement non vicié, pouvoir de représentation
de la personne agissant pour autrui, etc.), pas plus qu'elle n'indique la
loi applicable pour résoudre ces questions. Diverses lois ont vocation à
intervenir: loi d'autonomie, loi du tribunal exclu, loi du tribunal élu,
loi du tribunal saisi. A ce jour, le problème n'a pas encore trouvé
de solution (GAUDEMET-TALLON, op.cit., p. 93, n. 131). Le Tribunal
fédéral a évoqué la question dans un récent arrêt, rendu sous l'angle
de l'arbitraire, en mentionnant les différentes opinions professées
à ce sujet au sein de la doctrine (ATF 122 III 439 consid. 3b et les
auteurs cités). Il peut se dispenser de la trancher en l'espèce. En
effet, étant donné sa nature très spécifique, le problème litigieux -
soit la régularité d'un acte émanant du maire d'une commune française au
regard du droit public français - ne peut être traité autrement que par
l'application des normes conditionnant la validité dudit acte, c'est-à-dire
des dispositions topiques du droit communal français.

    ccc) S'il s'était agi, en l'occurrence, de décider de l'applicabilité
même de l'art. 17 CL, par rapport à la réglementation analogue du droit
interne (art. 5 LDIP), ou d'examiner la réalisation de ses conditions
spécifiques d'application, telles que l'existence d'un "rapport de droit
déterminé" ou le respect de la forme requise pour l'élection de for, la
décision incidente rendue à ce sujet en dernière instance cantonale eût
pu être l'objet d'un recours en réforme, basé sur l'art. 49 OJ (ATF 119
II 391 consid. 1 et 2; arrêt non publié du 17 juin 1996, dans la cause
4C.468/1995, consid. 2). Or, comme on l'a indiqué plus haut, d'une part,
l'applicabilité ratione temporis de la norme conventionnelle n'est pas
litigieuse dans le cas particulier, d'autre part, la question qui divise
les parties est exorbitante du champ d'application de cette norme. La
simple référence à celle-ci ne suffit donc pas à ouvrir la voie du recours
en réforme à la partie qui s'en prévaut.

    De même, un recours en réforme eût été recevable in casu s'il avait
fallu déterminer, à titre préjudiciel, parmi plusieurs droits étrangers
entrant en ligne de compte, celui qui était applicable, parce que de la
réponse à cette question dépendait la solution à apporter, à la lumière du
droit suisse, au problème principal (ATF 98 II 231 consid. 1a; 91 II 117
consid. II/3). Dans l'arrêt commune de Romorantin-Lanthenay, déjà cité,
le Tribunal fédéral a encore évoqué, mais sans prendre définitivement
position à ce sujet, la possibilité qu'il puisse revoir toute question
de droit étranger préjudicielle à l'application du droit suisse (dans ce
sens, cf. POUDRET, op.cit., n. 1.3 ad art. 43a). Encore faudrait-il,
pour qu'il se résolve à le faire, que l'application de ce droit soit
véritablement conditionnée par le sort réservé au problème de droit
étranger en suspens. Tel était le cas, pour citer l'un des exemples les
plus récents, dans la cause qui a donné lieu à l'arrêt publié aux ATF 119
II 69 ss: l'affaire avait trait à l'application de la convention du 15
juin 1869 entre la France et la Suisse sur la compétence judiciaire et
l'exécution des jugements en matière civile, qui a été abrogée lors de
l'entrée en vigueur de la Convention de Lugano. Une société française
avait assigné un ressortissant suisse domicilié à Genève devant les
tribunaux genevois, afin d'obtenir le paiement d'une créance garantie
par l'inscription provisoire d'une hypothèque judiciaire sur un immeuble
appartenant au défendeur et situé en France. La compétence des juges
genevois dépendait du point de savoir s'il fallait ranger cette action
dans la catégorie des actions réelles immobilières, visées par l'art. 4 de
la Convention (for, impératif, du lieu de situation de l'immeuble) ou dans
celle des actions personnelles, au sens de l'art. 1er de la Convention (for
du domicile du défendeur); la réponse à la question posée nécessitait un
examen préjudiciel de l'institution de l'hypothèque judiciaire française
et le Tribunal fédéral y a procédé, en se référant à Poudret (ibid.),
quand bien même la contestation ne portait pas sur un droit de nature non
pécuniaire (arrêt cité, consid. 3a in fine). La situation n'est en rien
comparable à celle-là dans l'affaire examinée présentement. En effet,
la question de droit étranger litigieuse - soit la validité, au regard
du droit administratif français, des conventions de prêt, incluant une
clause d'élection de for, qui ont été signées par le maire de la commune
- ne revêt pas un caractère préjudiciel pour l'application de l'art. 17
CL dès lors que cette disposition ne règle pas elle-même la question
de fond qui se pose ici en rapport avec l'élection de for. En réalité,
pour paraphraser l'arrêt commune de Romorantin-Lanthenay, susmentionné,
savoir si un contrat a été valablement conclu au regard du droit étranger
n'est pas une question préjudicielle à l'application du droit suisse, mais
constitue une question principale qui tombe sous le coup de l'art. 43a al.
2 OJ. Sont aussi de même nature les questions relatives aux pouvoirs
de la personne qui signe ledit contrat au nom d'autrui, aux formalités
administratives nécessaires à la perfection de celui-ci et à la sanction
de leur inobservation.

    La recourante objecte que la compétence des tribunaux administratifs
français pour juger de la validité d'un acte administratif est d'ordre
public; qu'une décision rendue en ce domaine par un juge civil suisse
ne serait donc pas reconnue en France, vu l'art. 27 ch. 1 CL; partant,
que les tribunaux genevois, en ne tenant pas compte de l'ordre public
français implicitement réservé par l'art. 17 CL, ont violé le droit
fédéral, ce qui justifierait le dépôt d'un recours en réforme de sa
part. L'objection n'est pas fondée. En principe, le juge suisse n'a pas
à se soucier d'une compétence exclusive étrangère; si les conditions de
prorogation énumérées dans la loi suisse sont réalisées, il se déclarera
compétent, quelles que soient les revendications de l'Etat du for exclu
(Gabrielle Kaufmann-Kohler, La clause d'élection de for dans les contrats
internationaux, p. 163). L'application de la Convention de Lugano ne
conduit d'ailleurs pas à un autre résultat. Certes, à teneur de l'art. 27
ch. 1 CL, les décisions ne sont pas reconnues si la reconnaissance est
contraire à l'ordre public de l'Etat requis. Toutefois, outre que cette
disposition ne concerne pas la compétence directe du tribunal saisi
mais s'applique uniquement en matière de reconnaissance et d'exequatur
(DONZALLAZ, La Convention de Lugano, vol. II, n. 2790), la disposition
suivante précise, expressis verbis, que "les règles relatives à la
compétence ne concernent pas l'ordre public visé à l'article 27, point 1"
(art. 28 al. 4 in fine CL). En d'autres termes, sous réserve de certaines
exceptions qui n'entrent pas en ligne de compte en l'espèce (voir les
renvois opérés aux deux premiers alinéas de l'art. 28 CL), il ne peut
être procédé au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat
d'origine, ainsi qu'il est dit à l'art. 28 al. 4 CL (sur cette question,
cf. GAUDEMET-TALLON, op.cit., p. 243 ss, n. 334 ss; KROPHOLLER, op.cit.,
n. 3 ad art. 28 CB). Au demeurant, la Convention de Lugano ne règle pas
les questions de compétence matérielle et fonctionnelle, pas plus que les
problèmes de juridiction ou d'admissibilité de la voie choisie. C'est
le rôle des lois d'organisation judiciaire et des codes de procédure
civile des Etats compétents selon ladite convention que de les fixer
(DONZALLAZ, op.cit., n. 1784). Or, il est admis en droit suisse que,
lorsque le sort d'une contestation pendante devant une autorité judiciaire
ou administrative dépend de la solution d'une question préjudicielle
qui relève d'une autre juridiction, le juge compétent pour statuer
sur la contestation principale l'est normalement aussi pour trancher
la question préjudicielle (ATF 90 II 158 consid. 3 et les références;
voir aussi: BERTOSSA/GAILLARD/GUYET, Commentaire de la loi de procédure
civile du canton de Genève, n. 9a ad art. 98). Au regard du droit suisse,
il n'y avait donc pas d'objection à ce que les tribunaux civils genevois
examinent une question relevant du droit administratif français (i.e. la
légalité de la procédure ayant conduit à la signature des conventions
incluant la clause de prorogation de for) et préjudicielle à la solution
de la question principale (i.e. l'obligation pour la commune de verser
aux banques luxembourgeoises les montants stipulés dans les conventions
de prêt et de garantie litigieuses).

    ddd) Il résulte de ce qui précède que le Tribunal fédéral ne pourra
pas revoir, dans la procédure du recours en réforme, l'application qui a
été faite par la Cour de justice du droit français. Comme le recours en
nullité n'est pas non plus recevable en l'espèce (cf. let. dd ci-dessous),
le recours de droit public était bien le moyen de droit à utiliser pour
critiquer l'application du droit étranger. Aussi le Tribunal fédéral
n'interviendra-t-il que s'il jugeait arbitraire la solution à laquelle
a abouti la cour cantonale.

    bb) Dans son recours en réforme, la commune invoque également
une violation de l'art. 8 CC au motif que la Cour de justice n'a pas
administré de preuves sur le point de savoir si les conventions de prêt
incluant la clause d'élection de for avaient été exécutées au vu et au su
du conseil municipal, alors qu'elle-même avait offert de prouver que tel
n'avait pas été le cas. L'intéressée considère ce fait comme pertinent,
s'agissant de déterminer, le cas échéant, les conséquences de ce défaut
de connaissance au regard du droit français.

    L'art. 8 CC, en tant que norme de droit civil fédéral, ne s'applique
qu'aux rapports juridiques qui relèvent de ce droit (ATF 123 III 35
consid. 2d et les auteurs cités). En l'occurrence, si les conventions de
prêt ressortissent effectivement au droit suisse, de par l'élection de
droit que les parties y ont faite, la violation du droit à la preuve
alléguée par la recourante a trait à l'application du droit public
français, étant donné que la circonstance - supposée juridiquement
pertinente - à prouver concerne l'incidence, selon ce droit, de la
connaissance ou du défaut de connaissance, par le conseil municipal,
du fait que les banques intimées avaient exécuté les conventions de prêt
signées par elles avec le maire de la commune. Or, pour l'application du
droit français, l'art. 8 CC ne pouvait entrer en ligne de compte. C'est
d'autres normes, procédurales ou tirées de ce droit, que la recourante
pouvait déduire le droit à la preuve dont elle se prévaut (ATF 115 II
300 consid. 3 et les arrêts cités). Il suit de là que le recours de droit
public est recevable, sous l'angle de la subsidiarité, dans la mesure où
son auteur y invoque la violation d'un tel droit, contrairement à ce que
soutiennent les intimées dans leur réponse audit recours.

    cc) La recourante invoque enfin, dans son recours en réforme,
la violation de l'art. 16 LDIP relatif à la constatation du droit
étranger. Elle fait grief à la cour cantonale d'avoir restreint indûment
son pouvoir d'examen à l'égard du droit français, ce qui impliquerait,
selon elle, un renversement du droit à la preuve. Un tel grief entre dans
les prévisions de l'art. 43a al. 1 let. b OJ et peut donc être soumis au
Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme. Par conséquent, le
même moyen, soulevé dans le recours de droit public, n'est pas recevable
en vertu de l'art. 84 al. 2 OJ.

    dd) L'application erronée du droit étranger n'entre pas dans les
prévisions de l'art. 68 OJ (POUDRET, op.cit., n. 7 ad art. 68, p. 647). Le
recours en nullité formé à titre subsidiaire par la commune n'est donc
pas recevable sur ce point.

    Cela étant, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours de droit
public.