Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 I 296



123 I 296

31. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 novembre 1997
dans la cause X. contre Conseil d'Etat du canton de Genève (recours de
droit public) Regeste

    Art. 27 Abs. 3 sowie Art. 49 BV und Art. 9 EMRK: Konfessionelle
Neutralität der Schule, Glaubens- und Gewissensfreiheit einer Lehrerin.

    Das Schutzobjekt der Glaubens- und Gewissensfreiheit umfasst
auch das in der religiösen Überzeugung gründende Tragen besonderer
Kleidungsstücke. Die persönliche Freiheit kann dagegen nicht
angerufen werden. Nicht einschränkbarer Kerngehalt der Glaubens- und
Gewissensfreiheit (E. 2).

    Das gegenüber einer in einer öffentlichen Schule tätigen Lehrerin
ausgesprochene Verbot, in der Schule eine nach ihrer Auffassung den
Anforderungen des Korans entsprechende Kopfbedeckung zu tragen, stützt
sich vorliegend auf eine genügende gesetzliche Grundlage (E. 3).

    Dieses Verbot entspricht einem überwiegenden öffentlichen Interesse
(insbesondere der konfessionellen Neutralität und dem Religionsfrieden
in der Schule) und ist verhältnismässig (E. 4).

Sachverhalt

    X., ressortissante suisse, a été nommée par le Conseil d'Etat du canton
de Genève dans la fonction d'institutrice de la division élémentaire dès
le 1er septembre 1990. Depuis la rentrée scolaire 1995, elle est titulaire
d'une classe à l'école primaire de C., où elle enseigne depuis 1989.

    Le 23 mars 1991, X. s'est convertie du catholicisme à l'islam et,
le 19 octobre suivant, elle a épousé un ressortissant algérien. Voulant
respecter les prescriptions du Coran, elle a alors commencé à porter des
vêtements amples lui cachant les parties du corps autres que le visage
et les mains, en particulier un voile ou un foulard lui couvrant le cou
et les cheveux (ci-après: le foulard).

    En mai 1995, la Directrice générale de l'enseignement primaire a
été informée par l'inspectrice scolaire que X. portait "régulièrement le
foulard islamique à l'école".

    Le 11 juillet 1996, la Directrice générale a confirmé à l'intéressée
l'entrevue qu'elles avaient eue le 27 juin précédent - en présence du
Directeur du service du personnel enseignant - par un courrier libellé
comme suit:

    "- le port du foulard islamique est en contradiction avec le respect de
   l'art. 6 de la loi sur l'instruction publique;

    - pour les raisons invoquées, dès la prochaine rentrée, vous
renoncerez à
   porter le foulard dans l'exercice de vos activités et de vos
   responsabilités professionnelles;

    - vous n'aurez pas recours à des attributs vestimentaires investis d'un
   sens confessionnel incompatible avec les impératifs de notre système
   scolaire."

    X. ayant requis une décision formelle à cet égard, la Directrice
générale lui a notifié le 23 août 1996 une décision déclarée "exécutoire
dès la présente rentrée, même en cas de recours", confirmant les termes
de la lettre du 11 juillet 1996 et précisant que, dans le cas de X.,
"les compétences strictement professionnelles et les signes extérieurs
de conviction confessionnelle" se rejoignaient "dans le mode ostensible
d'identification imposé par l'enseignante aux élèves, de surcroît dans
un système scolaire public et laïc."

    Le 26 août 1996, X. a recouru contre cette décision auprès du Conseil
d'Etat et a demandé l'octroi de l'effet suspensif.

    Par courrier du 6 septembre 1996, ayant appris que, depuis la rentrée
scolaire 1996, X. portait à l'école un chapeau avec une écharpe ou un
foulard enroulé en turban, lesquels cachaient entièrement ses cheveux
et son cou, ainsi que des vêtements la couvrant de la tête aux pieds,
la Directrice générale a requis le mandataire de X. d'enjoindre à sa
cliente de se conformer strictement à la décision prise.

    Le 12 septembre 1996, X. a déposé des pièces supplémentaires et une
nouvelle détermination. Elle expliquait notamment que son habillement
n'avait rien de particulier puisque des tenues similaires, c'est-à-dire
respectant les mêmes critères de décence, pouvaient être trouvées dans la
mode profane de grands couturiers occidentaux. Elle précisait en outre
que, dans les murs de sa propre classe, elle se découvrait parfois, se
recouvrant lorsqu'une personne pubère de sexe masculin pénétrait dans
la salle ou était susceptible d'y entrer. Ainsi, lors des différentes
visites de l'inspectrice scolaire, elle ne portait pas systématiquement
de couvre-chef. En revanche, elle cachait ses cheveux dans l'enceinte
de l'école.

    Par arrêté du 16 octobre 1996, appliquant notamment l'art. 27 Cst. et
les art. 6 et 120 al. 2 de la loi cantonale sur l'instruction publique,
le Conseil d'Etat a rejeté le recours.

    Agissant le 25 novembre 1996 par la voie du recours de droit public, X.
demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler
l'arrêté du Conseil d'Etat du 16 octobre 1996. Elle requiert également
l'octroi de l'effet suspensif.

    Le 13 décembre 1996, le Conseil d'Etat a déposé des interviews
de X. parues dans "Le Matin" des 22 et 29 octobre 1996 ainsi que dans
"L'Illustré" du 23 octobre 1996. Il a également produit deux courriers
anonymes reçus à l'école de C. le 7 novembre 1996, lesquels, en substance,
s'opposent au port du foulard à l'école. Le Conseil d'Etat a encore
annexé le formulaire d'une pétition, émanant d'un comité de soutien
constitué en faveur de X. à l'initiative d'une mère d'élève, ainsi que le
procès-verbal d'une séance du 10 décembre 1996 réunissant l'inspectrice
scolaire et les enseignantes de l'école de C., y compris l'intéressée,
en vue de déterminer la manière de traiter l'affaire en cours avec les
élèves et leurs parents. Enfin, le Conseil d'Etat a déposé une résolution
adoptée par le Grand Conseil genevois le 10 octobre 1996, ainsi libellée:

    "Considérant (...)

    - que l'école publique genevoise est une école laïque;

    - que les enseignants sont des représentants de l'institution et
qu'à ce
   titre, ils doivent respecter ce principe de laïcité, notamment en ce
   qui concerne les signes religieux extérieurs;

    - qu'une institutrice refuse de se soumettre à cette règle en
portant un
   foulard islamique, invite le Conseil d'Etat

    - à faire respecter ce principe de laïcité par tous les enseignants
   genevois, quelles que soient leurs convictions religieuses;

    - à poursuivre dans sa politique de fermeté face à l'institutrice
   genevoise ayant refusé de se soumettre à cette règle."

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Préalablement, il faut observer que la recourante déclare à
titre principal que son habillement, dont les éléments peuvent être acquis
en grande surface, ne doit pas être traité comme un symbole religieux,
mais comme n'importe quel vêtement plus ou moins anodin qu'un enseignant
déciderait de porter pour des motifs qui lui seraient propres, notamment
pour des raisons esthétiques ou pour mettre en valeur, voire cacher, une
partie de son anatomie (foulard autour du cou, gilet, petit chapeau...). La
décision attaquée reviendrait ainsi à interdire à un enseignant, sans
justification suffisante, de s'habiller selon son désir.

    Toutefois, il ne fait aucun doute que la recourante porte le foulard et
des vêtements amples non pas pour des raisons esthétiques mais afin d'obéir
à une exigence religieuse, qu'elle tire des passages suivants du Coran
(Le Coran, essai de traduction par Jacques Berque, 2e éd., Paris 1995):

    "Dis aux croyantes de baisser les yeux et de contenir leur sexe; de ne
   pas faire montre de leurs agréments, sauf ce qui en émerge, de rabattre
   leur fichu sur les échancrures de leur vêtement. Elles ne laisseront
   voir leurs agréments qu'à leur mari, à leurs enfants, à leurs pères,
   beaux-pères, fils, beaux-fils, frères, neveux de frères ou de soeurs,
   aux femmes (de leur communauté), à leurs captives, à leurs dépendants
   hommes incapables de l'acte, ou garçons encore ignorants de l'intimité
   des femmes.

    Qu'elles ne piaffent pas pour révéler ce qu'elles cachent de leurs
   agréments." (sourate 24, verset 31)

    "Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de
   revêtir leurs mantes: sûr moyen d'être reconnues (pour des dames) et
   d'échapper à toute offense - Dieu est Tout indulgence, Miséricordieux."
   (sourate 33, verset 59)

    Le port du foulard et de vêtements amples manifeste dès lors
l'appartenance
   à une confession déterminée et la volonté de se comporter conformément
   aux prescriptions de celle-ci. Cette tenue constitue même un symbole
   religieux

    "fort", c'est-à-dire un signe immédiatement visible pour les tiers,
   indiquant clairement que son porteur adhère à une religion déterminée.

    Le litige porte donc sur le port d'un symbole religieux fort par un
   enseignant d'une école publique dans le cadre de son activité
   professionnelle. Aucune limitation n'a été imposée à la recourante
   quant à sa tenue hors de l'enseignement. Il ne s'agit pas non plus
   du port d'un signe religieux par un élève, ni du port de vêtements
   de fantaisie, voire excentriques mais sans connotation religieuse,
   par un enseignant à l'école.

    Vu ce qui précède, il y a lieu d'examiner quelle liberté
constitutionnelle
   la recourante peut invoquer.

    b) aa) La liberté de conscience et de croyance, déclarée inviolable par
   l'art. 49 al. 1 Cst., protège le citoyen de toute ingérence de l'Etat
   qui serait de nature à gêner ses convictions religieuses (ATF 116 Ia
   252 consid. 5a p. 257; W. BURCKHARDT, Kommentar der schweizerischen

    Bundesverfassung, 3e éd., Berne 1931, p. 442). Elle confère au
citoyen le
   droit d'exiger que l'Etat n'intervienne pas de façon injustifiée
   en édictant des règles limitant l'expression et la pratique de
   ses convictions religieuses (ATF 118 Ia 46 consid. 3b p. 52). Elle
   comporte la liberté intérieure de croire, de ne pas croire et de
   modifier en tout temps et de manière quelconque ses propres convictions
   religieuses, ainsi que la liberté extérieure d'exprimer, de pratiquer
   et de communiquer ses convictions religieuses ou sa vision du monde,
   dans certaines limites (ATF

    119 Ia 178 consid. 4c p. 184; 118 Ia 46 consid. 4c p. 56; 116 Ia 252
   consid. 5a p. 257; ANTOINE FAVRE, Droit constitutionnel suisse, 2e éd.,

    Fribourg 1970, p. 280). Cela comprend le droit pour le citoyen
de diriger
   tout son comportement selon la doctrine de sa foi et d'agir selon
   ses convictions intérieures. L'exercice garanti de cette religion
   ne comprend pas seulement les cultes - qui sont également protégés
   par l'art. 50 Cst. - et les besoins religieux, mais aussi d'autres
   expressions de la vie religieuse, pour autant qu'elles se tiennent
   dans certaines limites, par exemple le port de vêtements religieux
   particuliers (ATF 119 Ia 178
consid.

    4c p. 184, concernant précisément les prescriptions vestimentaires
de la
   femme musulmane; 119 IV 260 consid. 3b/aa p. 263; PETER KARLEN,
   Umstrittene

    Religionsfreiheit, in RDS 1997 I p. 193 ss, spéc. p. 207/208; ULRICH

    HÄFELIN, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 50 ad
art. 49). Toutes
   les convictions et les conceptions spirituelles ou intellectuelles
   relatives aux rapports entre l'être humain et la divinité sont
   ainsi protégées (ATF 119 Ia 178 consid. 4b p. 183/184; 116 Ia 252
   consid. 5c p.

    258; HÄFELIN/HALLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 3e éd., Zurich

    1993, n. 1196 p. 388).

    La liberté religieuse est également garantie par l'art. 9 de la
Convention
   européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
   fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101), selon lequel toute
   personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion;
   ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction,
   ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction
   individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le
   culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites
   (al. 1er). La portée de cette disposition est toutefois ici pratiquement
   identique à celle de l'art. 49

    Cst. De même, l'art. 18 du Pacte international relatif aux droits
civils et
   politiques (Pacte ONU II; RS 0.103.2), non invoqué par la recourante,
   comporte un principe similaire (MANFRED NOWAK, U.N. Covenant on
   Civil and

    Political Rights, CCPR Commentary, Kehl-Strasbourg-Arlington 1993).

    En l'espèce, étant fondé sur des motifs religieux, le style
d'habillement
   de la recourante est protégé par les art. 49 Cst. et 9 CEDH.

    bb) Dans ces circonstances, le principe constitutionnel non écrit de la
   liberté personnelle, invoqué en première ligne par la recourante,
   ne trouve pas d'application.

    En effet, la liberté personnelle se conçoit comme une garantie
générale et
   subsidiaire. Elle ne s'applique donc pas lorsque l'épanouissement
   de la personnalité du citoyen est touché sous un aspect protégé par
   une liberté individuelle plus spécifique, telle que la liberté de
   conscience et de croyance (ATF 123 I 112 consid. 4a p. 118; 119 Ia
   178 consid. 5 p. 187; 117

    Ia 27 consid. 5b p. 30; 114 Ia 350 consid. 5 p. 357 et les arrêts
cités;

    HÄFELIN, op.cit., n. 108/109 ad art. 49; WALTER HALLER, Commentaire
de la

    Constitution fédérale, n. 90 ss ad Liberté personnelle).

    cc) La recourante soutient ensuite que l'arrêté attaqué ne respecte
pas le
   noyau intangible de la liberté garantie par l'art. 49 Cst. Selon elle,
   le port du foulard est une expression religieuse externe liée si
intimement à
   une conviction interne que l'interdire équivaut à porter atteinte
   à celle-ci.

    La jurisprudence et la doctrine ne sont pas unanimes à propos du noyau
   intangible de la liberté religieuse (ATF 101 Ia 392; JÖRG PAUL

    MÜLLER/STEFAN MÜLLER, Die Grundrechte der schweizerischen
Bundesverfassung,

    2e éd., Berne 1991, p. 58; JÖRG PAUL MÜLLER, Eléments pour une théorie
   suisse des droits fondamentaux, Berne 1983, p. 157; BURCKHARDT,
   op.cit., p.

    442; MARTIN PHILIPP WYSS, Glaubens- und Religionsfreiheit zwischen

    Integration und Isolation, in ZBl 95/1994 p. 385 ss, spéc. p. 394 ss;

    HÄFELIN, op.cit., n. 7 et 124 ss ad art. 49; KARLEN, Das Grundrecht der

    Religionsfreiheit in der Schweiz, Zurich 1988, p. 243 ss et 318). Elles
   s'accordent toutefois à admettre, d'une part, que le noyau intangible
   comprend l'interdiction de contraindre quelqu'un à adopter une
   conviction et, d'autre part, qu'il ne comporte pas les manifestations
   extérieures d'une conviction. Ainsi, le droit d'exprimer ses convictions
   religieuses, de les professer ou de les mettre en pratique dans des
   actes cultuels n'est pas protégé de manière absolue (HÄFELIN, op.cit.,
   n. 125 ad art. 49).

    De même, selon l'art. 9 par. 2 CEDH, la liberté de manifester sa
religion
   ou sa conviction peut faire l'objet de restrictions (arrêt de la
   Cour européenne des droits de l'homme du 25 mai 1993 en la cause
   Kokkinakis c.

    Grèce, Série A n. 260-A § 33; FROWEIN/PEUKERT, Europäische

    Menschenrechtskonvention, 2e éd., 1996, n. 1 ad art. 9 p. 368). A
   contrario, la liberté intérieure présente un caractère absolu: ne
   pouvant, par nature, donner lieu à des atteintes à l'ordre public,
   elle échappe à toute restriction (VELU/ERGEC, La Convention européenne
   des droits de l'homme, Bruxelles 1990, n. 714 p. 584).

    En l'espèce, même s'il est particulièrement important aux yeux de
   l'intéressée, et même s'il ne représente pas seulement l'expression
   d'une conviction religieuse mais obéit à une exigence impérative
   de celle-ci, le port du foulard et de vêtements amples reste une
   manifestation extérieure qui, à ce titre, n'appartient pas au noyau
   intangible de la liberté de religion.

    Dès lors, à l'instar des autres libertés constitutionnelles, la
liberté de
   religion de la recourante peut être limitée à condition que la
   restriction repose sur une base légale suffisante, réponde à un intérêt
   public prépondérant et respecte le principe de la proportionnalité
   (ATF 119 Ia 178 consid. 3 et 4 p. 182 ss; 117 Ia 311 consid. 2b p. 315;
   HÄFELIN, op.cit., n. 131 ss ad art. 49).

    Des limitations à la liberté de religion garantie par l'art. 9
CEDH sont
   également possibles, selon le par. 2 de cette disposition, à
   condition qu'elles concernent la liberté de manifester sa religion
   ou ses convictions, qu'elles soient prévues par la loi et qu'elles
   constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique,
   à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de
   la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Erwägung 3

      3.- La recourante prétend que l'arrêté entrepris ne repose
pas sur une base
   légale suffisante.

    Le Tribunal fédéral examine librement, lorsqu'elle est grave, si une
   atteinte à une liberté constitutionnelle se fonde sur une base légale
   suffisante (ATF 122 I 236 consid. 4a p. 244, 360 consid. 5b/bb p. 363
   et les arrêts cités). En l'espèce, peu importe que l'arrêté attaqué
   implique une atteinte grave ou non à la liberté de conscience et de
   croyance de la recourante, car même un examen libre conduit à admettre
   l'existence d'une base légale suffisante.

    Les atteintes graves portées à une liberté constitutionnelle doivent
être
   réglées, pour l'essentiel, de manière claire et non équivoque dans une
   loi au sens formel (ATF 122 I 360 consid. 5b/bb p. 363; 118 Ia 305
   consid. 2a p. 309/310). Toutefois, lorsqu'une atteinte à la liberté
   de conscience et de croyance est constituée par une prescription de
   comportement très particulière, voire secondaire à l'aune du citoyen
   moyen (ici, l'interdiction faite à un enseignant de porter le foulard à
   l'école), on ne saurait exiger une base légale trop précise. Il suffit
   dans ces circonstances que la prescription de comportement découle
   d'une obligation plus générale contenue dans la loi au sens formel.

    De plus, en l'espèce, la décision querellée concerne la recourante
en tant
   que fonctionnaire de l'Etat de Genève. Or, les fonctionnaires sont
   soumis à un rapport de puissance publique spécial, auquel ils ont
   librement adhéré et auquel ils trouvent un intérêt, ce qui justifie
   qu'ils ne puissent bénéficier des libertés publiques que dans une mesure
   limitée. Notamment, il n'est pas nécessaire que la base légale qui doit
   fonder les restrictions à ces libertés soit particulièrement précise. En
   effet, la multiplicité et la variété des rapports quotidiens entre
   l'agent et l'autorité dont il dépend excluent que les comportements
   à limiter ou à interdire puissent être prévus dans une nomenclature
   exhaustive. Il suffit dès lors que la loi indique de manière générale,
   par des concepts juridiques indéterminés, les valeurs qui doivent être
   respectées et qui pourront être concrétisées par ordonnance ou par
   décision individuelle. En revanche, dans leur contenu, les restrictions
   aux libertés publiques doivent être justifiées par le
but et la bonne marche de l'institution. Enfin, le respect des principes
   d'intérêt public et de proportionnalité sera contrôlé d'autant plus
   rigoureusement que l'atteinte aux intérêts du fonctionnaire est grave
   et la base légale imprécise (ATF 120 Ia 203 consid. 3a p. 205; 119 Ia
   178 consid.

    6b p. 188; 101 Ia 172 consid. 6 p. 181; SJ 1995 681 consid. 3;
ZBl 85/1984

    308 consid. 2b; PIERRE MOOR, Droit administratif, Berne, vol. III
1992, n.

    5.1.2.3. p. 213/214 et n. 5.3.1.2 p. 223/224; vol. I 1994, n. 4.2.4.5
p.

    362 ss; THOMAS WYSS, Die dienstrechtliche Stellung des
Volksschullehrers im

    Kanton Zürich, thèse Zurich 1986, p. 224 ss; PAUL RICHLI,
Grundrechtliche

    Aspekte der Tätigkeit von Lehrkräften, PJA 6/93, p. 673 ss,
spéc. p. 677).

    A Genève, l'art. 6 de la loi cantonale du 6 novembre 1940 sur
l'instruction
   publique (LIP) dispose que "L'enseignement public garantit le respect
   des convictions politiques et confessionnelles des élèves et des
   parents". Il ressort en outre des art. 164 ss de la Constitution
   cantonale que ce canton connaît une séparation nette de l'Eglise et
   de l'Etat, au sens d'une laïcité de celui-ci (UELI FRIEDERICH, Kirchen
   und Glaubensgemeinschaften im pluralistischen Staat, thèse Berne 1993,
   p. 239 et HÄFELIN, op.cit., n.

    26/27 ad art. 49). En matière scolaire, cette séparation est
concrétisée
   par l'art. 120 al. 2 LIP selon lequel: "Les fonctionnaires doivent
   être laïques; il ne peut être dérogé à cette disposition que pour le
   corps enseignant universitaire".

    En l'espèce, l'interdiction faite à la recourante de porter un foulard
   indiquant clairement l'appartenance à une confession déterminée
   concrétise la volonté accrue du législateur genevois, exprimée dans les
   dispositions précitées, de respecter en matière scolaire les principes
   de neutralité religieuse (cf. art. 27 al. 3 Cst.) et de séparation de
   l'Eglise et de l'Etat. Dès lors, même si l'arrêté entrepris comportait
   une atteinte grave à la liberté religieuse de la recourante, il se
   fonde sur une base légale suffisante.

    Encore peut-on préciser que, malgré son habillement caractéristique, la
   recourante n'occupe aucune fonction particulière dans l'organisation
   islamique, de sorte qu'il est douteux qu'elle ne puisse plus être
   qualifiée de laïque au sens de l'art. 120 al. 2 LIP. Du reste, dans
   ses observations du 15 janvier 1997, le Conseil d'Etat indique qu'il
   n'a jamais prétendu qu'elle ne respecterait plus les exigences de
   cette disposition. La prise en compte de cet article dans l'analyse
   de la base légale s'explique toutefois du fait qu'il constitue l'une
   des expressions de la volonté du législateur d'instaurer une école
   religieusement neutre.

    On pourrait enfin se demander si un canton peut se fonder directement
sur
   l'art. 27 al. 3 Cst. pour ordonner à ses enseignants de respecter
   la neutralité religieuse de l'école également dans leur apparence
   extérieure, ou s'il doit nécessairement disposer d'une norme cantonale
   à cet égard.

    Cette question peut toutefois rester indécise, la législation genevoise
   comportant une telle base légale.

Erwägung 4

      4.- a) Puis, la recourante déclare que la décision attaquée
ne répond pas à
   un intérêt public.

    En arborant un signe religieux fort dans l'enceinte de l'école,
voire en
   classe, la recourante peut porter atteinte aux sentiments religieux de
   ses élèves, des autres élèves de l'école et de leurs parents. Certes,
   ni parents ni élèves ne se sont plaints jusqu'ici. Mais cela ne
   signifie pas qu'aucun d'entre eux n'ait été heurté. Il est possible que
   certains aient renoncé à intervenir directement pour ne pas envenimer
   la situation, en espérant une réaction spontanée des autorités
   scolaires. Du reste, l'opinion publique s'est émue de ce problème,
   la recourante a fait l'objet de nombreuses interviews et le Grand
   Conseil a adopté une résolution dans le sens de la décision prise par
   le Conseil d'Etat. De même, s'il est vrai que les autorités scolaires
   ne sont pas intervenues par voie de décision immédiatement après que
   l'inspectrice les a informées de la tenue de la recourante, cette
   attitude ne doit pas être entendue comme un assentiment implicite. Il
   est compréhensible que les autorités scolaires aient d'abord tenté de
   régler la question sans épreuve de force.

    La décision attaquée est en droite ligne du principe de la neutralité
   confessionnelle de l'école, dont le but est non seulement de protéger
   les convictions religieuses des élèves et des parents, mais également
   d'assurer la paix religieuse qui, sous certains aspects, reste
   fragile. A cet égard, il faut relever que l'école risquerait de devenir
   un lieu d'affrontement religieux si les maîtres étaient autorisés par
   leur comportement, notamment leur habillement, à manifester fortement
   leurs convictions dans ce domaine.

    Il existe donc un intérêt public important à interdire à la
recourante de
   porter le foulard musulman.

    b) Encore faut-il examiner si l'arrêté entrepris respecte le principe
de la
   proportionnalité et peser avec le plus grand soin les intérêts en jeu
   (HÄFELIN, op.cit., n. 139 ad art. 49).

    A cet égard, il convient de comparer la liberté de conscience et de
   croyance de la recourante à l'intérêt public à la neutralité
   confessionnelle de l'école, c'est-à-dire de confronter l'intérêt de
   la recourante à respecter un commandement de sa religion à l'intérêt
   des élèves et de leurs parents à ne pas être influencés ou heurtés
   dans leurs propres convictions, ainsi qu'à l'intérêt de maintenir la
   paix confessionnelle à l'école. Enfin, encore faut-il tenir compte
   de la nécessité d'une tolérance, également composante du principe
   de la neutralité confessionnelle, entre les adhérents de diverses
   croyances religieuses (cf. ATF 119 Ia 178 consid. 7a p. 190; 116 Ia
   252 consid. 6a p.

    261; KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit, op.cit., p. 199/200; même
   auteur, Das Grundrecht, op.cit., p. 193 ss et 386; WALTER GUT, Kreuz und

    Kruzifix in öffentlichen Räumen im säkularen Staat, in RDS 1997 I
p. 63 ss,
   spéc. n. 11 p. 77; MARTIN PHILIPP WYSS, op.cit., p. 405; PIUS HAFNER,
   Staat und Kirche im Kanton Luzern, Fribourg 1991, p. 199; CONSTANCE
   GREWE et

    CHRISTIAN RUMPF, La Cour constitutionnelle turque et sa décision
relative
   au "foulard islamique", in RUDH 1991, p. 113 ss, spéc. n. 2 in fine, p.

    124).

    Il faut cependant d'emblée rappeler que la liberté religieuse ne
saurait
   dispenser automatiquement une personne de ses devoirs civiques ou,
   ici, de ses devoirs de fonction (ATF 119 Ia 178 consid. 7a p. 190). Les
   enseignants doivent tolérer des restrictions - proportionnées - à leur
   liberté religieuse (HAFNER, La libertà religiosa chiede la tolleranza
   per i simboli religiosi, J+P Text 2/95, n. III/D4 p. 9; THOMAS WYSS,
   op.cit., p. 232).

    aa) Avant d'étudier de plus près les questions litigieuses, il
n'est pas
   inutile d'examiner les solutions adoptées par d'autres pays dans des
   cas identiques ou par le Tribunal fédéral dans des affaires analogues.

    Ainsi, en Allemagne, le 9 septembre 1985 (NVwZ 1986 n. 49, p. 405
ss), le

    Tribunal administratif supérieur de Munich a confirmé l'interdiction
faite
   à un enseignant d'une école publique de porter, dans l'enceinte
   de l'école, des vêtements de couleurs répondant aux exigences du
   mouvement religieux

    Bhagwan (tons rouges, allant de rose à lilas foncé). Le Tribunal
   administratif a retenu que l'enseignant qui met constamment et
   quotidiennement en exergue, par son habillement, qu'il adhère à
   certaines convictions religieuses, conduit nécessairement ses élèves
   à se préoccuper de ses idées (arrêt critiqué par HANS W. ALBERTS,
   Neue Religionen und

    Beamtenrecht - Sannyasin als Lehrer? in NVwZ 1985 p. 92 ss,
spéc. p. 95).

    En France, dans un arrêt du 20 octobre 1994, le Tribunal administratif
de

    Bordeaux a admis le recours d'une élève infirmière qui avait été
exclue de
   l'école parce qu'elle refusait de renoncer au port du voile ou d'un
   bonnet chirurgical, bien que le foulard ou le bonnet puisse gravement
   troubler certains patients du département psychiatrique
dans lequel elle devait faire son stage. Selon un auteur allemand, A.
GROMITSARIS (Laïzität und

    Neutralität in der Schule, in AöR, 121/1996, p. 359 ss, spéc. p. 393),
la
   doctrine qui s'est exprimée au sujet de cette décision a surtout traité
   de l'ambivalence du statut de l'élève infirmière, qui peut être simple
   élève ou stagiaire dans un hôpital. En ce sens, si le port du foulard
   par une élève peut être autorisé à l'école, il est inadmissible dans
   le cadre d'un stage professionnel effectué comme soignante dans un
   service public, le comportement de la stagiaire devant alors être
   imputé à l'Etat.

    Toujours en France, dans un arrêt du 14 avril 1992, le Tribunal
   administratif de Versailles a confirmé la non-prolongation du contrat
   d'une

    "maîtresse de demi-pension" (une surveillante) d'un établissement
scolaire
   secondaire qui ne voulait pas quitter le voile. GROMITSARIS (op.cit., p.

    394) souligne à cet égard que la "maîtresse" n'exerçait pas d'activités
   d'enseignement et ne se livrait à aucun acte de prosélytisme, de sorte
   qu'une telle atteinte dans sa liberté de religion était justifiée
   uniquement du fait qu'elle incarnait l'école dans son activité de
   surveillance. En outre, dans le cadre de ce rapport hiérarchique
   envers les élèves, le simple port du foulard comportait un caractère
   ostentatoire agissant sur le processus de formation de la conscience
   de ceux-ci. Cet auteur soulignait en d'autres termes que les signes
   d'appartenance religieuse ont en eux-mêmes, lorsqu'ils sont portés
   par des enseignants ou d'autres membres de l'administration scolaire,
   un caractère violant le principe de la laïcité.

    Dans l'ATF 116 Ia 252 consid. 7b p. 262, le Tribunal fédéral a
retenu que
   la décision de l'autorité de faire placer un crucifix dans les salles
   d'école est contraire au principe de la neutralité confessionnelle de
   l'école sanctionnée par l'art 27 al. 3 Cst., car on peut concevoir
   que celui qui fréquente l'école publique voie dans la présence d'un
   tel symbole la volonté de se référer à des conceptions de la religion
   chrétienne en matière d'enseignement ou de placer l'enseignement
   sous l'influence d'une telle religion; il n'est pas non plus exclu
   que quelques personnes se sentent lésées dans leurs convictions
   religieuses par la présence constante, dans les salles de classe, du
   symbole d'une religion à laquelle ils n'appartiennent pas. Cela peut
   avoir des conséquences non négligeables spécialement sur l'évolution
   spirituelle des élèves et sur leurs convictions religieuses - qui
   sont celles de leurs parents - et dans lesquelles ils sont éduqués en
   même temps qu'à l'école, conséquences que l'art. 27 al. 3 Cst. veut
   justement éviter. On peut tirer de cet arrêt une analogie
certaine dans la mesure où il s'agissait également d'un symbole
   religieux fort. Certes, le crucifix avait été apposé par les autorités
   scolaires mais force est de constater que le maître représente également
   l'Etat et l'école.

    Enfin, dans l'ATF 119 Ia 178 consid. 7a p. 190, le Tribunal fédéral a
   autorisé une enfant à ne pas participer à des cours de natation mixte
   à l'école primaire car, selon la conception de sa famille, l'islam
   interdisait la mixité en ce domaine. A cet égard, le Tribunal fédéral
   a relevé que, selon l'art. 49 al. 5 Cst., les opinions religieuses
   ne permettent pas de s'affranchir de l'accomplissement des devoirs
   civiques, mais que le caractère prioritaire de ces devoirs ne doit
   cependant pas être considéré comme absolu, car les alinéas 1er et 5 de
   l'art. 49 Cst. sont, d'un point de vue juridique, de même niveau. Il
   appartient dès lors au législateur, lorsqu'il définit les devoirs des
   citoyens, de prendre en considération la liberté de conscience et
   de croyance. Cet arrêt comporte toutefois la différence importante
   qu'il s'agissait alors d'une restriction imposée à une élève, non à
   un enseignant.

    bb) En ce qui concerne le cas d'espèce, l'intérêt public opposé
à l'intérêt
   de la recourante est la neutralité confessionnelle, sous ses différents
   aspects, qu'il convient d'examiner ci-après:

    La liberté de conscience et de croyance oblige l'Etat à observer une
   neutralité confessionnelle et religieuse; le citoyen peut se prévaloir
   à cet égard d'un droit individuel (ATF 118 Ia 46 consid. 3b p. 53 et
   4e/aa p.

    58; 113 Ia 304 consid. 4c p. 307). L'Etat peut porter atteinte à
la liberté
   religieuse lorsqu'il prend parti de manière illicite dans des
   controverses d'ordre religieux ou métaphysique, en particulier
   en soutenant financièrement un des protagonistes (ATF 118 Ia 46
   consid. 4e/aa p. 58).

    L'exigence de neutralité n'est cependant pas absolue, ce que démontre
   l'existence - admissible - d'Eglises nationales garanties par le droit
   public (ATF 118 Ia 46 consid. 4e/aa p. 58; 116 Ia 252 consid. 5d p.

    258/259). La neutralité n'a pas pour sens d'exclure, dans les
activités de
   l'Etat, tout élément d'ordre religieux ou métaphysique; toutefois,
   une attitude antireligieuse, telle qu'une laïcité de combat, voire
   irréligieuse, n'est pas neutre. La neutralité tend à ce que toutes
   les conceptions existant dans une société pluraliste soient prises en
   compte sans esprit partisan. Le principe selon lequel l'Etat ne doit
   avantager ou désavantager personne pour des motifs religieux a une
   portée générale et il découle directement des art. 49 et 50 Cst. (ATF
   118 Ia 46 consid. 4e/aa p. 58; KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit,
   op.cit.,
p. 199/200; même
   auteur, Das Grundrecht, op.cit., p. 188). Finalement, la laïcité
   de l'Etat se résume en une obligation de neutralité qui lui impose
   de s'abstenir, dans les actes publics, de toute considération
   confessionnelle ou religieuse susceptible de compromettre la liberté
   des citoyens dans une société pluraliste (ATF 116 Ia 252 consid. 5e
   p. 260 et les références citées). En ce sens, elle vise à préserver
   la liberté de religion des citoyens, mais aussi à maintenir, dans
   un esprit de tolérance, la paix confessionnelle (cf. GUT, op.cit.,
   n. 11 p. 76; MARTIN PHILIPP WYSS, op.cit., p. 400/401).

    Cette neutralité prend une importance particulière à l'école publique,
car
   l'enseignement est obligatoire pour chacun, sans aucune différence
   entre les confessions. En cette matière, l'art. 27 al. 3 Cst., selon
   lequel "les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les
   adhérents de toutes les confessions, sans qu'ils aient à souffrir
   d'aucune façon dans leur liberté de conscience ou de croyance",
   est le corollaire de la liberté de conscience et de croyance. Cette
   disposition a pour but de garantir le respect de la sensibilité des
   individus de convictions diverses, de renforcer le droit conféré aux
   parents par les art. 49 al. 3 Cst. et 303 CC et de protéger de toute
   influence le droit des enfants de choisir librement leur confession
   au moment où ils accomplissent leur 16e année (ATF 116 Ia

    252 consid. 6 p. 260). Enfin, voulant préserver la paix
confessionnelle, la
   neutralité religieuse tend à éviter que l'école devienne un lieu
   d'affrontement entre tenants de convictions différentes. En conséquence,
   l'orientation confessionnelle de l'enseignement de la part de l'autorité
   ou des enseignants - en faveur ou en défaveur d'une ou de plusieurs
   religions

    - ne saurait être imposée de manière contraignante (ATF 116 Ia
252 consid.

    6b p. 261). L'art. 27 al. 3 Cst. prohibe donc les programmes, formes et
   méthodes d'enseignement ou d'organisation scolaire, qui ont une
   orientation confessionnelle ou qui, au contraire, sont hostiles
   aux convictions religieuses (ATF 119 Ia 178 consid. 1c p. 180;
   FLEINER/GIACOMETTI,

    Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich 1949, p. 329; BURCKHARDT,
   op.cit., p. 200). De même, l'école ne doit pas s'identifier à certaines
   conceptions religieuses - majoritaires ou minoritaires - au détriment
   des adhérents d'autres confessions (ATF 116 Ia 252 consid. 7b p. 262;
   HAFNER,

    Staat und Kirche, op.cit., p. 195; Karlen, Das Grundrecht, op.cit.,
p. 188
   et 396). Elle doit tenir compte du phénomène religieux, sans toutefois
   compromettre la liberté de religion des élèves, notamment en exerçant
   des contraintes à leur encontre ou en dépréciant ou vantant certaines
   convictions déterminées
(ATF 118 Ia 46 consid. 4e/aa p. 58; KARLEN, Das

    Grundrecht, op.cit., p. 386; BURCKHARDT, op.cit., p. 201).

    Dans cette optique, l'attitude des enseignants joue un rôle
important. Même
   par leur seul comportement, ceux-ci peuvent avoir une grande
   influence sur leurs élèves; ils représentent un modèle auquel les
   élèves sont particulièrement réceptifs en raison de leur jeune âge,
   de la quotidienneté de la relation - à laquelle ils ne peuvent en
   principe se soustraire - et de la nature hiérarchique de ce rapport. En
   fait, l'enseignant est détenteur d'une part de l'autorité scolaire et
   représente l'Etat, auquel son comportement doit être imputé. Il est
   donc spécialement important qu'il exerce ses fonctions, c'est-à-dire
   transmette des connaissances et développe des aptitudes, en restant
   confessionnellement neutre. Il ne doit pas seulement renoncer à
   utiliser des moyens illicites pour tenter d'endoctriner ses élèves,
   tels que des pressions psychiques, la sanction d'opinions opposées ou la
   discrimination, mais il doit en outre être particulièrement attentif à
   respecter la liberté de religion de ses élèves, c'est-à-dire à observer
   une grande discrétion dans l'expression de ses croyances, à ne pas les
   heurter dans leurs convictions et à ne pas abuser de son autorité pour
   contrarier l'éducation que leurs parents entendent leur donner ou pour
   les influencer dans leur choix, le moment venu. Il lui appartient ainsi
   de prendre en considération les différentes croyances de ses élèves
   et de faire régner dans l'école une atmosphère de tolérance religieuse
   (KARLEN, Das Grundrecht, op.cit., p. 389; HERBERT PLOTKE,

    Schweizerisches Schulrecht, Berne 1979, p. 155 et 160; FAVRE,
op.cit., p.

    300).

    Toutefois, un enseignement absolument neutre sous tous ses aspects est,
   concrètement, difficilement concevable (MARCO BORGHI, Commentaire de la

    Constitution fédérale, n. 68/69 ad art. 27). Il est inévitable que les
   convictions de l'enseignant exercent une certaine influence dans des
   matières déterminées de l'enseignement (histoire, géographie...), sur
   sa manière d'éduquer ses élèves et sur son comportement en général. Du
   reste, l'exigence de neutralité à l'école ne permet pas de disqualifier
   des maîtres ayant des convictions religieuses, ni même d'attendre
   d'eux qu'ils renient leur confession au point qu'elle ne soit plus
   reconnaissable (BORGHI, op.cit., n. 76/77 ad art. 27; PLOTKE, op.cit.,
   p. 160/161; FAVRE, op.cit., p. 300). De même, la liberté de croyance
   ne comporte pas un droit général à ne pas être exposé aux convictions
   religieuses d'autrui (KARLEN,

    Religiöse Symbole in öffentlichen Räumen, in ZBl 90/1989, p. 12
ss, spéc.
   p. 15).

    Toute la question est ainsi de savoir jusqu'où va le devoir de
réserve d'un
   enseignant d'une école publique dans le cadre de ses activités.

    Une réponse doit être élaborée en tenant compte de toutes les
circonstances
   du cas concret (cf. KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit, op.cit.,
   p. 206 ss). Le devoir de réserve sera plus strict lorsqu'il s'agit
   de l'école obligatoire. Dans ce sens, en principe, plus les degrés
   d'enseignement sont élevés, plus les limites posées au comportement
   orienté de l'enseignant doivent être élargies, car les élèves plus
   âgés disposent normalement d'une plus grande capacité de discernement
   en matière spirituelle et sont, sur les plans intellectuels et
   personnels, plus indépendants de leur maître (BURCKHARDT, op.cit.,
   note 1 p. 200). Le danger d'influence par le maître doit de même être
   relativisé dans la mesure où les élèves sont soumis à d'autres courants
   provenant de l'environnement, de camarades, d'autres professeurs et de
   leurs parents. Enfin, il faut examiner la manière dont l'enseignant vit
   et présente ses convictions à l'école. En particulier, son devoir de
   discrétion peut être assoupli s'il met en évidence que son opinion n'en
   est qu'une parmi d'autres et s'il encourage ses élèves à se déterminer
   en toute liberté (THOMAS WYSS, op.cit., p. 227 et 231). De même, si
   la manifestation religieuse extérieure du maître inclut le port d'un
   signe religieux, il faut tenir compte du degré de visibilité et de
   force d'évocation de ce symbole (KARLEN, Umstrittene Religionsfreiheit,
   op.cit., p. 207 et 210).

    cc) En l'espèce, d'un côté, ainsi qu'on l'a vu plus haut, interdire
à la
   recourante de porter le foulard la place devant une alternative
   difficile: ne pas respecter un précepte de sa religion qu'elle juge
   important ou courir le risque de ne plus pouvoir enseigner à l'école
   publique.

    Mais, d'un autre côté, le foulard est ici un signe religieux
évident. En
   outre, la recourante enseigne dans une école primaire, c'est-à-dire à
   de jeunes enfants particulièrement influençables. Certes, il ne lui
   est pas reproché de se livrer au prosélytisme ni même de parler de
   ses convictions à ses élèves. La recourante ne peut toutefois guère
   se soustraire aux questions que les enfants n'ont pas manqué de lui
   poser. Il paraît plutôt délicat d'invoquer à cet égard des arguments
   esthétiques ou de sensibilité au froid, ainsi qu'elle a déclaré,
   selon le dossier, l'avoir fait jusqu'à présent, car les enfants se
   rendent compte qu'il s'agit d'une échappatoire.

    Elle peut ainsi difficilement leur répondre sans exposer ses
convictions.

    Or, la recourante détient une part de l'autorité scolaire et
personnifie
   l'école aux yeux de ses
élèves, de sorte que, même si d'autres enseignants
   de la même école font montre d'autres opinions religieuses, une telle
   représentation de soi paraît difficilement concevable avec le principe
   de non-identification, dans la mesure où, comme fonctionnaire, son
   comportement doit être imputé à l'Etat. Enfin, il faut rappeler que
   le canton de Genève a opté pour une nette séparation de l'Eglise
   et de l'Etat qui se traduit notamment par une laïcité marquée de
   l'enseignement public.

    Par ailleurs, force est de constater que le port du foulard est
   difficilement conciliable avec le principe de l'égalité de
   traitement des sexes (cf. SAMI ALDEEB, Musulmans en terre européenne,
   PJA 1/96 p. 42 ss, spéc. lettre d p. 49). Or, il s'agit là d'une
   valeur fondamentale de notre société, consacrée par une disposition
   constitutionnelle expresse (art. 4 al. 2 Cst.), qui doit être prise
   en compte par l'école.

    De plus, la paix confessionnelle demeure finalement malgré tout
fragile et
   l'attitude de la recourante est susceptible d'entraîner des réactions,
   voire des affrontements qu'il convient d'éviter. Il faut du reste tenir
   compte dans la pesée des intérêts du fait qu'admettre le port du foulard
   conduirait à accepter également le port de symboles vestimentaires
   forts d'autres religions, par exemple la soutane ou la kippa (à cet
   égard, sous l'angle de la proportionnalité, le Conseil d'Etat admet
   qu'un maître porte à l'école un signe religieux discret, par exemple
   un petit bijou, problème qu'il n'est pas nécessaire d'approfondir
   ici). Pareille conséquence pourrait compromettre le principe de la
   neutralité confessionnelle à l'école. On peut enfin noter qu'il est
   difficilement concevable d'interdire la pose du crucifix dans une école
   publique et d'admettre que les maîtres portent eux-mêmes des symboles
   religieux forts, peu importe de quelle confession.

    En conclusion, il existe en l'espèce des éléments prépondérants qui
   permettent au Conseil d'Etat, sans violer les art. 49 Cst. ou 9 CEDH,
   d'interdire à la recourante de porter le foulard dans le cadre de ses

    activités d'enseignante.