Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 I 259



123 I 259

24. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 19 août 1997 en
la cause P. contre Cour plénière du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV, Art. 31 BV, Art. 33 Abs. 1 BV, Art. 5 ÜbBest. BV: Eintrag
ins Verzeichnis praktizierender Anwälte.

    Bedingungen, unter welchen ein in einem Kanton praktizierender
Anwalt eine generelle oder auf einen bestimmten Fall beschränkte
Berufsausübungsbewilligung in einem anderen Kanton erhalten kann (E. 2b
und c).

    Die Verpflichtung, zum voraus im angefragten Kanton einen Ort zu
bezeichnen, an welchem er die amtlich vertretenen Klienten empfangen kann,
ist zumindest im vorliegenden Fall unzulässig und verstösst gegen das
Verhältnismässigkeitsprinzip (E. 2d).

Sachverhalt

    P. est titulaire d'un brevet d'avocat valaisan depuis le 16 janvier
1991. Il est inscrit au tableau des avocats pratiquants valaisans et
exerce la profession d'avocat à Monthey, où il a son étude.

    Le 20 novembre 1996, il a sollicité son inscription au tableau des
avocats exerçant dans le canton de Vaud, puis il a produit les documents
que le Tribunal cantonal lui avait demandés. Invité le 6 décembre 1996 à
indiquer encore à quelle adresse il entendait recevoir dans le canton de
Vaud les clients pour lesquels il serait désigné d'office, il a répondu
que, sauf circonstances extraordinaires, il entendait recevoir tous ses
clients dans son étude de Monthey.

    Par décision du 21 janvier 1997, la Cour plénière du Tribunal cantonal
a refusé l'inscription au tableau des avocats requise par P. Elle a retenu
en bref que l'intérêt des justiciables à pouvoir consulter l'avocat
d'office sans frais supplémentaires et excessifs, ni complications
inutiles découlant de l'éloignement de l'étude, l'emportait sur l'intérêt
du requérant à recevoir ses clients dans son étude de Monthey.

    P. a formé un recours de droit public contre la décision de la Cour
plénière du Tribunal cantonal du 21 janvier 1997, en concluant à son
annulation.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé la décision attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Le recourant se plaint d'une violation de ses droits
constitutionnels, tels qu'ils sont garantis par les art. 4, 31, 33 al. 1
Cst. et 5 Disp. trans. Cst. Il prétend que l'obligation qui lui est faite
d'indiquer une adresse dans le canton de Vaud, où il puisse recevoir ses
clients d'office, ne repose sur aucune base légale; elle constituerait
ainsi une exigence arbitraire et disproportionnée, dans le cas d'un avocat
valaisan qui, comme lui, a une étude si proche du Chablais vaudois.

    b) La profession d'avocat bénéficie de la liberté du commerce et de
l'industrie garantie par l'art. 31 Cst. (ATF 123 I 12 consid. 2a p. 15;
122 I 109 consid. 4a p. 116, 130 consid. 3a p. 133). Les cantons ont
cependant la faculté, en vertu des art. 31 al. 2 et 33 al. 1 Cst.,
d'édicter des restrictions de police au droit d'exercer librement la
profession d'avocat, en particulier dans le but de protéger le public des
personnes incapables; ces restrictions doivent toutefois reposer sur une
base légale et se limiter à ce qui est nécessaire pour atteindre le but
de police poursuivi; elles doivent en outre respecter les principes de la
proportionnalité et de l'égalité de traitement (ATF 119 Ia 374 consid. 2a
p. 375; 114 Ia 34 consid. 2a p. 36). En l'absence d'une loi fédérale
sur la libre circulation des avocats qui est encore au stade de projet,
l'art. 5 Disp. trans. Cst. garantit la libre circulation intercantonale
des avocats et interdit au canton d'accueil d'imposer des conditions ou
des charges discriminatoires pour l'obtention d'une autorisation générale
ou limitée à une affaire déterminée (ATF 122 I 109 consid. 4b p. 117).
Ont notamment été jugées incompatibles avec ce principe l'obligation
d'indiquer une adresse fixe dans le canton où l'avocat externe veut
pratiquer (ATF 39 I 51 ss), de constituer un domicile d'affaires (ATF 65
I 6 ss) ou d'avoir une étude permanente dans le canton (ATF 80 I 146 ss).

    Si le refus d'autorisation pour l'exercice d'une profession
constitue en principe une atteinte grave à la liberté du commerce et de
l'industrie et doit être contenue dans une loi au sens formel (ATF 122
I 130 consid. 3/bb p. 134 et les arrêts cités), il n'en va pas de même
lorsque, comme en l'espèce, un avocat pratique régulièrement sa profession
dans le canton dont il a obtenu son brevet et que le refus d'autorisation
porte uniquement sur l'exercice des activités occasionnelles qu'il entend
exercer dans un canton voisin ou, plus précisément, sur les conditions
de désignation d'un lieu de réception des clients d'office dans le
canton. Dans un tel cas, le refus d'inscription au tableau des avocats
ne représente pas une atteinte grave à l'exercice de la profession et le
Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle de l'arbitraire la question
de savoir si la restriction incriminée repose sur une base légale
suffisante. Il examine en revanche librement si la mesure de police en
cause est justifiée par un intérêt public prépondérant et respecte le
principe de la proportionnalité (ATF 119 Ia 374 consid. 2a p. 376; 118
Ia 175 consid. 2a et les arrêts cités).

    c) Conformément à l'art. 5 Disp. trans. Cst., le législateur vaudois a
prévu que l'avocat porteur d'un brevet délivré par un autre canton pouvait,
sans s'établir dans le canton de Vaud, requérir son inscription au tableau
des avocats (art. 13 de la loi vaudoise sur le barreau du 22 novembre 1944;
en abrégé: LB) ou obtenir une autorisation spéciale d'assister une partie
devant les juridictions vaudoises dans une affaire déterminée (art. 14
LB), pour autant qu'il remplisse les conditions prescrites à l'art. 12
lettres b, c et d LB, à savoir: qu'il ait l'exercice des droits civils
(lettre b), qu'il jouisse d'une bonne réputation (lettre c) et qu'il n'ait
encouru aucune condamnation à raison de faits contraires à la probité ou
à l'honneur (lettre d).

    En l'espèce, le Tribunal cantonal n'a pas mis en doute le fait que
le recourant remplissait les conditions précitées, mais il a estimé que
l'obligation faite à l'avocat ne disposant pas d'une étude permanente
dans le canton d'annoncer dans quel genre de locaux il allait recevoir
ses clients d'office pouvait reposer sur le principe général contenu à
l'art. 16 LB, prescrivant que l'avocat doit s'acquitter de sa fonction
avec dignité.

    L'exigence d'un lieu de réception dans le canton de Vaud ne saurait
toutefois être déduit de l'art. 16 LB. En effet, cette disposition permet
certes de justifier des restrictions relatives à la nature des locaux où
l'avocat reçoit ses clients, laquelle est susceptible de porter atteinte
à la dignité de la profession, mais elle ne peut servir de justification
à une localisation permanente desdits locaux dans le canton de Vaud. Or,
du point de vue de l'art. 16 LB, il n'y a aucune raison de douter que les
locaux occupés par l'étude du recourant à Monthey permettent de recevoir de
façon convenable les clients d'office, comme du reste les autres mandants.

    Autre chose est de savoir si l'art. 16 LB pourrait constituer, du moins
sous l'angle de l'arbitraire, une base légale suffisante à l'obligation
de recevoir les clients d'office sans frais de déplacement excessifs
(voir arrêt von Roten du 3 février 1954, publié aux ATF 80 I 146 ss,
spécialement consid. 3 p. 155 i.f.). Il n'est cependant pas nécessaire
de résoudre définitivement la question de la base légale, car le recours
doit de toute façon être admis pour un autre motif.

    d) Du point de vue du principe de la proportionnalité, la juridiction
cantonale se réfère en effet à l'arrêt précité en la cause von Roten,
dans lequel le Tribunal fédéral avait admis le recours d'un avocat
valaisan qui pratiquait le barreau à Bâle et qui s'était vu refuser
l'autorisation d'exercer dans le canton de Vaud, faute d'y disposer d'une
étude permanente. Toutefois, si le Tribunal fédéral avait alors confirmé
l'obligation d'assumer des défenses d'office en matière civile ou pénale
pour l'avocat ayant obtenu une autorisation générale de pratiquer dans
un canton dont il ne possède pas le brevet, il avait relevé que les
inconvénients n'étaient pas aussi considérables que le prétendait le
Tribunal cantonal, dans la mesure où l'avocat pouvait au besoin trouver
"des locaux qui lui permettent à l'occasion de recevoir ses clients
sans que la dignité de la profession, ni les égards dus aux justiciables
subissent aucune atteinte"; il avait également précisé qu'il appartenait
à l'avocat d'office "de faire en sorte que son établissement hors du
canton ne charge pas son client de frais supplémentaires et excessifs"
(ATF 80 I 146 consid. 3 p. 155). Le Tribunal cantonal ne saurait donc tirer
de cet arrêt l'obligation générale pour l'avocat d'office d'indiquer,
à l'avance et dans tous les cas, le lieu où il va recevoir ses clients
d'office. Même au regard du principe de l'égalité de traitement que
les juges cantonaux entendent appliquer à tous les avocats externes
au canton, cette obligation ne se justifie pas dans la mesure où elle
revient, en réalité, à faire dépendre l'autorisation générale d'un lien
territorial durable entre l'avocat et le lieu où il veut pratiquer, ce
que le Tribunal fédéral a précisément toujours considéré comme contraire
à l'art. 5 Disp. trans. Cst. (voir ATF 80 I 146 consid. 3 p. 152 et les
exemples cités).

    En l'espèce, l'exigence d'un lieu de réception dans le canton de
Vaud pour recevoir les clients d'office paraît en tous cas excessive
pour un avocat qui a son étude à Monthey. L'art. 15 de la loi vaudoise du
21 novembre 1981 sur l'assistance judiciaire en matière civile impose en
effet au Tribunal cantonal de désigner les avocats d'office à tour de rôle,
"en prenant si possible en considération le lieu de résidence habituelle
de celui qui requiert l'assistance judiciaire". Dans cette perspective,
Monthey est une cité toute proche du canton de Vaud, en particulier d'Aigle
et de sa région. Par ailleurs, les liaisons routières et par transports
publics sont bonnes. Ainsi, un client domicilié dans la région d'Aigle ne
sera en principe pas défendu par un avocat de Nyon, mais pourra se rendre
sans difficultés à Monthey. On peut même imaginer que le lieu de situation
de l'étude du recourant se révèle utile dans certains cas: par exemple si
le client d'office est domicilié en Valais ou, pour les défenses pénales,
s'il est détenu dans ce canton, mais doit procéder sur Vaud. Il faut certes
réserver les situations particulières où le recourant sera tenu de trouver
une solution d'espèce pour recevoir un client d'office dans le canton
de Vaud afin de lui éviter des déplacements exagérés. Cela ne justifie
cependant pas que, d'une manière générale, le recourant soit obligé
d'avoir un lieu de réception des clients d'office dans le canton de Vaud.

    La décision attaquée se révèle dès lors disproportionnée en tant
qu'elle refuse au recourant l'inscription au tableau des avocats pratiquant
dans le canton de Vaud, faute d'indiquer un endroit où il entende y
recevoir ses clients d'office.