Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 II 74



123 II 74

12. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 19 novembre 1996
dans la cause Konrad contre Commune de Randogne, Conseil d'Etat et Tribunal
cantonal du canton du Valais (recours de droit administratif) Regeste

    Lärmschutz, Kinderspielplatz, Sanierungsmassnahmen; Art. 7 Abs. 1
und Abs. 7 USG, Art. 11 ff. USG, Art. 40 Abs. 3 LSV.

    Der direkt mit dem Betrieb einer Anlage verbundene "Verhaltenslärm"
von Menschen wird grundsätzlich auch vom Umweltrecht des Bundes erfasst
(E. 3a-b). Der von Kindern auf einem Spielplatz eines Wohnhauses erzeugte
Lärm kann als Einwirkung im Sinne von Art. 7 Abs. 1 USG betrachtet werden
(E. 3c-d).

    Kriterien für die Anordnung von Massnahmen zur Sanierung eines
Kinderspielplatzes: Fehlen Belastungsgrenzwerte in der Lärmschutzverordnung
und klare quantitative technische Daten über die Stärke der Immissionen,
muss die Vollzugsbehörde gleichwohl aufgrund der allgemeinen Kriterien
des Bundesgesetzes über den Umweltschutz ermitteln, ob Einwirkungen einen
schädlichen oder lästigen Charakter haben; sie muss sich dabei auf die
allgemeine Erfahrung stützen. Dass sich gewisse Nachbarn belästigt fühlen,
genügt vorliegend nicht, um den Lärm als übermässig zu qualifizieren (E. 4
und 5a). Tragweite des kantonalen Rechts im vorliegenden Fall (E. 5c).

Sachverhalt

    Le bâtiment de la propriété par étages (PPE) "Les Pins" a été construit
en 1968, sur le territoire de la commune de Randogne; une balançoire
double et un bac à sable de 1,5 m de côté ont alors été installés au nord
du bâtiment, sur une aire goudronnée de 143,5 m2 utilisée comme place
de jeux par les enfants. Ce terrain est classé dans une zone destinée à
l'habitation, aux commerces et aux constructions artisanales n'émettant
pas de nuisances.

    Les époux Konrad sont copropriétaires d'une parcelle attenante,
classée dans une zone destinée aux chalets et villas, sur laquelle
ils ont construit en 1972 un chalet qu'ils habitent et dont ils louent
certains appartements à des tiers, en particulier pendant les périodes de
vacances. Les époux Konrad sont intervenus à plusieurs reprises auprès
de l'administration communale de Randogne pour se plaindre du bruit
causé par les enfants jouant sur la place réservée à cet effet sur la
parcelle de la PPE "Les Pins", à environ 25 m de leur chalet. En janvier
1994, il lui ont soumis un projet d'horaire d'utilisation de cette place
(du lundi au samedi, de 10 à 12 heures et de 15 à 17 heures). Le conseil
municipal a répondu, en se référant au règlement intercommunal de police
applicable à Randogne (RIP), que le bruit des enfants sur la place de jeux
ne constituait pas un acte de nature à troubler la tranquillité publique,
et il a invité les consorts Konrad à s'adresser, le cas échéant, au juge
civil. Cette prise de position a été confirmée dans une décision formelle
rendue le 2 septembre 1994.

    Les époux Konrad se sont pourvus devant le Conseil d'Etat du canton
du Valais, en demandant à cette autorité de constater que le droit
public était applicable en l'espèce, de renvoyer l'affaire à la commune
et, subsidiairement, d'ordonner le déplacement de la place de jeux ou
l'observation d'un horaire d'utilisation. En complément à leur recours,
ils ont déposé un "rapport d'expertise" intitulé "Bruit en provenance
d'une place de jeux pour enfants sur la commune de Randogne", établi
par un ingénieur acousticien. Le Conseil d'Etat a rejeté le recours par
prononcé du 5 juillet 1995. Il a considéré en substance que les bruits
d'enfants n'étaient pas visés par la loi fédérale sur la protection de
l'environnement (LPE; RS 814.01) et qu'aucune intervention des autorités ne
se justifiait sur la base du droit cantonal - en l'occurrence l'art. 79
de la loi cantonale du 18 novembre 1961 sur la santé publique (LSP),
qui permet aux communes de "prendre toute mesure en vue de diminuer ou
de supprimer les bruits de nature à troubler le repos public" - ou du
règlement communal de police. Les époux Konrad ont recouru en vain contre
ce prononcé auprès de la Cour de droit public du Tribunal cantonal, qui
a considéré notamment que la place de jeux litigieuse était un élément
du bâtiment "Les Pins", installation au sens de l'art. 7 al. 7 LPE,
mais que les normes de la législation fédérale relatives à la protection
contre le bruit n'y étaient pas applicables. A titre subsidiaire, la
Cour cantonale a retenu que, selon l'expérience générale de la vie, une
occupation ordinaire de la place de jeux n'était pas incompatible avec
les exigences du droit fédéral.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, les époux
Konrad ont demandé au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
cantonal, de renvoyer l'affaire pour nouvelle décision à la commune et,
subsidiairement, d'ordonner le déplacement de la place de jeux dans
un lieu plus adéquat ou de charger la commune d'établir un horaire
d'utilisation. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure
où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Les recourants soutiennent que la place de jeux aménagée sur la
parcelle voisine de la leur est une installation à laquelle s'appliquent
les règles de la législation fédérale sur la protection de l'environnement
en matière de limitation des nuisances. En l'occurrence, la seule nuisance
invoquée est le bruit des enfants - cris, exclamations - utilisant la
place de jeux du bâtiment "Les Pins". Il n'est pas allégué que ces enfants
causeraient d'autres bruits à cet endroit (avec des motocyclettes ou des
appareils d'amplification du son, par exemple), ni qu'ils provoqueraient
d'autres nuisances distinctes du bruit proprement dit (cf. ATF 118 Ia
112 consid. 1b).

    La place de jeux est destinée aux enfants des habitants du bâtiment
"Les Pins". Elle est aménagée de façon rudimentaire - une double balançoire
et une caisse à sable sur une surface goudronnée de moins de 150 m2 -
et elle ne se prête pas à une utilisation par un grand nombre d'enfants
simultanément. Les recourants parlent d'une fréquentation usuelle par une
douzaine d'enfants, nombre qui avait été retenu par leur expert dans son
rapport. Ils prétendent certes que des enfants résidant dans d'autres
immeubles du même quartier, comprenant cent cinquante appartements,
utiliseraient aussi la place de jeux du bâtiment "Les Pins", mais ils ne
font pas valoir qu'aux moments où les nuisances sont les plus gênantes
pour eux, plus d'une douzaine d'enfants s'y rassembleraient. La place
de jeux litigieuse n'est du reste pas équipée pour accueillir un nombre
sensiblement plus élevé d'utilisateurs; dotée d'engins sommaires, elle
est destinée avant tout aux jeunes enfants. Il ne s'agit manifestement pas
d'un équipement de quartier, mais bien d'un aménagement lié à un bâtiment
de quelques appartements (la PPE "Les Pins" en compte dix-huit). Il faut
par ailleurs constater que les immeubles des alentours abritent avant tout
des logements de vacances qui ne sont pas occupés tout au long de l'année,
et que dans une station de montagne, une place de jeux extérieure est
surtout utilisée durant la saison touristique estivale.

    De façon générale, les "bruits de comportement" humains se distinguent,
par leur nature, leur intensité et leur durée, des bruits dont on admet
d'emblée le caractère nuisible ou incommodant (bruits du trafic routier
ou ferroviaire, d'une activité industrielle, notamment) et que l'on
n'hésite pas à soumettre aux prescriptions de la loi sur la protection
de l'environnement. L'applicabilité de ces prescriptions au cas d'espèce
est un problème délicat, en raison du caractère particulier des bruits de
comportement en cause. Le Tribunal fédéral ne s'est pas encore prononcé
sur cette question.

Erwägung 3

    3.- a) La législation fédérale sur la protection de l'environnement
repose sur l'art. 24septies al. 1 Cst. ("La Confédération légifère sur
la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes
nuisibles ou incommodantes qui leur sont portées. En particulier, elle
combat la pollution de l'air et le bruit" - cf. art. 1er al. 1 LPE). La
notion d'atteinte est définie à l'art. 7 al. 1 LPE: on entend par là les
pollutions atmosphériques, le bruit, les vibrations, les rayons ainsi
que les pollutions du sol, produits par la construction ou l'exploitation
d'installations ou le traitement de substances ou de déchets.

    Le mandat de l'art. 24septies Cst. s'étend à toutes les atteintes
portées à l'environnement ayant l'homme à leur origine (cf. Message
relatif à une loi fédérale sur la protection de l'environnement, FF 1979
III 747). On a distingué, sur cette base, les bruits naturels et les bruits
artificiels. Certains auteurs ont qualifié les bruits d'enfants de bruits
"naturels", ne répondant par conséquent pas à la définition de l'atteinte
au sens de l'art. 7 al. 1 LPE (cf. THOMAS FLEINER, Commentaire de la
Constitution fédérale, Bâle/Zurich/Berne 1988, n. 41 ad art. 24septies -
cet auteur invoque la nécessité de protéger le "libre développement" et la
"joie de vivre" des enfants; cf. également ANNE-CHRISTINE FAVRE, Quelques
questions soulevées par l'application de l'OPB, RDAF 1992 p. 290). Or une
exclusion, par principe, des bruits d'enfants du champ d'application de
la loi fédérale sur la protection de l'environnement n'est pas soutenable
car, quant à leur caractère "artificiel" ou "naturel", ils ne sont pas
différents des bruits provoqués par les adultes (cf. ALAIN CHABLAIS,
Protection de l'environnement et droit cantonal des constructions, thèse
Fribourg 1996, p. 33).

    Le critère décisif pour déterminer si un bruit est une atteinte au sens
du droit fédéral n'est en effet pas celui-là: selon le texte de l'art. 7
al. 1 LPE, il faut qu'il soit produit par la construction ou l'exploitation
d'une installation. C'est du reste l'avis du Tribunal cantonal dans
l'arrêt attaqué, qui a considéré que la loi fédérale sur la protection
de l'environnement s'appliquait aussi aux bruits "naturels" inhérents
à une installation. La notion d'installation est définie à l'art. 7
al. 7 LPE: on entend par là les bâtiments, les voies de communication
ou autres ouvrages fixes ainsi que les modifications de terrain; les
outils, machines, véhicules, bateaux et aéronefs sont assimilés aux
installations. L'ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB; RS
814.41) contient une définition équivalente des "installations fixes"
(art. 2 al. 1 OPB): il s'agit des constructions, des infrastructures
destinées au trafic, des équipements, des bâtiments et des autres
installations non mobiles dont l'exploitation produit du bruit extérieur.

    b) Selon la jurisprudence, la législation fédérale ne s'applique pas
uniquement aux bruits d'origine technique; les bruits de comportement
des hommes ou des animaux, liés directement à l'exploitation d'une
installation, sont aussi visés (cf. THEO LORETAN, KLAUS VALLENDER ET
AL., La loi sur la protection de l'environnement: jurisprudence de
1990 à 1994, URP/DEP 1996 p. 65; MARKUS NEFF, Die Auswirkungen der
LSV auf die Nutzungsplanung, thèse Zurich 1994 p. 70; BENOÎT BOVAY,
Autorisation de construire et droit de l'environnement, RDAF 1995 p. 107
ss; CHABLAIS, op.cit., p. 33 ss; contra toutefois: ALEXANDER ZÜRCHER,
Die vorsorgliche Emissionsbegrenzung nach dem Umweltschutzgesetz, thèse
Bâle 1995, p. 45). Le Tribunal fédéral a ainsi soumis aux exigences des
art. 11 ss LPE (limitation des nuisances) les installations suivantes:
un tonneau de bois aménagé pour accueillir quelques jeunes gens dans le
jardin d'un centre de rencontres (ATF 118 Ib 590 consid. 2), un centre
sportif avec terrain de football, courts de tennis et bar (arrêt du 10
janvier 1994 reproduit in RDAT 1995 I p. 194 consid. 2), un pub (arrêts
non publiés du 28 mars 1996, commune de Delémont, et du 14 octobre 1991,
commune de Lutry), ou un chenil (arrêt non publié du 1er décembre 1994,
commune de Lütisburg, consid. 1c, reproduit in URP/DEP 1995 p. 31).

    Il faut par ailleurs prendre en considération tous les bruits provoqués
par l'utilisation normale, conforme à sa destination, de l'installation en
cause. Ainsi, par exemple, le bruit causé par les clients d'un restaurant
se trouvant non pas à l'intérieur de l'établissement, mais sur la terrasse
ou dans les environs directs, est une nuisance de l'installation elle-même
(cf. ROBERT WOLF, Principi e questioni attuali del diritto in materia di
lotta contro l'inquinamento fonico, RDAT I 1996 p. 242). Dans le domaine
du droit civil, on emploie des critères similaires dans l'application des
dispositions sur les rapports de voisinage qui interdisent au propriétaire
d'un fonds d'exposer ses voisins à des bruits excessifs (art. 684 CC;
cf. ATF 120 II 15 consid. 2a et les arrêts cités).

    c) Le Tribunal cantonal a considéré que la place de jeux litigieuse
était un élément du bâtiment "Les Pins" et que ce bâtiment était une
installation fixe au sens des art. 7 al. 7 LPE et 2 al. 1 OPB; il a
ajouté que cette place était utilisée conformément à sa destination,
la possibilité pour les enfants de s'adonner à des jeux étant liée à la
nature résidentielle d'un immeuble, et que la parcelle était précisément
classée dans une zone d'habitation. Les recourants font quant à eux
valoir que la place de jeux elle-même aurait dû être considérée comme
une installation fixe, indépendamment du bâtiment à laquelle elle est
rattachée; c'est aussi l'opinion du Département fédéral de l'intérieur
dans ses observations sur le recours. Il n'y a cependant aucun motif de
s'écarter de l'appréciation du Tribunal cantonal: un immeuble peut être
la source de plusieurs bruits distincts tout en étant considéré comme
une seule installation et, dans le cas présent, l'élément litigieux - la
petite place de jeux pour enfants - est directement lié à l'utilisation
du bâtiment dont il est un accessoire. Cela étant, il n'est pas exclu
que d'autres places de jeux, aménagées pour regrouper tous les enfants
d'une localité ou d'un quartier, puissent être considérées comme des
installations pour elles-mêmes (voir l'exemple cité par MONIKA KÖLZ-OTT,
Die Anwendbarkeit der bundesrechtlichen Lärmschutzvorschriften auf
menschlichen Alltagslärm und verwandte Lärmarten, URP/DEP 1993 p. 395/396;
cf. également ATF 118 Ib 590 consid. 2b).

    d) Dans ses observations sur le recours, le Département fédéral de
l'intérieur soutient que, pour que l'on puisse parler d'"exploitation
d'une installation", l'activité en cause doit avoir une composante
d'ordre technique ou de nature "organisationnelle", ce qui signifie
qu'elle est liée à une activité à but lucratif. Cette thèse a été
défendue par certains auteurs (cf. KÖLZ-OTT, op.cit., p. 386, 395;
CHABLAIS, op.cit., p. 32), mais elle a aussi été critiquée car le même
bruit, considéré objectivement - à savoir tel qu'il est perçu par le
voisin touché - serait ou non soumis au droit fédéral en fonction des
caractéristiques économiques ou structurelles de l'installation dont il
provient (cf. ROBERT WOLF, Umstrittenes Lärmschutzrecht: Alltagslärm -
kantonale Lärmschutzvorschriften - Bestimmung von Empfindlichkeitsstufen
im Einzelfall, URP/DEP 1994 p. 100/101 [cité infra: Umstrittenes
Lärmschutzrecht]).

    Les critères proposés par le Département fédéral de l'intérieur
permettent notamment l'application des art. 11 ss LPE aux
cafés-restaurants, aux complexes sportifs, aux chenils exploités en la
forme commerciale, de même qu'aux centres de rencontres pour jeunes gens
soumis à des horaires d'utilisation et ainsi dotés d'une composante de
"nature organisationnelle" (voir les arrêts du Tribunal fédéral déjà cités,
relatifs aux bruits de comportement - supra, consid. 3b). Faut-il réserver
un traitement particulier aux bruits de comportement liés à l'utilisation
des bâtiments d'habitation? Cette question n'a pas encore été tranchée
par le Tribunal fédéral. Certes, dans l'arrêt publié aux ATF 118 Ib 590
(tonneau installé dans un centre de rencontres pour jeunes gens), il
a été indiqué que le "bruit lié à l'habitation" ("Wohnlärm") faisait
partie des atteintes visées par le droit fédéral de la protection de
l'environnement (ATF 118 Ib 590 consid. 2d); la référence citée à ce
propos, soit le message du Conseil fédéral relatif à l'art. 24septies
Cst., est cependant ambiguë, car si le texte allemand emploie le terme
"Wohnlärm" (BBl 1970 I 763), le texte français dit que les atteintes
peuvent notamment se produire "sous forme de bruit dans les habitations"
(FF 1970 I 775). Sur ce point, les travaux préparatoires ne donnent pas
d'indications suffisamment claires (à ce propos, cf. KÖLZ-OTT, op.cit.,
p. 382-384; cf. aussi CHABLAIS, op.cit., p. 28).

    Cela étant, les bruits liés à l'utilisation des bâtiments d'habitation
sont en partie des bruits de comportement (voix des habitants, aboiements
de chiens, musique, etc.) et en partie des bruits d'origine technique
(manoeuvres des véhicules sur le parking, ventilation, appareils ménagers,
etc.). Si la notion d'"exploitation d'une installation", selon l'art. 7
al. 1 LPE (et l'art. 1er al. 2 let. a OPB), impliquait que seuls les
bâtiments affectés à des activités commerciales ou accessibles au
public sur la base de conditions particulières (horaires d'ouverture,
droit d'entrée à acquitter, etc.) seraient visés par le droit fédéral
de la protection de l'environnement, on exclurait ainsi de son champ
d'application l'ensemble des nuisances des bâtiments d'habitation,
notamment les bruits d'origine technique, et non seulement les bruits de
comportement humains. Cela ne serait pas cohérent. La notion d'exploitation
doit être interprétée plus largement: tous les bruits directement liés
à une "installation", qui peuvent se révéler nuisibles ou incommodants
pour les voisins, sont soumis aux prescriptions sur la limitations des
nuisances des art. 11 ss LPE. On ne voit en effet pas pourquoi les bruits
de comportement seraient visés dans certaines circonstances (bruits
des clients d'un café-restaurant, par exemple) et d'emblée exclus dans
d'autres (bruits de la vie quotidienne des habitants d'un immeuble). Au
demeurant, il arrive que les propriétaires ou copropriétaires d'un
bâtiment de plusieurs appartements soumettent les activités bruyantes
des habitants à des restrictions, par une clause contractuelle ou une
disposition d'un règlement de PPE; on pourrait y voir la composante de
nature "organisationnelle" à laquelle se réfère le Département fédéral
de l'intérieur.

    Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a par ailleurs considéré
que les prescriptions fédérales de lutte contre le bruit ne s'appliquaient
pas à une installation dont l'exploitation n'impliquait pas une grande
affluence de personnes. Or, comme cela sera exposé (infra, consid. 4b),
ce critère n'est pas décisif à cet égard, même s'il peut avoir une
importance pour l'évaluation des nuisances. En définitive, il n'y a aucun
motif de renoncer à qualifier les bruits dont se plaignent les recourants
d'atteinte au sens de l'art. 7 al. 1 LPE; les art. 11 ss LPE sont donc
en principe applicables en l'espèce.

Erwägung 4

    4.- a) En vertu de l'art. 11 al. 1 LPE, le bruit doit en principe
être limité par des mesures prises à la source (limitation des
émissions). L'art. 11 al. 2 LPE dispose qu'indépendamment des nuisances
existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les émissions
dans la mesure que permettent l'état de la technique et les conditions
d'exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable;
l'art. 11 al. 3 LPE prévoit une limitation plus sévère des émissions s'il
appert ou s'il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge
actuelle de l'environnement, seront nuisibles ou incommodantes. L'art. 13
al. 1 LPE charge le Conseil fédéral d'éditer par voie d'ordonnance des
valeurs limites d'immissions applicables à l'évaluation des atteintes
nuisibles ou incommodantes. La loi fédérale permet aussi au Conseil
fédéral de fixer, pour les immissions provoquées par le bruit, des
valeurs d'alarme (art. 19 LPE) et des valeurs de planification (art. 23
LPE), respectivement supérieures et inférieures aux valeurs limites
d'immissions; ces autres valeurs sont destinées à permettre d'une
part d'apprécier l'urgence d'un assainissement (cf. art. 16 ss LPE),
et d'autre part d'assurer la protection contre le bruit causé par de
nouvelles installations (cf. art. 25 LPE). On appelle ces différentes
valeurs les "valeurs limites d'exposition" au bruit (art. 40 OPB).

    Dans le cas particulier, en demandant le déplacement d'une place
de jeux existante ou l'établissement d'un horaire d'utilisation, les
recourants ont requis des mesures d'assainissement d'une installation ne
satisfaisant pas, selon eux, aux prescriptions fédérales sur la protection
contre le bruit (cf. art. 16 al. 1 LPE). L'art. 16 al. 2 LPE renvoie à
l'ordonnance, notamment quant à l'ampleur des mesures d'assainissement
à ordonner et à la procédure applicable. Sur cette base, l'art. 13 OPB
prévoit l'assainissement des installations fixes qui contribuent de
manière notable au dépassement des valeurs limites d'immission (al. 1);
l'assainissement sera ordonné dans la mesure où cela est réalisable sur le
plan de la technique et de l'exploitation et économiquement supportable
(al. 2 let. a), et de telle façon que les valeurs limites d'immission ne
soient plus dépassées (al. 2 let. b). Des allégements sont par ailleurs
possibles dans certains cas particuliers (art. 17 LPE, 14 OPB).

    Le législateur a énoncé des critères pour la détermination des
valeurs limites d'immission relatives au bruit: elles doivent être
fixées de manière que, selon l'état de la science et de l'expérience, les
immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la
population dans son bien-être (art. 15 LPE). Il faut également tenir compte
à cet égard de l'effet des immissions sur des catégories de personnes
particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les
personnes âgées et les femmes enceintes (art. 13 al. 2 LPE).

    b) En l'état, le Conseil fédéral a fixé des valeurs limites d'immission
(ainsi que les autres valeurs limites d'exposition) pour le bruit du trafic
routier, le bruit des chemins de fer, le bruit des aéroports régionaux, des
champs d'aviation et des aéroports militaires, le bruit de l'industrie et
des arts et métiers, ainsi que le bruit des installations de tir (annexes
3 à 8 OPB). Il ne l'a pas fait pour le bruit des bâtiments d'habitation,
ni du reste pour le bruit des établissements publics (cafés-restaurants,
salles de concert, etc.). On ne saurait au demeurant assimiler d'emblée
les bruits de comportement à une des catégories de bruits pour lesquels
des valeurs limites d'exposition ont été fixées.

    Les cantons ne sont plus compétents pour adopter des prescriptions
générales sur les valeurs limites d'immissions, notamment pour le bruit
des bâtiments d'habitation (art. 65 al. 2 LPE). En conséquence, l'art. 40
al. 3 OPB dispose qu'il appartient à l'autorité d'exécution d'évaluer les
immissions dans chaque cas particulier, en se fondant sur les principes
généraux de la loi (art. 15, 19, 23 LPE - cf. supra, consid. 4a).

    Dans ce cadre, l'expert des recourants a proposé une méthode
d'évaluation des immissions de la place de jeux: il a calculé le bruit de
fond (32 à 37 dB(A)) et estimé à 50 +/- 5 dB(A) le niveau de bruit moyen
(Leq) des cris des enfants, avec des pointes (Lmax) de l'ordre de 65 +/-
5 dB(A); l'ampleur de la différence entre le bruit de fond, d'une part,
et les niveaux "Leq" et "Lmax", d'autre part, démontrerait selon lui
le caractère excessif des nuisances. Les méthodes de détermination des
immissions de bruit "Leq" ou "Lmax" sont préconisées par l'ordonnance
sur la protection contre le bruit (cf. art. 38 OPB, ch. 3 des annexes 3
ss de l'OPB). Il n'est cependant pas certain qu'elles soient adéquates
pour l'évaluation des nuisances causées par les voix d'enfants utilisant
une place de jeux. Quoi qu'il en soit, les recourants n'ont ni proposé
de valeurs limites d'immission à appliquer dans le cas particulier,
ni le cas échéant démontré un dépassement de ces valeurs.

    Dans l'affaire, déjà mentionnée, du tonneau de bois installé dans un
centre de rencontres pour jeunes gens, le Tribunal fédéral avait considéré
que l'examen du respect des valeurs limites d'exposition de l'ordonnance
sur la protection contre le bruit, après une détermination du bruit
selon les méthodes prescrites par cette norme, n'entrait en principe
en ligne de compte que si les nuisances - voix humaines, notamment -
étaient provoquées par un grand nombre de personnes (bruit d'une foule,
par exemple dans un stade - cf. ATF 118 Ib 590 consid. 4b). A la suite
de cet arrêt, un spécialiste de l'acoustique a confirmé l'opinion selon
laquelle les méthodes de détermination quantitatives habituelles n'étaient
pas adaptées à l'évaluation du bruit de comportement de quelques jeunes
gens; l'application de ces méthodes doit être limitée à un type déterminé
de situations car elles n'entrent pas en considération pour toutes les
sortes de bruit (cf. ROBERT HOFMANN, Keine Grenzwerte - kein Lärm?,
URP/DEP 1994 p. 430/431).

    c) A défaut de valeurs limites d'exposition au bruit et d'indications
quantitatives claires sur le niveau des immissions, l'autorité d'exécution
doit tout de même évaluer le caractère nuisible ou incommodant des
atteintes en se fondant sur les critères de la loi fédérale sur la
protection de l'environnement (cf. art. 40 al. 3 OPB). Son pouvoir
d'appréciation est important, mais il doit s'exercer dans certaines
limites. Il n'en irait pas ainsi si l'on se bornait à appliquer en pareil
cas des normes du droit public cantonal au contenu très indéterminé, tel
l'art. 79 LSP ("prendre toute mesure en vue de diminuer ou de supprimer
les bruits de nature à troubler le repos public"). La législation fédérale
sur la protection contre le bruit opère en effet une distinction entre
les nouvelles installations et les installations existantes, en fixant le
seuil d'admissibilité à des niveaux différents (valeurs de planification ou
valeurs limites d'immission; cf. supra, consid. 4a). Elle accorde aussi
une importance à l'affectation de la zone dans laquelle se trouvent les
locaux à usage sensible au bruit et se produisent les immissions; ainsi,
les valeurs limites d'exposition fixées dans les annexes à l'OPB sont
plus ou moins sévères selon le degré de sensibilité du secteur touché,
l'art. 43 OPB distinguant à ce propos quatre catégories de zones (celles
qui requièrent une protection accrue contre le bruit, celles où aucune
entreprise gênante n'est autorisée, celles où sont admises des entreprises
moyennement gênantes, et enfin celles où sont admises des entreprises
fortement gênantes). Lorsqu'un assainissement s'impose, le droit fédéral
contient aussi des prescriptions sur l'exécution des mesures (prise en
charge des coûts, délais, allégements, etc. - cf. art. 13 ss OPB). Dans
le domaine de la lutte contre le bruit, le législateur fédéral a voulu
mettre en place une réglementation systématique et unifiée (cf. Message
relatif à une loi fédérale sur la protection de l'environnement, FF 1979
III 759), dont les principes doivent s'appliquer même dans les situations
atypiques, comme en l'espèce.

Erwägung 5

    5.- a) Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a d'abord décidé que
le droit fédéral de l'environnement ne s'appliquait pas au cas particulier
(sur ce point, l'arrêt était mal fondé), mais il s'est néanmoins prononcé,
à titre subsidiaire, sur les conséquences d'une application de ces
prescriptions. Il a considéré qu'une occupation ordinaire de la place
de jeux ne saurait, "selon l'expérience générale de la vie, entraîner
des nuisances incompatibles avec la LPE, le nombre des utilisateurs de
celle-ci et les bruits que potentiellement ils pourraient générer étant
nécessairement limités par les dimensions de l'installation et le genre
d'activités qui s'y déroulent en règle générale". Le Tribunal cantonal
a ainsi implicitement fondé son appréciation sur l'art. 40 al. 3 OPB et
les critères auxquels cette disposition fait référence.

    Dans ses observations sur le recours, le Département fédéral de
l'intérieur fait valoir que le niveau sonore estimé par l'expert des
recourants équivaut à celui d'une conversation à voix normale. Il ne se
justifie pas, en l'espèce, d'examiner plus en détail les caractéristiques
des voix humaines et les méthodes de détermination du bruit pouvant s'y
appliquer. Il s'agit en effet d'apprécier les nuisances engendrées par
une petite place de jeux, telle qu'il en existe dans les cours de nombreux
bâtiments d'habitation, très sommairement aménagée et utilisée à certaines
heures de la journée par une douzaine de jeunes enfants. Le présent litige
concerne une installation existante, dont l'assainissement est requis,
et non pas une installation nouvelle, soumise en principe à des exigences
plus élevées (cf. art. 23 LPE). Les recourants n'ont jamais allégué que la
place de jeux était utilisée durant la nuit (ils se plaignent avant tout
des nuisances en milieu de journée); or le droit fédéral admet, en règle
générale, des émissions plus fortes durant la journée (cf. annexes 3,
4 et 6 OPB, qui fixent des valeurs limites d'exposition sensiblement plus
basses à partir de 19 heures ou de 22 heures). Il faut encore prendre en
considération les caractéristiques de la zone dans laquelle se trouvent les
pièces habitables des voisins touchés; il s'agit d'une zone d'habitation
(zone 2 de l'ordre dispersé), à laquelle est en principe attribué le degré
de sensibilité II (art. 43 al. 1 let. b OPB). Les recourants font valoir
que la station de Montana est un lieu calme et propice au repos, mais
cela ne signifie pas que ses zones résidentielles requièrent, à l'instar
d'une zone destinée à un hôpital ou à un établissement médico-social
pour personnes âgées, une protection accrue contre le bruit, au sens de
l'art. 43 al. 1 let. a OPB.

    Dans les conditions d'espèce - zone pas particulièrement sensible au
bruit, émissions durant la journée seulement, utilisation normale d'une
petite place de jeux liée à un bâtiment d'habitation, nuisances provenant
des cris d'une douzaine d'enfants -, il faut, conformément à l'art. 15
LPE, se fonder sur l'expérience, à défaut de méthodes scientifiques de
détermination, pour évaluer les immissions. Il y a donc lieu d'examiner
si les nuisances invoquées sont propres à gêner de manière sensible
la population dans son bien-être. En retenant ce dernier critère, le
législateur fédéral a adopté un point de vue objectif. Il faut certes tenir
compte des caractéristiques de la zone ou du quartier et ne pas fixer la
limite du tolérable en faisant abstraction de l'effet des immissions sur
des catégories de personnes particulièrement sensibles (cf. art. 13 al. 2
LPE), mais il ne suffit pas de constater que certains voisins directs
se déclarent incommodés pour qualifier le bruit d'excessif. De petites
places de jeux comparables à celle des intimés sont du reste courantes dans
les quartiers d'habitation, dont elles constituent souvent un équipement
indispensable. Le Département fédéral de l'intérieur a estimé que le bruit
en cause était "mineur", en se référant à son expérience et en ajoutant
qu'une fréquentation de la place de jeux aux heures usuelles du jour ne
risquait pas de causer du "bruit inutile". Cette appréciation corrobore
celle de l'autorité cantonale, que le Tribunal fédéral n'a aucun motif
de remettre en question (cf. art. 104 let. a OJ). Il ne se justifie donc
pas d'ordonner à la copropriété intimée, détentrice de l'installation,
de procéder à des mesures d'assainissement. Sur ce point, le recours de
droit administratif est mal fondé.

    b) Les recourants invoquent encore le principe de la proportionnalité
- qu'ils déduisent de l'art. 4 Cst. - pour faire valoir que les mesures
d'assainissement qu'ils proposent ne sont pas excessives. Dans ce domaine,
le législateur fédéral a prévu expressément l'obligation pour les autorités
compétentes de respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 11
al. 2 LPE et art. 17 LPE, pour les allégements). Quoi qu'il en soit,
ce moyen est sans pertinence, à défaut d'obligation d'assainir dans le
cas particulier.

    c) Les recourants soutiennent encore que l'assainissement requis aurait
dû être ordonné en application des normes du droit public cantonal, soit
l'art. 79 LSP qui fonde les mesures destinées à protéger le repos public.
Or une telle règle n'a plus de portée propre dans le cas particulier;
elle ne fixe de toute manière pas de critères d'assainissement qui
s'écarteraient de ceux des art. 11 ss LPE (ATF 120 Ib 287 consid. 3c/aa,
118 Ib 590 consid. 3d et les arrêts cités; cf. CHABLAIS, op.cit., p. 57
ss). Le recours est aussi mal fondé à cet égard.

    Cela étant, l'application du droit communal ou cantonal de police à
l'encontre non pas du détenteur de l'installation - le propriétaire de
l'immeuble -, mais de personnes qui provoqueraient occasionnellement des
nuisances sans rapport avec l'utilisation normale de la place de jeux,
est bien entendu réservée (cf. ATF 118 Ib 590 consid. 3d; cf. WOLF,
Umstrittenes Lärmschutzrecht, p. 104). Ce sont aussi les règles de police
qui s'appliqueraient aux nuisances excessives provoquées sans nécessité
par les habitants d'un immeuble, par exemple en utilisant abusivement
des appareils de sonorisation ou en omettant de prendre les précautions
adéquates en cas d'activités bruyantes (fermeture des fenêtres, etc.). Dans
ces cas, l'exploitation usuelle de l'installation n'est pas en cause.

    Est également réservée l'application des règles du droit civil en
matière de rapports de voisinage (art. 679 ss CC; cf. ATF 120 II 15 et les
arrêts cités). Tel n'est toutefois pas l'objet de la présente procédure
de recours.