Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 II 49



123 II 49

8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 20 février 1997
dans la cause B. et R. contre Tribunal administratif du canton de Vaud
et Office de contrôle des habitants et de police des étrangers du canton
de Vaud (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 7 ANAG und Art. 105 Abs. 2 OG; Aufenthaltsbewilligung, Scheinehe,
Rechtsmissbrauch, Prüfungsbefugnis, Sachverhalts- und Rechtsfragen.

    Bestehen nicht genügend auf eine Scheinehe hindeutende Anhaltspunkte,
so darf nicht einzig aufgrund von ihnen darauf geschlossen werden, dass
es einem Rechtsmissbrauch gleichkommt, sich auf eine bestehende Ehe zu
berufen (E. 4 und 5).

    Ungenügende Sachverhaltserhebung, Fehlen einer klaren Unterscheidung
zwischen Sachverhalts- und Rechtsfragen; Zurückweisung an das kantonale
Verwaltungsgericht (E. 6).

Sachverhalt

    A.- B., ressortissante roumaine née en 1957, est entrée en Suisse
en 1990. Après avoir sollicité en vain une demande d'asile, elle a été
refoulée le 25 mai 1992.

    Par la suite, elle a épousé A., ressortissant suisse né en 1941, et a
obtenu en janvier 1993 une autorisation de séjour, laquelle a également
été délivrée à sa fille, R., ressortissante roumaine née en 1979 d'un
premier mariage.

    Par décision du 16 novembre 1995, notifiée le 23 novembre 1995,
l'Office cantonal de contrôle des habitants et de police des étrangers du
canton de Vaud (ci-après: l'Office cantonal) a refusé de renouveler les
autorisations de séjour de B. et de sa fille, considérant que l'intéressée
s'était mariée uniquement dans le but d'éluder les dispositions de police
des étrangers.

    Par arrêt du 3 septembre 1996, le Tribunal administratif a rejeté le
recours déposé par l'intéressée contre cette décision, considérant que le
point de savoir si le mariage était fictif pouvait rester indécis car, de
toute façon, l'intéressée invoquait abusivement un mariage qui n'existait
plus que formellement pour obtenir une prolongation de son autorisation
de séjour et de celle de sa fille.

    B.- Agissant le 4 octobre 1996 par la voie du recours de droit
administratif, B., qui intervient également pour sa fille, demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 3 septembre
1996 et d'inviter l'Office cantonal à renouveler leurs autorisations
de séjour. L'Office cantonal s'en remet aux déterminations du Tribunal
administratif, qui renonce à déposer des observations. L'Office fédéral des
étrangers conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

    Le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie l'affaire au Tribunal
administratif pour complément d'instruction et nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- a) En l'espèce, l'autorité intimée a retenu que la recourante
affirmait être tombée amoureuse de son futur mari dès leur première
rencontre en 1992. Toutefois, interrogés par la police en mai 1995 dans
le cadre d'une enquête pénale, les époux avaient tous deux fait allusion
à un mariage blanc, de sorte que l'on pouvait douter de leur volonté de
créer une véritable union conjugale.

    Toujours selon l'autorité intimée, la question du caractère fictif
du mariage pouvait cependant rester indécise car, de toute façon, la
recourante invoquait abusivement un mariage qui n'existait plus que
formellement pour obtenir la prolongation de son autorisation de séjour
et de celle de sa fille. En effet, l'intéressée, qui après le refus
de sa demande d'asile ne cachait pas son intérêt à épouser un Suisse,
avait été présentée à son futur époux par une amie et avait proposé
à celui-ci une somme d'argent en échange d'un mariage. Or, il était
évident qu'elle tirait d'une telle union des avantages manifestes en
matière de police des étrangers. En outre, bien qu'elle durât toujours,
la vie commune des époux avait été marquée par de nombreux incidents
et, surtout, par l'activité de prostituée régulièrement exercée par la
recourante en plein accord avec son époux. L'autorité intimée concluait
ainsi à l'existence manifeste d'un abus de droit et précisait encore que
l'intention, récemment exprimée par l'époux, d'adopter sa belle-fille,
ne pouvait renverser cette très forte présomption.

    b) Dans son mémoire de recours, l'intéressée déclare qu'elle-même et
son époux forment maintenant un véritable couple, qu'elle a définitivement
renoncé à se prostituer, qu'elle dispose d'une formation d'infirmière
acquise en Roumanie et qu'elle a suivi en Suisse un cours d'auxiliaire
de santé organisé par la Croix-Rouge. A titre de faits nouveaux, elle
indique qu'elle a passé les examens sanctionnant le cours suivi et qu'elle
a effectué un stage du 10 juin au 9 septembre 1996 dans un hôpital, lequel
lui a délivré un certificat attestant qu'elle avait exécuté ses tâches
consciencieusement et avec ponctualité. Par ailleurs, elle souligne que
la volonté de son époux d'adopter sa fille date en réalité de quelques
années déjà.

Erwägung 5

    5.- a) Lorsque le recours de droit administratif est dirigé, comme
en l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal
fédéral ne peut revoir les faits constatés dans la décision que s'ils sont
manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris
de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). Au demeurant,
le principe de l'officialité subsiste: le Tribunal fédéral conserve la
compétence de vérifier de son chef les constatations de fait dans le cadre
fixé par l'art. 105 al. 2 OJ (ATF 97 V 134 consid. 1 p. 136/137; ANDRÉ
GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. II, p. 931).

    En l'espèce, ainsi qu'on va le voir ci-après (considérants b et d),
l'état de fait de la décision entreprise souffre de lacunes manifestes au
vu de la complexité du cas: d'une part, de nombreux éléments pertinents
figurant au dossier n'ont pas été mentionnés dans la décision attaquée et,
d'autre part, des questions de fait essentielles n'ont pas été suffisamment
instruites.

    b) aa) Il ressort de l'arrêt attaqué certains indices de mariage
fictif: versement d'une somme d'argent, avantages sur le plan de la police
des étrangers, vie conjugale houleuse, activité de prostituée. Le dossier
révèle en outre un élément pertinent supplémentaire en faveur du mariage
fictif: l'époux, né en 1941, est de seize ans plus âgé que la recourante,
née en 1957.

    bb) Toutefois, il ne faut pas sous-estimer d'autres indices allant
en sens contraire. Notamment, ainsi que l'a constaté l'autorité intimée,
les époux vivent toujours ensemble.

    De plus, il ressort du dossier, soit des procès-verbaux
d'interrogatoires des époux par la police les 19 mai, 31 mai et 7
juillet 1995, que la vie commune - avec la fille de la recourante - dure
pratiquement depuis le mariage du 27 novembre 1992, soit depuis près
de quatre ans lors de la décision attaquée du 3 septembre 1996. Puis,
selon ces mêmes déclarations, les époux ont eu, voire ont toujours
selon la recourante, des relations sexuelles. En outre, l'intéressée a
produit devant l'autorité cantonale trente-quatre photos, portant sur
une période de novembre 1992 à juin 1995, qui montrent pour la plupart
les époux enlacés lors du mariage, lors de vacances en Roumanie ou lors
de festivités diverses, et qui ont une apparence de vérité. Enfin, le
consentement du père de R. du 19 octobre 1993, figurant au dossier, à
l'adoption de sa fille par A., établit que des démarches ont effectivement
été entreprises en vue de cette adoption il y a trois ans déjà.

    cc) Ainsi, les indices qui se dégagent de l'arrêt attaqué et du
dossier sont divergents; ils ne permettent donc pas de conclure à un
mariage fictif. En particulier, il est significatif que la vie commune
dure pratiquement depuis le mariage de manière ininterrompue, même si
c'est avec des hauts et des bas.

    c) L'autorité intimée a laissé ouverte la question du mariage fictif
car, de toute façon, la recourante invoquait abusivement un mariage qui
n'existait plus que formellement. Le Tribunal administratif a tiré cette
conclusion essentiellement des indices de mariage fictif qu'il avait
rassemblés. Toutefois, de tels indices ne suffisent pas à fonder un abus
de droit au sens de la jurisprudence (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103/104).

    L'art. 7 al. 2 LSEE (RS 142.20) prévoit expressément, en cas de
mariage fictif, la suppression du droit à l'autorisation de séjour du
conjoint étranger. Cependant, lorsque les indices de mariage fictif
sont insuffisants pour considérer celui-ci comme avéré, il n'est pas
admissible de conclure à une déchéance du droit à l'autorisation de
séjour, du seul fait de la légèreté de ces indices, au motif qu'il y
aurait abus de droit. Il faut au contraire que les éléments de fait qui
permettent de retenir l'abus de droit soient réunis. Or, il s'agit-là d'une
situation différente, soit le maintien d'un mariage, qui n'existe plus que
formellement, dans le seul but d'obtenir une autorisation de séjour. Au
demeurant, dans ce cadre, il n'est pas exclu de tenir également compte des
faits constituant des indices de mariage fictif, s'ils sont manifestement
établis, pour déterminer s'il y a abus de droit.

    d) D'autres éléments que les indices de mariage fictif mentionnés
au considérant b ci-dessus ressortent, non pas de l'arrêt attaqué, mais
des procès-verbaux précités, et laissent penser que le mariage de la
recourante n'est qu'un cadre fictif maintenu pour des raisons étrangères à
l'accomplissement d'une vie conjugale et familiale protégée par l'art. 7
al. 1 LSEE. Si une telle hypothèse est avérée, l'abus de droit pourrait
alors être admis.

    En effet, certaines déclarations indiquent que la recourante ne
reste auprès de son époux que pour assurer son séjour et celui de sa
fille. Avec le consentement de son époux, elle a poursuivi après le
mariage ses activités de masseuse érotique pendant au moins deux ans; elle
a ajouté à cet égard que, lorsqu'elle avait voulu cesser, ce métier la
"dégoûtant", son mari l'avait forcée à continuer - ce qu'il nie - en la
menaçant de demander le divorce. De plus, elle a reproché à son époux de
la frapper "souvent", et a précisé qu'elle ne s'était rendue à l'hôpital
"qu'à deux reprises". Enfin, elle a déclaré: "Je pense qu'il m'aime comme
je l'aime aussi. En effet, après avoir payé 7'000 fr. à mon époux, je suis
tombée amoureuse de lui. Je rectifie, en fait, je vous ai dit cela car je
dois absolument rester dans votre pays afin d'y élever convenablement ma
fille. En effet, il n'y a pas de travail en Roumanie. Pour ces raisons, je
voudrais obtenir la nationalité suisse, soit après trois ans de mariage".

    De même, il n'est pas exclu que l'époux ne renonce au divorce que pour
pouvoir continuer à profiter des gains de prostituée de sa femme. Selon
ses propres dires, il ne dispose que de ses rentes d'assurance-invalidité
et d'assurance-maladie, de 3'400 fr. par mois, le magasin qu'il gère
n'étant pas encore rentable. Or, on ne saurait passer sous silence qu'il
a avoué avoir signé le bail du salon de massage de son épouse ouvert en
août 1994 (bien qu'il déclare à cet égard avoir cru que l'appartement
était destiné à une amie de sa femme), qu'il a admis avoir régulièrement
conduit son épouse sur son lieu de travail et avoir reçu mensuellement de
celle-ci 2'300 fr. - somme qu'il savait tirée de la prostitution - soit un
montant total d'au moins 36'000 fr. De plus, il a déposé une requête de
mesures protectrices de l'union conjugale, retirée par la suite. Enfin,
il a déclaré: "Maintenant, j'ai vraiment envie de divorcer (...). Je
reconnais que j'ai fait une connerie d'accepter ce mariage en blanc."

    Ainsi, certains indices laissent penser que les époux maintiennent
leur mariage pour d'autres motifs que la vie conjugale. Toutefois, ces
éléments ne sont pas suffisamment établis pour conclure à l'abus de droit;
des informations essentielles manquent au dossier. En particulier, on
ignore si et à quelles conditions les époux ont l'intention de poursuivre
la vie commune. On ne sait pas non plus si l'époux de la recourante a
toujours l'intention d'adopter sa belle-fille, soit, notamment, si une
demande formelle a finalement été déposée. Enfin, il n'est pas établi
que les allégués de la recourante à l'intention de l'autorité intimée,
selon lesquels elle aurait commencé une nouvelle formation dans le domaine
de la santé, soient avérés. De même, on ignore si le contrat de bail du
salon de massage a été résilié, ce qui devrait normalement être le cas
si la recourante a effectivement changé d'activité.

Erwägung 6

    6.- a) La restriction du pouvoir d'examen découlant de l'art.
105 al. 2 OJ permet de décharger le Tribunal fédéral de l'établissement
des faits: comme il peut normalement considérer que les faits que
l'instance inférieure a tenu pour prouvés sont suffisamment établis,
sauf exceptions très limitées, le Tribunal fédéral peut se consacrer à sa
tâche essentielle dans le cadre du recours de droit administratif, soit
l'application uniforme du droit fédéral (cf. ATF 119 Ib 193 consid. 4a
p. 199/200). L'art. 105 al. 2 OJ prend dès lors toute son importance,
d'autant plus que la réforme de la loi sur l'organisation judiciaire,
qui avait notamment pour but d'alléger la tâche du Tribunal fédéral,
a élargi le champ d'application de cette disposition en introduisant
le nouvel art. 98a al. 1 OJ (loi fédérale du 4 octobre 1991, RO 1992
p. 288; voir également FF 1991 II p. 461 ss, spéc. p. 471, 474, 476 et
477 et PETER UEBERSAX, Zur Entlastung der eidgenössischen Gerichte durch
eidgenössische Schieds- und Rekurskommissionen sowie durch die Neuregelung
des verwaltungsrechtlichen Klageverfahrens, in: PJA 10/94 p. 1223 ss,
spéc. p. 1240).

    Par ailleurs, la limitation de l'art. 105 al. 2 OJ rend essentielle la
distinction des questions de fait et de droit (ALFRED KÖLZ/ISABELLE HÄNER,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich 1993,
no 424 p. 242, et les arrêts cités: ATF 116 Ib 299 consid. 2d p. 307/
308; 115 Ib 408 consid. 1b p. 409/410; 112 Ib 154 consid. 2 p. 157; 112
V 1 consid. 3b p. 4; voir aussi ATF 122 V 221 consid. 3 p. 223 et 120
Ib 305 consid. 4a p. 308/309).

    Si le Tribunal fédéral dispose d'un pouvoir d'examen limité en ce
qui concerne l'examen des faits, il applique d'office et librement le
droit fédéral. Compte tenu de cette différence dans le pouvoir d'examen,
et pour que le but visé par l'extension des cas où intervient l'art. 105
al. 2 OJ soit atteint, il convient également que l'arrêt cantonal distingue
en principe l'établissement des faits et l'application du droit.

    b) En l'espèce, l'état de fait exposé par l'autorité intimée est
manifestement incomplet et il ne permet pas au Tribunal fédéral de résoudre
les questions de droit litigieuses. Or, il n'appartient en principe pas
à celui-ci de compléter l'état de fait de l'arrêt attaqué, pratiquement
comme un juge de première instance, surtout lorsque le dossier ne permet
pas d'établir sans difficulté l'ensemble des faits déterminants.

    En outre, l'arrêt attaqué mêle les questions de fait et de droit. Or,
ce procédé, qui ne facilite pas l'application de l'art. 105 al. 2 OJ,
est déjà discutable en lui-même, mais est encore plus critiquable lorsque,
comme en l'occurrence, l'affaire est complexe et qu'il devient difficile
de distinguer sur tel ou tel point particulier si l'instance cantonale
considère un fait comme établi ou si elle passe déjà à une interprétation
du point de vue juridique.