Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 II 125



123 II 125

17. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 27 février 1997
dans la cause K., D., R., B. et P. contre Département fédéral de justice
et police (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 13 lit. f BVO: Ausnahme von den Begrenzungsmassnahmen.

    Zweck und Tragweite von Art. 13 lit. f BVO (E. 2).

    Anwendung dieser Bestimmung auf Asylbewerber allgemein (E. 3),
speziell auf Kinder, Jugendliche und Familien (E. 4).

    Im Fall der Beschwerdeführer liegt kein schwerwiegender persönlicher
Härtefall im Sinne dieser Bestimmung vor (E. 5).

Sachverhalt

    Ressortissants zaïrois, les époux K. et leurs trois enfants, soit
R. né le 25 juin 1987 et les jumeaux B. et P. nés le 11 novembre 1989,
sont entrés en Suisse en 1990. Ils ont déposé des demandes d'asile, que
l'Office fédéral des réfugiés a rejetées le 6 septembre 1991. Un recours
contre ces décisions est actuellement pendant devant la Commission suisse
de recours en matière d'asile.

    Le 13 juin 1994, l'Office cantonal vaudois des requérants d'asile
a informé l'Office fédéral des étrangers, en application de l'art. 17
al. 2 de la loi fédérale du 5 octobre 1979 sur l'asile (LAsi; RS 142.31),
qu'il entendait délivrer à K. et à sa famille une autorisation de séjour
hors contingent au sens de l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre
1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21).

    Invitée à formuler des observations, la famille K. a déclaré le 15
décembre 1994 qu'elle était bien intégrée. L'époux avait suivi un cours
de soudure, ce qui lui avait permis d'effectuer de nombreuses missions de
courte et de moyenne durée, l'épouse bénéficiait d'un emploi stable et les
enfants suivaient sans problème le programme scolaire régulier. A l'appui
de leurs allégués, les intéressés ont annexé de nombreuses déclarations:
leurs amis, leurs voisins, leur concierge et les institutrices des enfants
attestaient leur bonne intégration, leur discrétion et leur urbanité.

    Par décision du 22 février 1995, l'Office fédéral des étrangers a
toutefois refusé d'exempter la famille K. des mesures de limitation du
nombre des étrangers.

    Les intéressés ont recouru contre cette décision, soulignant que la
population de leur pays d'origine vivait dans l'insécurité et la pauvreté
et qu'elle parvenait difficilement à satisfaire ses besoins essentiels. Ils
relevaient que la vie au Zaïre serait encore plus dure pour eux dans la
mesure où ils ne pourraient trouver ni logement, ni travail. Les enfants,
qui ne parlaient pas le "lingala", seraient ainsi brutalement privés des
nécessités les plus élémentaires: logement, nourriture, soins médicaux,
école.

    Son recours ayant été rejeté le 24 septembre 1996 par le Département
fédéral de justice et police (ci-après: Département fédéral), la famille
K. a agi le 25 octobre 1996 par la voie du recours de droit administratif,
demandant en substance au Tribunal fédéral de constater qu'elle se trouve
dans un cas de rigueur au sens de l'art. 13 lettre f OLE.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Les mesures de limitation visent en premier lieu à assurer un
rapport équilibré entre l'effectif de la population en Suisse et celui de
la population étrangère résidente, ainsi qu'à améliorer la structure du
marché du travail et à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi
(art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE, selon lequel un
étranger n'est pas compté dans les nombres maximums fixés par le Conseil
fédéral, a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui,
en principe, seraient comptés dans ce contingent, mais pour lesquels cet
assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux circonstances
particulières de leur cas, ou pas souhaitable du point de vue politique.

    Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette
disposition dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les
conditions pour une reconnaissance d'un cas de rigueur doivent être
appréciées restrictivement. Il est nécessaire que l'étranger concerné se
trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses
conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la
moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue,
c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions
des nombres maximums comporte pour lui de graves conséquences. Pour
l'appréciation du cas d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de
l'ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un
tel cas n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse
constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. D'un
autre côté, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une
assez longue période et s'y soit bien intégré ne suffit pas, à lui seul,
à constituer un cas d'extrême gravité; il faut encore que sa relation
avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il aille vivre
dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (ATF 119 Ib 33
consid. 4c p. 43; 117 Ib 317 consid. 4b p. 321/322).

    Encore peut-on relever qu'une procédure fondée sur l'art. 13 lettre f
(ou lettre h) OLE ne porte pas sur l'octroi d'une autorisation de séjour
en Suisse, mais seulement sur la question de l'assujettissement, ou non,
aux mesures de limitation du nombre des étrangers (cf. ATF 122 II 186
consid. 1a et 1b p. 187 ss).

Erwägung 3

    3.- Les principes susmentionnés sont aussi valables pour les étrangers
qui sollicitent l'octroi d'une autorisation de séjour dans le cadre d'une
procédure d'asile et se prévalent d'une situation d'extrême gravité. Pour
autant qu'il n'existe pas de droit à une autorisation, l'art. 12f LAsi,
en relation avec l'art. 17 al. 2 LAsi, ne permet d'entamer une procédure
de police des étrangers que si la procédure d'asile n'est pas terminée
au bout de quatre ans. Il convient de distinguer nettement, quant au
fond, la procédure pour cas personnel d'extrême gravité de la procédure
d'asile. Sans cela, non seulement il y aurait des procédures parallèles
sur le même objet - ce que l'art. 12f LAsi tend à éviter -, mais encore la
procédure pour cas personnel d'extrême gravité reviendrait à introduire
indirectement un recours de droit administratif sur des questions à
l'égard desquelles le législateur a expressément exclu cette voie de
droit à l'art. 100 lettre b ch. 2 OJ.

    La reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité au sens
de l'art. 13 lettre f OLE ne tend pas à protéger l'étranger contre les
conséquences de la guerre ou contre des abus des autorités étatiques. Des
considérations de cet ordre relèvent de la procédure d'asile; elles
peuvent également être prises en compte dans le cadre de l'exigibilité
d'un renvoi entré en force (art. 14a al. 4 de la loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers [LSEE; RS 142.20];
ATF 119 Ib 33 consid. 4b p. 42/43). Dans la procédure d'exemption des
mesures de limitation, ce sont des raisons purement humanitaires qui sont
déterminantes. Cela n'exclut cependant pas de prendre en considération
les difficultés que les recourants rencontreraient dans leur pays du
point de vue personnel, familial et économique.

    Ainsi, selon la jurisprudence, il n'y a pas de définition
particulière du cas personnel d'extrême gravité pour les requérants
d'asile. Il se justifie néanmoins de tenir compte de la situation
particulière qui est celle des requérants d'asile par rapport aux autres
étrangers. Le travailleur étranger demeure, en règle générale, intégré
à son environnement socioculturel d'origine; souvent, il n'envisage
son séjour en Suisse que comme une période transitoire, au terme de
laquelle il pourra, avec ses économies, retourner dans son pays d'origine
et y vivre à l'abri du besoin et des soucis. Il n'en va pas de même du
requérant d'asile, qui est contraint de rompre tout contact avec son pays
d'origine. Contrairement au travailleur étranger, le requérant d'asile
provient en outre souvent d'un environnement socioculturel très différent
du nôtre, de telle sorte qu'il éprouve généralement plus de difficultés à
s'adapter à son nouveau milieu que le travailleur étranger. S'il réussit
malgré tout à s'y ajuster, le nouveau déracinement qu'impliquerait un
retour forcé dans le pays d'origine constitue une rigueur plus grave pour
lui que pour un travailleur étranger ayant conservé des liens avec son
pays. Il y a donc lieu de tenir compte de cette circonstance lorsqu'il
s'agit d'apprécier si un renvoi de Suisse peut être raisonnablement exigé
(arrêts non publiés Juncu du 12 août 1996 consid. 3b et Sabbagh du 20
décembre 1995 consid. 3b).

Erwägung 4

    4.- a) La situation des enfants peut, selon les circonstances,
poser des problèmes particuliers. Comme pour les adultes, il y a
lieu de tenir compte des effets qu'entraînerait pour eux un retour
forcé dans leur pays d'origine, mais, à leur égard, il faut prendre
en considération qu'un tel renvoi pourrait selon les circonstances
équivaloir à un véritable déracinement, constitutif à son tour d'un cas
personnel d'extrême gravité. Pour déterminer si tel serait ou non le
cas, il faut examiner, notamment, l'âge de l'enfant lors de son arrivée
en Suisse et au moment où se pose la question du retour, la durée et
le degré de réussite de sa scolarisation, l'avancement de sa formation
professionnelle, la possibilité de poursuivre, dans le pays d'origine,
la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse,
ainsi que les perspectives d'exploitation, le moment venu, de ces acquis
(arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 4, in: Asyl 1996 p. 28/29).

    Toutefois, lorsqu'une famille demande à être exemptée des mesures de
limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE, la situation de chacun de
ses membres ne doit pas être considérée isolément mais en relation avec
le contexte familial global. En effet, le sort de la famille formera en
général un tout; il serait difficile d'admettre le cas d'extrême gravité,
par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants. Ainsi, le
problème des enfants est un aspect, certes important, de l'examen de la
situation de la famille, mais ce n'est pas le seul critère (arrêt précité
Tekle consid. 4). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'aborder cette
question dans plusieurs arrêts, mentionnés ci-dessous. Dans tous ces cas,
il n'a pas été tenu compte uniquement de la situation du ou des enfants,
mais également de celle des autres membres de la famille, afin de porter
une appréciation d'ensemble.

    b) Le Tribunal fédéral a jugé qu'un enfant en bas âge - qu'il soit
né dans son pays d'origine ou en Suisse - est encore fortement lié à
ses parents, qui l'imprègnent de leur mode de vie et de leur culture, de
sorte qu'il peut, après d'éventuelles difficultés initiales d'adaptation,
se réintégrer dans son pays d'origine (arrêt non publié Prieto Mendoza
du 6 juillet 1995 consid. 3, concernant un enfant en âge d'être, du
moins dans un bref délai, scolarisé; arrêts Dogan consid. 4c et Sari
consid. 5a du 30 juin 1995, résumés in: Asyl 1996 p. 27/28, concernant
tous deux un enfant de quatre ans; arrêt non publié Hayatsu du 20
septembre 1994, concernant un enfant de cinq ans). Dans le même sens,
on peut considérer que la fréquentation de classes précédant le début de
la scolarité obligatoire, si importante soit-elle pour le développement
de la personnalité de l'enfant en général et pour sa socialisation en
particulier, n'implique pas, en principe, une intégration à un milieu
socioculturel déterminé si profonde et si irréversible que l'obligation
de s'adapter à un autre environnement équivaudrait, dans ce cas, à
un véritable déracinement. L'expérience enseigne d'ailleurs qu'à cette
période de la vie l'enfant reste essentiellement influencé par ses parents,
plutôt que par les institutions préscolaires qu'il fréquente, et que,
sauf si ceux-ci ont eux-mêmes vécu très longtemps en Suisse et s'y sont
parfaitement intégrés, cette relation avec les parents maintiendra un
certain lien avec le milieu socioculturel d'origine (arrêt précité Tekle
consid. 4).

    S'agissant d'un enfant qui est déjà scolarisé et qui a dès lors
commencé à s'intégrer de manière autonome dans la réalité quotidienne
suisse, le retour forcé peut constituer un véritable déracinement,
mais tel n'est pas forcément le cas. Il y a lieu de tenir compte,
en particulier, de son âge, des efforts consentis, du degré et de la
réussite de sa scolarisation, ainsi que des différences socio-économiques
existant entre la Suisse et le pays où il pourrait être renvoyé. Ainsi,
le Tribunal fédéral a refusé de voir une situation d'extrême gravité dans
le cas d'un enfant de neuf ans arrivé en Suisse à quatre ans et achevant
la deuxième année d'école primaire (arrêt précité Sari consid. 4a et
5a); le Tribunal fédéral est arrivé à la même conclusion dans le cas
d'un enfant de neuf ans arrivé en Suisse à quatre ans et fréquentant la
troisième année d'école primaire (arrêt précité Sabbagh consid. 4; voir
aussi arrêts non publiés Dogan-Saritas du 28 octobre 1996 consid. 3b et
Zeqir du 21 novembre 1995 consid. 5a).

    La scolarité correspondant à la période de l'adolescence contribue
de manière décisive à l'intégration de l'enfant dans une communauté
socioculturelle bien déterminée, car, avec l'acquisition proprement
dite des connaissances, c'est le but poursuivi par la scolarisation
obligatoire. Selon les circonstances, il se justifie de considérer que
l'obligation de rompre brutalement avec ce milieu pour se réadapter à
un environnement complètement différent peut constituer un cas personnel
d'extrême gravité; encore faut-il cependant que la scolarité ait revêtu,
dans le cas de l'intéressé, une certaine durée, ait atteint un certain
niveau et se soit soldée par un résultat positif. Le cas de rigueur n'a
pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille
qui comptait notamment deux adolescents de seize et quatorze ans arrivés
en Suisse à, respectivement, treize et dix ans, et qui fréquentaient
des classes d'accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du
17 juillet 1995 consid. 5). En revanche, le Tribunal fédéral a admis
l'exemption des mesures de limitation d'une famille dont les parents
étaient remarquablement bien intégrés; venu en Suisse à douze ans, le fils
aîné de seize ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les
obstacles linguistiques, s'était bien adapté au système scolaire suisse
et avait achevé la neuvième année d'école primaire; arrivée en Suisse à
huit ans, la fille cadette de douze ans s'était ajustée pour le mieux au
système scolaire suisse et n'aurait pu se réadapter que difficilement
à la vie quotidienne scolaire de son pays d'origine (arrêt non publié
Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal
fédéral a admis que se trouvait dans un cas d'extrême gravité, compte
tenu notamment des efforts d'intégration réalisés, une famille comprenant
des adolescents de dix-sept, seize et quatorze ans arrivés en Suisse cinq
ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés
(cf. arrêt précité Tekle consid. 5b; voir également arrêt non publié
Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une
jeune femme de près de vingt et un ans, entrée en Suisse à quinze ans).

Erwägung 5

    5.- a) En l'espèce, les recourants rappellent les arguments déjà
soulevés devant les instances précédentes et invoquent la durée de
leur séjour en Suisse ainsi que leur bonne intégration. A cet égard, ils
affirment qu'ils sont indépendants financièrement (hormis une "très petite
aide" de la Fondation vaudoise pour l'accueil des requérants d'asile, qui
leur permet d'atteindre le minimum vital alloué aux requérants d'asile),
que leur fils aîné est déjà en quatrième année d'école primaire et que
leurs trois enfants se sont beaucoup investis dans leurs études et leurs
intérêts parascolaires. Ils admettent que, s'ils devaient être renvoyés
au Zaïre, ils ne se retrouveraient pas dans une situation différente
de celle de leurs compatriotes restés sur place, mais relèvent qu'à la
différence de ceux-ci, ils auront passé six ans de séjour en Suisse dans
une intégration sociale, professionnelle et scolaire réussie. Les parents
ne retrouveraient pas de travail, en tout cas pas de même nature que celui
qu'ils ont en Suisse. De plus, les enfants ne pourraient bénéficier d'un
cadre scolaire équivalent que dans une école privée, dont le coût serait
particulièrement prohibitif. Même l'école publique, qui, lorsqu'elle
existe, est de piètre qualité, ne pourrait être fréquentée qu'avec des
moyens financiers. Les recourants citent enfin des extraits de rapports
officiels relatifs au Zaïre qui attestent que les taux de mortalité
infantile demeurent élevés, que les enfants sont les principales victimes
de la désintégration socio-économique, qu'ils sont exploités et maltraités
et qu'ils vivent, ainsi que le reste de la population, dans une totale
situation d'insécurité. Dès lors, concluent les recourants, un retour
dans leur pays d'origine constituerait pour eux, en particulier pour les
enfants, un (nouveau) déracinement et l'anéantissement de leurs efforts.

    b) aa) Il est vrai que les époux intéressés vivent depuis plus
de six ans en Suisse. Hormis le fait qu'ils ne ne sont pas totalement
financièrement indépendants (la Fondation vaudoise pour l'accueil des
requérants d'asile comblant, au moins en partie, le solde négatif de leur
budget de 714.15 fr. par mois), les recourants sont normalement intégrés
socialement et professionnellement et leur comportement n'a pas fait
l'objet de plaintes. A elles seules, ces circonstances ne suffisent
cependant pas à admettre que leur renvoi de Suisse constituerait un
cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE (ATF
119 Ib 33 consid. 4c et 4d p. 43/44). L'époux a vécu au Zaïre jusqu'à
l'âge de trente-quatre ans (hormis trois années en Suisse de 1983 à
1986), et l'épouse jusqu'à vingt-cinq ans. Ils ont ainsi passé au Zaïre
toute leur jeunesse et la plus grande partie de leur existence. Or,
ces années apparaissent comme essentielles, puisque c'est précisément
pendant cette période que se forge la personnalité, en fonction notamment
de l'environnement culturel. Par ailleurs, les époux n'allèguent pas
entretenir de liens particuliers avec la Suisse qui pourraient justifier
une exemption des mesures de limitation du nombre des étrangers; on
relèvera à cet égard que les relations d'amitié, de travail ou de voisinage
qu'ils ont pu nouer sont normalement insuffisantes. Il n'y a donc pas lieu
de les exempter des mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f
OLE. Le fait que, contrairement à leurs concitoyens demeurés au Zaïre,
ils aient vécu en Suisse pendant six ans et se soient ainsi habitués aux
conditions économiques et sociales de ce pays, ne saurait conduire à une
autre conclusion.

    bb) Les deux cadets, arrivés en Suisse à l'âge d'une année, ont
aujourd'hui sept ans et trois mois et fréquentent, après deux ans
d'école enfantine, la première année d'école primaire. Conformément
à la jurisprudence développée ci-dessus, ils sont encore assez jeunes
pour pouvoir s'adapter, après des difficultés initiales, à un nouvel
environnement. De plus, ils devraient connaître les coutumes et la langue
de leur pays par leurs parents, même si les recourants ont, devant le
Département fédéral, déclaré que les enfants ne parlaient pas le "lingala".

    cc) La question est plus délicate en ce qui concerne l'aîné, arrivé
en Suisse à l'âge de trois ans et demi, qui a aujourd'hui neuf ans et
huit mois et qui suit, après une scolarité régulière, la quatrième année
primaire. D'une manière générale, le Tribunal fédéral a refusé de voir
une situation d'extrême gravité dans les cas où la famille comprenait
un enfant de neuf ans arrivé en Suisse en bas âge ou en âge préscolaire
et fréquentant les premières années d'école primaire (arrêts précités
Sabbagh consid. 4 et Sari consid. 4a et 5a). En l'espèce, il est vrai que
le tableau dressé par les recourants de la situation qui les attendrait au
Zaïre, spécialement des points de vue médical et scolaire, est mauvais. En
ce sens, il est vraisemblable que les efforts d'adaptation, dont l'aîné
notamment devra faire preuve, seront très importants. Toutefois, compte
tenu de la situation de la famille dans son ensemble, ces circonstances
ne suffisent pas pour admettre un cas personnel d'extrême gravité.

    dd) Certes, s'ils doivent retourner au Zaïre, les recourants se
heurteront à de sérieuses difficultés, mais rien ne permet d'affirmer
qu'elles seraient plus graves pour eux que pour n'importe lesquels de leurs
concitoyens qui se trouveraient dans leur situation, appelés à quitter la
Suisse au terme de leur séjour. Dès lors, ils ne peuvent bénéficier d'une
exception aux mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE. En
effet, une telle exception n'a pas pour but de soustraire le requérant
aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que celui-ci se
trouve personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne peut au
contraire exiger de lui qu'il tente de se réajuster à son existence passée.

    On peut ainsi attendre des recourants qu'ils s'adaptent ou se
réadaptent à la situation, même difficile, à laquelle ils pourraient être
confrontés s'ils retournaient au Zaïre, à l'instar de leurs compatriotes
qui y sont restés. On ne saurait en effet tenir compte des circonstances
générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant
l'ensemble de la population restée sur place, auxquelles les requérants
seront également exposés à leur retour, sauf si ceux-ci allèguent
d'importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier,
telles que, par exemple, une maladie grave ne pouvant être soignée qu'en
Suisse (cf. arrêt non publié Alpdogan du 15 janvier 1996) ou le violent
opprobre, voire les mauvais traitements, auxquels serait soumise, dans
son pays d'origine, une jeune femme devenue mère célibataire en Suisse
(arrêt précité Hayatsu). Enfin, conformément aux principes exposés au
considérant 3 ci-dessus, l'exception aux mesures de limitation au sens de
l'art. 13 lettre f OLE n'est pas destinée à permettre à un étranger de
séjourner en Suisse pour des motifs liés à la protection de sa personne
en raison d'une situation de guerre, d'abus des autorités étatiques ou
d'actes de persécution dirigés contre lui.