Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 III 60



123 III 60

9. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 4 février 1997 dans la cause
X. S.A. contre Y. en liquidation concordataire (recours en réforme) Regeste

    Bank in Nachlassliquidation - Prüfung der Aktivlegitimation bei
fiduziarischen Abtretungen (Art. 164 Abs. 1 OR, Art. 20 Abs. 1 OR).

    Nichtigkeit von Abtretungen, mit denen einzelne Gesellschaftsgläubiger
der Bank in Nachlassliquidation ihre Schadenersatzforderungen gegen die
Bankenrevisionsstelle im Sinne von Art. 18 ff. BankG zum Zweck abtreten,
diese auf Kosten der Masse und zugunsten der Gläubigergesamtheit
gerichtlich geltend zu machen (E. 3-5).

Sachverhalt

    A.- Par jugement du 23 novembre 1978, la Cour de justice du canton
de Genève a homologué le concordat par abandon d'actif de la banque Y.,
société en commandite. L'état de collocation a été déposé le 1er mars 1982.

    Le 27 avril 1982, les liquidateurs de la banque ont fait paraître,
dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève, un avis qui
comportait le passage suivant:

    "D'autre part, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (notamment

    ATF 106 Ib 357 ss), certaines actions contre des tiers éventuellement
   responsables du dommage subi par les créanciers (...) ne peuvent être
   intentées par les liquidateurs agissant ès qualités, mais par les
   créanciers eux-mêmes.

    Afin d'éviter une dispersion stérile des forces et une impossibilité
   pratique de mener des pourparlers constructifs, les créanciers sont
   invités à céder formellement leurs droits éventuels aux liquidateurs
   d'ici le 7 mai 1982 pour que ceux-ci les fassent valoir au nom de la
   masse et à ses frais.

    A défaut de cession, il appartiendra aux créanciers de prendre toutes
   mesures qu'ils jugeraient opportunes pour interrompre une éventuelle
   prescription."

    Vingt-cinq créanciers ont cédé à la société en liquidation
concordataire leurs prétentions en dommages-intérêts à l'encontre,
notamment, de la fiduciaire X. S.A., institution chargée de la revision
au sens des art. 18 ss de la loi fédérale sur les banques et les
caisses d'épargne (LB; RS 952.0). Chaque créance cédée correspondait au
montant de la production effectuée par son titulaire dans la liquidation
concordataire, sous déduction du dividende à verser.

    B.- Le 15 juin 1987, Y. en liquidation concordataire, agissant en
qualité de cessionnaire, a assigné X. S.A. en paiement de 17'128'646 fr.85
plus intérêts, représentant le dommage subi par les vingt-cinq créanciers
cédants si le dividende concordataire était de 50%. Par la suite, la
demanderesse a réduit ses conclusions à 5'840'810 fr.65, les créanciers
cédants n'étant plus que onze et le dividende ayant été porté à 58%.

    Par jugement du 10 mai 1990, le Tribunal de première instance du canton
de Genève a déclaré l'action irrecevable pour cause de prescription. Le 15
août 1991, le Tribunal fédéral a confirmé l'arrêt de la Cour de justice
qui annulait le jugement de première instance, déboutait la défenderesse
des fins de son exception de prescription et renvoyait la cause au juge
précédent pour instruction et jugement sur le fond.

    Statuant à nouveau le 15 décembre 1994, le Tribunal de première
instance a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse la somme
de 13'906'962 fr. plus intérêts, sous imputation de plusieurs montants
totalisant 9'456'550 fr.55.

    Saisie d'un appel de la défenderesse, la Chambre civile de la Cour
de justice a confirmé le jugement entrepris dans un arrêt du 1er mars 1996.

    C.- X. S.A. interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle
demande, principalement, le renvoi de la cause à l'autorité cantonale
pour instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants;
subsidiairement, elle conclut à l'irrecevabilité de la demande et, encore
plus subsidiairement, à son rejet.

    Y. en liquidation concordataire propose le rejet du recours.

    X. S.A. a également déposé un recours de droit public contre la
même décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) La qualité pour agir (ou légitimation active) est une question
de droit matériel; elle relève par conséquent du droit privé fédéral
dans les actions soumises à ce droit (ATF 121 III 118 consid. 3 p. 121;
116 II 253 consid. 3). Il appartient au demandeur de prouver les faits
desquels il tire sa qualité pour agir (KUMMER, Berner Kommentar, n. 146
ad art. 8 CC). En l'espèce, la demanderesse a établi être au bénéfice de
cessions de créances.

    b) Aux termes de l'art. 164 al. 1 CO, le créancier peut céder son droit
à un tiers sans le consentement du débiteur, à moins que la cession ne soit
interdite par la loi, la convention ou la nature de l'affaire. En principe,
la cession d'une prétention incessible n'est pas valable et demeure sans
effet. En particulier, si l'incessibilité résulte d'une interdiction
légale, la cession est illicite et, conformément à l'art. 20 CO, nulle; en
pareil cas, le juge doit prendre d'office en considération l'invalidité de
la cession (GAUCH/SCHLUEP, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner
Teil, tome II, 6e éd., n. 3565, p. 294; SPIRIG, Zürcher Kommentar, n. 183
et 184 ad art. 164 CO).

    Il y a dès lors lieu d'examiner si la demanderesse peut se prévaloir
de cessions valables et, partant, si elle a qualité pour agir dans la
présente affaire.

Erwägung 4

    4.- a) Selon l'arrêt publié aux ATF 106 Ib 357, la banque en
liquidation concordataire n'a pas la qualité pour agir en réparation du
dommage subi par les créanciers à la suite d'une surveillance déficiente
de la Commission fédérale des banques. En d'autres termes, de telles
prétentions en dommages-intérêts envers un tiers ne font pas partie de
la masse à liquider; ce sont les créanciers, à qui elles appartiennent
en propre, qui doivent les exercer, par l'intermédiaire ou non d'un
mandataire commun (consid. 3 p. 364 ss).

    Invoquant cette jurisprudence, les liquidateurs de la demanderesse ont
proposé aux créanciers de la banque de céder à la société en liquidation
concordataire leurs droits envers les reviseurs bancaires, de faire le
procès aux frais de la masse et d'incorporer à celle-ci, au bénéfice
de tous les créanciers, les dommages-intérêts éventuels auxquels les
reviseurs seraient condamnés. Seule une partie des créanciers a cédé ses
prétentions à la demanderesse.

    b) Dans un précédent arrêt rendu dans le procès opposant les parties,
le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que les reviseurs
bancaires, qui ne sont pas un organe de la banque, n'encourent pas, envers
les créanciers sociaux, une responsabilité fondée sur les art. 41 ss LB,
mais sur l'art. 41 CO (ATF 117 II 315 consid. 4b p. 317 et consid. 4d
p. 318). Dès lors que les prétentions en dommages-intérêts des créanciers
sociaux envers les reviseurs bancaires sont des créances contre un tiers,
la référence à l'ATF 106 Ib 357 est pertinente.

    c) Les créanciers ont transféré à la demanderesse, sans réserve et
en plein, leurs droits envers la défenderesse; les parties à la cession
ont toutefois convenu parallèlement que les éventuels montants retirés de
l'action en dommages-intérêts seraient affectés à la masse et profiteraient
à l'ensemble des créanciers.

    Ces cessions n'ont pas été effectuées à fin d'encaissement. En
effet, les créanciers cédants ne sont pas censés recouvrer entièrement
le montant de la prétention cédée; le cas échéant, ils n'en récupéreront
indirectement qu'une partie, à travers la répartition des biens de la
masse. Il s'agit néanmoins bel et bien de cessions fiduciaires, puisque
les parties ont prévu que les prétentions seraient exercées d'une manière
déterminée; en effet, la demanderesse ne pourrait, par exemple, céder à
son tour les créances à des tiers (cf. ATF 71 II 99 consid. 2 p. 100 pour
un transfert de propriété à titre fiduciaire; GIRSBERGER, Kommentar zum
schweizerischen Privatrecht, Bâle, 2e éd., n. 44 ad art. 164 CO; SPIRIG,
op.cit., n. 118 et 119 ad Vorbemerkungen zu Art. 164-174 OR; ALAÏ, La
cession des créances en droit suisse, thèse Genève 1966, p. 63-64).

    Au contraire de la cession simulée, la cession fiduciaire est en
principe valable (ATF 87 II 203 consid. 2b p. 206; 58 II 162 consid. 2
p. 165). Elle est nulle si elle tombe sous le coup d'une interdiction
légale; tel est le cas lorsqu'elle constitue une fraude à la loi,
c'est-à-dire que le but poursuivi par la cession est contraire au droit
(ATF 50 II 150 consid. 5). Ainsi, le Tribunal fédéral a constaté la
nullité d'une cession d'une créance litigieuse à une personne dépourvue
de l'autorisation cantonale d'exercer la profession d'avocat, ce détour
devant lui permettre de représenter professionnellement le cédant
devant la justice, en violation du monopole des avocats (ATF 87 II 203
consid. 2b). De même, est nulle la cession de prétentions salariales à
un syndicat, lorsqu'elle tend à éluder une règle de procédure cantonale
relative à la représentation devant la juridiction des prud'hommes
(arrêt non publié du 29 avril 1991 dans la cause 4C.39/1989, consid. 4,
reproduit in SJ 1993, p. 373; autres exemples in SPIRIG, op.cit., n. 127
ad art. 164 CO).

    En l'espèce, par l'avis aux créanciers du 27 avril 1982, la
demanderesse cherchait à contourner la jurisprudence publiée aux ATF 106
Ib 357, en exerçant malgré tout elle-même, grâce aux cessions, les droits
des créanciers envers un tiers considéré comme l'un des responsables de la
déconfiture de la banque. Cet objectif n'a toutefois été que partiellement
atteint puisque seule une partie des créanciers a cédé ses prétentions
à la banque en liquidation concordataire, afin que celle-ci les fasse
valoir lors de pourparlers transactionnels, puis en justice. Il convient
dès lors d'examiner si le résultat obtenu par le biais de la cession -
une action contre les reviseurs bancaires introduite au nom et aux frais
de la masse, cessionnaire des prétentions de certains créanciers - est
prohibé ou non par la loi.

Erwägung 5

    5.- a) Au préalable, il faut observer que l'hypothèse de la cession
n'est pas envisagée dans l'arrêt précité. A cette occasion, le Tribunal
fédéral a simplement fait remarquer que les liquidateurs ne pouvaient
se prévaloir d'aucune procuration qui leur aurait été conférée par les
créanciers pour agir contre la Confédération suisse en réparation du
dommage éventuel causé par la Commission fédérale des banques (ATF 106
Ib 357 consid. 3d p. 368). Plus loin, il a précisé que l'action aurait
dû être intentée par un mandataire commun, au nom et pour le compte des
créanciers décidés à agir, après avoir reçu les informations nécessaires
de la part des liquidateurs (même arrêt consid. 3d p. 369). Contrairement à
ce que la cour cantonale affirme dans l'arrêt attaqué, le Tribunal fédéral
ne s'est donc pas prononcé expressément en faveur de l'admissibilité de
la cession dans un cas de ce genre.

    b) Dans un concordat par abandon d'actif, la tâche des liquidateurs
est d'accomplir tous les actes nécessaires à la conservation et à la
réalisation de la masse ainsi que de représenter celle-ci en justice
(art. 316d al. 3 LP). Selon l'art. 27 de l'ordonnance du Tribunal fédéral
concernant la procédure de concordat pour les banques et les caisses
d'épargne (OCBC; RS 952.831), les liquidateurs - agissant sous la raison
de la banque débitrice, avec l'adjonction "en liquidation concordataire" -
ont notamment les attributions conférées par l'art. 585 al. 1 et 2 CO aux
liquidateurs d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite
(cf. art. 619 al. 1 CO) et par l'art. 240 LP à l'administration de la
faillite. Ces compétences consistent à gérer la masse en liquidation,
en terminant les affaires courantes, en exécutant les engagements, en
faisant rentrer les créances de la société, en représentant la société
pour les actes juridiques impliqués par la liquidation; les liquidateurs
doivent également déterminer la masse en liquidation et les créanciers
participants, puis réaliser et répartir l'actif abandonné aux créanciers
(BODMER/KLEINER/LUTZ, Kommentar zum schweizerischen Bankengesetz, n. 92
ad art. 36-37 LB).

    La masse active à liquider est composée tout d'abord de tous les
biens appartenant à la banque et concernés par le concordat, tels qu'ils
existent au moment de l'homologation (BODMER/KLEINERT/LUTZ, op.cit., n. 102
ad art. 36-37 LB; GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat,
3e éd., p. 447-448). Il s'ensuit que la société en liquidation ne saurait,
en principe, faire valoir en justice plus de droits que la banque n'en
avait elle-même (ATF 106 Ib 357 consid. 3c p. 368). La loi a toutefois
institué des exceptions, autorisant les liquidateurs à faire valoir des
prétentions qui n'appartiennent pas à la société en liquidation, mais aux
créanciers. Il en va ainsi de l'action en réparation du dommage indirect
causé aux créanciers sociaux par les organes de la banque (art. 43 al. 3
LB; ATF 106 Ib 357 consid. 3d p. 368; GILLIÉRON, op.cit., p. 448).

    En l'espèce, la question est de savoir si une cession fiduciaire peut
suppléer l'absence d'une disposition légale expresse, en englobant dans
la masse à liquider des prétentions de créanciers contre un tiers, fût-il
l'institution de revision bancaire. A ce propos, on peut se demander,
de manière générale, s'il se justifie, eu égard au but de la liquidation
concordataire, de permettre que la masse active soit ainsi gonflée de
créances qui n'appartiennent pas à l'origine à la banque débitrice. Selon
un "obiter dictum" de l'ATF 106 Ib 357, le concordat ne peut faire tomber
dans la masse les droits des créanciers contre des tiers, sauf accord
de tous les créanciers (consid. 3c p. 368). A première vue, une cession
serait ainsi admissible pour autant que l'ensemble des créanciers sociaux
y consente. Tel n'est toutefois pas le cas en l'occurrence puisque le
procès conduit au nom et aux frais de la masse porte sur les prétentions
cédées par onze créanciers seulement.

    c) Une telle situation n'est-elle pas propre à heurter le principe
fondamental de l'égalité des créanciers qui s'applique également en
matière de concordat bancaire (ATF 111 III 86 consid. 2b p. 88; 105 III 92
consid. 2b p. 95)? Selon ce principe, les créanciers ont un droit égal
à être désintéressés sur le produit de la réalisation, à moins qu'il n'y
ait entre eux des causes légitimes de préférence (ATF 105 III 92 consid. 2a
p. 94) ou qu'une exception se justifie au regard du principe de l'économie
des frais et de l'allégement de la procédure (ATF 111 III 86 consid. 2b
p. 88); de manière plus large, les liquidateurs ne sauraient, sans motifs
légitimes, favoriser certains créanciers au détriment des autres.

    A cet égard, il est indéniable que la cession de prétentions
litigieuses à la masse par une partie des créanciers crée une inégalité
entre ceux-ci quelle que soit l'issue du procès. D'une part, si l'action
en dommages-intérêts est rejetée, les frais de la procédure sont assumés
par la masse et, par conséquent, répartis indirectement sur l'ensemble
des créanciers; la situation des créanciers qui n'ont pas voulu céder
leur créance est ainsi moins favorable que si aucune cession n'avait eu
lieu. D'autre part, si l'action est admise, le gain du procès entre dans
la masse et profite à tous les créanciers. Or, on ne voit pas pourquoi
les créanciers non cédants devraient bénéficier en partie de créances
appartenant à l'origine à d'autres créanciers, et non à la banque
débitrice; par ailleurs, rien n'empêcherait un créancier non cédant
d'interrompre régulièrement la prescription à l'égard du tiers tenu pour
responsable en attendant l'issue du procès conduit par la masse et, en cas
de succès, d'exercer à son tour ses prétentions, ce qui lui permettrait
de recouvrer sa créance en sus du montant supplémentaire déjà récupéré
dans le concordat grâce aux cessions d'autres créanciers.

    Le procédé choisi en l'occurrence par les liquidateurs est d'autant
moins admissible que les avantages présentés dans l'avis du 27 avril
1982 - "éviter une dispersion stérile des forces et une impossibilité
pratique de mener des pourparlers constructifs" - pouvaient tout aussi
bien être réalisés sans cessions, par l'intermédiaire d'un mandataire
commun disposant des informations idoines de la part des liquidateurs
(cf. ATF 106 Ib 357 consid. 3d p. 369). La création artificielle de la
qualité pour agir de la société en liquidation, niée par l'ATF 106 Ib 357,
ne répond à aucun motif légitime.

    De surcroît, le principe de l'allégement de la procédure et de
l'économie des frais, applicable à la procédure concordataire (ATF 111
III 86 consid. 2f p. 90), s'oppose à ce que la société en liquidation
concordataire engage des frais pour une procédure qui est de nature à
durer plusieurs années, retardant ainsi la liquidation effective de la
société au détriment de l'ensemble des créanciers, alors que les créances
litigieuses ne font pas partie de la masse de par la loi, mais y sont
incorporées par des cessions fiduciaires.

    d) Sur le vu de ce qui précède, les cessions opérées dans les
circonstances décrites ci-dessus apparaissent contraires au droit; il
convient dès lors de constater leur nullité, conformément aux art. 20 et
164 al. 1 CO.

    Fondée sur des cessions nulles, la qualité pour agir de la demanderesse
doit être niée, ce qui entraîne l'admission du recours et le rejet de
l'action en dommages-intérêts introduite contre la défenderesse.