Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 III 391



123 III 391

60. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 30 juillet 1997 dans la
cause Société X. contre A. et consorts (recours en réforme) Regeste

    Arbeitsvertrag; Entschädigung für missbräuchliche Kündigung.

    Rechtsnatur der Entschädigung für missbräuchliche Kündigung
des Arbeitsvertrags im Sinne von Art. 336a OR (Präzisierung der
Rechtsprechung).

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- En vertu de l'art. 336a al. 2 CO, l'indemnité pour résiliation
abusive du contrat de travail, qui ne peut pas dépasser le montant
correspondant à six mois de salaire du travailleur, doit être fixée
par le juge, compte tenu de toutes les circonstances. Le litige porte,
en l'espèce, sur le point de savoir si les circonstances retenues par la
cour cantonale étaient pertinentes en droit et s'il en existait d'autres,
également pertinentes, qui n'auraient pas été prises en considération. Pour
le résoudre, il convient de se pencher, au préalable, sur la question -
controversée - de la nature juridique de cette indemnité.

    a) Selon la jurisprudence, les indemnités prévues aux art. 336a et
337c al. 3 CO sont de même nature et visent les mêmes buts (ATF 123 V 5
consid. 2a et les références). Il est donc permis d'établir un parallèle
entre ces deux dispositions et, partant, de se baser sur les opinions
émises au sujet de l'une d'elles pour déterminer la portée de l'autre.

    b) aa) Dans un arrêt publié, du 23 mars 1993, le Tribunal fédéral,
se rangeant à l'avis de Rehbinder (Commentaire bernois, n. 4 ad art. 336a
CO), a considéré que, vu le caractère punitif de l'indemnité, il fallait
fixer son montant en fonction de la gravité de la faute de l'employeur. En
revanche, il ne fallait pas prendre en considération les conséquences
économiques du licenciement, dont le travailleur pouvait demander la
réparation sous forme de dommages-intérêts. Dans cette perspective,
peu importaient la durée des rapports de travail, l'âge du travailleur
licencié, sa situation sociale et la conjoncture sur le marché du travail
(ATF 119 II 157 consid. 2b). Cette jurisprudence a été rappelée, sans être
soumise à un examen critique, dans un arrêt récent rendu le 23 avril 1997
(ATF 123 III 246 consid. 6a). Dans un autre arrêt, daté du 17 avril 1997,
le Tribunal fédéral des assurances, se référant à plusieurs précédents,
a indiqué que l'indemnité ne revêtait pas seulement un caractère pénal,
mais qu'elle devait aussi réparer de façon appropriée le tort moral subi
par le travailleur en cas de violation de ses droits de la personnalité
(ATF 123 V 5 consid. 2a et les arrêts cités). Il en avait déjà été jugé
ainsi dans un arrêt non publié du 22 février 1994 (reproduit in SJ 1995 p.
802 ss), où le Tribunal fédéral avait expressément pris en considération,
parmi les circonstances pertinentes, l'âge du travailleur licencié,
sa situation sociale, les difficultés de sa réinsertion dans la vie
économique, de même que la durée des rapports de travail (p. 806).

    L'état qui en a été fait révèle une contradiction interne dans la
jurisprudence, même récente, touchant l'art. 336a CO. Aussi convient-il
de clarifier cette jurisprudence.

    bb) Dans son message du 9 mai 1984 accompagnant le projet de révision
du droit du licenciement, le Conseil fédéral a précisé que l'indemnité
au sens de l'art. 336a CO n'avait ni le caractère d'un salaire, ni
celui de dommages-intérêts, de sorte que son principe et son montant ne
dépendaient que du caractère abusif du congé et non pas de la preuve
d'un préjudice. "Cette indemnité, soulignait-il, est une sanction de
droit civil qui a une fonction pénalisante et de réparation". Dès lors,
les circonstances que le juge pouvait prendre en considération dans un cas
concret étaient, par exemple, la situation sociale et économique des deux
parties, la gravité de l'atteinte à la personnalité de la partie congédiée,
l'intensité et la durée des relations de travail antérieures au congé,
ainsi que la manière dont celui-ci avait été donné. Le Conseil fédéral
a toutefois préféré renoncer à énumérer dans la loi les circonstances
particulières que le juge devrait prendre en considération, afin de lui
laisser un pouvoir d'appréciation aussi large que possible (FF 1984 II
574 ss, 624).

    Les débats parlementaires montrent que, dans l'esprit de la plupart des
intervenants, l'art. 336a CO vise non seulement la punition de l'auteur,
mais aussi la réparation du tort infligé à la victime. Devant le Conseil
national, le rapporteur de langue allemande indiqua que la sanction
consistait dans une indemnité forfaitaire ("Entschädigung ... in Form
einer Pauschale, die nach oben gesetzlich limitiert sein soll", BO CN
1985 p. 1127). Au cours du même débat, le porte-parole de la minorité
victorieuse, qui souhaitait fixer un maximum de six mois de salaire,
rappela que l'indemnité avait un but réparateur ("Genugtuungscharakter", BO
CN 1985 p. 1128). Le rapporteur de la commission du Conseil des États parla
aussi d'une obligation de dédommager la victime ("Entschädigungspflicht",
BO CE 1987 p. 347). De même, la double nature de l'indemnité prévue à
l'art. 337c al. 3 CO ressort des débats parlementaires; c'est ainsi, par
exemple, que le représentant du Conseil fédéral insista, devant le Conseil
des Etats, sur la fonction pénale de cette norme, tout en la comparant à
l'art. 418u CO, qui institue une indemnité pour la perte de la clientèle,
laquelle ne remplit visiblement qu'une fonction réparatrice (BO CE 1988
p. 61; voir aussi BO CN 1985 p. 1153/1154; BO CE 1987 p. 352/354; BO CE
1987 p. 613/614; BO CN 1988 p. 11/12; BO CE 1988 p. 60/61).

    cc) La doctrine dominante, se fondant sur les travaux préparatoires,
admet que l'indemnité prévue par l'art. 336a CO revêt un caractère mixte,
puisqu'elle vise une fin préventive et une fin réparatrice; il convient
de la fixer à la lumière de toutes les circonstances, en particulier
du tort subi par la victime (STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 3 ad
art. 336a CO; STREIFF/VON KAENEL, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e
éd., n. 2 ad art. 336a CO et n. 8 ad art. 337c CO; BRÜHWILER, Kommentar
zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 2 ad art. 336a CO, lequel relève
les contradictions de la jurisprudence; VISCHER, Der Arbeitsvertrag,
2e éd., in: Schweizerisches Privatrecht, vol. VII/1, III, p. 172, qui
souligne qu'une indemnité pour tort moral n'est due que dans la mesure
où ce tort n'est pas réparé par la peine civile; TROXLER, Der sachliche
Kündigungsschutz nach Schweizer Arbeitsvertragsrecht, thèse Bâle 1992,
p. 120 à 122; HUMBERT, Der neue Kündigungsschutz im Arbeitsrecht,
thèse Zurich 1991, p. 108 et p. 110/111; BARBEY, La procédure relative
aux résiliations abusives du contrat de travail, in: Journée 1993 de
droit du travail et de la sécurité sociale, p. 99; FRITZ, Die neuen
Kündigungsbestimmungen des Arbeitsvertragsrechts, n. 1 ad art. 336a CO,
p. 31; VON KAENEL, Die Entschädigung aus ungerechtfertigter fristloser
Entlassung, thèse Zurich 1996, p. 91, 97/98, 101; RONCORONI, Note in PJA
1993, p. 1264; d'un autre avis: REHBINDER, ibid.; BRUNNER/WAEBER/BÜHLER,
Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n. 2 ad art. 336a CO, lesquels
se réfèrent à juste titre à l'ATF 119 II 160/161, mais à tort à l'ATF
118 II 157).

    c) Ainsi, comme le montrent les travaux préparatoires et conformément
à l'avis de la doctrine dominante, il faut s'en tenir au principe, énoncé
dans plusieurs arrêts du Tribunal fédéral, voulant que les indemnités
prévues aux art. 336a et 337c al. 3 CO aient une double finalité, punitive
et réparatrice. La finalité en partie réparatrice de l'indemnité résulte
des mots mêmes utilisés par le législateur pour la désigner (indemnité,
Entschädigung, indennità); elle découle aussi du fait que cette indemnité
est versée non pas à l'Etat, comme une amende pénale, mais à la victime
elle-même. Certes, l'indemnité ne représente pas des dommages-intérêts au
sens classique, car elle est due même si la victime ne subit ou ne prouve
aucun dommage; revêtant un caractère sui generis, elle s'apparente à la
peine conventionnelle (cf. Staehelin, ibid.). Le juge doit la fixer en
équité (art. 4 CC). Dès lors que la loi lui impose de tenir compte de
toutes les circonstances, il ne saurait faire abstraction des effets
économiques du licenciement, qui peuvent aggraver les conséquences de
l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur.

    En réservant, à l'art. 336a al. 2 in fine CO, les dommages-intérêts
que la victime du congé pourrait exiger à un autre titre, le législateur
a laissé ouvert le droit du travailleur de réclamer la réparation du
préjudice résultant d'une cause autre que le caractère abusif du congé;
rien ne permet de penser qu'il ait voulu, par là, empêcher le juge de
prendre en considération, lors de la fixation de l'indemnité, la situation
économique des parties, alors que, précisément, les travaux préparatoires
en font expressément mention parmi les facteurs pertinents (FF 1984 II 624;
STAEHELIN, op.cit., n. 8 ad art. 336a CO; STREIFF/VON KAENEL, op.cit.,
n. 8 ad art. 336a CO; FRITZ, op.cit., n. 3 ad art. 336a CO; BRÜHWILER,
op.cit., n. 3 ad art. 336a CO; GEISER, Der neue Kündigungsschutz im
Arbeitsrecht, in: BJM 1994 p. 193 à 195).