Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 123 III 337



123 III 337

54. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 5 septembre 1997 dans la
cause banque X. contre consorts G. (recours en réforme) Regeste

    Art. 730 Abs. 1 ZGB und Art. 2 ZGB; Art. 27 Abs. 2 ZGB; Zulässigkeit
einer Dienstbarkeit, welche die gewerbliche Tätigkeit beschränkt.

    Gestützt auf Art. 730 Abs. 1 ZGB ist eine negative Dienstbarkeit nur
zulässig, wenn die Tätigkeit, welche damit verboten wird, den körperlichen
Zustand, die äussere Erscheinungsform, den wirtschaftlichen oder sozialen
Charakter des dienenden Grundstücks von aussen bemerkbar bestimmt (E. 2c/aa
und bb). Eine Dienstbarkeit, die auf dem belasteten Grundstück nur den
Betrieb einer Zimmerei erlaubt und eine andere industrielle Nutzung
ausschliesst, ist im Lichte dieses Grundsatzes zulässig (E. 2c/cc).

    Eine Dienstbarkeit, die ausschliesslich die durch sie selbst bestimmte
Nutzung des dienenden Grundstücks zulässt, verletzt den in Art. 730 Abs. 1
ZGB enthaltenen Grundsatz der Beschränktheit der Belastung (E. 3a). Im
konkreten Fall lässt die Dienstbarkeit jedoch nebst dem Betrieb einer
Zimmerei wichtige Nutzungsmöglichkeiten des dienenden Grundstücks
bestehen. Sie verstösst daher nicht gegen Art. 730 Abs. 1 ZGB, aber auch
nicht gegen Art. 730 Abs. 2 ZGB, weil sie nicht hauptsächlich auf eine
Verpflichtung zur Vornahme von Handlungen hinausläuft (E. 3b).

    Der Eigentümer des herrschenden Grundstücks muss ein vernünftiges
Interesse an der Dienstbarkeit haben (E. 4a). Nicht erforderlich ist
jedoch, dass es sich dabei um ein rechtlich geschütztes Interesse handelt
(E. 4b).

    Eine vertragliche Beschränkung der wirtschaftlichen Handlungsfreiheit
gilt nur dann als übermässig im Sinne des Art. 27 Abs. 2 ZGB, wenn
sie den Verpflichteten der Willkür seines Vertragspartners ausliefert,
ihn der wirtschaftlichen Handlungsfreiheit beraubt oder diese dermassen
einschränkt, dass die Grundlage seiner wirtschaftlichen Existenz gefährdet
ist (E. 5).

Sachverhalt

    A.- R. et M. G. exploitent à S. une scierie qui est propriété de leur
famille depuis plusieurs générations. Le ravitaillement en bois s'effectue
essentiellement dans un rayon de vingt à trente kilomètres autour de S.,
notamment dans les communes du district. Les clients de la scierie sont
principalement des charpentiers, des menuisiers et entrepreneurs de
la région.

    Par acte authentique du 25 août 1986, R. et M. G. ont vendu à J., qui
exploitait ailleurs à S. une entreprise de charpenterie et menuiserie,
un terrain voisin de leur scierie, inscrit au Registre foncier sous le
no de parcelle 553 de la Commune de S. Le bien-fonds a été vendu à un
prix - 30 fr. le m2 - largement en dessous de celui du marché, pour
aider J. à agrandir son entreprise. Auparavant, lorsque la commune de
S. avait envisagé de transférer en zone agricole la parcelle no 553,
R. et M. G. ont insisté auprès des autorités communales pour que ce
terrain demeure à disposition pour la chaîne du bois; en définitive,
le terrain a été affecté à la zone artisanale.

    L'acte de vente prévoyait notamment la constitution, à la charge
du fonds vendu, d'une servitude personnelle de limitation d'industrie
en faveur des vendeurs, ainsi décrite: "Il ne pourra être exercé qu'une
entreprise de charpente sur l'immeuble grevé, à l'exclusion de toute autre
industrie". Outre cette servitude, qui a été inscrite au Registre foncier,
l'acte de vente stipulait une obligation personnelle de l'acquéreur, qui
s'engageait "à acheter les bois de la production usuelle à la Scierie G.,
à S., ou à ses successeurs."

    Sur la parcelle achetée, située comme il a été dit en zone artisanale,
J. a fait construire une grande halle, flanquée d'une annexe comprenant
deux appartements. Il y a exploité son entreprise de charpente - ainsi
que, avec l'accord des vendeurs, un atelier de menuiserie et un autre de
ferblanterie - jusqu'en 1991, date à laquelle il a fait faillite.

    B.- La banque X., qui avait repris en 1989 l'ensemble des crédits
bancaires de J., a acquis la parcelle no 553 lors de sa réalisation
forcée. Elle a alors demandé un avis de droit sur le sens et la validité
de la servitude de limitation d'industrie. Selon cet avis, la servitude
est nulle d'une part parce que son contenu est illicite sur le plan de
la technique des droits réels, et d'autre part parce que ses titulaires
n'ont pas un intérêt qualifié à son existence; en outre, s'il s'avérait
que la servitude vide la propriété de sa substance, elle serait également
nulle pour cette raison.

    Après avoir vainement tenté d'obtenir amiablement la radiation de la
servitude sur la base de cet avis de droit, la banque X. a ouvert action
devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois le 31 janvier 1994. La
demande tendait à la constatation de la nullité ou à l'annulation de la
servitude litigieuse (I), au remboursement des frais de l'avis de droit
par 5'000 fr. plus intérêts (II) ainsi qu'au paiement de 90'000 fr. par
an plus intérêts jusqu'à la vente de la parcelle no 553 ou jusqu'à droit
jugé (III).

    La Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'action par
jugement du 30 janvier 1997.

    C.- Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral,
la banque X. conclut à la réforme de ce jugement en ce sens que les
conclusions I et II de la demande sont admises.

    Les défendeurs proposent de rejeter le recours dans la mesure où il
est recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Examinant la licéité du contenu de la servitude litigieuse sur
le plan de la technique des droits réels, la cour cantonale a rappelé que
selon la jurisprudence et la doctrine, une servitude ne peut impliquer
qu'une restriction de la propriété du fonds servant, non de certains
aspects de l'activité du propriétaire qui ne sont en rien liés à la
maîtrise du fonds; une servitude dite négative n'est ainsi admissible
que si l'activité à laquelle le propriétaire renonce affecte l'état
matériel de l'immeuble, son aspect extérieur ou son caractère économique,
et non seulement la liberté personnelle du propriétaire. En l'espèce, la
cour cantonale a considéré que le fait d'interdire sur le fonds servant
toute industrie sauf la charpente limite le caractère social ou extérieur
de l'immeuble. En outre, dès lors qu'il est admis qu'on peut interdire
par une servitude toute industrie, on ne voit pas ce qui empêcherait le
bénéficiaire d'une telle servitude de faire une exception; d'un point de
vue formel, il ne serait d'ailleurs pas possible d'exiger que la servitude
énumère toutes les industries qu'elle entend interdire.

    b) La demanderesse soutient que la servitude litigieuse impose en
réalité l'exploitation d'un atelier de charpente sur le fonds servant,
à l'exclusion de toute autre industrie, et qu'elle ne définit ainsi
aucun effet extérieur ou caractère social; on ne voit en effet pas quel
caractère social se dégagerait d'une activité de charpente plutôt que
d'une autre activité artisanale ou industrielle, l'ancien propriétaire du
fonds servant ayant au demeurant aussi exploité sur celui-ci, avec l'accord
des défendeurs, un atelier de ferblanterie. En retenant qu'une utilisation
industrielle autre que la charpente peut conférer à l'immeuble un caractère
différent de celui qu'il a dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise
de charpente, la cour cantonale viole selon la demanderesse les règles
fondamentales des servitudes; en effet, seuls importent les effets de
l'utilisation du fonds servant sur le voisinage, en particulier sur le
bénéficiaire de la servitude, et non sur le fonds servant lui-même. Quant
à l'argument des premiers juges tiré du principe "qui peut le plus peut
le moins" et à celui tiré de l'impossibilité formelle d'énumérer toutes
les activités interdites, la demanderesse expose que dès l'instant
où la servitude exclut de l'interdiction générale une seule activité
industrielle, elle maintient le caractère industriel du fonds servant;
or le bénéficiaire de la servitude n'a aucun intérêt à contraindre le
propriétaire du fonds servant d'exercer telle activité industrielle
plutôt qu'une autre, dans la mesure où les effets sur le voisinage -
bruit et pollution notamment - en sont les mêmes.

    c) aa) Une servitude foncière ne peut impliquer qu'une restriction de
la propriété du fonds servant, et non seulement de la liberté personnelle
du propriétaire ou d'autres intéressés (ATF 114 II 314 consid. 3b;
108 II 39 consid. 3b; 106 II 315 consid. 2d; LIVER, Zürcher Kommentar,
Band IV/2a/1, Zurich 1980, n. 106 et 107 ad art. 730 CC; PIOTET, Traité
de droit privé suisse, t. V/3, 1978, p. 34; STEINAUER, Les droits réels,
t. II, 2e éd., 1994, n. 2215; REY, Berner Kommentar, Band IV/2/1/1, 1981,
n. 20 ad art. 730 CC; RIEMER, Die beschränkten dinglichen Rechten, 1986,
p. 63/64; SIMONIUS/SUTTER, Schweizerisches Immobiliarsachenrecht, Band II,
1990, p. 68; ZOBL, Der zulässige Inhalt von Dienstbarkeiten, thèse Zurich
1976, p. 91 ss; TEMPERLI, Die Problematik bei der Aufhebung und Ablösung
von Grunddienstbarkeiten, thèse Zurich 1975, p. 63/64). Ce principe, qui
ressort du texte même de l'art. 730 al. 1 CC (ATF 108 II 39 consid. 3b;
106 II 315 consid. 2d; 86 II 243 consid. 6; STEINAUER, op.cit., n. 2215;
PIOTET, op.cit., p. 34/35), vaut aussi pour les servitudes personnelles
irrégulières au sens de l'art. 781 CC; il est surtout important pour les
servitudes dites négatives, qui interdisent au propriétaire du fonds
servant d'utiliser celui-ci d'une certaine façon (STEINAUER, op.cit.,
n. 2216).

    bb) Le principe précité a été concrétisé en ce sens qu'une servitude
négative, qu'elle soit personnelle ou foncière, est admissible seulement si
l'activité qu'elle interdit détermine l'état physique du fonds servant,
son apparence extérieure, son caractère économique ou social (ATF 114
II 314 consid. 3b; 106 II 315 consid. 2d; 86 II 243 consid. 6; LIVER,
op.cit., n. 110 ad art. 730 CC; PIOTET, op.cit., p. 35; STEINAUER,
op.cit., n. 2216; REY, op.cit., n. 85 ad art. 730 CC; SIMONIUS/SUTTER,
op.cit., p. 68; ZOBL, op.cit., p. 97/98; TEMPERLI, op.cit., p. 66; HUBER,
in RNRF 1960 p. 381). L'activité interdite par la servitude doit affecter
le caractère de l'immeuble de manière perceptible de l'extérieur (LIVER,
op.cit., n. 110 et 113 ad art. 730 CC; PIOTET, op.cit., p. 35; REY,
op.cit., n. 85 et 87 ad art. 730 CC; SIMONIUS/SUTTER, op.cit., p. 68;
TEMPERLI, op.cit., p. 66; ATF 114 II 314 consid. 3b; 106 II 315 consid. 2d;
contra ZOBL, op.cit., p. 98). On peut ainsi, par une servitude, interdire
non seulement toute industrie ou tout commerce (PIOTET, op.cit., p. 35;
LIVER, op.cit., n. 131 ad art. 730 CC; contra ZOBL, op.cit., p. 105-107;
cf. ATF 39 II 202), mais aussi un ou plusieurs commerces ou industries
déterminés - par exemple une boulangerie-pâtisserie (ATF 114 II 314),
un commerce de denrées coloniales, de mercerie, de chaussures ou un grand
magasin (ATF 86 II 243), un commerce de tabac et denrées coloniales (ATF
85 II 177), une auberge (ATF 78 II 21) - ou encore les industries qui ont
certaines conséquences, telles que bruits, vibrations, odeurs ou autres
nuisances (PIOTET, op.cit., p. 35; ATF 91 II 339; 88 II 145).

    cc) Une partie de la doctrine a critiqué la jurisprudence -
notamment l'ATF 86 II 243 - par laquelle le Tribunal fédéral a admis la
possibilité de limiter la liberté personnelle par une servitude dans un
but d'interdiction de concurrence (voir LIVER, in ZBJV 1961 p. 380 ss;
cf. le même, in ZBJV 1962 p. 502 s.). En l'espèce, toutefois, l'on n'est
pas en présence d'une interdiction de concurrence, mais d'une limitation
de l'utilisation du bien-fonds, l'acte de constitution de la servitude
prévoyant qu'"il ne peut être exercé qu'une entreprise de charpente sur
l'immeuble grevé, à l'exclusion de toute autre industrie".

    S'il est vrai qu'une servitude foncière ne peut impliquer qu'une
restriction de la propriété du fonds servant, il n'est pas moins vrai
qu'une telle restriction entraîne aussi une limitation de la liberté
personnelle du propriétaire. La limitation de la liberté personnelle à elle
seule ne constitue donc pas un critère pour décider de la validité d'une
servitude foncière (REY, op.cit., n. 31 ad art. 730 CC). Contrairement
aux cas d'interdiction de concurrence pure et simple, où la limitation
n'est pas en relation directe avec l'utilisation du bien-fonds - ainsi en
cas de limitation de la vente à certains types de bière, d'interdiction
de vendre certains produits, etc. -, les activités défendues par la
servitude litigieuse impliquent une utilisation directe et bien précise
de l'immeuble. L'interdiction d'exploiter toute autre industrie qu'une
entreprise de charpente ne se réduit par ailleurs pas à une limitation
de la liberté personnelle et économique du propriétaire du fonds grevé,
mais affecte directement le caractère économique et social du bien-fonds
(cf. ATF 114 II 314 consid. 3c; REY, op.cit., n. 88 et 90 ad art. 730
CC; LIVER, op.cit., n. 131 et 135 ad art. 730 CC; STEINAUER, op.cit.,
n. 2217a). A cet égard, il importe peu que les défendeurs ne puissent pas
juridiquement imposer au propriétaire actuel ni aux propriétaires futurs du
fonds servant d'acheter le bois nécessaire à l'exploitation de l'entreprise
de charpente auprès de leur scierie: l'obligation contractuelle que le
propriétaire antérieur du fonds servant avait initialement souscrite
dans ce sens simultanément à la constitution de la servitude ne fait en
effet nullement partie de celle-ci (cf. REY, op.cit., n. 30 ad art. 730
CC). Enfin, dès lors qu'une servitude peut porter sur l'interdiction
de toute industrie (PIOTET, op.cit., p. 35; LIVER, op.cit., n. 131 ad
art. 730 CC), on ne voit pas pourquoi, ainsi que le relèvent à raison les
juges cantonaux, il ne serait pas admissible de faire une exception à cette
interdiction générale, plutôt que de devoir mentionner expressément toutes
les industries imaginables interdites par la servitude. Il résulte ainsi
des considérations qui précèdent que les premiers juges n'ont pas violé
le droit fédéral en admettant que la servitude litigieuse a un contenu
admissible sur le plan des droits réels.

Erwägung 3

    3.- a) Selon la doctrine et la jurisprudence, une servitude interdisant
toute exploitation du fonds servant autre que celle, unique, déterminée
par la servitude viole le principe de la limitation de la charge (art. 730
al. 1 CC) et n'est par conséquent pas admissible (ATF 111 II 330 consid. 8
et la jurisprudence cantonale citée; LIVER, op.cit., n. 10 ad art. 730
CC). A cet égard, la cour cantonale, interprétant l'art. 34 du règlement
communal des constructions, relatif à la destination de la zone artisanale,
a retenu que la servitude litigieuse laisse subsister la possibilité d'un
certain nombre d'usages importants du fonds servant, par exemple un manège,
un entrepôt (pour autant qu'il conserve des dimensions raisonnables et
ne soit pas entièrement mécanisé), ou encore l'implantation de bâtiments
d'habitation; elle a dès lors considéré la servitude litigieuse comme
conforme au principe de la limitation de la charge.

    b) La demanderesse persiste à soutenir que la servitude litigieuse vide
la propriété de sa substance et qu'elle est de ce fait illicite. Dans la
mesure où elle critique l'interprétation qu'ont faite les premiers juges
du droit public cantonal, la demanderesse ne saurait être entendue;
le recours en réforme n'est en effet recevable que pour violation du
droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), toute observation sur la violation du
droit cantonal étant irrecevable (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ). C'est
également en vain que la demanderesse soutient qu'un manège ou un entrepôt
entraîneraient un important trafic de véhicules à moteur et devraient
pour cette raison être considérés comme des activités industrielles au
sens de la jurisprudence fédérale, donc interdites par la servitude. En
effet, la définition de l'industrie donnée par le Tribunal fédéral dans
l'arrêt cité tant par la demanderesse que par la cour cantonale (ATF 88
II 145 consid. 2) - "activités qui s'exercent à l'aide de machines ou
d'appareils, à titre professionnel et à des fins lucratives" - exclut
de considérer comme telle une activité qui ne s'exerce pas elle-même à
l'aide de machines ou d'appareils, pour le seul motif qu'elle génère un
trafic motorisé plus ou moins important, à l'instar du reste de nombre
d'activités non industrielles.

    Il ne résulte par ailleurs pas des constatations de fait du
jugement attaqué, qui lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ),
que les usages non industriels possibles entraîneraient des travaux
et frais disproportionnés à la valeur du bâtiment; l'on ne saurait
par conséquent suivre la demanderesse lorsqu'elle affirme que d'autres
utilisations notables de l'immeuble sont pratiquement exclues. Force est
au contraire d'admettre que la servitude litigieuse, interprétée selon
les critères posés par l'art. 738 CC et à la lumière du règlement communal
des constructions tel qu'analysé par les juges cantonaux, laisse subsister
des possibilités d'utilisation importantes du fonds servant en dehors de
l'exploitation d'une entreprise de charpente. Pour ce motif déjà, l'on ne
saurait admettre qu'elle revient à une obligation principale d'exploiter
une entreprise de charpente, contrevenant ainsi à l'art. 730 al. 2 CC.

Erwägung 4

    4.- La demanderesse soutient ensuite que les défendeurs n'ont aucun
intérêt raisonnable à la servitude, ni quant aux rapports de voisinage,
ni quant à l'aspect économique.

    a) Selon la demanderesse, les défendeurs ne subiraient aucun
inconvénient quelconque, sur le plan des rapports de voisinage, si une
autre industrie que la charpente - par exemple un atelier d'électricité,
de mécanique, de textile, de céramique, etc. - était exercée sur le
fonds litigieux. Cette affirmation ne saurait être partagée. En effet, il
ressort de l'arrêt attaqué que lorsqu'il avait été envisagé de transférer
la parcelle no 553 en zone agricole, les défendeurs, dont la famille
exploite la scierie depuis plusieurs générations, avaient insisté auprès
des autorités communales pour que ce terrain demeure à disposition pour
la chaîne du bois. On ne saurait dès lors exclure d'emblée un intérêt
d'affection des défendeurs pour que la parcelle litigieuse demeure dans
la mesure du possible à disposition pour la chaîne du bois. En effet,
si la jurisprudence exige que le propriétaire du fonds dominant - ou,
dans le cas d'une servitude personnelle, le titulaire de celle-ci -
ait un intérêt raisonnable à la servitude (ATF 108 II 39 consid. 3b;
121 III 52 consid. 2a), il peut s'agir d'un simple intérêt d'affection
(ATF 70 II 96 consid. 3).

    b) La demanderesse soutient que sur le plan économique, les défendeurs
n'ont qu'un "intérêt de fait" à la présence d'un charpentier, à qui ils
ne peuvent qu'espérer vendre du bois sans pouvoir l'imposer; en effet,
à la différence de J., qui avait contracté l'obligation personnelle de se
fournir en bois auprès des défendeurs, le propriétaire du fonds servant
n'a en tant que tel aucune obligation de se fournir chez eux. Cette
argumentation ne peut être suivie. En effet, l'exigence d'un intérêt
raisonnable ne saurait conduire à exiger un intérêt juridiquement
protégé. Or si le fonds servant est actuellement propriété de la
demanderesse, qui n'entend manifestement pas y exploiter une entreprise
de charpente, il est tout à fait possible qu'il devienne dans un avenir
prévisible propriété d'un charpentier, lequel aurait de bonnes raisons de
se fournir auprès des défendeurs (faibles coûts de transport, rapidité de
livraison, stocks réduits). Un tel intérêt "de fait" apparaît raisonnable
et suffisant.

Erwägung 5

    5.- La demanderesse prétend enfin qu'ayant acquis l'immeuble
litigieux sans prêter attention à la servitude, elle se trouve liée
par celle-ci. Dès lors qu'elle ne peut, en tant que banque, exploiter
elle-même une entreprise de charpente ni laisser l'immeuble improductif,
elle ne peut que le vendre à un charpentier qui sera alors en mesure de
dicter ses conditions, ce qui représente une aliénation inadmissible de
sa liberté au regard de l'art. 27 al. 2 CC. Cet argument est manifestement
dénué de pertinence. En effet, une restriction contractuelle de la liberté
économique n'est considérée par une jurisprudence constante comme excessive
au regard de l'art. 27 al. 2 CC que si elle livre celui qui s'est obligé
à l'arbitraire de son cocontractant, supprime sa liberté économique ou la
limite dans une mesure telle que les bases de son existence économique
sont mises en danger (ATF 114 II 159 consid. 2a; 111 II 330 consid. 4;
104 II 6 consid. 2a; 95 II 55; 84 II 13 consid. 4a; 51 II 162 consid. 4),
ce que la demanderesse ne prétend même pas.