Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 122 V 405



122 V 405

61. Extrait de l'arrêt du 19 décembre 1996 dans la cause Caisse-maladie
Universa contre Office de compensation des risques du Concordat des
assureurs-maladie suisses (depuis le 01.01.96: Institution commune LAMal)
et Office fédéral des assurances sociales Regeste

    Art. 1 Abs. 1 des alten dringlichen Bundesbeschlusses vom 13.
Dezember 1991 über befristete Massnahmen gegen die Entsolidarisierung
in der Krankenversicherung; Art. 7 Abs. 1 (Fassung gemäss Änderung vom
14. Juni 1993) der alten Verordnung IX über die Krankenversicherung
betreffend den Risikoausgleich unter den Krankenkassen (VO IX). Es
widerspricht den Grundsätzen der Nichtrückwirkung, der Voraussehbarkeit des
anwendbaren Rechts und von Treu und Glauben, die Berechnungsgrundlagen des
Risikoausgleichs gemäss Art. 7 Abs. 1 VO IX (Umstellung vom Referenzjahr
zum Ausgleichsjahr) bereits für das Jahr 1993 anzuwenden.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Le 13 décembre 1991, l'Assemblée fédérale a adopté l'arrêté
fédéral sur des mesures temporaires contre la désolidarisation dans
l'assurance-maladie (RO 1991 2607). L'arrêté a été déclaré urgent au
sens de l'art. 89bis al. 2 Cst. et il est entré en vigueur le lendemain
de son adoption. La compensation des risques ne devait toutefois entrer
en vigueur que le 1er janvier 1993 (art. 7 al. 2). Limité au plus tard au
31 décembre 1994 (art. 7 al. 3), l'arrêté a été modifié le 7 octobre 1994
(RO 1995 515), à ses art. 2, 4 et 7, et sa validité a été prolongée jusqu'à
l'entrée en vigueur de la loi fédérale révisée sur l'assurance-maladie,
mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 1996.

    b) Selon l'art. 1er de cet arrêté fédéral urgent (ci-après: AFU),
les caisses-maladie dont l'effectif de femmes et de personnes âgées
est inférieur à la moyenne de l'ensemble des caisses doivent verser, en
faveur de celles dont l'effectif de femmes et de personnes âgées dépasse
cette moyenne, une contribution destinée à compenser entièrement les
différences moyennes de frais entre les groupes de risques déterminants
(al. 1). Sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral, les caisses
réglementent entre elles la compensation des risques. Elles définissent
les groupes de risques déterminants et confient l'application de la
compensation à une institution appropriée. La compensation s'opère au
niveau cantonal. Si elles ne peuvent s'entendre jusqu'au 30 avril 1992,
le Conseil fédéral édicte les dispositions nécessaires (al. 2).

    Par le système de la compensation des risques, le législateur a
voulu - avant la révision fondamentale de la LAMA - lutter contre la
hausse des coûts et la désolidarisation dans l'assurance-maladie. Les
nouvelles caisses-maladie se trouvaient favorisées par le fait qu'elles
recrutaient naturellement, en premier lieu, de jeunes assurés en bonne
santé à des conditions avantageuses. Simultanément, les anciennes
caisses perdaient de tels assurés. Cette situation pénalisait les assurés
âgés et malades qui, selon le droit alors en vigueur, ne pouvaient, en
pratique, plus changer de caisse-maladie (Message concernant des mesures
temporaires contre l'augmentation des coûts et la désolidarisation dans
l'assurance-maladie du 6 novembre 1991, FF 1991 IV 904; cf. également
MAURER, Das neue Krankenversicherungsrecht, p. 153 sv.).

    c) Faute d'une entente entre les caisses-maladie à la date limite
du 30 avril 1992, le Conseil fédéral a adopté l'Ordonnance IX sur
l'assurance-maladie concernant la compensation des risques entre les
caisses-maladie (Ord. IX). Dans sa version initiale (RO 1992 1738),
cette ordonnance prévoyait une compensation des risques par le biais de
trois groupes d'âge. Une contribution de compensation était portée au
crédit de chaque caisse pour tout membre appartenant à certains groupes de
risques. Elle correspondait à la différence des coûts moyens par assuré
dans chaque groupe de risques à l'intérieur d'un canton (art. 4). Chaque
caisse était d'autre part redevable pour chaque membre d'une redevance
de risque. Le montant de la redevance était le même pour tous les assurés
d'un canton. La redevance était réduite de moitié pour les enfants jusqu'à
l'âge de 15 ans. Les redevances étaient calculées de manière à garantir
le financement des contributions de compensation et à couvrir les autres
frais résultant de la compensation des risques (art. 5).

    Lorsque, pour une caisse dans un canton, les contributions de
compensation dépassaient les redevances de risque, la caisse recevait
la différence de la compensation des risques. Lorsque, pour une caisse
dans un canton, les redevances de risque dépassaient les contributions de
compensation, la caisse versait la différence en faveur de la compensation
des risques (art. 6). Selon l'art. 7, était déterminante pour les coûts
de chaque groupe des risques et des effectifs des assurés, l'année civile,
antérieure de deux ans au moment où avait lieu la compensation des risques
(année de référence).

    Ce système a été partiellement modifié par la novelle du 14 juin
1993 (RO 1993 2013). Le Conseil fédéral a prévu, dans le cadre de cette
modification, un système de compensation en deux étapes, l'une provisoire
et l'autre définitive, la compensation s'effectuant cette fois par le
biais de groupes d'âge plus affinés qu'auparavant (art. 3, 4 et 7 al. 2 et
3). Pour les enfants jusqu'à l'âge de 15 ans, la redevance était réduite
de sept dixièmes (art. 5 in fine). Selon le nouvel art. 7 al. 1, furent
désormais considérés comme déterminants pour le calcul des contributions
de compensation et des redevances de risque, les effectifs d'assurés
et les coûts qu'ils occasionnaient dans l'année civile pour laquelle la
compensation des risques avait lieu (année de compensation).

    Selon les dispositions arrêtées par le Conseil fédéral, la modification
du 14 juin 1993 est entrée en vigueur le 1er juillet 1993 et s'appliquait
à la compensation des risques en 1994. Toutefois, certaines dispositions,
dont l'art. 7 al. 1, relatif aux bases de calcul de la compensation des
risques (remplacement de l'année de référence par l'année de compensation)
devaient s'appliquer déjà à la compensation des risques en 1993.

Erwägung 3

    3.- Par un premier moyen, la recourante soutient que le Conseil
fédéral, lors de la modification du 14 juin 1993, a donné de manière
contraire au droit un effet rétroactif au nouvel art. 7 al. 1 Ord. IX. Elle
dénonce dans le procédé du Conseil fédéral une violation du principe de
la prévisibilité du droit applicable et du principe de la bonne foi.

    a) Le Tribunal fédéral des assurances examine en principe librement la
légalité des dispositions d'application prises par le Conseil fédéral. En
ce qui concerne les ordonnances qui reposent sur une délégation de la
loi, il vérifie si l'autorité exécutive n'a pas dépassé les limites
du pouvoir que le législateur lui a délégué. Dans la mesure où la loi
n'autorise pas le Conseil fédéral à déroger à la Constitution ou à
établir une réglementation déterminée, le tribunal s'assure encore de
la constitutionnalité de l'ordonnance (ATF 122 V 93 consid. 5a/bb, 120
V 457 consid. 2b, 49 consid. 3a).

    b) aa) Dégagé de l'art. 4 al. 1 Cst., le principe de la
non-rétroactivité fait obstacle à l'application d'une norme à des
faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 122 II 124
consid. 3b/dd, 119 Ia 257 consid. 3a; GEORG MÜLLER, in Commentaire de
la Constitution fédérale, art. 4, no 74). Il est lié au principe de la
prévisibilité, qui interdit à l'administration de prendre des mesures
défavorables aux administrés en vertu de règles dont ils ne pouvaient
attendre l'adoption (GRISEL, Traité de droit administratif, p. 148; MÜLLER,
ibidem; ATF 119 Ia 258 consid. 3b, 119 V 4 consid. 2a, 102 Ia 74). Sous
certaines conditions, il est cependant possible de déroger au principe
de la non-rétroactivité: il faut que la rétroactivité soit expressément
prévue par la loi, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps,
qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle se justifie
par des motifs pertinents, c'est-à-dire qu'elle réponde à un intérêt
public plus digne d'être protégé que les intérêts privés en jeu et,
enfin, qu'elle respecte les droits acquis (ATF 120 V 329 consid. 8b,
119 Ia 258 consid. 3b).

    En revanche, il n'y a pas de rétroactivité proprement dite si la
nouvelle règle s'applique à un état de choses durable, non entièrement
révolu dans le temps; il s'agit d'une rétroactivité impropre, qui est
en principe admise si elle ne porte pas atteinte à des droits acquis
(ATF 122 V 8 consid. 3a, 121 V 100 consid. 1a et les références citées).

    bb) D'autre part, le principe de la bonne foi, qui découle également de
l'art. 4 al. 1 Cst., ne saurait, en règle ordinaire, être invoqué en cas de
changement de législation (ATF 113 V 304 consid. 3a, 106 Ia 259 consid. 3c;
KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., no 513, p. 109). Toutefois,
dans certaines circonstances, doctrine et jurisprudence déduisent du droit
à la protection de la bonne foi que l'adoption de règles transitoires doit
permettre aux administrés de s'adapter à la nouvelle situation légale, même
si une grande liberté doit, en ce domaine, être reconnue au législateur
(MÜLLER, op.cit., no 71; MOOR, Droit administratif, 2ème éd., vol. I,
p. 177; RHINOW/KRÄHENMANN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung,
volume complémentaire, n. 74 X let. f., p. 234). En effet, lors
de modifications de règles de droit, la protection de la confiance
peut se justifier - au même titre qu'en présence d'un renseignement ou
d'une décision erronés - à l'égard des dispositions prises de bonne foi
par les intéressés et sur lesquelles il leur est difficile de revenir
(WEBER-DÜRLER, Vertrauensschutz im öffentlichen Recht, Bâle, 1983, p. 163;
KÖLZ, Intertemporales Verwaltungsrecht, RDS 102/1983 II p. 124). Il
faut, le cas échéant, procéder à une pesée des intérêts en présence,
savoir la protection à la bonne foi, d'une part, et le principe de la
légalité qui exige que, sauf motif particulier, les lois ou ordonnances
entrent en vigueur sans retard (arrêt du Tribunal fédéral dans la cause
VPOD Schweiz, N., E. et B. contre Ville de Zurich et Conseil d'Etat du
canton de Zurich du 3 avril 1996 destiné à la publication au RO et déjà
partiellement publié dans la SJ 1996 p. 661; ATF 106 Ia 260 consid. 4b).

    c) En l'espèce, la modification du 14 juin 1993, dans la mesure où
elle prévoit que l'art. 7 al. 1 Ord. IX entre en vigueur le 1er janvier
1993, a bien un effet rétroactif proprement dit. Pour l'année 1993,
l'obligation à la charge des caisses-maladie débitrices de paiements au
titre de la compensation des risques a pris naissance le 1er janvier de
la même année. Sur la base de l'ordonnance dans sa version originelle
du 31 août 1992, qui était applicable au 1er janvier 1993, le montant à
la charge de la recourante s'élevait à 1'837'439 francs, tandis que la
somme définitive, calculée selon les nouvelles dispositions (c'est-à-dire
en prenant comme année de référence l'année 1993) se monte à 3'539'991
francs. La modification de l'art. 7 Ord. IX alourdit donc de manière
considérable les obligations de la recourante dont l'étendue, pourtant,
était définitivement fixée avant l'entrée en vigueur de la novelle. Les
paiements des caisses en faveur de la compensation des risques pour l'année
1993 avaient d'ailleurs été, pour moitié, effectués avant la fin du mois
de février 1993 (voir l'ancien art. 13 Ord. IX).

    C'est en cela que la modification s'applique - en tout cas pour
la période du 1er janvier au 30 juin 1993 - à des faits qui étaient
entièrement révolus au moment de son entrée en vigueur. A cet égard,
on peut établir un parallèle avec l'interdiction de la rétroactivité
en matière fiscale: en ce domaine, la jurisprudence ne tient pas pour
rétroactive une nouvelle loi applicable aux impôts fixés après son entrée
en vigueur, même si elle se fonde sur des bases de calcul antérieures
(IMBODEN/RHINOW, Verwaltungsrechtsprechung, 5ème éd., no 16 p. 106 sv.;
GRISEL, op.cit., p. 147; cf. ATF 119 V 206 consid. 5c/dd); en revanche,
la perception d'un impôt selon une nouvelle réglementation pour une
période écoulée serait rétroactive (KNAPP, op.cit., no 558, p. 117). On
doit, par analogie, en dire autant de la disposition litigieuse pour la
période antérieure au 1er juillet 1993.

    d) Les conditions auxquelles la jurisprudence subordonne la validité
de la rétroactivité des normes ne sont pas remplies en l'espèce.

    Comme l'expose l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), la
rétroactivité de la modification des bases de calcul de la compensation
des risques était motivée par le fait que les effectifs des assurés pris
en compte pour le calcul ne correspondaient plus à la réalité. Nombre
d'assurés avaient changé de caisse au cours de l'année 1992 et cette
évolution s'était poursuivie au début de l'année 1993. C'est pourquoi
le Concordat des caisses-maladie suisses a proposé au Conseil fédéral
une modification urgente de l'ordonnance, afin de tenir compte de ces
changements déjà en 1993 (voir également BEAT SCHNEIDER, La compensation
des risques, Sécurité sociale 6/1995 p. 315).

    Il est notoire, à ce propos, que des mutations importantes d'effectifs
de caisses-maladie se sont produites au début des années 1990. Ces
mutations faisaient souvent suite à des campagnes de recrutement opérées
par de nouvelles caisses: celles-ci cherchaient systématiquement à attirer
de jeunes assurés en bonne santé, qui constitueraient pour longtemps
de "bons risques" et auxquels elles pouvaient offrir des conditions
d'affiliation avantageuses, en raison précisément d'une structure de
risques favorable. On conçoit dès lors que le Conseil fédéral ait voulu
freiner aussi rapidement que possible cette évasion des assurés jeunes
vers des caisses plus avantageuses, évasion qui accentuait encore le
phénomène de désolidarisation. Mais ces raisons ne représentent pas
un intérêt public suffisamment important pour justifier une dérogation
au principe de la non-rétroactivité. Le but de déjouer la politique de
recrutement de certaines caisses, avant que la nouvelle réglementation ne
déploie véritablement ses effets, n'est pas un motif suffisant (cf. GRISEL,
op.cit., p. 149; MOOR, op.cit., vol. I, p. 179). Au demeurant, au travers
de la compensation des risques, ce sont surtout les intérêts privés des
caisses-maladie qui s'opposent en l'espèce. Enfin, le correctif nécessaire
pouvait être apporté même sans la rétroactivité décidée par le Conseil
fédéral, puisque les nouveaux membres recrutés devaient de toute façon
être pris en considération dans le calcul de la compensation en 1994.

    e) La rétroactivité de l'ordonnance modifiée n'étant pas admissible
pour la période antérieure à son entrée en vigueur, on ne saurait pour
autant en conclure que les nouvelles bases de calcul devraient s'appliquer
à partir du 1er juillet 1993. Une telle solution, en effet, ne serait
pas compatible avec les principes de la prévisibilité et de la bonne foi.

    Selon les normes applicables à la comptabilité des caisses reconnues,
sous l'empire de la LAMA, l'exercice comptable coïncidait avec l'année
civile (art. 1er al. 2 de l'ancienne Ordonnance I sur l'assurance-maladie
concernant la comptabilité et le contrôle des caisses-maladie et des
fédérations de réassurance reconnues par la Confédération, ainsi que
le calcul des subsides fédéraux [Ord. I]). Le budget annuel devait être
remis à l'OFAS jusqu'au 31 décembre de l'année précédant l'exercice sur
lequel il portait; les caisses devaient tenir à disposition de l'office
les comptes prévisionnels (art. 8 Ord. I). En conséquence, la recourante
devait pouvoir se fonder sur les normes en vigueur à fin 1992 pour établir
son budget prévisionnel de 1993 et, notamment, pour fixer le montant
des cotisations dues par ses assurés (cf. à ce sujet les art. 9 sv. de
l'ancienne Ord. V sur l'assurance-maladie concernant la reconnaissance
des caisses-maladie et des fédérations de réassurance, ainsi que leur
sécurité financière, du 2 février 1965, et les art. 5 et 6 de l'arrêté
fédéral urgent du 9 octobre 1992 sur des mesures temporaires contre le
renchérissement de l'assurance-maladie [RO 1992 1838]). Elle ne devait
donc pas s'attendre, en cours d'année, à une modification aussi radicale
et défavorable pour elle des bases de calcul de la compensation des
risques. Elle était au contraire fondée à considérer qu'aucun changement
important n'interviendrait en ce qui concerne la fixation de ces montants,
en tout cas pas pour la première année de compensation. Dans de telles
circonstances, le passage de l'année de référence à l'année de compensation
ne pouvait en principe intervenir qu'à partir de l'année 1994.

    f) Le moyen soulevé par la recourante est dès lors bien fondé. En
conséquence, pour la compensation des risques de l'année 1993, les
principes ci-dessus exposés commandent d'appliquer l'art. 7 Ord. IX
dans sa version originelle du 31 août 1992, c'est-à-dire en prenant pour
année de référence l'année 1991. Comme toutes les caisses assujetties à
la compensation des risques se trouvent dans un rapport d'interdépendance
nécessaire en matière de compensation des risques, le nouveau calcul sera,
logiquement, applicable à l'ensemble de ces caisses, c'est-à-dire même
à celles qui n'ont pas contesté le décompte les concernant.