Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 122 V 242



122 V 242

35. Arrêt du 16 avril 1996 dans la cause Office fédéral de l'assurance
militaire contre L. et Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
Regeste

    Art. 48 Abs. 1, Art. 49 Abs. 1 und 2 sowie Art. 59 MVG, Art.  25 Abs. 1
und 2 MVV.

    - Die dauerhaften Beeinträchtigungen der Integrität, die keine
Verminderung von Lebensfunktionen nach sich ziehen, geben ebenfalls
Anspruch auf eine Integritätsschadenrente nach Art. 48 ff. MVG.

    - Art. 25 Abs. 1 und 2 MVV ist insofern gesetzwidrig, als mit dieser
Bestimmung ein massgebender Mindestansatz für die Zusprechung einer Rente
festgesetzt wird.

Sachverhalt

    A.- L. a été victime d'un accident le 30 septembre 1991, durant
son école de recrues. Alors qu'il participait à la construction d'une
ligne téléphonique, le fil qu'il était en train de nouer à un poteau
s'est brusquement bloqué, sectionnant l'extrémité distale de la phalange
terminale de son médius gauche. Transporté d'urgence à l'Hôpital cantonal
de S., le prénommé a subi un complément d'amputation et une greffe
par transplantation de peau de l'annulaire sur le médius. Il a achevé
prématurément son école de recrues le 26 octobre 1991 et a été déclaré
ensuite inapte au service militaire en raison des séquelles de l'accident.

    L'Office fédéral de l'assurance militaire (ci-après: l'OFAM) a procédé
à une enquête. Le 3 août 1993, il a notifié à L. que la responsabilité de
la Confédération était entièrement engagée pour les suites de l'accident
du 30 septembre 1991, mais que celles-ci n'étaient pas suffisamment
importantes pour ouvrir droit à des prestations pour atteinte notable
à l'intégrité physique ou psychique. L'assuré ayant contesté ce mode de
liquidation du cas, l'OFAM a recueilli des renseignements complémentaires
au sujet de la formation et des activités du prénommé.

    Par une proposition de règlement du 28 octobre 1993, l'administration
a réitéré son refus d'allouer des prestations pour atteinte notable
à l'intégrité physique ou psychique et a en outre nié le droit à une
indemnité à titre de réparation morale.

    L'assuré ayant fait opposition contre cette proposition de règlement,
l'OFAM a rendu une décision, du 14 juin 1994, par laquelle il a dénié
à l'assuré le droit à une rente pour atteinte à l'intégrité, à une
indemnité à titre de réparation morale, ainsi qu'à une participation aux
frais d'avocat.

    B.- Saisi d'un recours formé par l'assuré, le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel a confirmé la décision entreprise quant au refus
d'une rente pour atteinte à l'intégrité et d'une participation aux frais
d'avocat pour la procédure administrative, mais il a reconnu le droit de
l'assuré à une indemnité de 4'000 francs à titre de réparation morale,
annulant l'acte administratif attaqué dans cette mesure (jugement du 23
novembre 1994).

    C.- L'OFAM interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, dont il demande l'annulation, en concluant au rétablissement
de sa décision du 14 juin 1994.

    L. conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 109 de la loi sur l'assurance militaire du 19 juin
1992 (LAM), les cas en cours au moment de l'entrée en vigueur de cette loi,
le 1er janvier 1994, seront traités selon le droit nouveau dans les parties
qui n'ont pas été reconnues ou qui n'ont pas fait l'objet d'une décision.

    Etant donné qu'en l'espèce, la proposition de règlement du 28 octobre
1993 (contre laquelle l'assuré a fait opposition) a été formulée avant le
1er janvier 1994, mais que la décision litigieuse a été rendue après cette
date, la cause doit être jugée sur la base du nouveau droit (ATF 122 V 28).

Erwägung 2

    2.- a) L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente
est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation
déterminé par la décision - constitue, d'après les conclusions du recours,
l'objet de la décision effectivement attaqué. D'après cette définition,
l'objet de la contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque
la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche,
lorsque le recours ne porte que sur une partie du rapport juridique
déterminé par la décision, les aspects non contestés de ce rapport
juridique sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais non
pas dans l'objet du litige.

    Les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision
administrative, et fassent ainsi partie de l'objet de la contestation -
ne sont plus litigieuses, d'après les conclusions du recours, et qui ne
sont donc pas comprises dans l'objet du litige, ne sont examinées par
le juge que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points
non contestés et l'objet du litige (ATF 117 V 295 consid. 2a, 112 V 99
consid. 1a, 110 V 51 consid. 3c et les références citées).

    b) En l'espèce, le recours de droit administratif formé par l'OFAM
est dirigé contre la reconnaissance, par la juridiction cantonale, du
droit de l'assuré à une indemnité de 4'000 francs à titre de réparation
morale. De son côté, L. n'a pas recouru contre le jugement cantonal,
dans la mesure où celui-ci a confirmé le refus de l'OFAM de lui accorder
une rente pour atteinte à l'intégrité. Il existe toutefois un rapport
de connexité étroit - découlant notamment de la réglementation prévue
à l'art. 59 al. 2 LAM - entre le droit à une rente pour atteinte à
l'intégrité au sens des art. 48ss LAM, d'une part, et le droit à une
indemnité à titre de réparation morale selon l'art. 59 LAM, d'autre part,
de sorte qu'il se justifie d'examiner également ce second point dans le
cadre de la présente procédure.

Erwägung 3

    3.- a) Selon l'art. 48 al. 1 LAM, si l'assuré souffre d'une atteinte
notable et durable à son intégrité physique ou mentale, il a droit à une
rente pour atteinte à l'intégrité. L'art. 25 OAM, qui traite de la fixation
des rentes pour atteinte à l'intégrité, dispose qu'une atteinte notable
existe lorsqu'elle équivaut à un vingtième au moins de la perte totale
d'une fonction vitale comme l'ouïe ou la vue (al. 1). Le taux minimum
ouvrant droit à une rente pour atteinte à l'intégrité est fixé à 2,5 pour
cent du montant annuel qui sert de base au calcul des rentes selon l'art.
49 al. 4 LAM (art. 25 al. 2, première phrase, OAM).

    Aux termes de l'art. 59 LAM, en cas de lésions corporelles graves, une
indemnité équitable à titre de réparation morale peut, si des circonstances
particulières l'exigent, être allouée à la victime, exceptionnellement à
ses proches, ou, en cas de décès, aux proches du défunt (al. 1); la rente
pour atteinte à l'intégrité exclut le versement d'indemnités à titre de
réparation morale (al. 2).

    b) En l'espèce, l'OFAM a confié au docteur F., médecin de sa division
de G., le soin d'évaluer la gravité de l'atteinte à l'intégrité présentée
par l'assuré. Celui-ci a été examiné le 9 juin 1993. A cette occasion, il
a indiqué qu'une hypersensibilité du moignon du médius gauche l'empêchait
de jouer du piano, activité qu'il pratiquait depuis plusieurs années,
en suivant notamment des cours au Conservatoire de L. En outre, il
éprouve des difficultés à exercer certains sports, comme le basket-ball,
le volley-ball et le badminton.

    L'OFAM ne conteste pas que l'assuré éprouve des difficultés de
préhension en raison de l'amputation partielle de la phalange terminale du
médius gauche et de l'hypersensibilité du moignon. Toutefois, il a nié le
droit du prénommé à une rente pour atteinte à l'intégrité, au motif que
le seuil de gravité prescrit par l'art. 25 OAM n'était en l'occurrence
pas atteint.

Erwägung 4

    4.- a) La gravité de l'atteinte à l'intégrité est déterminée
équitablement en tenant compte de toutes les circonstances (art. 49
al. 1 LAM). La rente est fixée en pour-cent du montant annuel qui sert de
base au calcul des rentes selon l'art. 49 al. 4 LAM et compte tenu de la
gravité de l'atteinte à l'intégrité (art. 49 al. 2, première phrase, LAM).

    Selon la jurisprudence rendue à propos de l'art. 25 al. 1 de la loi
du 20 septembre 1949 (aLAM), une atteinte à l'intégrité ouvre en principe
droit à une rente lorsque l'assuré est, d'un point de vue objectif, limité
d'une manière notable dans la jouissance de la vie. Sont juridiquement
considérés comme notables, au sens de cette définition, les troubles
de la fonction primaire de la vie, mais non les simples empêchements
dans les autres domaines de l'existence, comme par exemple la pratique
d'un sport, la participation à des manifestations de la vie sociale
et autres activités semblables. Le degré de l'atteinte à l'intégrité,
exprimé en pour-cent, est déterminé en comparant l'état fonctionnel et
anatomique de l'intéressé, avant et après la survenance de l'événement
dommageable (ATF 117 V 77 consid. 3a/bb/aaa, 113 V 143 consid. 2c, 112
V 389s. consid. 1a et la jurisprudence citée). Toutefois, il ne s'agit
pas de procéder à une comparaison médico-théorique de l'état fonctionnel
avant et après l'événement, mais de déterminer dans quelle mesure un
assuré est limité dans la jouissance de la vie en raison de troubles
des fonctions primaires de l'existence (ATF 117 V 77 consid. 3a/bb/aaa;
ATFA 1968 p. 98 consid. 3b).

    b) Pour évaluer l'importance de l'atteinte, l'OFAM s'est référé à
des précédents qui, par certains aspects, sont comparables à la présente
affaire.

    Dans un arrêt non publié K. du 11 avril 1994, la Cour de céans a
jugé qu'une amputation de 10 mm environ du pouce gauche, entraînant une
diminution de la force de la main, ne permettait pas de considérer que
le seuil de gravité de 5 pour cent prescrit par l'ancien droit était
atteint. Dans un autre arrêt non publié R. du 6 août 1980 le Tribunal
a nié l'existence de troubles ouvrant droit à une rente pour atteinte
à l'intégrité dans le cas d'une fracture ouverte du pouce gauche avec
arrachement partiel de la phalange terminale et lésion des nerfs palmaires,
ainsi que d'une artère.

    Sur le vu de cette jurisprudence, l'OFAM est d'avis que le degré
de l'atteinte à l'intégrité subie par l'intimé est inférieur à 2,5 pour
cent, taux minimum prescrit par l'art. 25 al. 1 et 2 OAM et la pratique
administrative pour ouvrir droit à une rente pour atteinte à l'intégrité.

Erwägung 5

    5.- Même si la formulation de l'art. 48 al. 1 LAM ne diffère pas
fondamentalement de celle de l'ancien droit (art. 23 al. 1 en relation
avec l'art. 25 al. 1 aLAM), l'examen des travaux préparatoires de la
loi du 19 juin 1992 permet de mettre en évidence la volonté réelle du
législateur en matière de rentes pour atteinte à l'intégrité.

    Dans son message concernant la loi fédérale sur l'assurance militaire
du 27 juin 1990 (FF 1990 III p. 189ss), le Conseil fédéral proposait
l'introduction d'un art. 59 comprenant trois alinéas, dont le deuxième
avait la teneur suivante : une indemnité à titre de réparation morale
peut être allouée, dans des cas exceptionnels, lors de défiguration ou
d'infirmités durables et gênantes (FF 1990 III p. 275). Cette disposition
prévoyait une "compensation pour douleurs subies", lorsque l'atteinte
n'entraîne pas de diminution notable des fonctions vitales (FF 1990 III
p. 209), soit lorsque le seuil minimal de gravité de 5 pour cent fixé
à l'art. 49 al. 2 du projet du Conseil fédéral (FF 1990 III p. 273)
n'était pas atteint.

    Toutefois, le projet du Conseil fédéral a subi des modifications
importantes sur ces points: d'une part, le législateur a renoncé au
seuil minimal de 5 pour cent déterminant pour le droit à une rente
pour atteinte à l'intégrité (art. 49 al. 2 du projet) et, d'autre part,
il a supprimé le deuxième alinéa de l'art. 59 qui prévoyait l'octroi,
dans des cas exceptionnels, d'une indemnité à titre de réparation morale
lors de défiguration ou d'infirmités durables et gênantes. L'on doit donc
considérer que le législateur a voulu empêcher un cumul des deux types de
prestations (cf. à cet égard l'art. 59 al. 2 LAM) et qu'il a voulu que les
atteintes à l'intégrité durables, qui n'entraînent pas de diminution des
fonctions vitales, soit dont la gravité n'atteint pas le seuil minimal de
5 pour cent, ouvrent également droit à une rente selon les art. 48ss LAM.

Erwägung 6

    6.- a) Vu ce qui précède, la réglementation prescrite par l'ordonnance
sur l'assurance militaire est contraire à la loi, dans la mesure où
elle fixe à 2,5 pour cent le taux minimum déterminant pour l'octroi
d'une rente pour atteinte à l'intégrité (art. 25 al. 1 et 2 OAM). D'une
part, une telle limitation se révèle inconciliable avec la volonté du
législateur, telle qu'elle ressort des travaux préparatoires (cf. extraits
des procès-verbaux des séances de la Commission du Conseil des Etats pour
la sécurité sociale des 11 et 28 février, et du 21 mai 1991, ainsi que
des séances de la Commission du Conseil national pour la sécurité sociale
et la santé publique des 20 et 21 janvier 1992, in Documents relatifs aux
délibérations parlementaires sur la révision totale, classés par articles,
classeur VIII, ad art. 59 LAM). D'autre part, la fixation d'un seuil
minimal ouvrant droit à une rente pour atteinte à l'intégrité déborde
manifestement le cadre de la compétence conférée au Conseil fédéral par
l'art. 49 al. 4 LAM et qui consiste dans la fixation du montant annuel
déterminant pour le calcul des rentes pour atteinte à l'intégrité.

    b) Cela étant, l'OFAM n'était pas fondé, par sa décision du 14 juin
1994, confirmée sur ce point par le jugement entrepris, à nier le droit
de l'assuré à une rente pour atteinte à l'intégrité, au motif que le
seuil de gravité de 2,5 pour cent prescrit à l'art. 25 al. 1 et 2 OAM
n'était en l'occurrence pas atteint. Dans la mesure où elle représente
une limitation dans la jouissance de la vie, l'amputation partielle de
la phalange terminale du médius gauche subie par l'assuré ouvre droit à
une rente pour atteinte à l'intégrité selon la LAM, même si l'importance
de l'atteinte est seulement de 1 ou 2 pour cent.

    Il y a lieu de renvoyer la cause à l'OFAM pour qu'il fixe le taux de
l'atteinte subie par L. ensuite de l'accident du 30 septembre 1991 et qu'il
statue sur le droit du prénommé à une rente pour atteinte à l'intégrité.

Erwägung 7

    7.- L'assuré pouvant prétendre une rente pour atteinte à l'intégrité,
il n'a pas droit à l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale
(art. 59 al. 2 LAM). Le jugement entrepris doit donc être également annulé
dans la mesure où il reconnaît le droit du prénommé à une telle indemnité.