Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 122 V 230



122 V 230

34. Arrêt du 23 mai 1996 dans la cause B. contre La Bâloise, compagnie
d'assurances et Tribunal administratif du canton de Fribourg Regeste

    Art. 6 UVG, Art. 9 Abs. 1 UVV, Art. 2 Abs. 2 KVG: Begriff der
"unfallbedingten" Infektion. Der Zeckenbiss Typ Ixodes erfüllt alle
Merkmale eines Unfalls.

Sachverhalt

    A.- B., née en 1969, travaille au service de la société fiduciaire
d'expertises et de revision A. SA. Par son employeur, elle est assurée
contre les accidents auprès de la compagnie d'assurance La Bâloise.

    Au début d'octobre 1991, B. fut piquée à la jambe droite par une
tique. Il s'ensuivit une plaie inflammatoire avec érythème migrant,
soignée par la doctoresse Z. dès le 6 novembre 1991. Un prélèvement
de sang, effectué le 23 novembre 1991, mit en évidence une borréliose
(Borrelia burgdorferi) en phase aiguë avec une tendance à la guérison
(rapport du laboratoire d'analyses médicales M. SA). La patiente séjourna
à la Clinique de médecine de l'Hôpital cantonal de Fribourg du 24 au 25
novembre 1991, puis du 26 novembre au 4 décembre 1991, où les médecins
diagnostiquèrent notamment la maladie de Lyme (borréliose) stade I.

    Le cas fut annoncé comme accident à La Bâloise par le médecin traitant
de l'assurée. Selon le rapport médical initial LAA, du 30 décembre 1991,
B. avait été piquée par une tique à Estavayer vers le 2 octobre 1991.

    Par décision du 23 janvier 1992, La Bâloise refusa de prendre en
charge l'événement du 5 octobre 1991, au motif que la maladie de Lyme
(stade I) était transmise par la tique et non due à celle-ci. Saisie d'une
opposition de l'assurée contre cette décision, La Bâloise la rejeta par
décision du 3 avril 1992. Niant que la maladie de Lyme fût imputable à une
cause extérieure extraordinaire, elle faisait un parallèle avec la malaria,
dont le plasmodium est véhiculé par l'anophèle femelle. A cet égard, elle
se référait à un rapport du professeur A. de l'Institut de zoologie de
l'Université de Neuchâtel, du 8 novembre 1983, selon lequel l'érythème
migrateur (Erythema Chronicum Migrans: ECM) doit être considéré comme
une maladie transmise par la tique et non pas due à la piqûre de tique,
et la maladie de Lyme comme l'aboutissement d'une évolution ayant pour
origine primaire un ECM.

    B.- Représentée par le docteur Z., mari de la doctoresse Z. et
spécialiste FMH en médecine générale, B. a recouru contre cette décision
devant la Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du
canton de Fribourg. Elle concluait, sous suite de dépens, à l'annulation
de la décision attaquée, à la prise en charge par La Bâloise de ses
frais d'hospitalisation et de traitement ambulatoire, et à l'allocation
d'indemnités journalières. Produisant copies de plusieurs documents, elle
alléguait pour l'essentiel que la pénétration de l'appareil de piqûre et
de succion de la tique à travers la peau d'un être humain constituait
juridiquement un accident parce qu'elle provoquait une lésion cutanée;
que l'injection, par ce parasite accidentel de l'homme, de salive infectée
avec la transmission de germes pathogènes n'était que la phase suivante,
indissociable de la lésion cutanée, et que la maladie de Lyme était par
conséquent la suite logique d'un accident.

    La Bâloise, représentée par Me F., avocat, a conclu, sous suite de
dépens, au rejet du recours. Subsidiairement, elle sollicitait la mise
en oeuvre d'une expertise, à confier au professeur A. de l'Université
de Neuchâtel.

    Par jugement du 11 octobre 1993, la juridiction cantonale a rejeté
le recours. Elle a considéré, en bref, que la morsure de tique était un
facteur extérieur non extraordinaire en lui-même, mais qu'elle était au
contraire le mode de transmission type de la maladie de Lyme; qu'à cet
égard, la maladie de Lyme était transmise comme la malaria; que cette
dernière maladie n'était pas tenue pour la conséquence d'un accident lors
de la transmission ordinaire par l'anophèle; qu'il en allait dès lors de
même de la maladie de Lyme dont était atteinte l'assurée, puisque cette
affection avait été engendrée par la pénétration dans le corps d'un agent
infectieux, selon un mode et dans des circonstances tout à fait habituels
à la transmission de cette maladie.

    C.- B., représentée par le docteur Z., interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais et
de dépens, à l'annulation de celui-ci. Elle demande que La Bâloise soit
"astreinte à prendre en charge (...) les frais causés par une piqûre de
tique entraînant une maladie de Lyme dans le cadre de la couverture de
la police d'assurance et de la LAA". Reprenant ses arguments de première
instance, elle fait valoir que la morsure ou piqûre de tique ne saurait
être qualifiée de quotidienne ni d'habituelle et que cet événement est
donc le facteur extérieur extraordinaire à l'origine de la maladie de Lyme
dont elle est atteinte, en ce sens que, sans morsure ou piqûre de tique,
aucune infection par l'agent pathogène de la borréliose n'est possible.

    Par son mandataire, La Bâloise conclut, sous suite de frais et de
dépens, au rejet du recours. Subsidiairement, elle demande que soit mise
en oeuvre une expertise, à confier au professeur A. L'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS), qui se rallie au point de vue développé par
la juridiction cantonale, propose également le rejet du recours, pour le
motif que le facteur extérieur que représente la piqûre de tique n'est
pas extraordinaire en lui-même.

    D.- Le 23 mai 1996, la Ière Chambre du Tribunal fédéral des assurances
a tenu audience.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Selon l'art. 9 al. 1 OLAA, on entend par accident toute atteinte
dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une
cause extérieure extraordinaire. Cette définition correspond à celle
que la jurisprudence constante avait donnée de l'accident, sous réserve
d'une modification d'ordre purement rédactionnel (ATF 118 V 61 consid. 2a,
283 consid. 2a et les références).

    Depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1996, de la loi fédérale
sur l'assurance-maladie (LAMal) du 18 mars 1994, il existe désormais - et
pour la première fois - une définition légale de l'accident, qui figure
à l'art. 2 al. 2 de cette loi. Cette définition, qui reprend celle
de l'art. 9 al. 1 OLAA, avec une précision relativement aux effets de
l'atteinte corporelle, est la suivante: "Par accident, on entend toute
atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain
par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique
ou mentale". Cette dernière phrase constitue quant à elle une version
simplifiée du texte adopté par la Commission du Conseil des Etats à
l'art. 4 al. 1 du projet de loi fédérale sur la partie générale du
droit des assurances sociales ("... qui compromet temporairement ou de
manière permanente la santé physique ou mentale ou qui entraîne la mort"
[FF 1991 II 183]).

    Il résulte de la définition même de l'accident (au sens de l'art. 9
al. 1 OLAA comme au sens de l'art. 2 al. 2 LAMal) que le caractère
extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur
extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que
le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves
ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire
lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et
des situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens
ou d'habituels (ATF 118 V 61 consid. 2b, 283 consid. 2a ainsi que les
références).

Erwägung 2

    2.- a) En Suisse, notamment, la tique du genre Ixodes (ixodidés:
Ixodes ricinus) est le vecteur de la maladie de Lyme (W. BURGDORFER,
A.G. BARBOUR, S.F. HAYES, O. PÉTER, A. AESCHLIMANN, Erythema chronicum
migrans - a tickborne spirochetosis, in Acta Tropica 40[1983] 79-83
p. 79 sv.; A.G. BARBOUR, W. BURGDORFER, S.F. HAYES, feu O. PÉTER, et
A. AESCHLIMANN, Isolation of a Cultivable Spirochete from Ixodes ricinus
Ticks of Switzerland, in Current Microbiology, 8[1983] p. 123 à 126).

    L'agent causal de la maladie de Lyme est un spirochète, le Borrelia
burgdorferi isolé en 1982 sur la tique et en 1983 chez les patients
atteints par cette maladie. Transmis à l'homme lors de la morsure d'une
tique du genre Ixodes, un acarien hématophage, ce micro-organisme spiralé
appartient à la famille des spirochétales (comme le tréponème de la
syphilis; L. ROSSANT/J. ROSSANT-LUMBROSO, Votre santé. Encyclopédie
médicale à l'usage de tous, éd. Laffont, Paris 1993, p. 222 sv.).

    La maladie de Lyme est une infection évoluant comme la syphilis en
trois grandes phases séparées par des périodes d'accalmie. Les signes sont
très polymorphes (cutanés, cardiaques, ostéo-articulaires, neurologiques),
isolés ou associés entre eux. Le début de la maladie a lieu entre mai et
octobre, période d'activité des arthropodes en milieu tempéré. A partir
du point d'inoculation, le germe est responsable d'une lésion cutanée,
"érythème chronique migrant" (ECM) - ou érythème de Lipschütz (LE GARNIER
DELAMARE, dictionnaire des termes de médecine, 23e éd., Paris 1992,
p. 311). Cette lésion survient entre trois et trente jours après la piqûre
de tique (à propos de la fréquence des troubles accompagnant l'ECM, voir
p. ex. N. SATZ, Erkrankungen durch Zecken, in Hospitalis, Fachzeitschrift
für Praxis und Spital, 1995 no 3 p. 68). Les complications secondaires
et tertiaires sont très polymorphes et trompeuses d'autant que 70% des
patients ont oublié la piqûre de tique et la lésion cutanée qui a suivi:

    - poussées d'oligoarthrite (troubles articulaires isolés);

    - arthrite chronique;

    - troubles de la conduction cardiaque (bloc auriculo-ventriculaire);

    - méningite lymphocytaire;

    - paralysie faciale périphérique;

    - paralysie des membres, encéphalite, myélite (sur la neuroborréliose,
   cf.  p. ex. N. SATZ, Zecken-Krankheiten, Ein Ratgeber für Gesunde
   und Betroffene mit Beispielen von Patienten, Hospitalis-Buchverlag,
   1ère éd., 1994, p. 36 sv.);

    - acrodermatite chronique atrophiante ...

    (L. ROSSANT/J. ROSSANT-LUMBROSO, op.cit., p. 223).

    b) La Commission ad hoc Sinistres - LAA a édité des recommandations
pour l'application de la LAA et de l'OLAA. Sa recommandation no 2/90 du
10 avril 1990, relative aux "Piqûres d'insectes (encéphalite par piqûre
de tique/malaria)", a la teneur suivante:

    "Conformément à la pratique qui prévaut depuis de nombreuses années
dans
   l'assurance-accidents obligatoire, un événement accidentel est admis en
   tant qu'infection traumatique lorsqu'une intoxication ou une infection
   a été provoquée par une morsure ou une piqûre d'insecte. C'est également
   valable pour l'encéphalite par piqûre de tique.

    En revanche, la notion d'accident n'a jamais été admise dans les cas de
   malaria provoquée par les moustiques anophèles car cette affection,
   connue surtout sous les tropiques, n'est transmise que de cette
   façon. La notion d'événement extraordinaire fait donc défaut pour
   la néfaste piqûre de moustique anophèle. Il s'agit bien plutôt de
   la manière normale par laquelle se transmet la malaria. La forme
   sous laquelle se développe cette maladie ne peut également pas être
   considérée comme un accident.

    En revanche, les encéphalites peuvent être provoquées par divers
virus et
   pénétrer dans le corps de plusieurs manières. C'est une raison pour
   juger différemment l'encéphalite par piqûre de tique et la malaria.

    En outre, l'OLAA considère la malaria comme une maladie
professionnelle.

    Cela signifie que les cas de malaria ne peuvent être transformés en
   accident. Conformément à l'arrêt B. du 8.9.1972 (ATF 98 V 166), on
   ne peut considérer en droit la même atteinte à la santé, tantôt comme
   une maladie professionnelle, tantôt comme un accident, suivant qu'elle
   est survenue pendant ou en dehors du travail".

    La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents qualifie
d'accident la piqûre de tique et prend donc en charge les maladies qui
s'ensuivent, p.ex. la maladie de Lyme, comme suites d'accident (courrier
du 11 novembre 1993 du docteur R., spécialiste FMH en médecine interne
et médecin de la Division médecine du travail de la Caisse nationale).

Erwägung 3

    3.- Une atteinte à la santé due à une infection est en principe une
maladie et concerne donc l'assurance-maladie. Or, lorsqu'il s'agit comme
en l'espèce d'une morsure de tique, se pose la question du caractère
accidentel de l'infection, question qui remonte à des temps relativement
anciens.

    a) Selon la jurisprudence parue aux ATFA 1934 p. 75 et 1938 p. 112
consid. 1, la Cour de céans a toujours exigé, pour qu'on puisse admettre
une infection "accidentelle" (ou traumatique) assurée, l'existence bien
établie et reconnue, ou du moins nécessaire en quelque sorte d'après les
circonstances établies en fait, d'une plaie, d'une blessure ou d'une lésion
déterminée au moment de l'infection prétendue. Cette condition doit être
appliquée de manière d'autant plus stricte que l'admission de l'infection
(Wundinfektion) dans la notion de l'"accident" constitue en soi déjà une
application extensive de celle-ci. Par ailleurs, l'entrée des germes ou
des bactéries dans l'organisme par le canal de la blessure ou de la plaie
- autre condition essentielle de l'admission - n'est en soi jamais tout
à fait sûre, mais ne peut être retenue comme vraisemblable que là où un
autre mode d'infection doit être tenu pour improbable d'après l'expérience.

    Dans les arrêts non publiés R. du 16 février 1945 et H.-R. du 12
décembre 1945, cités dans l'arrêt N. du 14 janvier 1947 (ATFA 1947 p. 5
sv.), le Tribunal fédéral des assurances a précisé qu'il ne suffit pas
que les germes d'infection aient pu s'infiltrer à l'intérieur du corps
humain par de petites écorchures, éraflures ou excoriations banales
et sans importance comme il s'en produit journellement, mais que la
pénétration doit s'être faite par une lésion déterminée ou tout au moins
dans des circonstances telles qu'elles représentent un fait typiquement
"accidentel" et reconnaissable pour tel.

    b) ZOLLINGER/MOOSER, dans leur étude sur le thème "infection et
accident" parue dans le premier des Cahiers mensuels de Médecine de 1948,
ont exposé le contenu de l'arrêt mentionné ci-dessus H.-R. du 12 décembre
1945 (confirmé par les arrêts non publiés M. du 31 août 1946 et F. du
17 décembre 1946): il faut que la pénétration des bactéries ait lieu
par une lésion déterminée ou de quelque manière dans des circonstances
particulières, anormales, donc qu'un fait soit établi, apparaissant comme
typiquement accidentel et vérifiable en tant que tel aussi bien en ce
qui concerne le moment de la pénétration des bactéries que celui de leur
action pathogène.

    aa) En ce qui concerne l'exigence d'une lésion déterminée
("eigentliche Verletzung") ou tout au moins d'un fait typiquement
accidentel, ZOLLINGER/MOOSER (op.cit., p. 41 sv.) posaient le principe
d'une délimitation claire entre accident et maladie, avec les exigences de
formulation que cela comporte. Ils étaient d'avis que ce but est atteint
simplement, à condition qu'une infection soit considérée comme un événement
accidentel indépendant, que la voie d'accès soit une solution de continuité
des tissus de la peau ou de la muqueuse due à une action extérieure unique
et involontaire, à savoir une blessure qui puisse être prouvée ou rendue
vraisemblable, ou que le mode de l'agent pathogène permette sans autre
de conclure à une telle action.

    Selon MAURER, l'exigence précitée se justifie parce qu'elle concerne
le facteur extérieur, qui ne saurait être qualifié d'extraordinaire
que si le germe de l'infection pénètre dans le corps par une voie
extraordinaire ("auf ungewöhnlichem Wege ins Körperinnere": Recht
und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung,
2e éd., 1963, p. 118 sv.), c'est-à-dire dont le mode de pénétration est
extraordinaire ("auf ungewöhnliche Art ins Körperinnere": Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p. 192 et la note no 406).

    bb) Quant au caractère vérifiable du moment de la pénétration du
germe de l'infection et du moment de l'action pathogène de celui-ci,
ZOLLINGER/MOOSER (op.cit. pp. 41 ch. 4 et 43 ch. 5) proposaient que cette
exigence soit abandonnée. MAURER, pour sa part (Recht und Praxis, p. 119;
Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, p. 192 et la note no 408),
est d'avis que seul le moment de la pénétration du germe est déterminant
du point de vue du droit des assurances et que, dans la mesure où il est
établi au degré de vraisemblance (prépondérante) que la lésion a été la
voie effective de pénétration du germe, le moment de l'action pathogène
ne joue aucun rôle.

Erwägung 4

    4.- Les auteurs mentionnés ci-dessous, dont l'opinion est résumée,
ont examiné de manière particulièrement approfondie la question du facteur
extérieur et du caractère extraordinaire de l'atteinte en cas de piqûres
d'insectes et de morsures d'animaux:

    Selon ZOLLINGER/MOOSER (op.cit., p. 55 sv.), les phénomènes
inflammatoires dus aux piqûres d'insectes sont provoqués par des toxines,
élément caractéristique d'une intoxication et non pas d'une infection. La
transmission de germes pyogènes peut être causée par l'insecte lui-même ou
par les doigts de l'intéressé. Dans la plupart des cas, la piqûre d'insecte
se signale par l'existence d'une papule avec une rougeur aux alentours,
ce symptôme disparaissant d'habitude très rapidement, de sorte que le
cas n'est pas annoncé à l'assureur-accidents. Les piqûres d'abeilles, de
guêpes et de frelons constituent une exception à ce principe, lesquelles,
même sans l'inoculation d'agents purulents, peuvent provoquer de graves
troubles de la santé, voire la mort du patient (anaphylaxie). En ce qui
concerne la malaria, ces auteurs mentionnaient PICCARD (Haftpflichtpraxis
und Soziale Unfallversicherung, 1917, p. 21 sv.), d'après lequel il s'agit
non pas d'un accident mais d'une maladie, parce que la piqûre d'anophèle
constitue le mode ordinaire de sa transmission. Ils citaient en outre
SANDBERG (Der Nichtbetriebsunfall, Diss. Zürich 1927, p. 89 sv.),
qui était d'avis que l'assureur-accidents n'a pas à intervenir lorsque
la malaria est transmise dans une région où la maladie est endémique ou
épidémique, alors qu'il doit prendre en charge le cas lorsque la malaria
est transmise dans une région où cette maladie est étrangère et donc
"accidentelle". Ils en concluaient que la malaria est une maladie étrangère
à la Suisse et qu'elle tombe donc sous le coup de l'assurance-accidents
obligatoire, la piqûre de moustique étant en soi déjà un accident.

    D'après MAURER (Recht und Praxis, p. 114; Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p. 187 ad let. a), les piqûres d'insectes peuvent
provoquer des empoisonnements. Il n'est pas rare que les piqûres d'abeilles
et de guêpes soient annoncées aux assureurs-accidents, celles-ci pouvant
même causer la mort par choc anaphylactique, lors d'hypersensibilité ou
d'allergie au venin inoculé. De tels événements ont les caractéristiques
d'un accident, ce qui vaut aussi p. ex. pour les morsures de serpents
ou les blessures dues aux poulpes. Le fait d'être contaminé par des
maladies s'attrapant normalement de manière endémique ou épidémique
seulement dans les pays lointains, mais exceptionnellement aussi dans
notre pays, ne saurait être qualifié d'accident; cela, à la condition
que la contamination ait lieu par la voie normale ('auf ihrem "normalen"
Wege'), c'est-à-dire selon un mode typique ('auf ihre "normale", typische
Art'). On pense à cet égard à la malaria, transmise par l'anophèle
femelle. En effet, il s'agit de maladies aussi bien lorsque le lieu de
transmission d'une maladie se trouve par hasard en Suisse que lorsque
celui-ci se situe quelque part à l'étranger. Il faut donc s'en tenir au
principe, d'après lequel les maladies infectieuses qui sont transmises
selon un mode "normal" ou typique, n'ont pas le caractère d'un accident
(Recht und Praxis, p. 119; Schweizerisches Unfallversicherungsrecht,
p. 193 et les notes no 411 et 412).

    Selon GALLIKER (Skorpionstich, Schlangenbiss, Zeckenbiss:
Unfallereignisse? in Courrier Suisse des Assurances, février 1988, p. 3
sv.), les abeilles, les araignées, les scorpions et les serpents ont
en commun le fait qu'ils inoculent dans l'organisme humain leur propre
venin. A la différence de ceux-ci, les moustiques et les tiques sont le
vecteur de la maladie qu'ils transmettent à l'homme lors d'une piqûre ou
d'une morsure. Les premiers provoquent donc un empoisonnement, alors que
les seconds transmettent une infection. Citant Maurer et l'exemple qu'il
donne de la malaria, GALLIKER est d'avis qu'il en va de même en cas de
morsure de tique. Procédant à une comparaison entre la piqûre d'abeille
et la morsure de tique, cet auteur en conclut qu'il n'y a pas de critères
qui soient exactement les mêmes permettant de trancher le cas de la piqûre
d'abeille et celui de la morsure de tique, précisément parce que l'abeille
inocule dans l'organisme humain son propre venin.

    D'après BÜHLER ("Der Unfallbegriff", in Haftpflicht- und
Versicherungsrechtstagung 1995, St. Gallen, éditeur Alfred Koller,
Verlag Institut für Versicherungswirtschaft der Universität St. Gallen,
p. 225 sv., particulièrement pp. 228 sv. et les notes no 148, 149 et
150), il y a action d'un facteur extérieur lorsqu'un venin ou un agent
pathogène est inoculé dans le corps par une piqûre ou une morsure. Qu'il
existe une prédisposition à la maladie, avant tout une hypersensibilité
d'ordre allergique à la toxine en cause, ayant rendu possible une atteinte
sérieuse à la santé, voire la mort, ou que la toxine ait seule provoqué le
dommage n'est pas déterminant. En outre, admettre un accident uniquement
dans les cas où des insectes (abeilles, guêpes, frelons) ou des reptiles
(serpents) inoculent dans l'organisme leur propre venin, mais qualifier
de non accidentels les cas où les agents pathogènes (infections)
sont transmis à l'homme par des tiques (virus de l'encéphalite) ou
des moustiques (malaria), n'est pas non plus une solution. En effet,
non seulement cette délimitation ne résulte pas de la notion de facteur
extérieur, mais encore elle ne correspond pas dans ce contexte au sens
et au but de l'exigence du caractère extraordinaire de l'atteinte.

    Il ressort donc de l'opinion des auteurs précités qu'une piqûre
d'insecte, à l'instar d'une morsure d'animal, est en principe un accident,
à l'exception p. ex. de la piqûre de l'anophèle femelle en ce qui concerne
la malaria (à propos de la piqûre d'insecte en droit allemand, voir
ERLENKÄMPER/FICHTE, Sozialrecht, Allgemeiner Teil, Anspruchsvoraussetzungen
und Rechtsgrundlagen des Besonderen Sozialrechts, Verfahrensrecht, 3e éd.,
p. 34, et note 2 BSG SGb 1991, 186).

Erwägung 5

    5.- Sur la base de ce qui précède, il y a lieu d'examiner si la
morsure de la tique du genre Ixodes remplit toutes les caractéristiques
d'un accident.

    a) La jurisprudence précitée (ATFA 1947 p. 5/6), relative au facteur
extérieur, s'applique en cas de morsure de tique. En effet, cet acarien
hématophage, lorsqu'il devient un parasite de l'homme, provoque par sa
morsure une lésion déterminée. Or, cette lésion se distingue de petites
écorchures, éraflures ou excoriations banales et sans importance comme
il s'en produit journellement. Elle est donc en soi une atteinte portée
au corps humain, atteinte sans laquelle les germes d'infections véhiculés
par la tique du genre Ixodes ne sauraient pénétrer dans l'organisme.

    Il n'est juridiquement pas décisif que la tique en question, à la
différence des insectes (p. ex. abeilles, guêpes, frelons) inoculant dans
le corps leur propre venin, soit uniquement le vecteur des germes (bactérie
ou virus) de la maladie de Lyme (borréliose) et de la méningo-encéphalite
verno-estivale ("Frühsommer-Meningoenzephalitis" [FSME]). En effet,
cela ne joue aucun rôle dans l'appréciation du facteur extérieur. Qu'il
s'agisse des germes d'infections transmis par la tique incriminée ou
des venins inoculés par les insectes précités, chacun d'eux pénètre dans
l'organisme par une lésion déterminée due à la morsure ou à la piqûre, et
non pas par un orifice naturel du corps. Les premiers, comme les seconds,
sont dès lors un facteur extérieur au sens de la définition légale et
jurisprudentielle de l'accident (sur l'infection microbienne en tant que
cause extérieure, cf. TOLUNAY, La notion de l'accident du travail dans
l'assurance-accidents obligatoire en droit suisse, allemand et français,
thèse Neuchâtel, 1977, p. 84).

    Or, selon la jurisprudence précitée, le fait typiquement "accidentel"
doit être reconnaissable comme tel et pouvoir être vérifié. Il s'ensuit
que l'existence d'une lésion déterminée, par laquelle ont pénétré des
germes d'infections ou un venin, doit pouvoir être établie ou rendue
vraisemblable.

    b) L'atteinte imputable à la tique du genre Ixodes est de caractère
extraordinaire. Elle sort en effet de l'ordinaire par le fait qu'un
corps étranger véhiculé par cet acarien - à la différence p. ex. de la
contamination d'une plaie chirurgicale par une mycobactérie (ATF 118
V 59) - pénètre dans l'organisme par une lésion déterminée, de nature
accidentelle, et que la morsure de tique n'est pas un événement pouvant
objectivement être qualifié de quotidien ou d'habituel.

    L'événement est extraordinaire aussi bien en ce qui concerne la
maladie de Lyme que la méningo-encéphalite verno-estivale. Une distinction
entre ces deux infections se justifie d'autant moins que le virus de
l'encéphalite peut s'attraper de diverses façons, dont la transmission
par la tique du genre Ixodes, et qu'apparemment d'autres animaux que cet
acarien sont eux aussi vecteurs de la borréliose.

    Le caractère extraordinaire de l'atteinte ne saurait non plus
dépendre d'une comparaison entre les infections précitées et la malaria
transmise par l'anophèle femelle. En effet, la plupart des tiques ne
véhiculent aucune maladie. Or, le fait que la tique du genre Ixodes a pu
être localisée dans certaines régions de Suisse - mais aussi notamment
d'Allemagne; sur les foyers naturels existant à l'heure actuelle, voir
p. ex. N. SATZ, Zecken-Krankheiten, p. 60 sv. - n'exclut, semble-t-il,
ni une cohabitation avec des tiques inoffensives ni la présence de la
tique du genre Ixodes hors des régions signalées. On ne saurait, faute
de documents établissant le contraire, qualifier la maladie de Lyme
et l'encéphalite transmises par cet acarien de phénomène épidémique ou
endémique dans notre pays.

    c) Encore faut-il, pour qu'il y ait infection "accidentelle", que
l'atteinte soit soudaine au sens des art. 9 al. 1 OLAA et 2 al. 2 LAMal. En
effet, cette exigence concerne l'atteinte et non pas le dommage (LAUBER,
Unfall oder Krankheit?, in Praxis des sozialen Unfallversicherungsrechts
der Schweiz, 1928, p. 297; BÜHLER, op.cit., p. 207 sv.).

    Or, en cas de morsure de tique, le processus de l'atteinte est
susceptible de durer un certain temps, sans que cela soit incompatible avec
l'exigence du caractère soudain de l'atteinte. En effet, l'atteinte peut
être soudaine, mais durer plus qu'un instant (BÜHLER, op.cit., p. 209 sv.).

    L'arrêt H.-R. précité du 12 décembre 1945 posant l'exigence du
caractère vérifiable (du fait typiquement accidentel) au moment de la
pénétration des bactéries et de l'action pathogène de celles-ci, il se
justifie dès lors d'abandonner cette exigence et la terminologie utilisée,
susceptibles l'une et l'autre de mener à des confusions en laissant croire
que le "moment" (Zeitpunkt) de l'atteinte est déterminant pour l'existence
d'une infection "accidentelle".

    Or, lorsqu'une lésion déterminée due à la morsure de la tique du
genre Ixodes existe et qu'une infection imputable aux germes véhiculés
par se manifeste, la transmission des germes se présume. La durée de
l'atteinte n'est donc pas décisive. En définitive, ce qui permet de
départager l'infection "accidentelle" de troubles à répétition, c'est le
caractère unique de l'atteinte, la lésion et la transmission des germes
d'infections formant un tout. Par conséquent, le moment de l'"accident"
remonte à l'époque où survient la lésion due à la morsure de la tique en
cause, cela bien que la maladie de Lyme ou l'encéphalite virale puissent
se déclarer bien après.

    d) Toutes les caractéristiques de l'accident sont réalisées
en cas de morsure de la tique du genre Ixodes. Or, la pratique des
assureurs-accidents fondée sur la recommandation précitée du 10 avril 1990
de la Commission ad hoc Sinistres - LAA va dans ce sens. Elle est donc
conforme à la loi et à la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances
relativement ancienne concernant les infections "accidentelles". Il n'y
a dès lors aucune raison pour que le juge des assurances sociales remette
en cause cette pratique (ATF 114 V 318 consid. 5c).

Erwägung 6

    6.- En l'espèce, les premiers juges ont établi que la recourante a
été victime d'une morsure de tique à la jambe droite le 2 octobre 1991, au
bord du lac. Elle a consulté la doctoresse Z., médecin, qui a diagnostiqué
un érythème migrant, puis, après examen sérologique, la maladie de Lyme.

    L'état de fait n'est pas contesté. Il s'ensuit que la recourante
est atteinte d'une infection "accidentelle" au sens de la jurisprudence
précitée. Au moment déterminant, elle était assurée contre les accidents
auprès de l'intimée. Le jugement entrepris et la décision sur opposition
doivent dès lors être annulés et la cause renvoyée à l'assureur-accidents
pour qu'il prenne en charge le cas de la recourante et qu'il rende une
nouvelle décision au sens des motifs.

Erwägung 7

    7.- (Dépens)