Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 122 II 464



122 II 464

57. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 7 novembre 1996 en la cause G.
contre Genève, Tribunal administratif et Service des automobiles et de
la navigation (recours de droit administratif) Regeste

    Sicherungsentzug des Führerausweises.

    Art. 6 Ziff. 1 EMRK: beim Entzug des Führerausweises zu
Sicherungszwekken kann sich der Betroffene auf Art. 6 Ziff. 1 EMRK berufen,
wenn der ausgeübte Beruf unmittelbar den Besitz des Führerausweises
voraussetzt (E. 3).

    Art. 4 BV. Recht, sich zu einem Gutachten zu äussern: Art. 4 BV
gewährt grundsätzlich keinen Anspruch auf mündliche Äusserung. Wegen der
Besonderheit des Gutachtens und dessen summarischen Inhalts war vorliegend
als Beweismassnahme die persönliche Anhörung des Betroffenen erforderlich
(E. 4).

Sachverhalt

    A.- G. est titulaire d'un permis de conduire, délivré à Genève le 10
juin 1983.

    Le 13 décembre 1994, il a poursuivi un véhicule en ville de Genève en
prenant des risques inconsidérés, puis a blessé l'automobiliste poursuivi
au moyen d'une chaîne avant de quitter les lieux. Soumis à un examen
médical à la suite de ces faits, la Doctoresse S., médecin-conseil du
Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève (ci-après:
le Service des automobiles), a déclaré G. inapte à la conduite de véhicules
à moteurs et a précisé que celui-ci devait se soumettre à une expertise
psychiatrique auprès de l'Institut universitaire de médecine légale.

    Par décision du 7 février 1995, déclarée exécutoire nonobstant recours,
le Service des automobiles a retiré le permis de conduire de G. pour une
durée indéterminée, en précisant que la levée de la mesure ne pourrait
être envisagée que sur présentation d'une expertise favorable émanant de
l'Institut universitaire de médecine légale.

    G. a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif
du canton de Genève qui, le 21 février 1995, a convoqué les parties à une
audience de comparution personnelle. L'avocat du recourant s'est présenté
seul à cette audience qui s'est tenue le 3 mars 1995. La nécessité d'une
expertise a alors été reconnue et a été confiée à l'Institut universitaire
de médecine légale.

    Déposé le 5 décembre 1995, le rapport d'expertise conclut à une
inaptitude de conduire pendant un délai d'environ cinq ans, en raison d'un
grave trouble de la personnalité, accompagné d'une grande incapacité de
contrôle des pulsions agressives.

    Le Tribunal administratif a ensuite rejeté le recours par arrêt du
12 mars 1996. Il a notamment estimé que dans la mesure où il disposait
d'un dossier complet, il était à même de juger la cause sur la base de
l'expertise et des arguments développés par le recourant dans sa lettre
du 5 janvier 1996; par conséquent, il n'était pas justifié d'entendre le
recourant ou d'autoriser son conseil à plaider, ni d'ordonner l'audition
des experts. Sur le fond, le retrait de sécurité du permis de conduire
du recourant s'imposait au regard du rapport d'expertise.

    G. a formé un recours de droit administratif contre cet arrêt et a
conclu principalement à son annulation pour le motif que le retrait de
sécurité du permis de conduire n'était pas justifié. Subsidiairement,
il a demandé au Tribunal fédéral de procéder aux mesures probatoires
nécessaires, en ordonnant une expertise médicale et psychologique pour
déterminer son aptitude à conduire, ou le cas échéant, de renvoyer la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision et nouvelle expertise.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours pour violation du droit d'être
entendu; partant, il a annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause au
Tribunal administratif pour nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérant:

Erwägung 3

    3.- a) En ce qui concerne la procédure devant le Tribunal
administratif, le recourant invoque l'art. 6 par. 1 CEDH et prétend que
son droit d'être entendu personnellement et oralement avec son conseil a
été violé, de même que son droit de participer aux mesures d'instruction
ordonnées par le Tribunal administratif, tel que le prévoit l'art. 42
al. 1 de la loi genevoise sur la procédure administrative du 12 septembre
1985 (LPA) autorisant les parties à participer à l'audition des témoins,
à la comparution de personnes ordonnées par l'autorité et aux examens
auxquels celle-ci procède. Il soutient que cette disposition cantonale doit
être interprétée à la lumière de l'art. 6 par. 1 CEDH, car la décision
de retrait de son permis de conduire pour une durée indéterminée a une
influence certaine sur ses droits de caractère civil, du moment qu'elle
porte une atteinte sévère à sa liberté de choix professionnel et à ses
loisirs. A cet égard, il mentionne notamment un poste de travail qu'il
avait en vue à la fin de l'année 1995 et pour lequel le permis de conduire
était nécessaire.

    b) Selon l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par
un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit
des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit
du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

    Le Tribunal fédéral interprète la notion conventionnelle de
"contestations sur des droits et obligations de caractère civil" aussi
largement que le font les organes de la Convention européenne des droits
de l'homme (ATF 121 I 30 consid. 5c p. 34; 119 Ia 88 consid. 3b p. 92,
321 consid. 6a/bb p. 329). Ainsi, l'art. 6 par. 1 CEDH ne concerne pas
seulement les contestations de droit privé au sens étroit - c'est-à-dire
celles qui surgissent entre des particuliers, ou entre un particulier
et l'Etat agissant au même titre qu'une personne privée - mais aussi
les actes administratifs adoptés par une autorité dans l'exercice de la
puissance publique, pour autant qu'ils produisent un effet déterminant sur
des droits de caractère privé (ATF 121 I 30 consid. 5c p. 34; 119 Ia 88
consid. 3b p. 92/93, 321 consid. 6a/bb p. 329; arrêts de la Cour européenne
des droits de l'homme du 9 décembre 1994 en la cause Raffineries Grecques
Stran et Stratis Andreadis, série A, vol. 301-B, par. 39; du 23 juin 1981
en la cause Le Compte, van Leuven et De Meyere, série A, vol. 43, par. 44).

    La notion de "caractère civil" comprend notamment les procédures de
refus ou de révocation de l'autorisation d'exercer une profession libérale
(arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme du 19 avril 1993 en
la cause Kraska, série A, vol. 254-B, par. 23 ss, du 10 février 1983 en
la cause Albert et Le Compte, série A, vol. 58, par. 27/28; du 28 juin
1978 en la cause König, série A, vol. 27, par. 85 ss), en particulier
celle d'avocat (arrêt du 23 juin 1994 en la cause De Moor, série A,
vol. 292-A, par. 42 à 47), et a tendance à s'élargir aux conditions
permettant d'exercer une profession libérale (voir RUTH HERZOG, Art. 6
EMRK und kantonale Verwaltungsrechtspflege, thèse Berne 1995 p. 50 et
51). Elle a, en particulier, été reconnue pour un chauffeur de taxi dont
la licence pour le transport interurbain avait été révoquée (arrêt de la
Cour européenne des droits de l'homme du 27 octobre 1987 en la cause Pudas,
série A, vol. 125, par. 30 ss).

    c) Dans sa jurisprudence concernant le retrait du permis de conduire,
le Tribunal fédéral a admis que les garanties découlant de l'art. 6
par. 1 CEDH s'appliquaient au retrait de permis d'admonestation,
dès lors qu'il s'agissait d'une sanction poursuivant à la fois un but
répressif et préventif et, partant, d'une décision sur le bien-fondé
d'une accusation en matière pénale au sens de cette disposition (ATF
121 II 23 ss, spéc. consid. 3b p. 26); il en découlait notamment un
droit à ce que la cause soit examinée par une autorité judiciaire,
lors de débats publics (ATF 121 II 219 consid. 2 p. 221). En revanche,
le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'en allait pas de même pour le
retrait de sécurité qui est une mesure de protection, prise à la fois
dans l'intérêt du conducteur lui-même et dans celui de la sécurité du
trafic (art. 30 al. 1 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes
et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976: OAC,
RS 741.51; MICHEL PERRIN, Délivrance et retrait du permis de conduire,
Fribourg 1982, p. 96). Du moment que le but répressif était absent,
cette mesure ne présentait en effet pas un caractère pénal et n'avait que
des conséquences indirectes ou fortuites sur les droits et obligations
de nature civile de l'intéressé (ATF 122 II 363 consid. 2c; arrêts
non publiés du 31 mai 1996 en la cause H. c. Zurich, Regierungsrat,
consid. 1c; du 11 janvier 1996 en la cause S. c. St Gall, Justiz- und
Polizeidepartement consid. 2b et du 30 août 1995 en la cause B. c. St
Gall, Justiz- und Polizeidepartement, consid. 4). A l'exception de
l'arrêt du 31 mai 1996, ces arrêts portaient toutefois sur un retrait de
permis immédiat pour cause d'alcoolémie au sens de l'art. 35 al. 3 OAC,
soit sur des décisions provisoires qui sont en principe soustraites au
domaine d'application de l'art. 6 CEDH (FROHWEIN/PEUKERT, EMRK-Kommentar,
art. 6, n. 36 p. 125; HERBERT MIEHLSER, Internationaler Kommentar zur
Europäischen Menschenrechtskonvention, n. 185, p. 45; MARK VILLIGER,
Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention, n. 387, p. 231). Dans
l'arrêt du 14 août 1996 (ATF 122 II 363 consid. 2c), le Tribunal fédéral a
aussi précisé qu'un retrait de sécurité intervenait indépendamment d'une
faute et que le recourant ne pouvait dès lors bénéficier de la présomption
d'innocence tirée de l'art. 6 par. 1 CEDH .

    Cette jurisprudence doit être maintenue pour tous les cas de retrait de
sécurité, à moins que le permis de conduire ne soit directement nécessaire
à l'exercice de la profession ou, autrement dit, que sa possession soit
inhérente à l'exercice de cette profession. Il en va notamment ainsi
des chauffeurs professionnels, tels que les conducteurs de bus et de
camions, ou les chauffeurs de taxis, qui ont la faculté de se prévaloir
des garanties découlant de l'art. 6 par. 1 CEDH dans une procédure de
retrait du permis de conduire pour raisons de sécurité. En revanche,
ces garanties ne sauraient par exemple être étendues aux personnes qui
ont besoin de leur véhicule uniquement pour se rendre à leur lieu de
travail ou pour exercer plus commodément leur profession.

    d) En l'espèce, le recourant n'était pas chauffeur professionnel et ne
démontre pas davantage que le permis de conduire lui serait nécessaire sur
le plan professionnel. Il prétend uniquement, sans toutefois l'établir,
qu'il aurait perdu une occasion de trouver un emploi où le permis de
conduire était exigé. Cette allusion à une éventuelle place de travail est
cependant insuffisante pour quelqu'un qui n'a jamais exercé la profession
de chauffeur.

    Le recours n'est donc pas fondé en tant qu'il porte sur une prétendue
violation de l'art. 6 par. 1 CEDH. Les griefs du recourant au sujet de
la violation de son droit d'être entendu doivent dès lors être examinés
par rapport au droit cantonal, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire. Si,
comme en l'espèce, la protection accordée par ce droit est inférieure
ou équivalente à celle offerte par les garanties minimales découlant de
l'art. 4 Cst., dont le Tribunal fédéral examine librement le respect,
le recourant peut également s'en prévaloir (ATF 121 I 54 consid. 2a p. 56
et les arrêts cités; 119 Ia 136 consid. 2c p. 138).

Erwägung 4

    4.- a) Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle
de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de
la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours
sur le fond (ATF 120 Ib 379 consid. 3b p. 383; 119 Ia 136 consid. 2b p.
138 et les arrêts cités). Tel qu'il est garanti par l'art. 4 Cst., le
droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour l'intéressé
d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier,
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes,
de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout
le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 122 I 53 consid. 4a p. 55; 119 Ia
136 consid. 2d p. 139; 118 Ia 17 consid. 1c p. 19; 116 Ia 94 consid. 3b
p. 99; 115 Ia 8 consid. 2b p. 11). Le droit de faire administrer des
preuves n'empêche pas cependant le juge de procéder à une appréciation
anticipée des preuves qui lui sont offertes, s'il a la certitude qu'elles
ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 120 Ib 224 consid.
2b p. 229 et les arrêts cités).

    b) Il faut tout d'abord préciser que, dans la mesure où l'expertise
était mise en oeuvre avant tout pour connaître la personnalité du
recourant, ce dernier ne saurait en principe déduire de l'art. 42 al. 1
LPA ou de l'art. 4 Cst. un droit d'assister à l'audition de tiers par les
experts (ATF 99 Ia 42 consid. 3b p. 46). Cela ne préjuge au demeurant pas
des conséquences à en tirer dans l'organisation de la procédure après le
dépôt du rapport d'expertise (ATF 119 Ia 260 consid. 6b p. 261).

    c) Dans une procédure administrative, le droit d'être entendu découlant
de l'art 4 Cst. n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 114
Ib 244 consid. 3 p. 246; 109 Ia 177 consid. 3 p. 178; 108 Ia 188 consid. 2a
p. 191; KÖLZ/HÄNER, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege
des Bundes, Zurich 1993, n. 55). La même règle est d'ailleurs contenue
à l'art. 41 LPA.

    Sans remettre en cause cette jurisprudence, force est toutefois
de constater que la situation du recourant, qui est en quelque sorte
lui-même l'objet de l'expertise, est particulière. Une telle expertise,
dont la nécessité n'a pas été contestée, devait en effet uniquement
se prononcer sur le caractère du recourant et ne saurait donc être
comparée à une expertise portant sur des questions techniques, où
il est plus aisé, voire préférable que les intéressés s'expriment par
écrit. Dans ce contexte, l'occasion donnée au recourant de s'expliquer à
l'audience de comparution personnelle du 3 mars 1995, à laquelle il ne
s'est pas présenté, ne remplace pas une audition personnelle après le
dépôt du rapport d'expertise. Au vu de ce rapport, l'expertise apparaît
en effet des plus sommaires. Elle est en tous cas lacunaire au regard de
la décision du Tribunal administratif du 28 avril 1995 qui ordonnait à
l'expert d'examiner le recourant et lui demandait de rendre compte de façon
claire et précise des renseignements obtenus auprès des Doctoresses S. et
M. Or, comme le relevait à juste titre l'autorité intimée, ces exigences
devaient permettre de respecter le droit d'être entendu du recourant. A
cela s'ajoute que la situation de l'intéressé reste assez confuse au vu du
dossier et que l'atteinte à ses droits, qu'il subit en raison du retrait de
son permis de conduire, est relativement importante. Dans la mesure où il
s'agissait de troubles de la personnalité - et non d'une maladie mentale
sur laquelle les déclarations de l'intéressé ne pouvaient en principe
rien apporter de décisif par rapport aux explications de l'expert - une
audition n'était donc pas d'emblée inutile. La situation du recourant
présente au contraire une certaine analogie avec le droit d'être entendu
dans la procédure de privation de liberté à des fins d'assistance tel que
le prévoit l'art. 397f al. 3 CC (voir ATF 115 II 129 consid. 6c p. 134).

    Au regard de ces circonstances particulières, l'audition du recourant
comme mode de preuve après le dépôt du rapport d'expertise était nécessaire
pour apprécier le résultat de ce rapport. Il ne s'agissait dès lors pas
d'un cas où le juge peut se contenter de former son opinion uniquement
sur la base des pièces figurant au dossier, sans entendre l'intéressé
sur les faits déterminants de la cause.

    d) La décision attaquée doit ainsi être annulée en tant qu'elle refuse
au recourant le droit d'être entendu personnellement. Compte tenu de cette
situation nouvelle, il appartiendra au Tribunal administratif, au vu des
réquisitions qui lui seront présentées, de décider si et dans quelle mesure
il y a lieu d'ordonner d'autres mesures d'instruction et, le cas échéant,
de motiver sa décision de refus des mesures d'instruction requises.

    Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs
que le recourant soulève pour motiver la violation de son droit d'être
entendu, ni ceux qui portent sur le fond du litige.