Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 122 II 26



122 II 26

5. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 23 janvier 1996 dans
la cause Syndicat de communes pour l'épuration des eaux usées du Bas-Vallon
de Saint-Imier contre Polissages Gautier SA, Emile Hügi et Tribunal
administratif du canton de Berne (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 8 GSchG (1971) und Art. 59 USG. Beseitigung von Klärschlamm
mit zu hohem Schwermetallgehalt; Kostenauflage auf die Unternehmungen,
welche für die Verschmutzung verantwortlich sind.

    Vorschriften betreffend Klärschlamm (E. 2).

    Die Kostenüberbindung für Massnahmen der Behörden zum Schutz der
Gewässer oder der Umwelt bestimmt sich nach den Vorschriften, die im
Zeitpunkt der Sachverhaltsverwirklichung in Kraft waren (E. 3).

    Der Art. 8 GSchG und der Art. 59 USG erlauben die Überbindung der
Kosten für die Beseitigung von Klärschlamm, der infolge Behandlung von
Industrie- und Gewerbeabwasser mit zu hohem Schwermetallgehalt verunreinigt
ist und daher nicht als Dünger verwendet werden kann (E. 4).

    Die Forderung des Gemeinwesens verjährt mit Ablauf von fünf Jahren,
nachdem die Sicherungs- und Behebungsmassnahmen durchgeführt worden und
die Höhe der Kosten für diese Massnahmen bekannt geworden sind (E. 5).

Sachverhalt

    A.- Par décision du 13 octobre 1992, le Syndicat de communes à mis à
la charge de la fabrique de circuits imprimés et d'appareils électroniques
Emile Hügi, à Corgémont, un montant de 7'619 fr. 50 relatif à des frais
d'élimination de boues d'épuration. Cette décision était motivée comme
suit:

    De mai 1988 à mars 1990, les boues produites par la station d'épuration
de Sonceboz ont présenté une teneur en métaux lourds anormalement élevée,
excluant leur utilisation agricole; il fallut dès lors les déshydrater
et les éliminer par incinération ou stockage en décharge. Cela causa au
Syndicat un dommage correspondant aux frais de transport, de déshydratation
et d'élimination, et à la perte du revenu qui eût été autrement retiré de
l'utilisation agricole. Les analyses révélaient que la contamination des
boues avait son origine dans les eaux usées de sept entreprises raccordées
à la station, ces eaux présentant une concentration excessive de métaux
lourds. Les entreprises concernées étaient tenues pour responsables du
dommage précité et appelées à supporter leur quote-part.

    Le même jour, le Syndicat a pris une décision analogue contre
l'entreprise Polissages Gautier SA, à Cortébert, pour un montant de 22'930
fr. 90. Cette somme comprenait, outre une quote-part égale à celle de Hügi,
le dommage consécutif à la pollution des boues d'épuration dans la nuit
du 21 au 22 août 1990 et, encore, le 21 septembre 1990.

    Saisi de recours formés par Emile Hügi et Polissages Gautier SA,
le Préfet du district de Courtelary a décidé de restreindre la procédure
au problème de la prescription des créances litigieuses. Statuant sur la
base des 41 et 60 CO, il a retenu qu'à la date des décisions attaquées,
la prescription d'une année était acquise aux recourants; il a dès lors
annulé les décisions du Syndicat.

    Celui-ci a déféré la cause au Tribunal administratif du canton de
Berne. Selon l'arrêt de cette juridiction, les prétentions du Syndicat
sont, le cas échéant, fondées sur la législation fédérale en matière de
protection des eaux; cependant, en vertu d'une disposition renvoyant à
l'art. 60 CO relatif à la prescription, le délai d'un an est néanmoins
déterminant. Le Tribunal administratif a ainsi confirmé les décisions du
Préfet et débouté la collectivité recourante.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, le Syndicat a
requis le Tribunal fédéral d'annuler les prononcés des autorités cantonales
de recours et de renvoyer la cause au Tribunal administratif pour nouveau
jugement. Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Les boues produites par les stations d'épuration des eaux usées
sont des déchets aux termes de l'art. 7 al. 6 de la loi fédérale sur la
protection de l'environnement. Elles doivent être mises en valeur ou, si
ce n'est pas possible, éliminées par incinération ou stockage en décharge
(art. 11 de l'ordonnance sur le traitement des déchets, ci-après OTD,
RS 814.015; ch. 3 al. 1 let. c de l'annexe 1 à l'art. 32 al. 1 OTD).

    La mise en valeur des boues consiste essentiellement dans leur
utilisation agricole comme engrais (art. 31c de l'ordonnance générale sur
la protection des eaux, ci-après OGPEP, RS 814.201, en vigueur depuis 1er
octobre 1992; auparavant, art. 1 al. 5 de l'ordonnance du 8 avril 1981
sur les boues d'épuration, ci-après OBEp, RO 1981 p. 408); l'autorité
cantonale est habilitée à prévoir - si possible - une autre utilisation
(cf. art. 31b al. 2 let. a, 31f, 31h let. d OGPEP).

    L'utilisation agricole est exclue lorsque les boues présentent une
teneur en polluants trop élevée (art. 31c al. 1 OGPEP; art. 2 OBEp) au
regard de l'annexe 4.5 de l'ordonnance sur les substances dangereuses
pour l'environnement (RS 814.013). L'autorité cantonale doit alors
déterminer les causes de la pollution et adapter, au besoin, les normes
applicables au déversement des eaux usées industrielles ou artisanales
à traiter par la station concernée (art. 31f al. 1 OGPEP; art. 14 al. 1
OBEp). Le déversement d'eaux présentant une concentration de polluants
trop élevée au regard de ces normes est interdit (art. 7 de l'ordonnance
sur le déversement des eaux usées; RS 814.225.21).

    Dans la présente affaire, la collectivité recourante soutient que les
entreprises intimées ont violé cette interdiction, qu'il en est résulté
pour elle-même l'obligation d'éliminer les boues d'épuration au lieu de
les mettre en valeur, et que ces entreprises sont dès lors responsables du
préjudice correspondant. L'acte de recours se réfère exclusivement à la
législation sur la protection des eaux; toutefois, saisi d'un recours de
droit administratif, le Tribunal fédéral peut appliquer d'office d'autres
dispositions de droit public fédéral (ATF 115 Ib 55 consid. 2b, 113 Ib
287 in fine, 107 Ib 89 consid. 1).

Erwägung 3

    3.- Selon l'arrêt attaqué, les prétentions du Syndicat sont fondées,
le cas échéant, sur l'art. 8 de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur
la protection des eaux contre la pollution (LPEP; RO 1972 I 958). Cette
disposition est demeurée en vigueur jusqu'au 31 octobre 1992. Elle
prévoyait que les frais provoqués par des mesures prises par les autorités
compétentes, destinées à empêcher une pollution imminente des eaux ou à
déterminer l'existence d'une pollution et y remédier, pouvaient être mis
à la charge de la personne qui en était la cause.

    Depuis le 1er novembre 1992, l'art. 8 LPEP est remplacé par l'art. 54
de la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux;
RS 814.20). Par ailleurs, depuis le 1er janvier 1985, l'art. 59 de la loi
fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01) s'applique
aux frais d'intervention relatifs à des atteintes à l'environnement. Ces
règles actuelles sont inspirées de l'art. 8 LPEP et étroitement analogues
à celui-ci. Cependant, à la différence de l'ancienne disposition,
l'art. 54 LEaux prévoit que l'imputation des frais à la personne qui en
est la cause est en principe obligatoire, alors qu'elle était auparavant
facultative. L'art. 59 LPE a également été révisé: dans sa nouvelle teneur,
adoptée par l'Assemblée fédérale le 21 décembre 1995 mais non encore
entrée en vigueur (FF 1996 I p. 255), il prévoit lui aussi l'imputation
obligatoire des frais (PAUL-HENRI MOIX, La prévention ou la réduction d'un
préjudice: les mesures prises par un tiers, l'Etat ou la victime, thèse,
Fribourg 1995, ch. 654 p. 238 et 674 et ss p. 247; sur les critères à
prendre en considération selon les anciennes dispositions, voir FELIX
MATTER, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, 1986, ch. 25 et 26 ad art.
59 LPE, et ATF 114 Ib 44 consid. 3 in fine).

    Les faits à l'origine des prétentions élevées contre Polissages
Gautier SA et Emile Hügi sont antérieurs au 1er novembre 1992. L'existence
et l'étendue de ces prétentions doivent être déterminées d'après les
dispositions en vigueur à cette époque, conformément au principe selon
lequel les lois ne sont pas rétroactives. En effet, les règles concernant
l'imputation des frais n'impliquent pas de dérogation à celui-ci car, alors
même qu'elles contribuent indirectement à la sauvegarde du milieu vital de
l'homme, elles ne sont pas établies dans l'intérêt de l'ordre public (ATF
101 Ib 410 consid. 3; arrêt du 15 juin 1994 dans la cause K., consid. 2a).

    L'art. 8 LPEP et l'art. 59 LPE, dans sa teneur d'origine, sont ainsi
applicables. Vu leur similitude, il n'est pas nécessaire de rechercher
si la présente affaire relève plutôt de l'une ou de l'autre de ces
dispositions.

Erwägung 4

    4.- Le Tribunal fédéral doit par contre examiner si l'élimination
des boues polluées constitue une intervention dont les frais puissent
être recouvrés.

    a) Dès 1955, la législation fédérale a prévu que les cantons pourraient
faire exécuter par voie de contrainte des mesures de protection des eaux
ou, au besoin, exécuter eux-mêmes ces mesures aux frais des personnes qui
en avaient la charge (art. 12 de la loi fédérale du 16 mars 1955 sur la
protection des eaux contre la pollution, RO 1956 p. 1635, remplacé dès
le 1er juillet 1972 par l'art. 7 LPEP et, actuellement, par l'art. 53
LEaux). Elle fournissait ainsi une base légale à la perception des frais
de l'exécution forcée dite par équivalent ou par substitution, à laquelle
on procède lorsque l'obligé ne se soumet pas à une décision exécutoire
prise contre lui.

    En 1971, l'art. 8 LPEP a été édicté dans le but de fournir une base
légale incontestée aussi à la perception des frais de mesures à exécuter
sans décision préalable, lorsqu'une injonction à la personne qui serait
en principe tenue de prendre ces mesures est inadéquate, par exemple
en raison de l'urgence, notamment parce que cette personne ne peut pas
être identifiée à temps, ou, surtout, lorsque celle-ci n'a de toute
manière pas les moyens techniques, économiques ou juridiques d'agir
elle-même (CLAUDE ROUILLER, L'exécution anticipée d'une obligation par
équivalent, in Mélanges André Grisel, p. 594 à 596; ELISABETH BÉTRIX,
Les coûts d'intervention - difficultés de mise en oeuvre, in Le droit de
l'environnement dans la pratique, 9/1995 p. 373).

    Le législateur n'avait aucun motif de limiter la perception des frais
aux seules mesures d'urgence, et de l'exclure pour les autres interventions
qui ne peuvent pas non plus être précédées d'une décision. Contrairement
à ce que semble indiquer le texte légal, l'art. 8 LPEP et l'art. 59 LPE
inspiré de celui-ci ne s'appliquent donc pas seulement à la prévention
des atteintes proprement "imminentes" aux eaux ou à l'environnement,
nécessitant l'intervention de l'autorité dans un laps de temps très
bref; selon leur sens véritable, ces règles visent l'ensemble des cas
dans lesquels l'autorité doit agir et où, pour des motifs de fait ou de
droit, une procédure administrative tendant à une décision exécutoire est
impossible ou inadéquate. Leur portée n'est toutefois pas sans limite:
conformément au principe selon lequel l'exécution forcée, notamment
par substitution, est subsidiaire à l'application amiable du droit,
l'autorité n'est pas autorisée à invoquer ces dispositions dans des cas
où elle aurait raisonnablement pu intervenir d'abord par la voie d'une
décision; en effet, dans le système de la loi fédérale de 1971, ces cas
demeuraient visés par l'art. 7 LPEP.

    b) La perception des frais se justifie d'abord par des motifs de
justice fiscale et de protection des finances publiques (ROUILLER,
ibidem). De plus, avec le développement de la législation sur la
protection de l'environnement, on considère que les art. 8 LPEP et 59
LPE concrétisent le principe de la causalité inscrit à l'art. 2 LPE,
selon lequel la personne qui est à l'origine d'une mesure légale de
protection de l'environnement doit en supporter les frais et être,
de cette façon, incitée à tenir compte de toutes les conséquences
écologiques de ses activités (BEATRICE WAGNER, Das Verursacherprinzip im
schweizerischen Umweltschutzrecht, RDS 108/1989 II p. 365/366 et ss; ANNE
PETITPIERRE-SAUVAIN, Le principe pollueur-payeur, RDS 108/1989 II p. 456;
MATTER, op.cit. ch. 7 et 8 ad art. 59 LPE). Cet objectif plus récent de la
législation fédérale doit aussi être pris en considération pour déterminer
le sens actuel des règles précitées: la perception des frais est elle-même,
indirectement, un instrument de la protection du milieu vital, de sorte
qu'elle doit recevoir l'application la plus étendue qui soit appropriée à
cet objectif et compatible avec le texte dûment interprété. Cela confirme
la portée qui pouvait être attribuée dès son origine à l'art. 8 LPEP.

    c) A titre de détenteur des boues polluées produites par la station
de Sonceboz, le Syndicat avait l'obligation d'éliminer ces déchets
(art. 30 al. 1 LPE). Pour ce motif déjà, il n'avait pas à enjoindre aux
entreprises intimées, préalablement, de pourvoir elles-mêmes à cette
tâche; au surplus, il est douteux que l'élimination eût pu être différée
jusqu'à l'identification de toutes les entreprises concernées et, enfin,
ces dernières n'auraient guère pu collaborer dans ce but d'une façon
simple et économique. En principe, sous réserve d'un examen complet de
l'ensemble des questions de fait et de droit déterminantes, le Syndicat
est donc autorisé à exiger le remboursement des frais sur la base des
art. 8 LPEP ou 59 LPE.

    Selon la doctrine et les décisions cantonales auxquelles les auteurs
se réfèrent, ces dispositions ne portent que sur les frais des mesures
nécessaires à la sauvegarde des eaux ou de l'environnement, à l'exclusion
du coût d'autres mesures de sécurité ou d'autres frais consécutifs à
l'événement (BÉTRIX, op.cit. p. 380/381; MATTER, op.cit. ch. 15 ad art. 59
LPE; voir aussi MOIX, op.cit. ch. 667 p. 244). Néanmoins, les frais ne
sauraient être déterminés de façon trop restrictive; en particulier, les
frais d'élimination de boues d'épuration polluées peuvent comprendre non
seulement les débours nécessaires à cette fin, mais aussi le sacrifice
des boues elles-mêmes, en tant que celles-ci, normalement, se prêtent à
l'utilisation agricole et ont dès lors une valeur marchande.

Erwägung 5

    5.- La prescription des créances fondées sur l'art. 8 LPEP ou sur
d'autres dispositions correspondantes n'est pas explicitement réglée
par la loi. Selon l'arrêt attaqué, le renvoi de l'art. 36 al. 3 LPEP à
l'art. 60 CO, concernant la responsabilité civile en matière de pollution
des eaux, est déterminant. Or, dans son arrêt du 17 décembre 1980 en la
cause X., le Tribunal fédéral a retenu que ces règles ne s'appliquent
pas à une telle créance, et que celle-ci se prescrit seulement dans un
délai de cinq ans dès le jour où l'intervention a été exécutée et que le
montant des frais est connu de l'autorité (ZBl 82/1981 p. 370 consid. 2;
voir aussi ATF 114 Ib 44 p. 54 consid. 4). Cette solution est issue
des principes ordinairement appliqués, en l'absence de réglementation
spéciale, à la prescription des créances de droit public (ATF 116 Ia 461
p. 464/465); elle doit être confirmée dans la présente espèce et elle
est pertinente aussi dans la mesure où l'art. 59 LPE est en cause. La
jurisprudence concernant la restitution de prestations de droit public,
à laquelle le Tribunal administratif se réfère dans ses observations,
est inspirée de dispositions spécifiques et de l'art. 67 CO relatif à
l'enrichissement illégitime (ATF 108 Ib 150 p. 156 consid. cc); elle
n'est donc pas concluante.

    Quelle que soit la date exacte à laquelle le Syndicat a connu le
montant total des frais d'élimination censément imputables aux intimés,
le délai de cinq ans n'était pas échu lors des décisions prises contre
ces derniers, et il a été interrompu tant par ces prononcés que, en
particulier, par les recours déposés devant le Tribunal administratif
puis le Tribunal fédéral. Le Syndicat est ainsi fondé à soutenir
que la prescription lui est opposée en violation du droit fédéral. Il
convient d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause au Tribunal
administratif, afin que cette juridiction examine les points de fait et
de droit qui n'ont pas encore été débattus en procédure cantonale.