Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 122 III 229



122 III 229

41. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 23 avril 1996 dans la
cause P. et consorts contre Etat de Vaud (procès direct) Regeste

    Direktprozess; Streitwert bei subjektiver Klagenhäufung.

    Die Regelung in Art. 47 Abs. 1 OG kann nicht auf den Direktprozess
ausgeweitet werden. Daher muss die Zuständigkeit des Bundesgerichts
als einzige Instanz für jede einzelne von Streitgenossen erhobene
Klageforderung im Sinn von Art. 24 Abs. 2 lit. b BZP gegeben sein (E. 2b).

    Werkeigentümerhaftung (Art. 58 OR). Natürliche Kausalität;
rechtmässiges Alternativverhalten.

    Begriff des rechtmässigen Alternativverhaltens (E. 5a/aa). Massgebende
Kriterien für die Beurteilung der Mangelhaftigkeit eines Werkes
(E. 5a/bb). Der mangelhafte Unterhalt eines Werkes kann als kausale
Schadensursache ausgeschlossen werden, wenn feststeht, dass auch bei
richtigem Unterhalt des Werkes weder der Schadenseintritt verhindert,
noch dessen Auswirkungen gemindert worden wären (E. 5b).

Sachverhalt

    A.- a) Le Nozon est un cours d'eau qui prend sa source à Vaulion
et se jette dans le Talent, après avoir parcouru 22 km. Dans sa partie
inférieure, entre Orny et le Talent, sa pente est peu prononcée, ce qui a
pour conséquence une capacité d'évacuation relativement faible. En 1854
encore, l'Entreprise de dessèchement des marais de l'Orbe a commencé
des travaux sur le trajet du Nozon. Un endiguement a été exécuté sur une
longueur de 6390 m à l'amont de la jonction avec le Talent. Ces travaux
ont permis d'absorber les crues courantes. Les inondations de la plaine
par débordement des cours d'eau ont cessé, sauf conditions météorologiques
exceptionnelles.

    Cependant, la plaine est demeurée marécageuse, car les eaux de pluie
et de drainage ne pouvaient pas s'en écouler. Deux canaux ont alors été
construits: le canal occidental, sur la rive gauche de l'Orbe/Thielle,
et le canal oriental, successeur de l'Entreroches, sur la rive droite. Un
assainissement, de type "gravitaire", de cette région a été entrepris. Les
eaux de drainage ont été amenées directement jusqu'au canal oriental, en
passant par-dessous le Nozon. Les eaux récupérées à un niveau supérieur
à celui des digues ont seules été conduites au Nozon.

    Les drainages "gravitaires" ont provoqué un abaissement du niveau
de la plaine constituée en grande partie de tourbe. La pratique de
l'agriculture a contribué au tassement des terres. Le niveau de la plaine
a ainsi baissé d'environ 1 m à 1,5 m. Un affaissement des digues s'est
aussi produit. Le tassement des tourbes a entraîné une modification de
la pente des drains. Une mare, tout d'abord temporaire puis permanente,
s'est formée entre la route Orbe-Orny et le Nozon. Des stations de pompage
ont été mises en place.

    Le Nozon a enregistré des crues de plus en plus fréquentes. Les
parties reconnaissent que l'urbanisation du bassin versant a joué un
rôle dans cette augmentation. Elles ne sont pas d'accord, en revanche,
en ce qui concerne l'incidence de l'adjonction des eaux de pompage. Le
niveau des eaux du Nozon se situe en général à environ 40 cm du sommet des
berges; il est maîtrisé, sauf sur le tronçon des "Marais-Villars", entre
les hectomètres 26 et 53, où se trouvent les fonds des demandeurs. Les
débordements chroniques dans ce secteur ont pour origine, selon l'Etat de
Vaud, l'abaissement du niveau de la plaine conjugué avec l'augmentation
des débits résultant de l'urbanisation et, dans une moindre mesure, des
stations de pompage. Les demandeurs en voient la cause dans la déformation
du profil en long du Nozon et dans son mauvais état d'entretien.

    b) Sous l'effet de fortes crues, le Nozon a très largement débordé
les 14 et 15 février, les 27 et 28 juin et encore le 1er juillet 1990. Il
en est résulté l'inondation d'installations et de cultures propriété
de P. et consorts. D'autres débordements se sont encore produits, le 6
janvier 1982 et le 22 décembre 1991, mais ils n'ont pas donné lieu à des
prétentions de la part des demandeurs. Enfin, l'expert fait état de deux
débordements survenus en 1993, soit en cours de procédure, lesquels ne
sont pas litigieux.

    B.- Par mémoire du 23 août 1991, les demandeurs ont introduit, devant
le Tribunal fédéral, une action en responsabilité dirigée contre l'Etat
de Vaud. P. y conclut à ce que le défendeur soit condamné à lui payer
6'841 fr.60, plus intérêts. Par la suite, il a augmenté ses conclusions
de 1'093 fr. Les deux autres demandeurs concluent, respectivement,
à l'allocation de 27'000 fr. et de 236'481 fr., intérêts en sus.

    Dans sa réponse du 14 février 1992, le défendeur conclut au rejet
des conclusions prises contre lui.

    La procédure probatoire a été ouverte le 9 juillet 1992. Une expertise
a été ordonnée et confiée à M. Paul Meylan, ingénieur civil EPF/SIA,
à Lausanne. Par ordonnance du 13 juillet 1995, la procédure probatoire
a été close et les parties invitées à déposer un résumé écrit de leurs
moyens. Les demandeurs l'ont fait le 4 septembre 1995 et le défendeur,
le 20 octobre 1995.

    C.- Aux débats principaux de ce jour, les avocats des parties ont
maintenu leurs conclusions précédentes au terme de leurs plaidoiries.

    Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les conclusions de P. et
rejeté celles des deux autres demandeurs.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- b) La valeur litigieuse est déterminée par les conclusions
de la demande (art. 36 al. 1 OJ). Les prétentions de deux des trois
demandeurs sont supérieures à 8'000 fr. Les conclusions de P., en
revanche, n'atteignent pas ce montant. Des demandeurs qui font valoir des
prétentions de même nature reposant sur une cause matérielle et juridique
essentiellement de même nature ne peuvent les joindre dans une seule
demande et agir en qualité de consorts que si la compétence du Tribunal
fédéral est donnée à l'égard de chacune d'elles (art. 24 al. 2 let. b PCF;
cumul subjectif, consorité formelle). Cette dernière exigence est limitée
aux procès directs, l'art. 47 al. 1 OJ l'ayant délibérément exclue en
matière de recours en réforme (ATF 103 II 41 consid. 1c p. 46).

    La réglementation de l'art. 47 al. 1 OJ peut-elle néanmoins être
étendue aux procès directs? BIRCHMEIER (Bundesrechtspflege, n. 7 ad
art. 41 OJ), en se référant à l'ATF 27 II 328 consid. 2 p. 360, propose
d'appliquer cette disposition par analogie. POUDRET (COJ, n. 3.3 ad
art. 41, p. 67) estime, au contraire, qu'il convient de s'en tenir au
principe selon lequel la compétence du Tribunal fédéral doit être donnée
à l'égard des prétentions de chaque demandeur. La référence faite par
le premier auteur ne peut être retenue car, si l'arrêt cité applique
certes directement les dispositions de l'OJ, il est antérieur à la loi
de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947. Il ressort du Message
accompagnant le projet de cette loi (FF 1947 I 1021) que son système a
été expressément voulu, la distinction étant nettement faite entre les
prétentions de divers demandeurs issues d'une même cause (art. 24 al. 2
let. a PCF) et celles de demandeurs n'ayant aucun lien juridique entre
eux avant le procès mais qui, comme dans la présente cause, s'unissent
uniquement pour agir ensemble en justice (art. 24 al. 2 let. b PCF). Le
principe de l'économie du procès conduit, il est vrai, à se demander s'il
ne serait pas opportun de permettre à P. de faire dire le droit sur sa
prétention dans le même procès que les deux autres demandeurs. Cependant,
s'il fallait admettre l'addition des diverses prétentions, il serait
possible de soumettre au Tribunal fédéral, par la voie du procès direct,
des prétentions dont aucune, prise séparément, ne pourrait l'être. Ce
serait aller à l'encontre de la volonté du législateur. L'action de
P. doit dès lors être déclarée irrecevable.

Erwägung 5

    5.- Il reste à déterminer le rôle causal du défaut d'entretien de
l'ouvrage dans la survenance du dommage.

    a) aa) Pour conclure à sa libération des fins de la présente action
en paiement, le défendeur fait valoir, entre autres arguments, que le
dommage allégué par les demandeurs se serait produit de la même manière si
l'ouvrage litigieux avait été entretenu correctement. En d'autres termes,
l'Etat de Vaud soutient que le dommage serait survenu même en l'absence du
chef de responsabilité invoqué par les demandeurs. Il soulève, ce faisant,
le problème du comportement de substitution licite, de la solution de
rechange conforme au droit ou encore du succédané légal, pour tenter de
rendre, par ces trois expressions interchangeables, ce que les auteurs
de langue allemande appellent "das rechtmässige Alternativverhalten".

    Cette notion n'est pas étrangère à la jurisprudence du Tribunal
fédéral. Ainsi, dans l'ATF 115 II 440, il a été jugé qu'en cas
d'inexécution d'un contrat par omission, la partie contractante en
faute peut être admise, sous certaines conditions, à faire valoir que,
même si elle avait rempli ses obligations conformément au contrat, son
cocontractant n'en aurait pas moins subi un dommage identique. La même
faculté a été reconnue, dans un arrêt non publié du 24 avril 1990 (cause
4C.217/1988, consid. 3c), à un travailleur qui avait violé positivement le
contrat en détournant des anciens collègues de travail, avant de quitter
son employeur, et en les faisant embaucher par la société qu'il venait
de créer; le défendeur a été autorisé à démontrer que, pour partie, le
dommage allégué par le demandeur se fût produit même dans l'hypothèse où
il eût exécuté toutes ses obligations contractuelles, étant donné que, en
l'absence d'une clause de prohibition de faire concurrence, rien ne l'eût
empêché d'obtenir, par des moyens licites, le transfert de ses ex-collègues
dans sa propre entreprise. Plus récemment, en matière de responsabilité
de l'Etat pour l'activité médicale hospitalière, le Tribunal fédéral est
entré en matière sur l'objection du consentement hypothétique du patient
après avoir conclu à la violation du devoir d'informer incombant au médecin
(ATF 117 Ib 197 consid. 5c p. 208). S'agissant de la responsabilité du
propriétaire d'un ouvrage, et plus précisément de celle d'une collectivité
publique pour défaut de signalisation, il n'a pas exclu la prise en
considération de l'objection de la défenderesse voulant que la présence
du signal "Hauteur maximale" n'eût pas retenu le chauffeur du véhicule
endommagé de s'engager sous une voûte trop basse pour ledit véhicule,
mais il y a vu un problème de causalité naturelle dont la solution ne
pouvait pas être critiquée par la voie du recours en réforme (ATF 108 II
51 consid. 3 p. 54 in limine, 103 II 240 consid. 4a).

    La notion de comportement de substitution licite et l'objection
correspondante, qui sont une création de la doctrine et de la jurisprudence
allemandes, ont également trouvé un certain écho chez quelques auteurs
suisses (cf. surtout, parmi d'autres, BERNHARD STUDHALTER, Die Berufung
des präsumtiven Haftpflichtigen auf hypothetische Kausalverläufe -
Hypothetische Kausalität und rechtmässiges Alternativverhalten, thèse
Zurich 1995, passim et p. 171 ss, avec de nombreuses références; voir
aussi: GAUCH/SCHLUEP, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil,
vol. II, 6e éd., n. 2722; REY, Ausservertragliches Haftpflichtrecht,
n. 644 ss; KRAMER, Die Kausalität im Haftpflichtrecht: Neuere Tendenzen
in Theorie und Praxis, in: RJB 123/1987, p. 289 ss, 292 ss). Cette
notion se distingue des notions de causalité hypothétique et de causalité
outrepassante en ce sens que, contrairement à ces dernières, qui font appel
à des circonstances externes, généralement postérieures à la survenance
du dommage, et sur lesquelles le responsable n'a pas de prise, elle fait
intervenir, à titre de solution de rechange, le propre comportement du
responsable, mais un comportement conforme au droit (STUDHALTER, op.cit.,
p. 180/181; GAUCH/SCHLUEP, ibid.). Elle n'a rien à voir non plus avec
la causalité cumulative et la causalité alternative (sur ces notions,
introduites par VON TUHR, cf. DESCHENAUX/TERCIER, La responsabilité civile,
2e éd., n. 29 ad § 4 et la référence à l'auteur allemand). La doctrine
ne traite pas les actes et les omissions sur le même pied lorsqu'elle
cherche à quoi rattacher, d'un point de vue théorique, l'objection
tirée du comportement de substitution licite (sur la problématique,
cf. STUDHALTER, op.cit., p. 205 ss et p. 243 ss). En ce qui concerne
les premiers, elle considère, tour à tour, ladite objection comme un
aspect de la causalité naturelle, voire de l'évaluation du dommage,
ou, dans sa majorité, comme un problème mettant en jeu le but protecteur
(Schutzzweck) de la norme violée, respectivement la relation existant entre
le comportement contraire au droit et le dommage subséquent (relation
d'illicéité, Rechtswidrigkeitszusammenhang), ces deux dernières notions
étant d'ailleurs souvent utilisées l'une pour l'autre. Il n'y a pas lieu de
s'attarder sur cette querelle doctrinale dès lors que le défendeur se voit
reprocher en l'espèce des omissions, soit le défaut d'entretien suffisant
de l'ouvrage dont il est propriétaire. A l'égard de celles-ci, les opinions
convergent pour constater qu'entre l'acte omis et le résultat constaté,
le rapport de cause à effet est nécessairement hypothétique, de sorte qu'à
ce stade déjà il convient de se demander si le dommage serait survenu au
cas où l'intéressé aurait agi conformément au droit. En d'autres termes,
le juge doit d'emblée supputer les incidences concrètes de l'acte omis
pour décider si l'omission a porté à conséquence dans le cas concret, ce
qui suppose qu'il recherche, au préalable, en fonction du but protecteur
de la disposition légale (ou du principe juridique) entrant en ligne de
compte et des circonstances propres à la cause en litige, quel eût été
l'acte à ne pas omettre in casu. Rapportée au problème de la responsabilité
du propriétaire d'un ouvrage, cette démarche consiste, en premier lieu,
à faire le départ entre un ouvrage défectueux et un ouvrage exempt de
défauts, sur le vu des circonstances de fait pertinentes, puis à examiner
si le propriétaire, en accomplissant en temps utile les actes nécessaires
au maintien de l'ouvrage litigieux dans un état correspondant au niveau
de construction ou d'entretien requis dans le cas d'espèce, eût empêché
la survenance du dommage qui est survenu. En cas de réponse affirmative,
l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'omission et le dommage
qui s'est produit devra être admise et la responsabilité du propriétaire
de l'ouvrage reconnue. Dans l'hypothèse inverse, la responsabilité dérivant
de l'art. 58 CO devra être exclue, faute d'un tel lien.

    bb) Pour juger du caractère défectueux ou non d'un ouvrage, il y a
lieu de se baser sur le but qui lui a été assigné. Un ouvrage est donc
défectueux s'il ne répond pas à ce que l'on attend de lui. Par "on",
il faut entendre, non pas le propriétaire de l'ouvrage, mais le public
en général et ses utilisateurs en particulier. Il ne suffit pas qu'un
ouvrage soit adapté à l'usage prévu, dans l'esprit et aux yeux de son
propriétaire, autrement dit qu'il soit subjectivement conforme à sa
destination. Encore faut-il qu'il satisfasse aux exigences objectives
que tout ouvrage similaire devrait remplir dans des circonstances
identiques. Ainsi, à supposer qu'un cours d'eau doive être aménagé
objectivement pour résister à des crues d'un temps de retour de 30 ans,
son propriétaire ne pourra pas objecter qu'il a jugé suffisante une
résistance à des crues d'un temps de retour de 10 ans seulement et qu'il a
dimensionné l'ouvrage en fonction de cet intervalle. La raison en est que
le défaut d'un ouvrage donné se détermine à l'aide d'un critère objectif,
en considération de ce qui peut se passer, selon l'expérience de la vie,
au lieu en question (ATF 96 II 36). Mais la réciproque est également vraie:
le critère objectif s'applique aussi lorsque le propriétaire de l'ouvrage
a pris des mesures de sécurité dépassant celles qui étaient objectivement
commandées pour l'ouvrage considéré. En pareille hypothèse, l'existence
d'un défaut ne pourra être admise que si l'ouvrage en question ne répond
plus aux exigences de sécurité qui peuvent être raisonnablement fixées
pour une telle installation. En juger autrement reviendrait à pénaliser
le propriétaire qui en fait davantage que ce que la loi lui impose. Ce
serait étendre, sans raison valable, le champ d'application de l'art. 58
CO. Semblable extension ne se justifierait, à la rigueur, que si elle
pouvait se fonder sur des assurances spécifiques fournies par contrat ou
être commandée par la nécessité de protéger la confiance éveillée à cet
égard chez une personne déterminée par le propriétaire de l'ouvrage. Rien
de tel n'est cependant allégué en l'espèce par les demandeurs. Aussi, pour
reprendre l'exemple précité, si, d'un point de vue objectif, un ouvrage du
même type que l'ouvrage litigieux doit supporter des crues susceptibles
de se reproduire tous les 10 ans, le propriétaire qui a dimensionné son
ouvrage afin qu'il résiste à des crues d'un temps de retour de 30 ans
n'engagera, en principe, pas sa responsabilité fondée sur l'art. 58 CO tant
et aussi longtemps qu'il maintiendra ledit ouvrage dans un état tel qu'il
ne soit pas affecté par des crues d'un temps de retour de 10 ans au plus.

    b) Selon les constatations de fait de la Cour de céans, fondées sur
les conclusions de l'expert judiciaire, le temps de retour de la crue du 15
février 1990 était de 50 ans au moins et celui de la crue de juin/juillet
1990 supérieur à 100 ans. Dans son état initial, soit celui de 1951, le
tronçon du Nozon en cause pouvait absorber des crues d'un temps de retour
d'environ 100 ans, alors qu'au moment où le dommage allégué est survenu,
il ne pouvait plus retenir que des crues d'un temps de retour de quelque
14 ans en raison de son entretien défectueux.

    Sur la base des indications de l'expert tirées de l'étude de
P. Chausson et M. Boussekine, il faut admettre que l'ouvrage litigieux,
surdimensionné à l'origine, n'aurait pas pu être qualifié de défectueux,
eu égard à la nature des fonds à protéger, s'il avait pu absorber des
crues d'un temps de retour de 30 ans. Pour le surplus, il ne ressort
pas de l'expertise que l'importance quantitative des crues ait eu une
quelconque incidence sur l'ampleur du dommage subi par les demandeurs. Il
s'ensuit qu'un ouvrage dimensionné de manière à contenir des crues d'un
temps de retour de 30 ans, soit un ouvrage exempt de défauts, n'aurait
pas empêché la survenance du dommage qui s'est effectivement produit,
ni n'en aurait réduit les effets. En d'autres termes, si le défendeur
avait adopté un comportement conforme au droit, le résultat eût été le
même. Il n'y a donc pas ici, entre l'omission contraire à la loi et le
dommage constaté, la relation de cause à effet nécessaire qui permettrait
d'attribuer celui-ci à celle-là, comme c'eût été le cas si le dommage
subi par les demandeurs avait été le fait de crues d'un temps de retour
égal ou inférieur à 30 ans. Par conséquent, l'action en paiement ouverte
contre l'Etat de Vaud ne peut qu'être rejetée, étant donné l'absence de
caractère causal des omissions relevées.