Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 122 III 139



122 III 139

29. Arrêt de la Ire Cour civile du 29 avril 1996 dans la cause Fondation M.
contre Banque X. (recours en réforme) Regeste

    Zuständigkeit im internationalen Verhältnis; Einrede der
Schiedsgerichtsbarkeit (Art. 7 lit. b IPRG).

    Der staatliche Richter, vor welchem die Einrede seiner Unzuständigkeit
zugunsten eines Schiedsgerichts mit Sitz in der Schweiz erhoben wird,
hat seine Zuständigkeit abzulehnen, wenn eine summarische Prüfung
der Schiedsvereinbarung nicht deren Hinfälligkeit, Unwirksamkeit oder
Nichterfüllbarkeit ergibt.

Sachverhalt

    A.- Le 23 janvier 1990, les héritiers de feu C. ont signé une
convention relative aux fonds du défunt, détenus par deux fondations
de droit liechtensteinois, qui avaient été transférés à la Banque X., à
Genève. Par cet acte, ils sont convenus de répartir en deux parts égales
les avoirs de l'une de ces deux fondations et d'attribuer l'une de ces
parts à une nouvelle fondation de droit liechtensteinois, la Fondation M.,
dont le bénéficiaire serait M. C., fils du de cujus.

    Selon l'art. 6 de ladite convention, Me L., avocat à Genève et
administrateur de la Banque X. depuis janvier 1989, serait chargé,
entre autres opérations, de procéder à la constitution de la Fondation
M. L'art. IV des statuts auxiliaires de celle-ci prévoyait la désignation
de ladite banque en tant qu'organe de contrôle de la fondation.

    Par contrat de mandat passé à la même date entre les deux
représentants des hoirs précités et Me L., ce dernier a été invité à
constituer la Fondation M. et à désigner la Banque X. comme organe de
contrôle. L'art. VI du contrat soumettait l'exécution du mandat aux règles
de l'Ordre des avocats genevois figurant sur la procuration signée par
les représentants des hoirs.

    La Fondation M. en formation, représentée par Me L., et la Banque
X. ont signé, le 25 janvier 1990, un accord aux termes duquel la banque
était désignée comme organe de contrôle et percevrait, en rémunération
de son activité, la somme de 6'000 fr. par an à débiter du compte de
la Fondation M. La convention du 25 janvier 1990 contenait, en outre,
la clause suivante:

    "Pour tout litige les parties conviennent de s'en remettre à un arbitre
   unique désigné d'un commun accord et, à défaut, désigné par le
   Président de la Cour de justice du canton de Genève. Le droit suisse
   est applicable."

    En février 1993, l'avocat des membres du conseil de la Fondation M. a
sommé la Banque X. de transférer la totalité des actifs de la fondation
à la Banque Y., à Genève. La banque s'est exécutée à la fin du mois en
question. Le relevé de compte de la Fondation M. auprès de la Banque
X. révèle que des débits ont été effectués pour un montant total de
44'605 fr., dont 24'000 fr. à titre de frais de l'organe de contrôle. La
fondation a contesté la validité de ces opérations et demandé - en vain -
à la Banque X. de lui verser la susdite somme.

    Le 9 mars 1994, la Fondation M. a assigné la Banque X. devant
les tribunaux étatiques genevois afin d'obtenir le paiement des 44'605
fr. précités, plus intérêts. Dans sa réponse, la défenderesse a soulevé une
exception d'arbitrage en concluant à ce que le tribunal saisi se déclare
incompétent ratione materiae pour statuer sur la conclusion visant à la
restitution des 24'000 fr. correspondant à la rémunération de l'organe
de contrôle et inclus dans la prétention globale déduite en justice.

    Par jugement du 1er mars 1995, le Tribunal de première instance
du canton de Genève s'est prononcé dans le sens voulu par la
défenderesse. Statuant sur appel de la Fondation M., la Cour de justice
du canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 28 septembre 1995.

    La Fondation M. interjette un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut à ce qu'il soit dit que le droit liechtensteinois
est exclusivement applicable à la question de savoir si elle est liée par
la convention du 25 janvier 1990 contenant la clause compromissoire et à
ce que l'affaire soit renvoyée à la Cour de justice pour qu'elle examine
la validité de ladite clause au regard de ce droit avant de statuer sur sa
compétence ratione materiae. A titre subsidiaire, la demanderesse conclut à
ce qu'il soit constaté qu'elle n'est pas liée par la convention incluant la
clause compromissoire, de sorte que les tribunaux étatiques genevois sont
compétents ratione materiae pour connaître de l'intégralité du litige,
et, partant, à ce que la cause soit renvoyée à la Cour de justice afin
qu'elle en ordonne l'instruction au fond.

    La défenderesse propose le rejet du recours et la confirmation de
l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'arrêt entrepris a été rendu par le tribunal suprême du canton
dans le cadre d'une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse
8'000 fr. Le prononcé incriminé, qui met fin au procès sans statuer
sur l'action de la demanderesse, constitue une décision incidente prise
séparément du fond, au sens de l'art. 49 al. 1 OJ (consid. 1, non publié,
de l'ATF 121 III 38; POUDRET, COJ, n. 1.2 ad art. 49, p. 327 in fine). Dès
lors que la demanderesse invoque la violation d'une prescription de droit
fédéral sur la compétence à raison de la matière (art. 7 let. b LDIP;
RS 291), son recours en réforme est recevable en vertu de la disposition
citée.

Erwägung 2

    2.- a) La cour cantonale s'est fondée à bon droit sur l'art.  7 let. b
LDIP pour statuer sur sa compétence. En effet, la Convention de New York
pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères
(RS 0.277.12) n'est pas applicable en l'espèce puisque le tribunal arbitral
à constituer aurait son siège en Suisse (cf., à ce sujet, WERNER WENGER,
in: Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Internationales Privatrecht,
Bâle, n. 7 ad art. 7 LDIP). Quant à la Convention entre la Suisse et le
Liechtenstein sur la reconnaissance et l'exécution de décisions judiciaires
et de sentences arbitrales en matière civile (RS 0.276.195.141), elle
ne contient pas de disposition spécifique sur l'exception d'arbitrage,
contrairement à celle de New York (art. II al. 3). C'est donc bien
la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé
qui s'applique à l'exception d'arbitrage soulevée par la défenderesse
(art. 1er al. 1 LDIP).

    b) Aux termes de l'art. 7 let. b LDIP, si les parties ont conclu
une convention d'arbitrage visant un différend arbitrable, le tribunal
suisse déclinera sa compétence à moins qu'il ne constate que la
convention d'arbitrage est caduque, inopérante ou non susceptible d'être
appliquée. Cette disposition habilite le juge ordinaire à examiner, à
titre préjudiciel, la validité de la convention d'arbitrage pour statuer
sur sa propre compétence. Se pose ainsi la question, controversée, de
l'étendue du pouvoir d'examen du juge étatique.

    Il est généralement admis que, si le juge étatique est saisi d'une
exception d'arbitrage et que le tribunal arbitral a son siège en Suisse,
le juge se limitera à un examen sommaire de l'existence prima facie d'une
convention d'arbitrage, afin de ne pas préjuger de la décision du tribunal
arbitral sur sa propre compétence (BERNARD DUTOIT, Commentaire de la loi
fédérale du 18 décembre 1987, n. 1 ad art. 186; LALIVE/POUDRET/REYMOND,
Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, n. 16 ad
art. 186 LDIP). Ce point de vue est partagé par le Tribunal fédéral. En
effet, dans un récent arrêt, la Ire Cour civile a posé que, si le tribunal
arbitral a son siège à l'étranger, le juge étatique suisse, devant lequel
une exception d'arbitrage est soulevée, doit statuer avec plein pouvoir
d'examen; et elle a précisé que l'avis des auteurs précités ne peut être
suivi que dans la mesure où la question de la compétence est tranchée en
dernier ressort par le juge ordinaire appelé à connaître de la compétence
du tribunal arbitral, ce qui implique que la procédure arbitrale réclamée
soit soumise au concordat suisse sur l'arbitrage ou à la loi fédérale
sur le droit international privé (ATF 121 III 38 consid. 2b p. 42, qui
se réfère à l'opinion de PAUL VOLKEN, IPRG-Kommentar, n. 26/27 ad art. 7).

    WERNER WENGER (op.cit., n. 6/7 ad art. 186 LDIP) estime, contrairement
à l'avis des auteurs précités et à celui du Tribunal fédéral, que le
juge étatique devant lequel est soulevée une exception d'arbitrage, en
application de l'art. 7 LDIP, doit examiner sans restriction la validité
et la portée de la convention d'arbitrage, et cela même dans l'hypothèse
où le tribunal arbitral à former aurait son siège en Suisse. Cet auteur
précise que la décision par laquelle le juge étatique décline sa compétence
ne constitue pas pour autant une décision positive de compétence pour le
tribunal arbitral, car la reconnaissance de la validité de la convention
d'arbitrage n'est que le motif de la décision d'incompétence du juge
étatique et ne bénéficie pas de la force de chose jugée.

    Aucune raison déterminante n'impose au Tribunal fédéral de modifier
son point de vue, même s'il a été exprimé dans un obiter dictum. Non
seulement ce point de vue correspond à l'avis de la doctrine dominante,
mais il est conforme au sens de l'art. 7 let. b LDIP (ainsi qu'à celui de
l'art. II al. 3 de la Convention de New York), qui impose ("déclinera")
au juge étatique de décliner sa compétence en présence d'une convention
d'arbitrage, sauf s'il constate qu'elle est caduque, inopérante ou non
susceptible d'être appliquée. Or, une telle constatation ne peut être
raisonnablement faite que si elle apparaît comme évidente, sans qu'il soit
nécessaire d'approfondir la question, puisque de toute façon, à défaut
de pareille évidence, le tribunal arbitral sera habilité à statuer, au
besoin, sur sa propre compétence en vertu de l'art. 186 LDIP, en tout
cas si le tribunal arbitral a son siège en Suisse.

    Force est, dès lors, d'admettre, en confirmation de l'avis exprimé
dans l'arrêt précité, que, si le juge étatique est saisi d'une exception
d'arbitrage et que le tribunal arbitral a son siège en Suisse, le juge
devra décliner sa compétence si l'examen sommaire de la convention
d'arbitrage ne lui permet pas de constater que celle-ci est caduque,
inopérante ou non susceptible d'être appliquée.

    c) La convention d'arbitrage litigieuse a toutes les apparences
de la validité, sans que se manifestent, avec une certaine évidence
pouvant ressortir d'un examen prima facie, des éléments permettant de
la qualifier de caduque, d'inopérante ou d'inapplicable. De fait, les
personnes physiques désireuses de créer la Fondation M. ont confié à Me L.,
par contrat du 23 janvier 1990, le mandat de procéder à la constitution de
ladite fondation et de désigner la Banque X. comme organe de contrôle de
celle-ci. Elles ont précisé, dans ce contrat, que l'exécution du mandat
était soumise aux règles de l'Ordre des avocats de Genève, telles que
reproduites sur l'exemplaire de "procuration" annexé audit contrat; ces
règles, qui figurent dans la procuration datée du même jour, confèrent
à Me L. des pouvoirs très étendus, dont celui de compromettre. Puis, par
contrat du 25 janvier 1990 passé avec la Banque X., cet avocat, agissant
pour la Fondation M. en formation sur la base du contrat de mandat,
a désigné la Banque X. comme organe de contrôle de la fondation et fixé
la façon dont cet organe serait rémunéré. C'est dans ce dernier contrat
qu'a été introduite, en lettres majuscules, la clause arbitrale contestée.

    En présence d'une telle clause, parfaitement claire et signée
par un mandataire dûment habilité à compromettre, le juge étatique
saisi pouvait admettre sans hésitation l'existence prima facie d'une
convention d'arbitrage; il n'avait pas à examiner de surcroît si le droit
liechtensteinois invoqué par la Fondation M. restreignait les pouvoirs
conférés expressément au mandataire en vertu d'une procuration soumise par
ailleurs au droit suisse, d'après son texte même. Exiger davantage de la
part du juge étatique reviendrait à faire de l'art. 7 LDIP un instrument
de paralysie de la procédure arbitrale.

    C'est donc à juste titre, et sans violer cette disposition, que le
premier juge a décliné sa compétence et que la cour cantonale a approuvé sa
décision. Le recours de la demanderesse ne peut dès lors qu'être rejeté.