Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 V 35



121 V 35

7. Arrêt du 23 janvier 1995 dans la cause R. contre La Bâloise Assurances
et Tribunal administratif, Genève Regeste

    Art. 9 Abs. 1 UVV: Unfallbegriff. Begriffsmerkmal der Ungewöhnlichkeit
des äusseren Faktors bei medizinischen Eingriffen. In casu Schädigung von
Nerven an der Hand anlässlich einer äusserst schwierigen und heiklen
Operation an einem Narbengewebe, hervorgerufen durch verschiedene
vorgängige Operationen. Kein ungewöhnlicher äusserer Faktor.

Sachverhalt

    A.- a) R. travaille comme secrétaire. A la suite d'une opération
pratiquée en 1970 à la main gauche par le docteur C., elle a développé
une hyperpathie postopératoire, c'est-à-dire une hypersensibilité dans
la région de la cicatrice. Il est apparu plus tard un syndrome du tunnel
carpien (syndrome d'étranglement du nerf médian dans la région du poignet).

    En 1974, R. a consulté le professeur X, spécialiste FMH en chirurgie
et en chirurgie de la main. Ce médecin l'a opérée le 8 juillet 1974,
en procédant à une correction de la cicatrice et à une libération du
nerf médian. Peu de temps après, la cicatrice de l'intervention devint
hypersensible. Des troubles apparurent sous la forme de ténosynovite
de Quervain, de pouce à ressaut et d'une récidive de syndrome de
tunnel carpien. La patiente fut à nouveau opérée par le professeur X,
le 8 juillet 1976. Comme une fermeture directe n'était pas possible,
après excision de la cicatrice, un lambeau inguinal fut mis en place au
talon de la main. Cette opération fut suivie de trois interventions pour
"autonomiser" le lambeau et fermer les divers "défects" cutanés.

    Les suites postopératoires furent difficiles. En particulier,
le pourtour du lambeau de peau greffé est devenu hypersethésique
et dysesthésique, au point de rendre tout attouchement à nouveau
impossible. Divers traitements conservateurs n'apportèrent pas
d'amélioration.

    Ultérieurement, le professeur X pratiqua deux nouvelles opérations,
à la main droite cette fois, en 1984 et 1988.

    b) Le 30 mars 1992, le professeur X revit sa patiente pour une
aggravation des symptômes. Dans l'intervalle, ce dernier avait mis
au point une nouvelle application pour l'expansion cutanée, servant
à traiter les zones de peau dénervée et douloureuse. Il s'agissait de
dilater progressivement la peau saine proche de celle qui était malade
au moyen de ballons gonflables appelés "expanders". Lorsque l'expansion
de la peau saine est suffisante, les "expanders" sont enlevés. La peau
malade est alors excisée et remplacée par la peau excédentaire. Il fut
décidé d'appliquer ce traitement à la patiente.

    L'intervention d'excision du lambeau eut lieu le 9 septembre 1992. Lors
de la dissection du tissu cicatriciel, il se produisit une section d'un
rameau du nerf cubital, puis une hémisection du nerf médian, qui étaient
tout deux enclavés dans la cicatrice. Constatant immédiatement l'incident,
le professeur X tenta de réparer au mieux les lésions nerveuses qu'il
avait provoquées. Cependant, en raison de ces lésions, la patiente a
perdu complètement la sensibilité tactile du pouce, de l'index, du majeur
et de la moitié de l'auriculaire de la main gauche.

    c) Le 17 septembre 1992, le professeur X a écrit à la Zurich
Assurances, qui l'assurait en responsabilité civile, pour l'informer
de ces faits. Il estimait avoir commis une erreur de jugement et une
maladresse engageant sa responsabilité de chirurgien.

    B.- Par l'entremise de son employeur, R. a, le 10 décembre 1992,
annoncé le cas à la Compagnie d'Assurances La Bâloise, auprès de laquelle
elle était obligatoirement assurée contre les accidents.

    Par décision du 15 mars 1993, La Bâloise a refusé d'allouer
des prestations à son assurée, motif pris que les lésions subies par
celle-ci au cours de l'opération du 9 septembre 1992 ne résultaient pas
d'un accident.

    Saisie d'une opposition de l'assurée, La Bâloise l'a rejetée, par une
nouvelle décision, du 21 avril 1993. Elle a considéré, sur la base d'un
rapport du 2 mars précédent, établi par le docteur M., spécialiste en
chirurgie de la main, que la section des deux nerfs en question faisait
partie des risques inhérents de l'intervention, rendue difficile en raison
du tissu cicatriciel modifié par de nombreuses opérations antérieures. Dans
de telles conditions, l'existence d'un accident devait être niée, faute
de toute cause extérieure extraordinaire.

    C.- Par jugement du 7 décembre 1993, le Tribunal administratif du
canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette décision par R.

    D.- R. interjette un recours de droit administratif dans lequel
elle conclut à l'annulation du jugement cantonal et demande au Tribunal
fédéral des assurances de reconnaître comme un accident l'événement du
9 septembre 1992.

    La Bâloise conclut au rejet du recours.

    E.- Le 25 juillet 1994, la recourante a déposé un rapport établi le
17 mars 1994, à la demande du bureau d'expertise extrajudiciaire de la
Fédération des médecins suisses (FMH), par le professeur B.

    L'intimée a pris connaissance de ce rapport et s'est déterminée à
son sujet par écriture du 27 juillet 1994.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Selon l'art. 9 al. 1 OLAA, on entend par accident toute
atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain
par une cause extérieure extraordinaire. Cette définition correspond à
celle que la jurisprudence constante avait donnée de l'accident, sous
réserve d'une modification d'ordre purement rédactionnel (ATF 118 V 61
consid. 2a, 283 consid. 2a et les références).

    Avec l'adoption par le peuple de la loi fédérale sur
l'assurance-maladie (LAMal) du 18 mars 1994, il existe désormais - et
pour la première fois - une définition légale de l'accident, qui figure
à l'art. 2 al. 2 de cette loi. Cette définition, qui reprend celle
de l'art. 9 al. 1 OLAA, avec une précision relativement aux effets de
l'atteinte corporelle, est la suivante: "Par accident, on entend toute
atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain
par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique
ou mentale." Cette dernière phrase constitue quant à elle une version
simplifiée du texte adopté par le Conseil des Etats à l'art. 4 al. 1 de
la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
("... qui compromet temporairement ou de manière permanente la santé
physique ou mentale ou qui entraîne la mort" [FF 1991 II 183]).

    Il résulte de la définition même de l'accident (au sens de l'art. 9
al. 1 OLAA comme au sens de l'art. 2 al. 2 LAMal) que le caractère
extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur
extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que
le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves
ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire
lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et
des situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens
ou d'habituels (ATF 118 V 61 consid. 2b, 283 consid. 2a ainsi que les
références).

    b) Le point de savoir si un acte médical est comme tel un facteur
extérieur extraordinaire au sens de l'art. 9 al. 1 OLAA doit être tranché
sur la base de critères médicaux objectifs. Selon la jurisprudence,
le caractère extraordinaire d'une telle mesure est une exigence dont la
réalisation ne saurait être admise que de manière sévère. Il faut que,
compte tenu des circonstances du cas concret, l'acte médical s'écarte
considérablement de la pratique courante en médecine et qu'il implique
de ce fait objectivement de gros risques (ATF 118 V 61 consid. 2b). Le
traitement d'une maladie en soi ne donne pas droit au versement de
prestations de l'assureur-accidents, mais une erreur de traitement peut,
à titre exceptionnel, être constitutive d'un accident, dès lors qu'il
s'agit de confusions ou de maladresses grossières et extraordinaires,
voire d'un préjudice intentionnel, avec lesquels personne ne comptait
ni ne devait compter (MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht,
p. 181 et note 369). Quant à l'indication d'une intervention chirurgicale,
elle n'est pas un critère juridiquement pertinent pour juger si un acte
médical répond à la définition légale de l'accident (ATF 118 V 283).

    La question de l'existence d'un accident, au sens du droit de
l'assurance-accidents obligatoire, sera tranchée indépendamment du point
de savoir si l'infraction aux règles de l'art dont répond le médecin
entraîne une responsabilité (civile ou de droit public). Il en va de même
à l'égard d'un jugement pénal éventuel sanctionnant le comportement du
médecin (RAMA 1993 no U 159 p. 33 consid. 2b et les références).

    c) Conformément à ces principes, la jurisprudence admet par exemple
l'existence d'un accident, imputable à une cause extérieure extraordinaire,
dans le cas d'une confusion en matière de groupes sanguins ou en matière
d'agents anesthésiques (ATFA 1961 p. 206 consid. 2a et les références) ou
dans le cas d'une accumulation d'erreurs à l'occasion d'une angiographie
(considérants 4 et 5 non publiés au RO de l'arrêt ATF 118 V 283, mais
partiellement reproduits dans le Courrier suisse des assurances, 1994, 1
p. 32) ou lors d'une anesthésie (RAMA 1993 no U 176 p. 204). Elle l'a niée,
en revanche, à propos d'une perforation par erreur de la sclérotique,
à l'occasion d'une injection subcorticale parabulbaire au Celeston
(Extr. CNA 1990 no 1) ou s'agissant du choix, hautement discutable,
d'une technique opératoire (RAMA 1988 no U 36 p. 42).

Erwägung 2

    2.- a) En l'espèce, on ne peut pas dire que l'intervention pratiquée le
9 septembre 1992 s'écartait considérablement de la pratique courante. Selon
une lettre de l'Hôpital cantonal universitaire au mandataire de la
recourante, du 30 avril 1993, l'intervention consistant à provoquer
l'extension de la peau saine pour remplacer une peau cicatricielle est
certes une technique relativement récente dans le domaine de la chirurgie
de la main (elle est en revanche couramment appliquée dans le domaine de
la chirurgie esthétique). Mais la lésion de deux nerfs s'est produite,
en l'espèce, au cours d'un acte chirurgical qui n'avait en soi rien
d'exceptionnel, savoir l'excision de la peau cicatricielle. Au demeurant,
la chirurgie est un domaine qui comporte de constants développements et
l'on ne saurait qualifier d'accident toute erreur ou maladresse commise
dans l'application d'une nouvelle technique opératoire.

    b) En fait, comme cela ressort du rapport d'expertise du professeur B.,
le professeur X a omis de prendre toutes les précautions nécessaires lors
de la préparation du nerf médian, alors qu'il savait, pour avoir déjà
opéré plusieurs fois la patiente, qu'il pouvait y avoir "d'importants
remaniements adhérentiels et un déplacement possible du nerf". L'expert
ajoute que le professeur X, expérimenté dans la chirurgie du système
nerveux périphérique et habitué à pratiquer des neurolyses cicatricielles
(soit la libération chirurgicale d'un nerf comprimé par des lésions),
devait savoir que, dans de telles circonstances, le nerf doit être
repéré au niveau du tissu sain et être préparé en direction de la zone
cicatricielle, de manière à éviter une lésion importante. Ces conclusions
rejoignent celles du docteur M., pour lequel la section des deux nerfs
en cause devait être envisagée eu égard à la complexité de la situation
locale qui existait depuis des années et qui était connue de l'opérateur.

    Que l'atteinte à la santé subie par la recourante soit attribuable
à une absence de précautions qui s'imposaient à un opérateur chevronné,
connaissant parfaitement bien, de surcroît, le passé médical de la
patiente, est indéniable sur le vu de ces avis médicaux. Pour autant,
ce manque de précautions ne saurait être considéré comme résultant d'une
confusion ou d'une méprise grossière et extraordinaire. Pareille conclusion
ne peut pas être déduite des deux rapports susmentionnés. La lésion d'un
nerf, lors d'actes opératoires, est un risque, certes minime au dire
du professeur B., mais qui peut se réaliser, fortuitement ou à la suite
d'un geste simplement maladroit. L'intervention sur la cicatrice, si elle
n'était pas d'une rare difficulté, n'en était pas moins délicate. Selon
les termes du docteur M., la section des deux nerfs constitue, en
l'occurrence, une complication d'une opération spécialement difficile
et délicate, sur un terrain cicatriciel dont l'anatomie était modifiée
par de multiples opérations antérieures. Une complication de ce genre,
dans des circonstances aussi particulières, ne représente pas un événement
répondant à la notion juridique de l'accident.

    c) Le recours de droit administratif est dès lors mal fondé.