Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 I 54



121 I 54

7. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 24 mars 1995 en
la cause G. et J. contre Département des finances du canton de Vaud et
Ministère public du canton de Vaud (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV, Art. 133bis Abs. 1 lit. a BdBSt; Anspruch auf einen
begründeten Entscheid, Anforderungen an die Bemessung der Zusatzstrafe.

    Ist gemäss Art. 133bis Abs. 1 lit. a BdBSt eine Zusatzstrafe
auszufällen, so hat der Richter die Grundsätze von Art. 68 Ziff. 1 StGB
anzuwenden und anzugeben, welche Strafe er jeweils für eine der beiden
Straftaten ausspricht, damit das Bundesgericht gegebenenfalls weiss, welche
Strafe er wegen des Vergehens gegen die direkte Bundessteuer verhängt hat,
welches allein Gegenstand einer eidgenössischen Nichtigkeitsbeschwerde
sein kann (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Lors de l'établissement des comptes de la société D. pour
les années 1985 à 1989, diverses ristournes, pour un montant total
de 134'431 francs, qui avaient été versées à l'entreprise sous forme
d'argent ou de chèques par des fournisseurs, n'ont pas été comptabilisées
avec le bénéfice. Dans les déclarations d'impôts pour les périodes
fiscales 1987-1988 et 1989-1990, la société a déclaré un bénéfice
inférieur d'autant, en produisant les comptes inexacts à titre de pièces
justificatives. Lors de l'établissement des comptes pour l'année 1989,
la société a également omis de comptabiliser avec le bénéfice des
ristournes de fournisseurs, pour un montant de 56'117 francs, puis a
déclaré un bénéfice inférieur d'autant dans sa déclaration d'impôts pour
la période fiscale 1991-1992 en produisant les comptes inexacts à titre de
pièces justificatives. Les ristournes en question étaient groupées puis
réparties en fin d'année entre les administrateurs et certains cadres
actionnaires; pour les années 1985 à 1989, G. a ainsi touché 60'490,25
francs et J. 66.483 francs.

    Le 3 août 1992, l'Administration cantonale des impôts s'est adressée à
la société D., en lui donnant la possibilité de collaborer au redressement
d'une situation conforme au droit, ce qu'elle a accepté. A l'issue de
la procédure, le Département des finances a décidé, le 4 mai 1993, de
procéder auprès de la société précitée à des rappels d'impôts cantonaux
et communaux pour un montant total de 68'334,40 francs ainsi qu'à des
rappels d'impôt fédéral direct pour un montant de 21'076 francs et de
lui infliger deux amendes, de 31'600 francs et 13'000 francs.

    L'Administration fédérale des contributions a infligé à G. et J. une
amende de 7'000 francs chacun, pour soustraction de l'impôt anticipé dans
le cadre de leur responsabilité comme administrateurs de la société D. De
plus, G., qui avait omis, dans sa propre déclaration d'impôts, de déclarer
les ristournes perçues de la part de la société, s'est vu notifier, le
30 juin 1993, des rappels d'impôts de 7'852,90 francs et 16'222,70 francs
ainsi que des amendes de 6450 francs et 7'100 francs, pour soustraction,
respectivement, de l'impôt fédéral direct et des impôts cantonaux et
communaux. Pour les mêmes motifs, J. s'est vu notifier, le 29 juin 1993,
des rappels d'impôts de 2'931,90 francs et 6'703,85 francs et des amendes
de 2'800 francs et 3'400 francs, respectivement pour l'impôt fédéral direct
et les impôts cantonaux et communaux. Enfin, par décision du 27 octobre
1992, l'Administration fédérale des contributions a facturé à la société
D. la somme de 53'845,40 francs, représentant l'impôt anticipé impayé,
plus 11'182,60 francs d'intérêts.

    Le 24 août 1993, le Département des finances, par l'intermédiaire du
chef de l'Administration cantonale des impôts, a déposé plainte pénale
contre G. et J. et les a dénoncés pour infraction à l'art. 129bis al. 1
de la loi vaudoise du 26 novembre 1956 sur les impôts directs cantonaux
(LI) et à l'art. 130bis al. 1 de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre
1940 sur la perception d'un impôt fédéral direct (AIFD; RS 642.11).

    Par jugement du 27 avril 1994, le Tribunal correctionnel du district
de Morges a notamment condamné G., pour usage de faux, complicité d'usage
de faux, faux et complicité de faux, à la peine de 2 mois d'emprisonnement
avec sursis pendant 2 ans, et J., pour usage de faux et faux, à la peine
de 2 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans. Par arrêt du 4
juillet 1994, la Cour de cassation du Tribunal cantonal vaudois a rejeté
les recours interjetés par G. et J. contre ce jugement.

    G. et J. ont déposé un recours de droit public au Tribunal fédéral;
invoquant les art. 4 Cst., 452 let. f du code de procédure pénale vaudois
(CPP/ VD) et 129bis de la loi vaudoise du 26 novembre 1956 sur les impôts
directs cantonaux (LI), ils se plaignent d'une violation de leur droit
d'être entendu, notamment de leur droit à une décision motivée, ainsi que
d'une application arbitraire du droit cantonal et concluent à l'annulation
de la décision attaquée. La cour cantonale et le Ministère public ont
renoncé à formuler des observations. Le Département des finances, par
l'Administration cantonale des impôts, conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Invoquant l'art. 4 Cst. et l'art. 452 let. f CPP vaud., les
recourants se plaignent d'une violation de leur droit à une décision
motivée découlant du droit d'être entendu. Exposant s'être plaint en
instance cantonale d'une violation de l'art. 133bis al. 1 let. a AIFD parce
que les premiers juges avaient fixé une peine globale, et non pas une
peine complémentaire, et avoir expressément pris une conclusion tendant
à la réforme du jugement en ce sens, ils reprochent à la cour cantonale
de n'avoir pas statué sur ce grief.

    a) Le droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par le
droit cantonal, dont le Tribunal fédéral examine l'application sous
l'angle étroit de l'arbitraire. Si la protection accordée par ce droit
est inférieure ou équivalente à celle offerte par les garanties minimales
et subsidiaires découlant de l'art. 4 Cst., le justiciable peut invoquer
celles-ci, dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF
118 Ia 17 consid. 1b, 117 Ia 5 consid. 1a, 116 Ia 94 consid. 3a).

    b) L'art. 452 let. f CPP vaud. prescrit que tout arrêt de la cour
de cassation indique la décision motivée sur chacune des questions
examinées. Il n'apparaît pas que cette disposition assurerait une
protection plus étendue que celle découlant de l'art. 4 Cst.; du moins,
les recourants ne le démontrent pas, ni n'établissent une application
arbitraire de l'art. 452 let. f CPP vaud.; il suffit donc d'examiner le
grief sous l'angle de l'art. 4 Cst.

    c) Le droit d'être entendu déduit directement de l'art. 4 Cst. implique
notamment l'obligation pour le juge de motiver ses décisions, afin que le
justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon
escient (ATF 117 Ia 1 consid. 3a, 116 II 625 consid. 4d p. 632, 114 Ia
233 consid. 2d p. 242, 112 Ia 107 consid. 2b, 111 Ia 1 consid. 2a, 107 Ia
246 consid. 3a). Il suffit cependant, selon la jurisprudence, que le juge
mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels
il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre
compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause
(ATF 117 Ib 64 consid. 4 p. 86, 114 Ia 233 consid. 2d p. 242, 112 Ia 107
consid. 2b et 3b, 107 Ia 246 consid. 3a, 102 Ia 1 consid. 2e). Il n'a pas
l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux
qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 117 Ib 64 consid. 4
p. 86, 114 Ia 233 consid. 2 p. 242, 112 Ia 107 et les références).

    En l'espèce, si la cour cantonale a certes relevé, à la page 10
let. c in fine de son arrêt, que les recourants avaient pris devant elle
la conclusion qu'ils évoquent, elle n'a effectivement pas statué sur le
grief correspondant. Reste à examiner si, conformément à la jurisprudence
précitée, elle pouvait le considérer sans arbitraire comme non pertinent.

    d) Il résulte de l'art. 133bis al. 1 let. a AIFD que, lorsqu'il a
notamment été fait usage de faux au sens de l'art. 130bis AIFD, que l'acte
est également qualifié de délit selon le droit fiscal pénal cantonal et
que l'auteur est condamné à une peine privative de liberté pour le délit
fiscal en droit cantonal, celui commis en matière d'impôt fédéral direct
est sanctionné par une peine privative de liberté complémentaire; dans
la mesure où il inflige une peine complémentaire, le jugement cantonal de
dernière instance peut faire l'objet d'un pourvoi en nullité conformément
à l'art. 268 PPF. L'art. 133bis al. 3 AIFD prévoit par ailleurs que,
sous réserve de prescriptions contraires de cet arrêté, les dispositions
générales du code pénal suisse sont applicables, en précisant que l'art. 68
du code pénal suisse ne s'applique toutefois qu'aux peines privatives
de liberté.

    Les premiers juges, après avoir expressément relevé, à la page
9 al. 2 in fine de leur jugement, qu'en vertu de l'art. 133bis al. 1
let. a AIFD, les recourants devaient être condamnés, pour le délit commis
en matière d'impôt fédéral direct, à une peine privative de liberté
complémentaire à celle infligée pour le délit fiscal de droit cantonal,
ont fait application, pour les deux recourants, de l'art. 68 CP, comme cela
ressort du dispositif de leur décision, et infligé à chacun d'eux une peine
globale de 2 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans. Bien qu'ils
ne l'aient pas dit expressément, ils ont ainsi manifestement fixé une
peine pour l'infraction la plus grave et l'ont augmentée pour tenir compte
de l'autre infraction, selon l'art. 68 ch. 1 al. 1 CP, sans toutefois
préciser dans quelle mesure la peine prononcée sanctionnait chacune des
infractions retenues. Alors que, dans leur recours en instance cantonale,
les recourants soutenaient que deux peines auraient dû être prononcées,
l'une pour le délit fiscal de droit cantonal et l'autre pour le délit
fiscal commis en matière d'impôt fédéral direct, comme ils l'exposent à
nouveau dans leur recours de droit public, la cour cantonale, ainsi qu'on
l'a vu, n'a pas statué sur ce grief.

    A ce jour, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur la question
de savoir ce qu'il faut entendre par peine complémentaire au sens de
l'art. 133bis al. 1 let. a AIFD et, partant, comment la peine doit être
fixée dans le cadre de cette disposition.

    La doctrine estime généralement que le terme "peine complémentaire"
de l'art. 133bis al. 1 let. a AIFD ne doit pas être compris dans le sens
technique de l'art. 68 ch. 2 CP (concours rétrospectif) mais en tenant
compte du fait qu'en vertu de l'art. 133bis al. 1 let. a AIFD seul le délit
du droit fiscal fédéral peut être déféré au Tribunal fédéral par la voie
du pourvoi en nullité, alors que celui commis en droit fiscal cantonal
ne peut faire l'objet que d'un recours de droit public pour arbitraire
(cf. ERNST KÄNZIG/URS R. BEHNISCH, Die direkte Bundessteuer (Wehrsteuer),
III. Teil, 2ème éd., Bâle 1992, p. 620/621; W. ROBERT PFUND, Das Gestrüpp
unseres Steuerstrafrechts, in ASA 48 (1979) p. 15/16; CLAUDE MOSSU, Les
articles 130bis et 133bis AIN ou les limites du droit pénal fiscal en
matière d'impôts directs, in ASA 48 (1980) p. 612/613). Elle en déduit
que, tout en appliquant les principes de l'art. 68 ch. 1 CP, le juge
doit fixer deux peines distinctes, l'une pour le délit commis en droit
fiscal cantonal et l'autre pour celui commis en matière d'impôt fédéral
direct, puisque ce n'est qu'autant qu'il concerne ce dernier délit que le
jugement peut faire l'objet d'un pourvoi en nullité (cf. ERNST KÄNZIG/URS
R. BEHNISCH, op.cit., loc.cit.; W. ROBERT PFUND, op.cit., loc.cit.; CLAUDE
MOSSU, op.cit., loc.cit.; JEAN GAUTHIER, Fraude fiscale et droit pénal,
in RPS 96 (1979) p. 284-286). Certains auteurs ont toutefois relevé qu'une
telle distinction prêtait plus à confusion qu'elle n'apportait de clarté
dans le domaine de la fixation de la peine, observant que le pourvoi en
nullité au Tribunal fédéral est de toute façon ouvert si, dans un jugement,
le droit fédéral a été appliqué, quand bien même il l'a été en concours
avec des dispositions du droit cantonal, et qu'en outre les droits du
justiciable ne sont nullement mis en péril puisque le Tribunal fédéral,
s'il juge le pourvoi fondé, annule la décision attaquée et renvoie la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision (cf. CLAUDE MOSSU,
op.cit., p. 613; W. ROBERT PFUND, op.cit., p. 16).

    Ainsi, même si c'est avec certaines réserves, la doctrine est
généralement d'avis que l'art. 133bis al. 1 let. a AIFD doit être
interprété en ce sens que le juge, s'il doit certes prononcer une peine
complémentaire pour sanctionner le délit commis en matière d'impôt
fédéral direct - c'est-à-dire fixer dans un premier temps la peine pour
l'infraction la plus grave puis l'augmenter afin de tenir compte de l'autre
infraction -, doit cependant indiquer dans quelle mesure la peine prononcée
sanctionne chacune des infractions, ceci afin que le Tribunal fédéral,
le cas échéant, puisse reconnaître d'emblée quelle peine a été prononcée
pour le délit commis en matière d'impôt fédéral direct, qui seule peut
faire l'objet d'un pourvoi en nullité.

    Avec raison. En effet, en vertu de l'art. 133bis al. 1 let. a AIFD, le
jugement cantonal de dernière instance ne peut faire l'objet d'un pourvoi
en nullité que dans la mesure où il inflige une peine complémentaire pour
sanctionner le délit commis en matière d'impôt fédéral direct. Saisi d'un
pourvoi en nullité sur ce point, le Tribunal fédéral ne peut revoir si
c'est à juste titre que l'acte a également été qualifié de délit selon
le droit fiscal cantonal et l'auteur condamné à une peine privative de
liberté pour ce délit, ni revoir la fixation de la peine sanctionnant
ce dernier, puisqu'il s'agit là de questions relevant du droit cantonal,
dont le Tribunal fédéral ne peut revoir l'application que sous l'angle de
l'arbitraire dans le cadre d'un recours de droit public. Dans le cadre
du pourvoi en nullité, il peut donc uniquement examiner si l'autorité
cantonale a sanctionné le délit commis en matière d'impôt fédéral
direct par une peine privative de liberté complémentaire et si elle a
correctement fixé cette peine, c'est-à-dire en appliquant les principes
de l'art. 68 ch. 1 CP. Cela implique qu'il sache quelle peine a été fixée
pour chacune des infractions et, partant, que l'autorité cantonale ait
fourni les indications nécessaires à ce sujet. Certes, s'il admet un
pourvoi, le Tribunal fédéral annule la décision attaquée et renvoie la
cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau, mais, dans
un tel cas, il ne peut annuler que la décision concernant l'infraction de
droit fédéral et l'autorité cantonale n'a pas à revenir, dans sa nouvelle
décision, sur des points qui sont acquis.

    Le grief soulevé par les recourants était donc pertinent, de sorte
qu'en ne statuant pas sur celui-ci la cour cantonale a violé leur droit
à une décision motivée découlant de leur droit d'être entendu.