Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 I 259



121 I 259

36. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 8 juin 1995 dans
la cause J. contre Tribunal administratif du canton de Genève (recours
de droit public) Regeste

    Art. 46 Abs. 2 BV; Doppelbesteuerung; Verwaltungsratshonorare.

    Inhalt des Doppelbesteuerungsverbots. Kollisionsnormen für Einkünfte
aus unselbständiger und selbständiger Erwerbstätigkeit (E. 2).

    Steuerrechtliche, insbesondere einkommensteuerrechtliche, Qualifikation
der Tätigkeit als Verwaltungsratsmitglied einer Aktiengesellschaft (E. 3).

    Die vom Beschwerdeführer - einem Bücherexperten - ausgeübte Tätigkeit
als Verwaltungsratsmitglied verschiedener Aktiengesellschaften ist als
unselbständig zu qualifizieren (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Domicilié à X. (VD), J. exerce une activité d'expert-comptable à
Genève. Il exploite, à Genève également, un commerce d'horlogerie-souvenirs
qui est tenu par un gérant-vendeur. Par ailleurs, il est administrateur
de plusieurs sociétés qui ont leur siège dans différents cantons.

    Pour l'année fiscale 1990, l'Administration fiscale cantonale du canton
de Genève a taxé J., le 18 octobre 1990. En dérogation à la pratique
suivie jusqu'alors, l'autorité de taxation a englobé, en particulier,
dans le revenu imposé à Genève un montant représentant des honoraires
d'administrateur de sociétés.

    Les 11 et 18 décembre 1990, à la suite de la réclamation de J.,
l'Administration fiscale cantonale genevoise a fixé le revenu imposable
à Genève en limitant l'imposition des honoraires d'administrateur à ceux
versés par les sociétés dont le siège était à Genève.

    J. a recouru contre ces décisions. Le 5 novembre 1992, la Commission
cantonale de recours en matière d'impôts du canton de Genève a rejeté
le recours.

    J. a porté sa cause devant le Tribunal administratif du canton de
Genève qui l'a débouté par arrêt du 20 avril 1993. Cette autorité a retenu
en particulier que, comme un avocat, un expert-comptable qui exerce sa
profession de manière indépendante et facture ses prestations aux sociétés
dont il est administrateur doit être considéré comme lié à elles par un
contrat de mandat, et non de travail; il est libre d'organiser son activité
comme il l'entend, de sorte qu'elle doit également être considérée comme
exercée de façon indépendante.

    Agissant par la voie du recours de droit public, J. demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 20 avril 1993 par le Tribunal
administratif du canton de Genève, de confirmer le droit du canton de
Vaud d'imposer les honoraires qu'il reçoit à titre d'administrateur de
sociétés quel que soit le canton de leur siège et de revenir aux règles de
répartition intercantonale appliquées jusqu'en 1989. Il invoque l'art. 46
al. 2 Cst.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) L'interdiction de la double imposition s'oppose à ce qu'un
contribuable soit soumis par deux ou plusieurs cantons sur le même
objet pendant la même période à des impôts analogues (double imposition
effective) ou à ce qu'un canton excède les limites de sa souveraineté
fiscale et, violant des règles de conflits jurisprudentielles, prélève
un impôt dont la perception est de la seule compétence d'un autre canton
(double imposition virtuelle). La jurisprudence a, en outre, déduit de
l'art. 46 al. 2 Cst. le principe selon lequel un canton ne peut imposer
plus lourdement un contribuable du fait qu'il n'est pas soumis entièrement
à sa souveraineté fiscale, mais qu'il est aussi assujetti aux impôts dans
un autre canton (ATF 115 Ia 157 consid. 3 p. 163; 111 Ia 44 consid. 3
p. 47).

    b) De jurisprudence constante, la fortune investie et le produit d'une
activité lucrative indépendante, tel que celui d'une profession libérale
exercée au moyen d'installations fixes et permanentes, sont imposables
au for de l'établissement stable (Archives 58 p. 538 consid. 2a p. 541;
57 p. 582 consid. 4a p. 586; 42 p. 481 consid. 2a p. 483/484; LOCHER,
Die Praxis der Bundessteuern - III. Teil: Doppelbesteuerung, Bâle 1994,
§ 5 II A nos 1 à 6). En revanche, les revenus provenant d'une activité
lucrative dépendante sont imposables dans le canton de domicile du
contribuable indépendamment du lieu où s'exerce cette activité (LOCHER,
op.cit., § 5 I A).

    En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant exerce à titre
indépendant la profession d'expert-comptable à Genève où il dispose
d'installations fixes et permanentes. Le produit de cette activité est
donc imposable à Genève. Seule est litigieuse la question de savoir si
l'activité qu'il déploie comme administrateur de diverses sociétés est
également indépendante de sorte que les honoraires qu'il touche seraient
imposables à Genève, avec ses revenus d'expert-comptable, ou s'il s'agit
du produit d'une activité dépendante assujettie à la souveraineté fiscale
vaudoise. La distinction qu'entend faire l'autorité fiscale genevoise
entre les honoraires provenant de sociétés dont le siège est situé dans
le canton de Genève et celles dont le siège se trouve dans un autre
canton est dépourvue de tout fondement sur le plan intercantonal (cf. a
contrario art. 4 al. 2 lettre b et 35 al. 1 lettre c de la loi fédérale
du 19 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons
et des communes - LHID; RS 642.14) et se révèle d'emblée erronée.

Erwägung 3

    3.- a) La condition des personnes qui exercent une activité dépendante
est réglée dans la plupart des cas, sur le plan du droit privé, par
les dispositions sur le contrat de travail (art. 319 ss CO), tandis que
c'est généralement le contrat d'entreprise (art. 363 ss CO) ou de mandat
(art. 394 ss CO) qui régit les relations entre les personnes exerçant
une profession libérale indépendante et leurs clients (cf. RIVIER, Droit
fiscal suisse - L'imposition du revenu et de la fortune, Neuchâtel 1980,
p. 95 et 99; BLUMENSTEIN/LOCHER, System des Steuerrechts, Zurich 1992, 4e
éd., p. 145/146; HÖHN, Steuerrecht, Berne 1993, 7e éd., p. 199; KÄNZIG,
Wehrsteuer, Bâle 1982, 2e éd., vol. I, n. 16 ad art. 21 al. 1 lettre a).

    La question de savoir si le membre d'un conseil d'administration
d'une société anonyme est lié à elle par un contrat de travail ou par
un contrat de mandat est controversée. La doctrine récente considère
que l'activité d'administrateur est plutôt soumise aux règles du
mandat (STAEHELIN, Kommentar zum schweizerischen Zivilgesetzbuch -
Das Obligationenrecht, Zurich 1984, n. 42 ad art. 319 CO; VISCHER,
Le contrat de travail, in Traité de droit privé suisse, vol. VII/I, 2,
Fribourg 1982, p. 38; STREIFF/VON KAENEL, Arbeitsvertrag, Zurich 1992,
5e éd., n. 6 ad art. 319 CO; REHBINDER, Berner Kommentar, Berne 1985,
n. 52 ad art. 319 CO). L'élément caractéristique du contrat de travail,
qui permet de le différencier en particulier du contrat de mandat, est
le rapport de subordination juridique qui place le travailleur dans la
dépendance de l'employeur sous l'angle "personnel, organisationnel et
temporel" (cf. notamment BRUNNER/BÜHLER/WAEBER, Commentaire du contrat
de travail, Berne 1989, n. 3 ad art. 319 CO). Or selon REHBINDER, on ne
saurait parler de rapport de subordination à propos d'une personne qui
siège au conseil d'administration, soit l'organe qui représente la société
anonyme; seul le mandat entrerait donc en ligne de compte (REHBINDER,
op.cit., n. 52 ad art. 319 CO).

    b) Les autorités compétentes en matière d'assurance-veillesse et
survivants (AVS) qualifient en règle générale les honoraires touchés
par les membres de l'administration ou d'organes dirigeants de sociétés
de revenus provenant d'une activité dépendante (art. 5 al. 2 de la loi
fédérale du 20 décembre 1946 sur l'AVS - LAVS; RS 831.10 - et 7 lettre
h du règlement du 31 octobre 1947 sur l'AVS - RAVS; RS 831.101). La
jurisprudence a précisé que de tels honoraires sont présumés accordés
en raison de la qualité d'organe de la société et réputés provenir d'une
activité salariée même si les indemnités sont proportionnelles à l'activité
et à l'état des affaires (RCC 1983 p. 22 consid. 2 et la jurisprudence
citée). En revanche, de tels honoraires ne font pas partie du salaire
déterminant s'il s'agit d'indemnités pour un avocat qui n'ont aucune
relation directe avec son activité de membre du conseil d'administration,
mais qui ont été payées pour la liquidation d'affaires juridiques que
cet avocat aurait traitées même sans être membre dudit conseil (ATF 105
V 113 consid. 3 p. 115/116).

    c) La nature juridique des rapports civils (contrat de travail ou
de mandat) ou la qualification des revenus qui en découlent pour les
assurances sociales ne sont pas à vrai dire déterminantes sous l'angle du
droit fiscal. Elles constituent néanmoins des indices. Pour savoir si une
activité doit être considérée comme dépendante ou indépendante du point de
vue fiscal, l'élément décisif est la mesure de l'indépendance personnelle
et économique de l'intéressé dans l'accomplissement de sa tâche (ATF 95
I 21 consid. 5b p. 24; LOCHER, op.cit., § 5 II A no 6 et B no 5; KÄNZIG,
op.cit., n. 16 ad art. 21 al. 1 lettre a). Exerce une activité dépendante
celui qui s'engage pour une durée déterminée ou indéterminée à fournir
des prestations contre rémunération en se soumettant aux instructions
de son employeur. Est indépendant celui qui exerce son activité selon sa
propre organisation librement choisie - reconnaissable de l'extérieur -
et à ses propres risques et profits (HÖHN, Steuerrecht précité, p. 199
et 219; HÖHN, Interkantonales Steuerrecht, Berne 1989, 2e éd., p. 187,
194/195; BLUMENSTEIN/LOCHER, op.cit., p. 145/146).

    En règle générale, les indemnités, tantièmes et autres rémunérations
touchés en qualité de membre de l'administration ou de la direction
d'une personne morale sont qualifiés de produit provenant d'une activité
dépendante (cf. art. 21 al. 1 lettre a de l'arrêté du Conseil fédéral
du 9 décembre 1940 sur la perception d'un impôt fédéral direct - AIFD,
RS 642.11 ancien - et art. 17 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur
l'impôt fédéral direct - LIFD, RS 642.11 nouveau; HÖHN, Interkantonales
Steuerrecht précité, p. 187; KÄNZIG, op.cit., n. 21 et 22 ad art. 3
ch. 3 lettres f et g; ZUPPINGER/SCHÄRRER/FESSLER/REICH, Kommentar zum
Zürcher Steuergesetz - Ergänzungsband, Berne 1983, 2e éd., n. 52 ad §
19 lettre a). Sans être expressément assimilés à des salaires, ils sont
dorénavant soumis à l'impôt fédéral direct à la source (art. 5 al. 1 lettre
b et 93 LIFD; AGNER/JUNG/STEINMANN, Kommentar zum Gesetz über die direkte
Bundessteuer, Zurich 1995, n. 3 ad art. 5 et art. 93) et aux impôts directs
cantonaux à la source (art. 4 al. 2 lettre b et 35 al. 1 lettre c LHID),
même si les modalités d'imposition ne sont pas entièrement identiques. Il
est vrai que dans deux affaires, le Tribunal fédéral a considéré des
honoraires d'administrateur touchés par des avocats comme provenant
d'une activité indépendante. Cela s'explique par les particularités de
ces causes: dans la première (ATF 95 I 21), il s'agissait d'une indemnité
liée à la rupture anticipée d'un contrat de conseil et non d'honoraires
d'administrateur à proprement parler; dans la seconde (arrêt non publié
du 24 mai 1994 en la cause L. contre cantons de Genève et de Vaud), les
honoraires - qui n'étaient, semble-t-il, pas soumis à une retenue AVS -
étaient répartis entre tous les associés de l'étude dont faisait partie
l'avocat administrateur. Enfin, en matière de taxe sur la valeur ajoutée
(TVA), l'Administration fédérale des contributions semble assimiler à
des prestations de service soumises à la taxe l'exercice d'un mandat dans
un conseil d'administration (Instructions à l'usage des assujettis TVA,
publiées en automne 1994 par l'Administration fédérale des contributions,
ch. 202; Taxe sur la valeur ajoutée - Brochure s'adressant en particulier
aux avocats et notaires, publiée en octobre 1994 par l'Administration
fédérale des contributions, p. 5).

    d) Il n'y a pas lieu de s'écarter de l'opinion dominante de la
doctrine en matière d'impôts directs. Il est vrai que les membres de
conseils d'administration et d'organes de sociétés jouissent d'une
grande liberté personnelle quant à l'organisation de leur travail dans
le cadre de leur mandat; leur liberté est néanmoins délimitée par une
réglementation légale et statutaire stricte (art. 698 ss CO), ainsi
que par le pouvoir de décision des autres membres, car les décisions
sont en général collectives (art. 707 CO). En outre, leur indépendance
économique est limitée; ils sont souvent rémunérés par des indemnités
forfaitaires. Même s'ils obtiennent des rémunérations liées à l'importance
de leur travail ou qui dépendent des résultats de l'entreprise (tantièmes),
ils n'exercent pas à proprement parler leur activité à leurs risques et
profits. Ainsi, quand bien même leur activité reposerait sur un mandat,
elle n'apparaît pas comme indépendante sur le plan fiscal. Dans la mesure
où l'arrêt susmentionné du 24 mai 1994 aurait été interprété comme une
modification de la pratique, il n'y a pas lieu de la confirmer.

    Il faut évidemment réserver l'activité que pourrait avoir le
contribuable en sus de sa participation aux organes sociaux et
qui n'apparaîtrait pas du tout liée à son mandat dans un conseil
d'administration de la société, telle que le conseil juridique ou la
révision comptable. La cause de l'activité étant différente, celle-ci doit
être qualifiée pour elle-même compte tenu des circonstances de l'espèce.

Erwägung 4

    4.- a) L'autorité intimée a considéré que le recourant, qui est
expert-comptable indépendant et membre du conseil d'administration d'une
vingtaine de sociétés, était lié à ces dernières par des contrats de
mandat - comme le serait un avocat (ATF 95 I 21 consid. 5b p. 25) -,
qu'il était libre d'organiser son travail comme il l'entendait et que
rien ne permettait d'imaginer un rapport de dépendance économique de
l'intéressé envers ces sociétés, de sorte que son activité comme membre
de conseils d'administration serait indépendante. Ce point de vue ne
saurait être suivi.

    b) Il est vrai que, comme toute personne hautement qualifiée
professionnellement, le recourant jouit sans doute d'une grande liberté
dans l'organisation de son travail. Lui-même l'admet puisqu'il a exposé
pouvoir accomplir son activité de membre de conseils d'administration
aussi bien à son domicile de X. qu'à son bureau de Genève. En outre,
il est également exact qu'une relation existe entre son activité
d'expert-comptable et ses mandats d'administrateur; certaines sociétés
sont domiciliées à son bureau, selon les dires de l'Administration fiscale
cantonale genevoise; il a également effectué divers travaux comptables
pour quelques sociétés. Ces éléments sont toutefois insuffisants pour
conférer un caractère indépendant à son activité d'administrateur. En
effet, en tant que membre d'un conseil d'administration, le recourant
appartient à un organe en règle générale collectif (art. 707 al. 1 CO)
dont l'activité et les décisions sont soumises aux dispositions légales
(art. 707 ss CO) et aux statuts sociaux. En outre, il est nommé et peut
être révoqué par l'assemblée générale des actionnaires à laquelle il doit
rendre des comptes (art. 698 al. 2 ch. 2 et 5 ainsi que 705 CO). Dès lors,
son activité, même si elle relève du mandat, n'a pas la liberté de celle
d'un indépendant, qu'il s'agisse d'un avocat ou d'un autre conseiller
professionnel, qui fournit ses prestations sous sa seule responsabilité.

    Sur le plan économique également, le recourant ne jouit pas de la
liberté de facturer les honoraires qu'il veut pour sa participation aux
conseils d'administration. Il est rémunéré, semble-t-il, sous forme
de sommes forfaitaires qui, d'après les documents produits à titre
d'exemples (pour certains dans la procédure cantonale déjà), sont
soumis à la retenue des cotisations AVS par la société en cause. En
outre, lorsque l'intéressé a effectué des travaux supplémentaires pour
le compte de certaines sociétés, il a distingué les honoraires qu'il
a touchés en tant qu'administrateur de ceux qu'il a facturés comme
expert-comptable. Il a regroupé les premiers dans une rubrique séparée
de sa comptabilité, alors que les seconds entraient dans les produits de
son activité d'expert-comptable. A cet égard, le recourant se trouve dans
une situation différente de la cause citée par l'autorité intimée (ATF
95 I 21), qui concernait une indemnité de rupture d'un contrat de conseil.

    Il est vrai que le contribuable fait partie de nombreux conseils
d'administration; on pourrait se demander s'il ne devrait pas
être considéré comme un administrateur professionnel de sociétés,
c'est-à-dire si son activité d'administrateur, prise globalement,
ne serait pas indépendante. Cette activité demeure toutefois modeste
au regard de l'ensemble de ses travaux professionnels, de sorte qu'il
n'est pas nécessaire de résoudre la question en l'espèce. Au surplus,
les différentes sociétés ne sauraient connaître l'ensemble des activités
de leur administrateur et demeurent soumises à l'obligation de retenir
les cotisations AVS. Dès lors, même si la question se posait, on pourrait
douter qu'il y ait intérêt à qualifier une telle activité d'indépendante
en matière d'impôts directs et à créer des divergences importantes avec
d'autres domaines juridiques.

    c) En conséquence, l'activité exercée par le recourant dans
les conseils d'administration de sociétés doit être qualifiée de
dépendante. Les revenus qui en découlent sont donc imposables à son
domicile dans le canton de Vaud.