Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 IV 326



121 IV 326

53. Extrait de l'arrêt de la Chambre d'accusation du 24 novembre 1995
dans la cause R. contre le Chef du Département fédéral des finances Regeste

    Art. 20 und 21 VStrR, Art. 51bis BankG.

    Für die Führung der Untersuchung ist allein die beteiligte Verwaltung
zuständig.

    Nach den Materialien ist eine Überweisung der Strafsache an die
kantonalen Strafbehörden erst zulässig, nachdem die Verwaltung die
Untersuchung förmlich abgeschlossen hat; dies gilt auch für den Fall, dass
gleichzeitig eine kantonale Strafuntersuchung wegen Delikten des gemeinen
Strafrechts geführt wird, die in Konkurrenz zu verwaltungsstrafrechtlichen
Delikten stehen.

Sachverhalt

    A.- Le 2 novembre 1992, la Commission fédérale des banques (CFB) a
déposé auprès du Département fédéral des finances une dénonciation pénale
administrative se rapportant à l'affaire Z. et Banque cantonale du Valais.
Fondée sur l'art. 23ter al. 4 LB (RS 952.0), cette dénonciation fait grief
aux trois dirigeants de la banque d'avoir violé l'art. 49 al. 1 let. e
LB (omission d'informer la CFB) et à R. d'avoir enfreint les art. 46
al. 1 let. k et 49 al. 1 let. e LB - rapport lacunaire de l'organe de
revision -.

    Le 1er décembre 1992, le Département fédéral des finances (ci-après:
le Département fédéral) a ouvert une enquête pénale administrative contre
les quatre inculpés en application de l'art. 51bis al. 2 LB.

    Le 19 août 1994, le Département fédéral a considéré que l'enquête était
complète; il a dressé un procès-verbal final conformément à l'art. 61 DPA
(RS 313.0) et a donné aux inculpés l'occasion de requérir notamment un
complément d'enquête.

    B.- Le 15 mars 1994, les trois dirigeants de la banque ont été inculpés
par le Juge d'instruction pénale du Valais central d'abus de confiance,
d'escroquerie, de gestion déloyale et de faux dans les titres. Il en a
été de même pour R., le 21 mars 1995.

    C.- Le 12 avril 1995, la cheffe du service juridique du Département
fédéral a écrit au Ministère public du canton du Valais qu'il était décidé
de déléguer aux autorités pénales du canton du Valais la poursuite et le
jugement des infractions reprochées, notamment à R., par la CFB dans sa
dénonciation du 2 novembre 1992.

    Le 21 avril 1995, R. a adressé une plainte au Conseil fédéral, à
la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral et au chef du Département
fédéral. Il a demandé l'annulation de la décision du 12 avril 1995 et
le renvoi du dossier au Département fédéral afin qu'il donne suite à
la procédure.

    D.- Après un échange de vues avec l'Office fédéral de la justice et le
Département fédéral sur la compétence pour connaître de la plainte de R.,
la Chambre de céans a déclaré la plainte irrecevable et a transmis d'office
le dossier au chef du Département fédéral (arrêt du 6 juillet 1995). Par
une décision du 11 septembre 1995, le chef du Département fédéral des
finances a rejeté la plainte et a mis les frais à la charge du plaignant.

    E.- Le 12 septembre 1995, R. a saisi la Chambre d'accusation du
Tribunal fédéral d'une plainte. Il demande l'annulation de la décision
du 11 septembre 1995, le renvoi du dossier au Département fédéral pour
nouvelle décision et pour qu'il donne suite à la procédure, le tout sous
suite de frais et dépens.

    Le Département fédéral conclut au rejet de la plainte.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) D'après le plaignant, en bref, la délégation par le Département
fédéral de la poursuite aux autorités pénales cantonales ne reposerait
sur aucune base légale et violerait les art. 21 DPA et 51bis LB.

    b) Le chef du Département fédéral intimé admet, dans la décision
attaquée, que le DPA est muet sur la question de la délégation de
compétence en matière de poursuite d'infractions en concours, dont les
unes sont du domaine du droit pénal administratif, donc poursuivables par
l'administration fédérale, et les autres sont des infractions du droit
pénal ordinaire, poursuivables par les autorités pénales cantonales. Il
cite cependant une décision du Conseil fédéral, d'après laquelle, malgré
le silence de la loi, la réunion des opérations de poursuite pour les deux
catégories d'infractions peut être opérée en mains des autorités pénales,
ce qui permet la délégation, par le Département fédéral, à ces autorités
(JAAC 1978.87); cette manière de procéder constitue une application par
analogie de l'art. 344 CP. Selon l'intimé, le principe du droit pénal
imposant que l'inculpé soit jugé pour l'ensemble des actes délictueux
retenus à sa charge serait ainsi respecté; ce principe s'opposerait à ce
que l'on considère le silence de la loi comme une lacune qualifiée.

    Cette argumentation ne saurait être suivie.

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 20 al. 1 DPA fixe le principe que l'administration est
compétente pour procéder à l'enquête (BO-CE 1971 p. 846, Art. 22). Selon
l'art. 21 al. 1 DPA, l'administration est compétente également pour
juger les infractions; toutefois, lorsque le département auquel elle
est subordonnée estime qu'une peine ou une mesure privative de liberté
doit être envisagée, la compétence appartient en principe aux tribunaux
cantonaux, déjà au stade de la première instance (BO-CE 1971 p. 846,
Art. 23); une exception d'une nature semblable est prévue pour le cas où
la personne touchée par un prononcé pénal de l'administration demande à
être jugée par le tribunal (art. 21 al. 2 DPA).

    Cette nette distinction entre les règles valables pour l'enquête et
celles qui régissent le jugement ressort également des titres marginaux
des art. 20 et 21 DPA (II. Enquête; III. Jugement).

    Dès lors, si le jugement par un tribunal est demandé ou si le
département estime qu'une peine (ou une mesure) privative de liberté
se justifie, le dossier est transmis directement à l'autorité pénale
cantonale, en vue du jugement. Il n'y a pas matière à instruction
selon le droit cantonal (BO-CN 1973 p. 486, intervention Furgler). Le
législateur est parti de l'idée que l'enquête a déjà été menée à bien
par l'administration (art. 20 al. 1 et 73 al. 3 DPA). En conséquence,
seul le jugement de l'infraction de droit pénal administratif incombe
aux tribunaux cantonaux; ceux-ci peuvent tout au plus compléter ou faire
compléter le dossier avant les débats (art. 75 al. 2 DPA).

    b) Le message du Conseil fédéral concernant le projet du DPA soulignait
déjà qu'en cas d'infractions graves surtout, le bon fonctionnement de la
justice pénale n'est assuré que si l'administration en cause est pour le
moins autorisée à mener l'enquête; en effet, vu la complexité des lois
administratives, les organes d'instruction cantonaux seraient débordés
si on voulait les charger de ces enquêtes, car ils ne disposent ni du
temps ni des connaissances nécessaires (FF 1971 I 1025).

    c) Au cours des débats parlementaires, on a aussi insisté sur le
fait que la question de la réalisation d'une infraction administrative
dépendait souvent d'une décision préalable de l'administration;
ce lien étroit constitue l'un des motifs justifiant que l'enquête
pénale administrative soit confiée à celle-ci, non pas au juge pénal
le plus souvent peu familiarisé avec la matière en cause (BO-CE 1971
p. 845). En particulier dans les cas graves il paraissait indispensable
que l'administration concernée, disposant de spécialistes, se charge de
l'enquête (BO-CE 1971 p. 844; BO-CN 1973 p. 454 et 459; voir aussi FF 1971
I 1025). Le Conseiller fédéral Furgler a précisé qu'en matière bancaire
les autorités chargées de l'application du droit pénal classique étaient
confrontées à des infractions qu'elles ne pouvaient maîtriser qu'avec
peine, si tant est qu'elles puissent y parvenir (BO-CN 1973 p. 491).

    d) La procédure d'opposition administrative a été prévue aux art. 67
ss DPA afin que l'inculpé ne soit pas obligé de demander immédiatement
le jugement du tribunal avec la publicité, les inconvénients et les frais
qu'il entraîne lorsqu'il conteste uniquement, par exemple, le montant de
l'amende ou des frais du mandat de répression, ou s'il entend manifester sa
désapprobation (BO-CE 1971 p. 845; FF 1971 I 1027). Il ne peut être renoncé
à l'étape de l'opposition, instituée dans l'intérêt de l'inculpé, qu'avec
l'accord de celui-ci; nantie de cet assentiment, l'administration peut
alors traiter l'opposition comme une demande de jugement par le tribunal
(art. 71 DPA; FF 1971 I 1027; BO-CE 1971 p. 845). Le législateur voulait
une procédure propre à protéger véritablement le citoyen par l'assurance
que les enquêteurs connaîtraient à fond les infractions prévues (BO-CN
1973 p. 459).

    e) Au sujet des articles 62 ss DPA, il a été précisé au cours des
débats parlementaires qu'il appartenait à l'administration de prendre une
décision à l'issue de l'enquête. Ainsi, il est clair que dans tous les cas
c'est l'administration qui est compétente pour mener l'enquête à son terme,
même si dès le commencement de celle-ci une peine privative de liberté
doit être envisagée. Dans ce dernier cas également, l'administration ne
transmet le dossier au juge pénal, pour jugement, qu'après l'achèvement
de l'enquête (W. R. PFUND, Das neue Verwaltungsstrafrecht, unter
besonderer Berücksichtigung des Steuerstrafrechts, Archives 42 [1973]
182; MARKUS PETER, Das neue Bundesgesetz über das Verwaltungsstrafrecht,
RPS 90 [1974] 341 et 351; du même auteur, Verwaltungsstrafverfahren des
Bundes und kantonale Gerichtsbarkeit, in Recht und Praxis 1974 p. 509;
PETER BÖCKLI, Zweimal sieben Tücken des neuen Verwaltungsstrafrechtes,
in Basler juristische Mitteilungen 1979 p. 187).

    f) Le système d'attribution de compétences résultant du DPA avait
déjà été proposé lors de la revision de la LB dont les dispositions n'ont
nécessité que des modifications rédactionnelles à la suite de l'adoption
du DPA (FF 1970 I 1174; FF 1971 I 1045 ch. XX). Au cours de l'examen
de la LB par le Conseil des Etats, il fut précisé que la poursuite des
infractions aux dispositions de la loi incomberait désormais au Département
fédéral des finances et que les juridictions cantonales connaîtraient des
délits de violation du secret professionnel et d'atteinte au crédit des
banques, c'est-à-dire des délits de droit commun (BO-CE 1970 p. 298). Il
a encore été indiqué que de la sorte la poursuite serait concentrée là
où la présence de spécialistes favoriserait la célérité de la procédure
et du jugement, que la compétence des tribunaux cantonaux pour réprimer
les crimes et délits de droit commun ne serait pas touchée, que les
infractions dites bancaires se trouvaient le plus souvent en concours avec
les infractions de droit pénal commun et que la nouvelle répartition des
compétences présentait l'avantage de faciliter la tâche des tribunaux
cantonaux car ils pourraient désormais disposer d'une instruction déjà
terminée (BO-CN 1970 p. 299, intervention Bodenmann).

    g) Plusieurs auteurs se sont exprimés sur le problème du concours
d'infractions tel qu'il se présente ici. Ils se limitent cependant à
exposer l'argumentation du Conseil fédéral figurant dans la décision
précitée (JAAC 1978.87; ROBERT ROTH, Tribunaux pénaux, autorités
administratives et droit pénal administratif, RDAF 1981 p. 296; Schweri,
Interkantonale Gerichtsstandsbestimmung in Strafsachen, Berne 1987
p. 29 n. 32). D'après RENATE SCHWOB, une délégation de la poursuite
aux autorités pénales cantonales n'est justifiée que s'il existe, en
plus, un lien étroit entre les deux procédures; elle indique cependant
qu'en général les enquêtes sont menées séparément (FJS 1288 p. 5/6 et
7). MARKUS PETER estime qu'en l'absence d'une disposition légale sur ce
type de concours, il faut admettre en principe l'obligation de chacune
des autorités compétentes de mener séparément l'instruction; avec raison
il mentionne le fait qu'en pratique la majorité des cas sont sanctionnés
par une simple amende et qu'une réglementation particulière a été prévue
à cet effet aux art. 8 et 9 DPA (Erste Erfahrungen mit dem Bundesgesetz
über das Verwaltungsstrafrecht, RPS 93 [1977] 374).

Erwägung 4

    4.- a) Une application par analogie de l'art. 344 ch. 1 CP permettant
de déléguer l'enquête pénale administrative aux autorités cantonales
d'instruction pénale est contraire au droit. Cela découle du texte
clair du DPA et des travaux préparatoires des deux lois en cause (DPA et
LB); en particulier, une telle délégation porte atteinte aux droits de
l'inculpé. Il n'y a pas de lacune des textes légaux sur la compétence en
matière d'instruction ou d'enquête au sujet des infractions en concours,
qui doivent être poursuivies par les autorités pénales administratives
d'une part et, d'autre part, par les autorités pénales cantonales. Si
lacune il y a, il s'agit d'un silence qualifié du législateur. Le fait
que l'art. 21 al. 3 DPA attribue au Conseil fédéral la compétence de
déférer l'affaire à la Cour pénale fédérale (dont la seule tâche n'est
pas d'instruire mais uniquement de juger) corrobore cette conclusion; en
effet, il n'y a pas de délégation semblable prévue au stade de l'enquête.

    Dès lors, par la délégation attaquée le Département fédéral a violé
les art. 20, respectivement 21 DPA et 51bis al. 2 LB. La plainte doit
en conséquence être admise.

    b) Le dossier doit être renvoyé au Département fédéral; celui-ci devra
mettre fin à l'enquête par une décision formelle au sens de l'art. 62
DPA. S'il estime, après avoir mis fin à l'enquête, que les conditions
requises pour infliger une peine ou une mesure privative de liberté sont
réunies, il devra transmettre le dossier au Ministère public cantonal à
l'intention du tribunal compétent, conformément à l'art. 73 al. 1 DPA.