Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 IV 207



121 IV 207

34. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 13 juillet
1995 dans la cause R.F. contre B. et Ministère public du canton du Jura
(pourvoi en nullité) Regeste

    Art. 2 Abs. 1 und Art. 8 Abs. 1 lit. c OHG; Art. 270 Abs. 1 BStP;
Legitimation des Opfers zur eidgenössischen Nichtigkeitsbeschwerde.

    Umstände unter denen es nicht notwendig ist, dass das Opfer im
Strafverfahren Zivilforderungen aus strafbarer Handlung geltend gemacht
hat (E. 1a).

    Art. 125 Abs. 2 StGB; schwere fahrlässige Körperverletzung.

    Schwere fahrlässige Körperverletzung, durch einen Polizeibeamten
verursacht, der seine Pistole mit gespanntem Hahn in eine halb geöffnete
Autotüre hält (E. 2b).

Sachverhalt

    A.- Le 24 août 1993 vers 02h50, les agents S. et M., de la police
de X., ont entrepris de poursuivre une voiture qui s'était soustraite à
leur contrôle. Appelant la permanence de D., ils ont requis l'aide de la
police jurassienne, en indiquant que, par son comportement sur la route
(vitesse excessive, queues de poisson lors de tentatives de dépassement,
manoeuvres diverses pour empêcher les dépassements de la police), le
conducteur donnait à penser qu'il était dangereux, prêt à tout et que
les précautions d'usage devaient être prises.

    Les agents A. et B. se sont alors rendus à un carrefour, à l'entrée
de D., pour intercepter le véhicule. Alors que les agents lui faisaient
signe de s'arrêter avec leur torche, le conducteur de la voiture suspecte
a accéléré, obligeant les deux policiers à sauter de côté pour éviter
d'être happés par l'automobile. L'agent B. a sorti son arme et tiré un
coup de semonce en l'air; l'automobiliste l'a entendu, mais ne s'est
pas arrêté. Après le passage de la voiture des agents bernois, les
deux policiers jurassiens ont sauté dans leur véhicule et ont engagé
la poursuite en suivant leurs collègues. A la hauteur du village de Y.,
les policiers bernois ont réussi à dépasser la voiture poursuivie, qui
a pu être stoppée.

    Descendant de leur véhicule de service, les agents A., l'arme à la
main, et M. se sont approchés du véhicule intercepté et en ont sorti de
force le conducteur, P., qui refusait de s'exécuter. Constatant qu'il
n'avait à faire qu'à un automobiliste pris de boisson, A. rengaina son
pistolet.

    Pendant ce temps, l'agent S. est resté au volant de la voiture
de police, moteur en marche, prêt à continuer la poursuite au cas où
l'automobiliste reprendrait la fuite.

    Parallèlement à ces faits, l'agent B. est intervenu du côté du
passager, tenant dans sa main son arme de service dont il avait relevé
le chien, de sorte qu'il suffisait d'une pression de 1 à 1,2 kg pour que
le coup parte. Il a ordonné au passager de sortir. La porte s'est alors
ouverte et il a vu sortir une femme, R., qui lui disait: "s'il te plaît,
c'est pas ma faute, c'est pas moi qui conduis". L'agent s'est approché
de telle sorte que le pistolet se trouvait dans l'entrebâillement de la
porte. A cet instant, les faits n'ont pas pu être établis avec certitude
et il a été retenu la version la plus favorable à l'agent accusé, à savoir
que le conducteur P., qui était encore dans la voiture, a tiré vers lui
R.; comme celle-ci tenait la portière lorsqu'elle fut tirée à l'intérieur
du véhicule, la porte a heurté la main du policier et un coup de feu est
parti involontairement, blessant grièvement la passagère.

    Atteinte par la balle, R. a subi une fracture ouverte du bras droit,
qui a nécessité deux interventions chirurgicales et plusieurs mois
d'hospitalisation; elle doit s'attendre à une parésie du bras droit et
présente de grandes cicatrices; son incapacité de travail a été estimée
à 8 ou 9 mois, mais risque d'être définitive.

    B.- Par jugement du 30 mars 1994, le Président I du Tribunal du
district de Delémont a libéré B. de la prévention de lésions corporelles
graves par négligence, considérant que son comportement n'était pas
disproportionné par rapport aux circonstances. Il lui a alloué des dépens
et une indemnité pour tort moral de 500 fr.

    Statuant sur appel de la plaignante R., la Cour pénale du Tribunal
cantonal a considéré que le policier avait violé fautivement les devoirs
de la prudence et adopté un comportement disproportionné en maintenant
son arme prête au tir, alors même qu'il avait constaté que la passagère
"obtempérait docilement à ses ordres et ne se montrait en rien menaçante,
ni son compagnon du reste". Elle a jugé cependant que le rapport de
causalité adéquate avait été rompu par le comportement extraordinaire
et imprévisible du conducteur P., qui avait tiré à lui la passagère;
il a été relevé que le policier ne pouvait s'y attendre "puisqu'il a été
établi, lors de la reconstitution, que, de l'endroit où il se trouvait,
il ne pouvait pas voir le conducteur ni l'évolution de l'intervention
de ses collègues". Partant, la cour cantonale a confirmé le jugement de
première instance.

    C.- Contre cet arrêt, R. a formé un pourvoi en nullité au Tribunal
fédéral. Soutenant que la cour cantonale a violé le droit fédéral en
admettant une rupture du rapport de causalité adéquate, elle conclut,
avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée et
à ce que l'accusé B. soit reconnu coupable de lésions corporelles graves
par négligence; elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.

    L'accusé conclut au rejet du pourvoi avec suite de frais et dépens.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) La recourante a été directement touchée dans son intégrité
corporelle par l'infraction qu'elle invoque, de sorte qu'elle a la qualité
de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI (RS 312.5). Elle peut donc,
aux conditions de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI, exercer les mêmes droits de
recours que l'accusé, soit notamment le droit de se pourvoir en nullité
(art. 270 al. 1 PPF; ATF 120 IV 44 consid. 2a et b).

    Il n'est pas douteux qu'elle était déjà partie à la procédure
auparavant, puisqu'elle a provoqué, par son appel, la décision attaquée
(ATF 120 IV 38 consid. 2b, 119 IV 339 consid. 1d/bb). La décision
querellée, qui dénie l'existence d'un rapport de causalité adéquate,
est de nature à influencer le jugement des prétentions civiles qu'elle
peut déduire de l'infraction invoquée (art. 41 al. 1, 46, 47 et 52 CO).

    La jurisprudence exige que la victime ait pris des conclusions
civiles sur le fond dans le cadre de la procédure pénale (ATF 120
IV 44 consid. 4b p. 53 ss, 90 consid. 1a/aa, 94 consid. 1a/aa, 154
consid. 3a/aa), ce que la recourante n'a pas fait. Cette exigence n'est
cependant pas absolue. D'une part, une solution transitoire a été admise
pour permettre aux personnes habilitées à recourir sous l'ancien droit
(plaignants et accusateurs privés) de se pourvoir en nullité pour autant
qu'une action civile découlant de l'acte illicite soit concevable et que
l'arrêt attaqué ait des effets sur son jugement (ATF 120 IV 44 consid. 9,
90 consid. 1a/dd, 94 consid. 1a/dd et b p. 96 s.). La recourante ne peut
sur ce point se prévaloir de la solution transitoire, puisque les lésions
corporelles graves par négligence sont poursuivies d'office (art. 125
al. 2 CP). D'autre part, l'obligation d'avoir pris des conclusions
civiles ne vaut que dans la mesure où, selon les circonstances du cas
d'espèce, ce comportement peut être raisonnablement exigé. Tel n'est pas
le cas lorsque l'existence du dommage n'est pas encore établie pendant le
procès ou que le dommage ne peut être chiffré (ATF 120 IV 44 consid. 4b
p. 54 s.). Il ressort de l'arrêt cantonal que la situation de la victime
est encore évolutive et qu'il n'est actuellement pas possible de statuer
définitivement sur son incapacité de travail; on peut donc admettre qu'elle
n'était pas encore en mesure de chiffrer de manière sérieuse sa prétention.

    Les conditions posées par l'art. 8 al. 1 let. c LAVI étant ainsi
remplies, la recourante a qualité pour se pourvoir en nullité de la même
manière qu'un accusé pourrait le faire sur la base de l'art. 270 al. 1 PPF.

    Dirigé contre un jugement pénal rendu en dernière instance cantonale
(art. 268 ch. 1 PPF), le pourvoi, qui a été annoncé et motivé en temps
utile (art. 272 al. 1 et 2 PPF), dans les formes requises (art. 273
al. 1 PPF), est en principe recevable.
   b) (autres questions de recevabilité)

Erwägung 2

    2.- a) La recourante soutient qu'en admettant une rupture du rapport
de causalité adéquate, la cour cantonale a violé l'art. 125 CP.

    Selon l'art. 125 al. 1 CP, "celui qui, par négligence, aura fait subir
à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera,
sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende". L'art. 125 al. 2 CP
prévoit que si la lésion est grave - tel que cela est admis en l'espèce -
l'auteur sera poursuivi d'office. L'art. 18 al. 3 CP donne une définition
de la négligence: "celui-là commet un crime ou un délit par négligence,
qui, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans
tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable
quand l'auteur de l'acte n'a pas usé des précautions commandées par les
circonstances et par sa situation personnelle".

    Pour qu'il y ait lésions corporelles par négligence, il faut tout
d'abord que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que
les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque
admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les
efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir
(cf. ATF 116 IV 306 consid. 1a et les références citées). Pour déterminer
plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on
peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer
la sécurité et éviter des accidents (ATF 118 IV 130 consid. 3a, 116 IV
306 consid. 1a, 114 IV 173 consid. 2a). A défaut de dispositions légales
ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent
d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement
reconnues (ATF 118 IV 130 consid. 3a, 115 IV 189 consid. 3b p. 192
s.). La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des
principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée
(Stratenwerth, Allgemeiner Teil I, Berne 1982, p. 406 no 24; Donatsch,
Sorgfaltsbemessung und Erfolg beim Fahrlässigkeitsdelikt, Zurich 1987,
p. 296 ss). Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur,
au moment des faits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de
ses capacités, se rendre compte de la mise en danger d'autrui et qu'il
a simultanément dépassé les limites du risque admissible (ATF 118 IV 130
consid. 3). Une omission ne peut lui être reprochée que dans la mesure où
il avait un devoir juridique d'agir découlant d'une position de garant
(cf. ATF 115 IV 199 consid. 2b et c, 108 IV 3 consid. 1b, 100 IV 210
consid. 2a et b). S'il y a eu violation des devoirs de la prudence, il
faut encore que celle-ci puisse être imputée à faute, c'est-à-dire que l'on
puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles,
d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable (STRATENWERTH, op.cit.,
p. 397 no 1).

    Même si l'auteur a violé, d'un point de vue objectif, les devoirs de la
prudence en adoptant un comportement dangereux, on doit encore se demander
si son attitude n'est pas justifiée par un devoir légal, de fonction ou
de profession (art. 32 CP), par la légitime défense (art. 33 CP) ou par
l'état de nécessité (art. 34 CP). En ce qui concerne plus particulièrement
le devoir de fonction, c'est le droit cantonal ou communal qui détermine,
pour les agents publics cantonaux ou communaux, s'il existe un devoir de
fonction et quelle en est l'étendue; déterminer si un tel devoir constitue
un fait justificatif dépend de l'art. 32 CP, de sorte que l'ensemble de la
question relève du droit fédéral (ATF 115 IV 162 consid. 2a p. 165, 111
IV 113 consid. 4); indépendamment des dispositions particulières, l'acte
de l'agent public ne peut être justifié par le devoir de fonction que
s'il respecte le principe de la proportionnalité (ATF 111 IV 113 consid. 2
p. 116). Par ailleurs, un policier peut invoquer, comme tout autre citoyen,
le droit à la légitime défense, qui est régi exclusivement par le droit
fédéral, à savoir l'art. 33 CP (ATF 115 IV 162 consid. 2a p. 164 s.).

    Pour qu'il y ait lésions corporelles par négligence, il ne suffit pas
de constater la violation fautive d'un devoir de prudence d'une part et
la survenance des lésions corporelles d'autre part, il faut encore qu'il
existe un rapport de causalité entre cette violation et les lésions subies
(art. 125 al. 1 CP).

    Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constitue
l'une des conditions sine qua non (ATF 116 IV 306 consid. 2a, 115 IV
199 consid. 5b et les références citées). La constatation du rapport de
causalité naturelle relève du fait, ce qui la soustrait au contrôle de
la Cour de cassation (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133 s., 115 IV 100
consid. 2a, 103 IV 289 consid. 1 p. 291). Il y a toutefois violation
du droit fédéral si l'autorité cantonale méconnaît le concept même de
la causalité naturelle (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 134, 101 IV 149
consid. 2b).

    Si la causalité naturelle est retenue, il faut encore se demander si
le rapport de causalité peut être qualifié d'adéquat, c'est-à-dire si
le comportement était propre, d'après le cours ordinaire des choses et
l'expérience de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est
produit (ATF 118 IV 130 consid. 3c, 115 IV 100 consid. 2b, 241 consid. 3,
101 IV 67 consid. 2b et les arrêts cités). Il s'agit là d'une question de
droit que la Cour de cassation revoit librement (ATF 117 IV 130 consid. 2a
p. 134). La causalité adéquate peut cependant être exclue, l'enchaînement
des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante,
par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un
tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît
si extraordinaire, que l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'imprévisibilité
d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de
causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle
qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de
l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs
qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF
115 IV 100 consid. 2b, 100 IV 279 consid. 3d p. 284 et les arrêts cités).

    b) Il convient maintenant d'analyser le cas d'espèce en fonction des
principes qui viennent d'être rappelés.

    Il est reproché à l'accusé une action, soit d'avoir dirigé un pistolet
chargé, le chien tiré, vers la victime, à courte distance de celle-ci,
alors qu'il suffisait d'une pression d'un kilo ou 1,2 kg sur la gâchette
pour que le coup parte. Indépendamment de toute règle de sécurité, un
tel comportement viole objectivement les devoirs de la prudence et excède
les limites du risque admissible. L'accusé étant un policier expérimenté,
formé à l'usage des armes à feu, le caractère dangereux de son comportement
ne pouvait lui échapper.

    Il faut donc se demander si ce comportement, en principe illicite,
est justifié par le devoir de fonction, voire l'état de légitime défense
putatif.

    En se soustrayant à un contrôle, en prenant la fuite bien que poursuivi
par une voiture de police, puis en forçant le passage et en continuant
sa route malgré un coup de semonce, le conducteur de la voiture avait
adopté un comportement suspect, qui donnait à penser qu'il avait commis
un crime ou un délit grave (en réalité, il y avait délit d'ivresse au
volant), ce qui rendait nécessaire de l'interpeller et de contrôler
son identité. Comme l'automobiliste n'avait pas hésité à foncer sur
les policiers, qui ont dû s'écarter vivement, pour forcer le passage,
il avait montré qu'il faisait peu de cas de leur sécurité. De ce point
de vue, le cas d'espèce se distingue de celui jugé à l'ATF 115 IV 162 ss.

    En pareilles circonstances, les policiers étaient fondés à craindre
que le conducteur, immobilisé contre sa volonté, s'empare d'une arme et
ouvre le feu sur eux pour poursuivre sa fuite, en profitant du fait qu'ils
s'étaient éloignés de leur véhicule. Pour procéder à l'interpellation
exigée par leur devoir de fonction, les policiers étaient légitimés,
sous l'angle de la proportionnalité, à s'approcher de la voiture l'arme
à la main, aussi bien à des fins dissuasives que pour être en mesure de
se défendre immédiatement et efficacement dans l'hypothèse sérieusement
envisageable où l'on ouvrait le feu sur eux.

    L'autorité cantonale, se référant à juste titre au droit cantonal
et communal, a observé qu'aucune disposition ne régissait dans quelles
circonstances le chien de l'arme pouvait être tiré. Comme les policiers
étaient fondés à se croire en danger de mort imminent, le conducteur
n'ayant pas hésité peu auparavant à foncer sur eux avec son automobile,
on ne voit pas qu'il était disproportionné de tenir l'arme d'une manière
telle qu'elle permette de faire feu le plus rapidement possible.

    La cour cantonale a cependant reproché à l'accusé de ne pas avoir mis
un terme au danger causé par son arme lorsqu'il a constaté que le passager
était une femme, que celle-ci se montrait docile et s'excusait. Il est
évident que le danger causé par le policier devient disproportionné dès le
moment où il n'apparaît plus nécessaire. Il ne suffit cependant pas que le
policier ait constaté que la passagère ne présentait pas un danger pour
lui, il faut encore se demander s'il était toujours fondé à penser que
le conducteur était susceptible à tout moment de faire feu sur lui. Il
faut ici rappeler que c'est le conducteur qui s'était montré dangereux
et avait manifesté la volonté ferme d'échapper au contrôle de la police;
on pouvait parfaitement imaginer que sa passagère n'était pas d'accord
avec lui, voire même qu'elle se trouvait dans la voiture contre son gré;
le fait que la passagère se montre docile n'était donc pas à lui seul
de nature à rassurer le policier et à faire disparaître le danger qu'il
était fondé à redouter.

    Sur ce point, l'arrêt cantonal est insatisfaisant. A la page 11, il
est observé que "la plaignante obtempérait docilement à ses ordres et ne
se montrait en rien menaçante, ni son compagnon du reste". On ne sait ce
qui permettait au policier de déduire que le conducteur ne se montrait en
rien menaçant. A la page 13, on peut lire qu'il "a été établi, lors de la
reconstitution, que, de l'endroit où il se trouvait, il ne pouvait pas voir
le conducteur ni l'évolution de l'intervention de ses collègues". On ne
voit donc pas comment l'accusé aurait pu savoir que le conducteur était
un homme pris de boisson, qu'il n'était pas armé et ne se montrait pas
menaçant. Comme il a été admis que le conducteur avait ensuite tiré la
victime à l'intérieur de la voiture, il faut en déduire qu'il s'y trouvait
encore et qu'il n'avait donc pas été déjà neutralisé par les autres
policiers et contraint à sortir du véhicule. Les constatations cantonales
sont insuffisantes sur cette question pour contrôler la bonne application
du droit fédéral (art. 277 PPF). La question ne doit cependant être
approfondie que si l'acquittement n'est pas justifié pour une autre raison.

    c) L'accusé ayant tenu son pistolet, le chien tiré, dans
l'entrebâillement de la porte, sa main fut heurtée lorsque la porte se
referma et le coup partit, atteignant la victime, qui fut grièvement
blessée. Sur la base d'un tel état de fait - qui lie la Cour de cassation
-, l'autorité cantonale n'a pas ignoré ou mal interprété l'exigence d'une
causalité naturelle entre le comportement dangereux du policier et les
lésions subies par la victime.

    Diriger un pistolet chargé, le chien tiré, à courte distance sur une
personne, est assurément de nature, selon le cours ordinaire des choses et
l'expérience de la vie, à entraîner au moindre incident le départ du coup
et, en conséquence, des lésions qui peuvent être mortelles ou graves. Sous
l'angle de la causalité, la seule question qui se pose réellement ici
est de savoir s'il y a eu rupture du rapport de causalité adéquate,
c'est-à-dire si le comportement du conducteur, qui a tiré la passagère à
l'intérieur du véhicule, était à ce point extravagant et insensé qu'il
relègue à l'arrière-plan le rôle causal joué par le comportement du
policier qui tenait son arme à la main.

    Lorsqu'une personne tient un pistolet chargé, le chien tiré, dans
l'entrebâillement d'une portière de voiture tenue par celui ou celle
qu'elle vise, le risque que la portière se referme sur sa main et que
le coup parte inopinément est à ce point évident que l'on ne saurait
parler d'une rupture du rapport de causalité adéquate si ce risque se
réalise. La question n'est pas de savoir si l'accusé a imaginé par avance,
dans le détail, ce qui s'est passé en réalité. Il suffit de constater que
la situation était telle qu'elle suggère immédiatement plusieurs hypothèses
conduisant au choc entre la main et la portière, faisant partir le coup. On
peut imaginer tout d'abord, comme dans le cas de l'ATF 115 IV 162 ss, que
le conducteur démarre brusquement, pour continuer sa fuite en profitant du
fait que les policiers avaient mis pied à terre et que la main du policier
soit heurtée dans la porte entrebâillée. Il était aussi concevable que
la passagère, effrayée à la vue de l'arme, referme instinctivement la
porte pour se soustraire à cette menace. On pouvait tout aussi bien
s'attendre à ce que le conducteur ne soit pas d'accord avec la reddition
de sa passagère, qu'il la tire brusquement à l'intérieur du véhicule pour
redémarrer à toute vitesse. On ne peut donc pas dire que ce qui s'est
produit ait un caractère absolument extraordinaire et imprévisible. Le
comportement du policier, qui braquait son pistolet, le chien tiré,
sur la passagère, créait un risque tellement évident de départ inopiné
du coup de feu que l'on ne saurait dire que son rôle causal est rejeté à
l'arrière-plan par la réaction du conducteur. Les circonstances de fait
retenues - qui lient la Cour de cassation - ne font pas apparaître une
rupture du rapport de causalité adéquate, de sorte que l'arrêt attaqué,
sur ce point, viole cette notion de droit fédéral. Le pourvoi doit donc
être admis.

    Il n'en découle pas que l'accusé doive nécessairement être condamné
pour lésions corporelles graves par négligence. L'accusé, qui n'a pas
pu se pourvoir en nullité faute d'intérêt pour agir, conserve le droit
d'invoquer la licéité de son acte. Il appartiendra à l'autorité cantonale
de se pencher sur la question laissée ouverte ci-dessus, le cas échéant
en faisant notamment application de l'art. 19 CP relatif à l'erreur sur
les faits.

Erwägung 3

    3.- (suite de frais)