Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 IV 131



121 IV 131

23. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 10 mai 1995
en la cause D. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 110 Ziff. 5 und 251 StGB; Falschbeurkundung durch eine Rechnung
mit dazugehöriger Quittung.

    Einer fiktiven Rechnung mit dazugehöriger Quittung kommt nicht von
Gesetzes wegen eine allgemeingültige objektive Garantie zu, die in jedem
Fall eine Falschbeurkundung darstellen würde. Aufgrund der Umstände
ist noch zu prüfen, ob ein solches Schriftstück z.B. wegen besonderer
Eigenschaften der ausstellenden Person einen erhöhten Beweiswert besitzt
(E. 2c).

    Art. 179septies StGB; Missbrauch des Telefons, Begriff der Bosheit
und des Mutwillens.

    Der Begriff des Missbrauchs ist eine vom Richter zu entscheidende
Wertungsfrage. Bosheit ist anzunehmen, wenn der Täter die Tat begeht,
weil ihm der Schaden oder die Unannehmlichkeiten, die er dem andern damit
zufügt, Freude bereiten. Mutwillen bedeutet rücksichtsloses Handeln oder
Handeln aus Übermut, Trotz, um eine momentane Laune zu befriedigen (E. 5b).

Sachverhalt

    A.- Le 16 mars 1994, le Tribunal de police du district de Nyon a
condamné D. pour injure, abus de téléphone, menaces, faux dans les titres
et instigation à faux dans les titres à trois mois d'emprisonnement, avec
sursis pendant quatre ans, et à 1'500 fr. d'amende, mettant à sa charge
les frais de la procédure. Cette condamnation est fondée en résumé sur
les faits suivants.

    Les époux D. et E. sont en instance de divorce depuis le début de
l'année 1990. Dans le cadre de cette procédure, D. a produit différents
documents, dont un relevé bancaire d'octobre 1989, ainsi qu'une facture
fictive d'un montant de 4'600 fr., datée de décembre 1989, comportant un
reçu de G. et mentionnant des travaux effectués dans la maison des époux
D. et E. C'est à la demande de D. que G. a confectionné ce document qui
devait être utilisé par le recourant lors de son procès en divorce pour
prouver un paiement.

    Il a par ailleurs été retenu qu'après avoir appris que sa femme,
dont il vivait séparé, entretenait une liaison avec P., D. a, durant
l'été 1992, téléphoné à E. à de très nombreuses reprises la menaçant,
à mots couverts, de mettre fin à ses jours et l'injuriant de différentes
manières. Madame E. a été très affectée par ce harcèlement incessant au
point de sombrer quasiment dans la dépression.

    Le 6 juin 1992, D. a téléphoné au domicile de P. et a dit à l'épouse
de ce dernier que son mari était l'amant de Madame E. Ensuite, dans les
mois qui suivirent, D. a appelé anonymement très fréquemment les époux P.,
parfois plusieurs fois en quelques minutes.

    B.- Par arrêt du 27 juin 1994, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a partiellement admis le recours de D. formé contre ce
jugement. Elle l'a libéré des préventions de faux dans les titres dans
le cadre de la production du relevé bancaire et d'abus de téléphone au
préjudice de son épouse, estimant que les injures et les menaces dont
il avait été reconnu coupable à l'encontre de cette dernière absorbaient
l'abus de cet appareil. Le jugement de première instance a été confirmé
pour le surplus.

    C.- Contre cet arrêt, D. forme un pourvoi en nullité au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation des articles 41, 63, 177, 179septies,
180 et 251 CP, il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation
de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
une nouvelle décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Le recourant invoque une violation de l'article 251 CP.  Il prétend
que la facture fictive établie par G. n'était pas propre à prouver un
fait ayant une portée juridique.

    a) Se rend coupable de faux dans les titres, au sens de l'article
251 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts
pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un
tiers un avantage illicite a constaté ou fait constater faussement, dans
un titre, un fait ayant une portée juridique. Sont réputés titres tous
écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une porté juridique
(art. 110 ch. 5 CP; ATF 120 IV 25 consid. 3a, 101 IV 278 consid. 2b).

    Bien qu'ils aient fait l'objet de modifications entrées en vigueur le
1er janvier 1995 (RO 1994 p. 2290, 2301 et 2309), les articles 110 ch. 5
et 251 CP seront applicables dans la teneur qui était en vigueur à la
date de la décision cantonale, dès lors que l'arrêt cantonal constitue le
prononcé du juge de répression qui fixe l'application de la loi pénale dans
le temps au sens de l'art. 2 al. 2 CP (ATF 117 IV 369 consid. 15 p. 386,
101 IV 359 consid. 1). Les modifications intervenues ne sont cependant
que de nature formelle en ce qui concerne le cas d'espèce.

    b) L'article 251 aCP réprime aussi bien la falsification d'un document
(faux matériel) que l'établissement d'un écrit constatant un fait faux
(faux intellectuel) (ATF 120 IV 361 consid. 2b, 199 consid. 3b, 117 IV
35 consid. 1d).

    En l'espèce, le recourant a incité G. à établir une facture fictive,
munie d'une quittance. Il n'a donc pas procédé à la falsification
d'un document, mais a fait constater par écrit une situation de fait
inexistante. Il s'agit donc de déterminer si la facture munie de la
quittance de G. constitue ou non un faux intellectuel dans les titres.

    c) D'après la jurisprudence, l'article 251 aCP doit être interprété
restrictivement en matière de faux intellectuel (ATF 120 IV 361 consid. 2b,
117 IV 35 consid. 1d). Du reste, si le législateur a maintenu, lors de la
modification de l'article 251 CP, entrée en vigueur le 1er janvier 1995,
la répression du faux intellectuel dans les titres, c'est justement parce
que le Tribunal fédéral a posé des conditions relativement strictes à
l'admission de cette infraction (BO 1993 CE 967 et 1994 CE 430 CN 872). Par
opposition au simple mensonge écrit, la fausse constatation est réprimée
lorsqu'une garantie objective s'attache au document, en raison par exemple
de la qualité de celui qui l'établit (fonctionnaire, etc.) ou de la valeur
que la loi attribue à cet écrit (art. 958 CO relatif au bilan). De simples
faits découlant de l'expérience générale de la vie, tels que la confiance
qu'inspire habituellement une allégation défavorable à celui qui l'énonce,
ne suffisent pas. Peu importe que, dans la vie des affaires, on s'attende
généralement à ce que de telles allégations soient exactes (ATF 120 IV
361 consid. 2b, 122 consid. 4c p. 127, 119 IV 54 consid. 2c/bb, 117 IV
35 consid. 1d).

    Le caractère de titre d'un écrit est relatif. Il peut avoir ce
caractère sous certains aspects et non sous d'autres. Ainsi, une facture,
indépendamment de la véracité de son contenu, peut être considérée comme
un titre pour prouver que la déclaration qui y figure émane bien de son
auteur. Sous cet angle, sa falsification peut donc constituer un faux
matériel dans les titres ou, selon les circonstances, sa destruction
une suppression de titres. Le fait que les factures puissent en principe
être qualifiées de titres ne signifie pourtant pas qu'une facture dont le
contenu n'est pas exact constitue forcément un faux intellectuel dans les
titres (dans ce sens, cf. ATF 119 IV 54 consid. 2c/aa). Il en va de même
des factures munies d'une quittance. En effet, compte tenu de la conception
restrictive du faux intellectuel dans les titres, il ne suffit plus,
comme précédemment (ATF 103 IV 36 consid. 2 p. 38, 101 IV 278 consid.
2b), qu'une quittance soit, selon les usages commerciaux, destinée à
prouver un paiement, pour qu'elle puisse être considérée comme un titre
dès qu'elle est dans les mains du débiteur (dans ce sens STRATENWERTH,
Bes.Teil II, 4e éd., Berne 1995, p. 136 s., no 45).

    La quittance est un document doté, de par la loi, d'une certaine
valeur probante. Ainsi, elle permet de faciliter au débiteur la preuve
de l'extinction de son obligation, en établissant une présomption que la
dette mentionnée a bien été éteinte (ROLF H. WEBER, Berner Kommentar,
vol. VI/1/4, ad art. 88 CO no 57 et ad art. 89 al. 3 CO no 26). Selon
la jurisprudence, un document peut constituer un faux intellectuel dans
les titres lorsque la loi tend à garantir l'exactitude de ce document
vis-à-vis des tiers. Tel est le cas de l'appellation sous laquelle de la
viande est vendue, dès lors que la loi impose de désigner correctement les
denrées alimentaires afin d'éviter toute confusion quant à leur nature
ou à leur provenance (ATF 119 IV 289 consid. 4b p. 295). La loi confère
également une valeur probante accrue au prospectus facultatif d'émission
lors d'une augmentation de capital selon la procédure de la fondation
simultanée d'une société anonyme; ce prospectus publicitaire, qui invite
des tiers à souscrire des actions, doit permettre aux souscripteurs de
se fier aux indications qu'il contient, car ils ne sont pas en mesure
de les vérifier (ATF 120 IV 122 consid. 4d/bb). Il en va de même du
procès-verbal d'une assemblée générale, dans la mesure où le préposé au
registre du commerce doit pouvoir se fier à la véracité de son contenu
(ATF 120 IV 199 consid. 3c). Or, l'objectif visé par les articles 88
et 89 CO est simplement de faciliter la preuve du paiement et non pas
de garantir aux tiers que le contenu de la quittance est conforme à
la réalité. A cet égard, il n'y a pas lieu de considérer différemment
la quittance d'un contrat passé en la forme écrite simple, à propos
duquel le Tribunal fédéral a déclaré qu'il ne prouve pas, à lui seul,
que son contenu est exact, en particulier qu'il n'y a pas eu de vice de
la volonté ou de simulation (ATF 120 IV 25 consid. 3f). En conséquence,
une facture munie d'une quittance n'est pas dotée en soi, de par la
loi, d'une garantie objective suffisante pour faire l'objet d'un faux
intellectuel dans les titres.

    Il faut encore se demander si, selon les circonstances, la quittance
ne possède pas une valeur de preuve accrue, notamment en fonction de la
personne qui l'a établie. Ainsi, la jurisprudence a reconnu comme des
faux intellectuels dans les titres une feuille de maladie, mensongère,
établie par un médecin (ATF 117 IV 165 consid. 2c p. 169 s, 103 IV
178 consid. 2 p. 184 s.), une approbation écrite inexacte émanant d'un
architecte chargé de vérifier des factures (ATF 119 IV 54 consid. 2d/dd)
et des attestations bancaires fallacieuses émises par un organe dirigeant
d'une succursale bancaire (ATF 120 IV 361 consid. 2c). Dans ces exemples,
les documents ont été établis ou visés par des personnes se trouvant dans
une position comparable à celle d'un garant, de sorte qu'ils possédaient
une valeur de preuve accrue.

    Dans le cas particulier, la facture acquittée a été établie par une
personne qui n'est pas intéressée au procès dans lequel le document est
produit. Or, cette seule caractéristique ne permet pas d'en déduire que
la fausse facture, munie d'une quittance, est dotée d'une valeur de preuve
accrue. En effet, le but principal d'un tel document est de confirmer une
situation impliquant un cercle déterminé de personnes. Cela ne signifie pas
pour autant que la force probante de ce document soit suffisamment élevée
pour garantir la véracité de son contenu à l'égard des tiers (sur cette
question, cf. PETER LOTTNER, Der Begriff der Urkunde und die Abgrenzung
zwischen Falschbeurkundung und strafloser schriftlicher Lüge, thèse non
publiée Bâle 1969, p. 72 ss). Il faut plutôt se demander si l'auteur du
document, en raison de sa profession ou de la fonction qu'il exerce, peut
être comparé à un garant. Tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que
G. apparaît comme un simple partenaire contractuel du recourant, auquel
ce dernier a demandé d'effectuer quelques menus travaux dans sa maison,
sans lui confier de responsabilités particulières.

    En conséquence, la facture acquittée n'offre pas une garantie
suffisante, ni en vertu de la loi, ni en vertu de la personne qui l'a
établie, pour faire l'objet d'un faux intellectuel dans les titres. Dans
la mesure où il reconnaît le recourant coupable de faux intellectuel dans
les titres, l'arrêt attaqué doit donc être annulé. La Cour de céans n'a
dès lors pas à examiner si l'élément subjectif du faux dans les titres
est réalisé. Il ne faut pourtant pas en conclure que le comportement du
recourant échappe, de façon générale, à toute sanction pénale, notamment
du point de vue de la tentative d'escroquerie (ATF 120 IV 14 consid. 2b).

Erwägung 5

    5.- Le recourant soutient qu'il n'a pas commis d'abus de téléphone
ni à l'encontre de son épouse, ni à l'encontre des époux P.

    a) En ce qui concerne l'épouse du recourant, le grief est sans objet,
dès lors que l'autorité cantonale a libéré le recourant sur ce point,
estimant que l'infraction de l'article 179septies CP n'était pas réalisée,
car les injures et les menaces proférées absorbaient l'abus de téléphone.

    b) Pour ce qui a trait aux époux P., le recourant semble reprocher
aux premiers juges de ne pas avoir établi ses mobiles et conteste que
l'autorité cantonale ait pu retenir la méchanceté sur la base des faits
constatés.

    Le pourvoi en nullité est une voie de recours qui provoque le contrôle
par la Cour de cassation de l'application du droit fédéral à un état de
fait arrêté définitivement par l'autorité cantonale (CORBOZ, Le pourvoi
en nullité, SJ 1991 p. 57 ss, 97). Dans la mesure où l'argumentation du
recourant est fondée sur des faits qui ne sont pas constatés dans l'arrêt
attaqué, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 119 IV 202 consid. 2b
p. 206, 106 IV 338 consid. 1).

    L'article 179septies CP punit celui qui, par méchanceté ou par
espièglerie, aura abusé d'une installation téléphonique pour inquiéter un
tiers ou pour l'importuner. Cette disposition protège le droit personnel
de la victime à ne pas être importunée par certains actes commis au
moyen du téléphone. La notion d'abus est laissée à l'appréciation du juge
(SCHUBARTH, Bes.Teil, vol. 3, Berne 1984, p. 115 no 2 et p. 116 no 5). Il
y a méchanceté lorsque l'auteur commet l'acte répréhensible parce que
le dommage ou les désagréments qu'il cause à autrui lui procurent de la
satisfaction. Quant à l'espièglerie, elle signifie agir un peu follement,
par bravade ou sans scrupule, dans le but de satisfaire un caprice
momentané (SCHUBARTH, op.cit., p. 117 no 10; TRECHSEL, Kurzkommentar zum
StGB, Zurich 1989, ad art. 179septies CP no 2 qui renvoie, pour la notion
de méchanceté, à l'article 149 aCP).

    En l'espèce, il ressort des faits retenus par l'autorité cantonale
que le recourant a fait des appels fréquents (parfois plusieurs en
quelques minutes) et anonymes. L'argumentation du recourant remettant en
cause ces faits est irrecevable (art. 273 al. 1 let b PPF). L'autorité
cantonale s'est quelque peu éloignée de la notion de méchanceté définie
ci-dessus en considérant que fait preuve de méchanceté celui qui agit
par malveillance ou par chicane sans qu'il soit nécessaire que l'auteur
en retire de la satisfaction. Toutefois, le comportement du recourant,
tel qu'il découle des faits retenus, peut pour le moins être qualifié
d'espiègle, voire même de méchant. Par conséquent, la condamnation du
recourant pour abus de téléphone ne viole pas le droit fédéral.