Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 IV 109



121 IV 109

21. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 février 1995
dans la cause R. contre Procureur général du canton de Vaud (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 204 aStGB, unzüchtige Veröffentlichungen, und Art. 197 Ziff. 1
StGB, Pornographie.

    Live-Gespräche obszönen Inhalts, auch wenn sie telefonisch mitgehört
werden können, stellen (im Unterschied zu entsprechenden Aufzeichnungen)
keine unzüchtige Veröffentlichung bzw. pornographische Vorführung dar
(E. 2c).

    Art. 25 StGB, Gehilfenschaft zur Pornographie.

    Der für die Einführung des sogenannten Telekiosks Verantwortliche
der PTT macht sich der Gehilfenschaft zur unzüchtigen Veröffentlichung
bzw. zur Pornographie schuldig, wenn er die für den Betrieb des Telekiosks
notwendigen Einrichtungen zur Verfügung stellt im Wissen darum, dass
damit pornographische Tonaufnahmen verbreitet werden, die Personen unter
16 Jahren zugänglich sind (E. 3).

    Art. 32 StGB, Rechtfertigung durch Gesetz.

    Das Gesetz verpflichtet die PTT nicht, ihre Einrichtungen zur Verfügung
zu stellen, wenn sie zur Begehung strafbarer Handlungen verwendet werden
(E. 4).

    Art. 19 StGB, Irrtum über den Sachverhalt, und Art. 20 StGB,
Rechtsirrtum.

    Der Verantwortliche für den Telekiosk, auf dessen illegalen
Gebrauch hingewiesen und auf das Risiko der Strafbarkeit im Falle der
Fortführung des illegalen Gebrauchs aufmerksam gemacht, kann sich weder
auf Sachverhaltsirrtum (E. 5a) noch auf Rechtsirrtum (E. 5b) berufen.

Sachverhalt

    A.- R., ressortissant suisse né en 1941, licencié en droit, a été
nommé par le Conseil fédéral, le 1er octobre 1989, directeur général du
département des télécommunications des PTT. Marié et père de trois enfants
à sa charge, il réalise un salaire annuel brut de 250'000 fr. environ et
il est imposé sur une fortune de 75'000 fr. Il bénéficie d'une excellente
réputation et son casier judiciaire est vierge.

    Le 7 mai 1991, R., agissant dans l'exercice de ses fonctions, a pris
seul la responsabilité d'ordonner, à titre d'essai, l'introduction du
télékiosque 156. Il s'agit d'un système permettant à un exploitant de
fournir des messages au public, moyennant paiement, par le truchement de
plusieurs lignes téléphoniques commençant par le numéro 156; toute personne
disposant d'un raccordement téléphonique a la possibilité d'accéder, en
composant le numéro qui lui est indiqué dans la publicité, aux messages
proposés, moyennant une taxe facturée ensuite par les PTT, dont une part
revient à l'exploitant et l'autre aux PTT. R. devait savoir, sur la base
des expériences déjà réalisées à l'étranger, que le télékiosque serait
largement utilisé pour diffuser des messages érotiques.

    L'essai d'exploitation du télékiosque 156 a débuté, comme prévu, le 1er
octobre 1991. Le 8 octobre 1991 déjà, le Juge d'instruction du canton de
Vaud ouvrait une enquête contre inconnu pour publications obscènes. Les
investigations menées ont montré que les prestations offertes par les
exploitants dans le domaine du sexe pouvaient être divisées en trois
catégories:

    - il y a tout d'abord des messages préenregistrés consistant le
plus souvent dans la description de pratiques sexuelles de tout genre et
évoquant en termes non équivoques l'excitation sexuelle et l'orgasme;

    - il est aussi possible d'accéder à une conversation de vive voix à
deux ou plusieurs personnes avec une hôtesse; dans ce cas, le fait que
les propos soient tenus par des personnes en direct, avec des expressions
et des bruitages évocateurs, rend ces conversations encore plus choquantes;

    - il est possible enfin d'entendre une bande d'annonces émanant de
particuliers recherchant des contacts, d'insérer soi-même une telle
annonce ou de répondre à une annonce existante; certaines annonces,
au contenu souvent provocateur, décrivent en termes crus les pratiques
sexuelles les plus diverses.

    Dans un petit nombre de cas, il était question de pratiques avec des
mineurs. Parfois, il était fait allusion à l'utilisation d'excréments
humains.

    Dans la presse quotidienne, les exploitants ont publié de nombreuses
annonces, souvent illustrées et suggestives, pour faire connaître au
public leurs prestations et leur numéro d'appel; ainsi, les mineurs
étaient parfaitement renseignés sur les possibilités d'accès à ces
prestations. Tout abonné appelant le numéro diffusé par la publicité
pouvait accéder librement à l'écoute des bandes enregistrées, des dialogues
de vive voix et des annonces; même un enfant pouvait donc, par exemple
en utilisant le raccordement de son domicile en l'absence de ses parents,
accéder à l'ensemble de ces messages. Dans un cas de conversation de vive
voix, il fut constaté que l'hôtesse avait décelé la présence d'un enfant,
mais qu'il a néanmoins pu rester en ligne et assister à la suite de la
discussion entre les autres participants.

    Le 11 octobre 1991, le Procureur général du canton de Vaud a adressé
une lettre au Directeur général des PTT, en joignant la transcription
de trois messages mis à disposition des usagers par le biais du no 156,
dans laquelle il l'informe qu'il a dénoncé les auteurs de ces messages pour
publications obscènes, l'avertit du fait que le transport de tels messages
peut être constitutif à tout le moins de complicité de publications
obscènes et lui impartit un délai de cinq jours pour qu'il se détermine
sur la façon dont il entend mettre un terme à de tels agissements.

    R. a admis avoir pris connaissance de cette lettre, mais n'en avoir
pas lu les annexes.

    Par lettre du 17 octobre 1991, la Division principale du service
du contentieux des PTT a répondu au Procureur général du canton de Vaud
que l'entreprise des PTT n'avait pas à procéder au contrôle du contenu
des messages et que des mesures ne pourraient être prises que lorsqu'un
jugement pénal définitif et exécutoire rendu contre les abonnés concernés
aurait été notifié aux PTT.

    A la suite de ce courrier, le Ministère public vaudois a formellement
dénoncé les PTT pour complicité de publications obscènes.

    Le 31 octobre 1991, le Ministère public de la Confédération a fait
paraître un communiqué de presse annonçant qu'il avait engagé une procédure
d'autorisation de poursuites pénales contre les fonctionnaires des PTT.

    De leur côté, les PTT ont fait paraître un communiqué de presse le 5
novembre 1991 exposant aux usagers les mesures qu'ils pouvaient prendre,
à leurs frais, pour empêcher que leur raccordement ne soit utilisé pour
appeler un numéro 156.

    Par ailleurs, les PTT se sont déterminés à l'égard du Département
fédéral des transports, des communications et de l'énergie (ci-après:
DFTCE); ils ont repris en substance l'opinion figurant déjà dans la lettre
adressée au Procureur général vaudois, rappelant qu'ils n'ont ni le devoir
ni le droit de soumettre les conversations téléphoniques à des contrôles
et que l'abonné est seul responsable de ses messages. Cette lettre
désigne R. comme fonctionnaire responsable pour le système télékiosque
156. R. s'est expressément rallié à ces déterminations.

    Le 23 janvier 1992, le DFTCE a transmis la prise de position des PTT
au Ministère public de la Confédération et a demandé que l'autorisation
de poursuites pénales ne soit pas accordée, en reprenant en substance
les mêmes arguments et en concluant qu'il ne peut y avoir d'infraction
de la part des PTT.

    Le 25 mars 1992, le Département fédéral de justice et police (ci-après:
DFJP) a accordé l'autorisation de poursuivre pénalement R., ainsi que
d'éventuels autres fonctionnaires des PTT. Dans ses considérants, le DFJP
a réfuté de manière précise et détaillée les arguments présentés par les
PTT. Il a laissé aux cantons intéressés le soin de fixer le for.

    Le canton de Vaud a accepté sa compétence en application de l'art. 346
al. 2 CP.

    L'accusé a été délié du secret de fonction par le DFTCE le 22 juin
1992.

    A la suite de l'entrée en vigueur, le 1er mai 1992, de la loi
fédérale du 21 juin 1991 sur les télécommunications (LTC; RS 784.10) et
de l'ordonnance du 25 mars 1992 sur les services de télécommunications
(OST; RS 784.101.1), le télékiosque a été instauré de manière définitive.

    A la fin de l'année 1992, le Ministère public de la Confédération
a tenté en vain d'expliquer au DFTCE et à l'entreprise des PTT que la
pratique de cette dernière consistant à attendre l'entrée en force de
jugements pénaux était erronée.

    Le 18 février 1993, le DFTCE a proposé au Conseil fédéral de
modifier l'OST en introduisant un nouvel art. 18a précisant notamment
que les fournisseurs de service n'ont pas le droit de diffuser des
messages pornographiques au sens de l'art. 197 CP. A cette époque, le
Conseil fédéral, tout en partageant l'opinion des PTT selon laquelle
il n'appartenait pas à cette entreprise de surveiller ou de censurer le
contenu des informations transmises sur leur téléréseau, s'est déclaré
préoccupé par le développement du télékiosque sous l'angle des messages
érotiques, respectivement de la protection de la jeunesse, et a demandé
qu'un rapport lui soit présenté au plus tard à la fin de l'année 1994.

    Au 30 juin 1993, 51 condamnations avaient été prononcées dans les
cantons de Zurich, du Tessin et de Vaud. A cette date, les PTT n'avaient
révoqué l'abonnement que dans un seul cas, prononçant par ailleurs 24
avertissements.

    Le 25 juin 1993, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral
a rendu, dans un cas concernant le télékiosque 156, un arrêt déclarant
punissable le fait de rendre accessible à tout public, sans distinction
d'âge, l'enregistrement de propos obscènes relevant de la pornographie
douce (ATF 119 IV 145 ss).

    Le 6 décembre 1993, le Conseil fédéral a adopté une modification
de l'art. 18a OST, entrée en vigueur le 14 décembre 1993, tenant compte
des principes dégagés dans cet arrêt (RO 1993 p. 3134).

    L'exploitation du télékiosque 156 a donné sur le plan financier des
résultats largement supérieurs aux prévisions. Au total, pour la période
allant du 1er octobre 1991 jusqu'à la fin du mois d'août 1993, le montant
des recettes globales s'élève à 242'300'186 fr. et la quote-part des
PTT se monte à 69'877'647 fr. A ce chiffre, il convient d'ajouter le
montant des abonnements par 350 fr. par mois et par ligne; à la fin du
mois de septembre 1993, le nombre des numéros 156 s'élevait à 1500 pour
780 fournisseurs. Pour les lignes ayant fait l'objet d'enquête pénale
et de confiscation selon jugement, il fut déterminé que le chiffre
d'affaires global se montait à 39'110'405 fr. 10 et la quote-part des
PTT à 10'987'443 fr.

    B.- Par jugement du 29 octobre 1993, le Tribunal correctionnel du
district de Lausanne a condamné R., pour complicité de publications
obscènes (art. 25 CP et 204 aCP) et de pornographie (art. 25 et 197 CP),
à la peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 2 ans ainsi
qu'à une amende de 20'000 fr. avec délai de radiation de 2 ans, mettant
à sa charge les frais de la procédure.

    Le tribunal a observé que R., responsable du télékiosque 156, n'a
pas contesté qu'une partie des prestations des fournisseurs revêtait
un caractère obscène ou pornographique; il a toutefois soutenu qu'il
n'était pas responsable du contenu des messages et que ses services ne
pouvaient prendre une décision qu'après un jugement pénal. Se référant
en particulier aux art. 11 al. 2 let. a, 12 al. 3 let. b LTC et 6 OST,
le tribunal a estimé que l'accusé, dès qu'il a su par le procureur
vaudois que certains raccordements étaient utilisés régulièrement pour
diffuser des messages illicites, aurait dû intervenir comme il en avait
le pouvoir et qu'en continuant de mettre à disposition les installations
téléphoniques nécessaires à la répétition des infractions, il s'était rendu
complice de leurs auteurs au moins par dol éventuel. Il a été constaté en
particulier qu'il n'avait pas reçu l'ordre d'une autorité supérieure de
mettre les installations des PTT à disposition de personnes qui émettaient
régulièrement des messages tombant sous le coup de la loi pénale.

    Statuant le 25 avril 1994, la Cour de cassation cantonale a estimé
notamment qu'il fallait tenir compte, pour apprécier l'ampleur de
l'activité coupable, non pas seulement des enregistrements pornographiques,
mais également des conversations pornographiques tenues de vive voix. Elle
a souligné par ailleurs qu'il fallait prendre en considération, au stade
de la fixation de la peine, le fait que la position du service juridique
des PTT et le soutien du DFTCE et du Conseil fédéral avaient mis l'accusé
dans une situation inconfortable. Réformant le jugement entrepris, la
cour cantonale a condamné R., pour complicité de publications obscènes et
de pornographie, à une amende de 20'000 fr. avec délai de radiation de 2
ans, mettant à sa charge les frais de la procédure jusqu'au jugement de
première instance.

    C.- Contre cet arrêt, R. s'est pourvu en nullité à la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral. Il a conclu à l'annulation de la décision
attaquée en vue de son acquittement, d'une exemption ou d'une réduction
de peine. A l'appui de ses conclusions, il fait valoir:

    - que son comportement lui a été dicté par la loi, par le devoir de
fonction ou par le droit coutumier;

    - que la cour cantonale a violé le droit fédéral en considérant que
des conversations de vive voix pouvaient tomber sous le coup des art. 204
aCP et 197 CP;

    - qu'il n'avait ni la compétence, ni les moyens, ni le devoir d'agir
autrement qu'il l'a fait;

    - que vu les avis recueillis, il devrait être mis au bénéfice de
l'erreur de droit, voire de l'erreur de fait;

    - qu'en admettant la complicité, la cour cantonale ne paraît pas
avoir fait application de l'art. 65 CP;

    - que si son pourvoi est admis, la décision cantonale sur les frais
et dépens devra être annulée.

    Le recourant a par ailleurs requis l'effet suspensif, qui lui a été
refusé en date du 6 septembre 1994.

    Le Procureur général du canton de Vaud a présenté des observations
et conclu au rejet du pourvoi avec suite de frais. La cour cantonale a
renoncé à présenter des observations.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- (Recevabilité).

Erwägung 2

    2.- a) Le recourant a été condamné pour complicité (art. 25 CP)
de publications obscènes (art. 204 aCP) et de pornographie (art. 197 CP).

    Cette qualification suppose tout d'abord que les exploitants des
numéros 156 se soient rendus coupables de publications obscènes (art. 204
aCP) et de pornographie (art. 197 CP). Il convient donc tout d'abord
d'examiner cette question.

    b) Pour les motifs déjà expliqués dans la jurisprudence, il faut
appliquer l'ancien droit aux faits qui se sont produits sous son empire
(ATF 119 IV 145 consid. 2c) et le nouveau droit aux faits survenus depuis
son entrée en vigueur (art. 2 al. 1 CP).

    Ainsi qu'il a déjà été jugé, l'activité commerciale consistant à
mettre à disposition du public, y compris des jeunes de moins de 18 ans,
des enregistrements dont le contenu est obscène tombe sous le coup de
l'art. 204 ch. 1 al. 3 aCP (ATF 119 IV 145 consid. 2a). Il a été constaté
- d'une manière qui lie la Cour de cassation (art. 277bis al. 1 PPF) -
que des exploitants de ligne 156 ont, sous l'empire de l'ancien droit,
rendu accessibles à des jeunes de moins de 18 ans des messages dont le
contenu relève de la pornographie douce; ces faits sont constitutifs de
publications obscènes au sens de l'art. 204 aCP.

    Le nouvel art. 197 CP, entré en vigueur le 1er octobre 1992 (RO
1992 p. 1678), réprime expressément le fait de rendre accessibles à une
personne de moins de 16 ans des enregistrements sonores pornographiques
(art. 197 ch. 1 CP). Il a été constaté en fait - d'une manière qui lie la
Cour de cassation (art. 277bis al. 1 PPF) - que des messages enregistrés
relevant de la pornographie douce ont été rendus accessibles, par le
canal du télékiosque 156, à des jeunes de moins de 16 ans, ce qui est
constitutif de pornographie au sens de l'art. 197 ch. 1 CP (voir ATF
119 IV 145 consid. 2b). Il n'y a pas à examiner s'il y a eu également de
la pornographie dure (art. 197 ch. 3 CP) en raison de l'interdiction de
la reformatio in pejus (ATF 119 IV 44 consid. 2c, 111 IV 51 consid. 2,
110 IV 116 consid. 2).

    c) Pour apprécier l'ampleur de l'activité délictueuse à laquelle
l'accusé a participé en tant que complice, la cour cantonale a tenu à
préciser qu'il n'y avait pas seulement infraction dans les cas où des
enregistrements pornographiques étaient rendus accessibles, mais également
dans les cas où il y a eu des conversations de vive voix dont le contenu
relevait de la pornographie douce.

    La jurisprudence avait laissé cette question ouverte, en citant
un avis de doctrine qui apportait une réponse négative (ATF 119 IV
145 consid. 2a). Comme cette question a manifestement joué un rôle en
l'espèce dans la détermination de l'activité délictueuse et, par voie
de conséquence, dans la fixation de la peine, elle doit être maintenant
tranchée.

    Sous l'empire de l'ancien droit, l'art. 204 aCP se référait
expressément à "des écrits, images, films ou autres objets obscènes". La
loi exigeait donc clairement un objet, c'est-à-dire un support matériel de
l'évocation obscène. On ne peut pas imaginer, à la lecture de l'art. 204
aCP, que le législateur ait voulu réprimer de simples discussions
entre deux ou plusieurs personnes, que celles-ci soient présentes ou
conversent par le truchement du téléphone. Il faut donc admettre,
avec la doctrine, que des propos tenus de vive voix ne constituent
pas des publications obscènes au sens de l'art. 204 aCP (RUDOLF GERBER,
Unzüchtige Veröffentlichungen [Art. 204 StGB] und Gefährdung Jugendlicher
durch unsittliche Schriften und Bilder [Art. 212 StGB], Kriminalistik 1967
p. 380). Certes, l'exploitation d'une ligne 156 présente, par son aspect
commercial et son ouverture au public, une certaine analogie avec les
situations prévues par l'art. 204 aCP. Il n'en demeure pas moins qu'il
manque l'objet obscène requis expressément par l'art. 204 aCP, de sorte
que seul le législateur, face à ce phénomène nouveau, aurait pu étendre
le champ d'application de la disposition pénale par une modification de la
loi; faute de réaliser l'un des éléments constitutifs - l'objet obscène -
prévus par la loi pénale, cette activité n'est pas punissable (art. 1 CP).

    Le nouvel art. 197 CP évoque tout d'abord "des écrits, enregistrements
sonores ou visuels, images ou autres objets pornographiques". Pour les
raisons qui viennent d'être évoquées, une conversation de vive voix n'est
pas visée par cette liste, en l'absence d'un objet pornographique.

    A côté des objets pornographiques, le nouvel art. 197 ch. 1 CP vise
également les représentations (en allemand "Vorführungen", en italien
"rappresentazioni") pornographiques. Ce terme a manifestement pour but
d'étendre la répression à des cas où il n'y a pas de support matériel,
c'est-à-dire d'objet proprement dit.

    Utilisé dans ce contexte, après avoir parlé des enregistrements
et des images et avant de citer la radio et la télévision, le terme de
représentation fait immédiatement penser à la présentation à un certain
public d'un spectacle ou d'une pièce que ce soit à l'opéra, au théâtre,
dans un cabaret, un music hall, sur une place publique ou, en direct,
par le moyen de la radio ou de la télévision.

    S'il est vrai que le mot "représentation" vise le fait de représenter
une pièce au public (GRAND ROBERT, 2ème éd., vol. 8 p. 279; de même en
allemand pour "vorführen": DUDEN, Das grosse Wörterbuch der deutschen
Sprache vol. 6 p. 2813), il peut aussi signifier le seul fait de
représenter par le discours, étant alors synonyme de description ou
d'évocation (GRAND ROBERT, op.cit., p. 279; mais le mot allemand ne
semble pas avoir une acception aussi large, DUDEN, op.cit., p. 2813).

    Le terme "représentation" figurant à l'art. 197 ch. 1 CP se trouvait
déjà dans le projet du Conseil fédéral (FF 1985 II 1132). Si l'on se réfère
au message en langue française, on constate que le mot de "représentation"
est employé dans un sens très large (cf. FF 1985 II 1105 s.). Si l'on
consulte cependant le texte allemand, on constate qu'il emploie les mots
"Darstellung" ou "Darbietung" dans le sens général (BBl 1985 II 1089
s.), tandis que le mot "Vorführung" n'apparaît que dans un sens étroit,
pour la projection d'un film (BBl 1985 II 1090). Sachant que c'est le mot
"Vorführung" qui a été retenu dans le texte légal en allemand et que ce
terme a un sens plus étroit qu'en français (cf. DUDEN, op.cit., p. 2813),
on doit en déduire que le législateur avait en vue la représentation d'un
spectacle ou d'une pièce, ce qui correspond au sens qui vient naturellement
à l'esprit en français dans le contexte de cette disposition. Il n'est
d'ailleurs en tout cas pas usuel en français d'employer le terme de
"représentation" pour une description ou une évocation faite lors d'une
conversation de vive voix.

    La doctrine ne s'est guère penchée sur le problème d'interprétation qui
se pose en l'espèce. TRECHSEL envisage la punissabilité des interlocuteurs
lors d'une conversation par le télékiosque 156, mais il ne semble pas
voir le problème d'interprétation qui se pose ici (STEFAN TRECHSEL,
Fragen zum neuen Sexualstrafrecht, RJB 1993 p. 579). REHBERG pense
qu'il y a une lacune de la loi dans le domaine du téléphone, mais il ne
s'exprime pas directement sur le problème qui se pose ici (JÖRG REHBERG,
Das revidierte Sexualstrafrecht, AJP/PJA 1/1993 p. 28). STRATENWERTH semble
donner un sens très général aux termes légaux, mais il ne précise pas
les raisons de son opinion (STRATENWERTH, Bes.Teil, I, 5ème éd., p. 180
nos 8 et 10). Seule URSULA CASSANI se pose directement la question et y
apporte une réponse plutôt négative en écrivant: "il est cependant douteux
qu'une conversation interactive puisse être qualifiée de [représentation]"
(URSULA CASSANI, Les représentations illicites du sexe et de la violence,
RPS 1993 p. 434 note 29).

    Tandis que l'ancien droit exigeait un objet obscène, le nouveau droit
a étendu la portée de la disposition pénale en mentionnant également
des représentations. Selon le contexte et le sens ordinaire des mots, ce
terme vise la présentation à un certain public d'un spectacle ou d'une
pièce. Cela apparaît encore plus clairement dans le texte allemand,
dont le terme "Vorführungen" est plus restrictif. Rien ne justifie
une autre interprétation. Si le projet avait voulu viser de simples
discussions entre particuliers, il aurait certainement employé les termes
de "description" ou "évocation" plutôt que "représentation"; surtout, le
message du Conseil fédéral n'aurait pas manqué de le dire, parce qu'il
se serait agi d'une extension considérable du champ d'application de
la norme, de nature à susciter des débats et des hésitations. Il faut
donc conclure qu'une conversation de vive voix ne tombe pas sous le
coup de l'art. 197 ch. 1 CP, en raison de l'absence d'un objet ou d'une
représentation pornographique.

    Il est vrai que le télékiosque 156 présente une certaine analogie
avec les hypothèses visées par la loi, si l'on songe à la publicité,
au caractère commercial, à l'organisation mise en place et au fait que
le thème des conversations est plus ou moins convenu par avance. Ces
éléments ne suffisent cependant pas pour transformer les conversations
plus ou moins improvisées en une représentation, puisqu'il n'y a pas
présentation à un certain public d'un spectacle ou d'une pièce. Comme l'a
observé REHBERG (op.cit., loc.cit.), le législateur n'a manifestement pas
envisagé l'hypothèse de ces conversations téléphoniques et les termes qu'il
a employés ne l'englobent pas; on ne sait d'ailleurs pas si et dans quelle
mesure il aurait rendu punissable des conversations de vive voix plus ou
moins improvisées. Ce comportement ne tombe donc pas sous le coup de la
loi pénale (art. 1 CP) et il appartient au législateur, si cette situation
lui apparaît insatisfaisante, d'adopter les dispositions nécessaires.

    Le pourvoi doit donc être admis sur ce point. Comme l'ampleur de
l'infraction à laquelle le recourant a participé s'en trouve réduite,
la peine devra être fixée à nouveau.

Erwägung 3

    3.- Après avoir constaté, pour ce qui est des enregistrements
de messages et d'annonces relevant de la pornographie douce, que les
exploitants des lignes 156 s'étaient rendus coupables sous l'empire
de l'ancien droit de publications obscènes et sous l'empire du nouveau
droit de pornographie, il faut ensuite se demander si le recourant a été
complice de ces infractions.

    a) Selon l'art. 25 CP, le complice est "celui qui aura
intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un
délit"; la complicité, qui est une forme de participation accessoire à
l'infraction, suppose que le complice apporte à l'auteur principal une
contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que
les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cet
acte de favorisation; il n'est toutefois pas nécessaire que l'assistance du
complice soit une condition sine qua non à la réalisation de l'infraction
(ATF 119 IV 289 consid. 2c); l'assistance prêtée par le complice peut
être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention; le
complice peut apporter sa contribution jusqu'à l'achèvement de l'infraction
(ATF 118 IV 309 consid. 1a et les arrêts cités). Subjectivement, il faut
que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un
acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte; à cet égard,
il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse
qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte
(ATF 117 IV 186 consid. 3 et les arrêts cités). Le dol éventuel suffit
pour la complicité (ATF 118 IV 309 consid. 1a, 109 IV 147 consid. 4,
108 Ib 301 consid. 3b).

    b) Le recourant soulève la question de savoir s'il lui est reproché une
action ou une abstention. On vient de voir que la complicité est concevable
sous ces deux formes, mais une pure omission ne serait punissable que si
l'intéressé avait l'obligation juridique d'agir.

    Il a été constaté en fait que le recourant avait ordonné l'introduction
du télékiosque 156 et que c'est donc sur son ordre que les installations
téléphoniques nécessaires à la réalisation de l'infraction ont été
fournies. La mise à disposition de ces installations constitue une
prestation positive. Que cette prestation ait pu être licite si elle
s'était accompagnée de mesures de précaution n'a pas pour effet de
transformer l'action en une omission. Il est fréquent que l'on reproche à
une personne la manière dont elle a agi et, en définitive, des omissions
dans son action; dans ces cas délicats, la jurisprudence a admis, dès
lors que l'on discerne action et omission, qu'il fallait traiter le cas
comme une action (ATF 115 IV 199 consid. 2a; cf. CORBOZ, L'homicide par
négligence, SJ 1994 p. 177 s. et les références citées). Lorsqu'il a
été mis en garde par le procureur vaudois, le recourant n'a pas révoqué
ses ordres, de sorte que les installations téléphoniques ont continué
d'être régulièrement mises à disposition des exploitants sur son ordre,
ce qui constitue une action.

    c) Il est évident que les exploitants des lignes 156 n'auraient pas pu
faire entendre, notamment à des jeunes, leurs enregistrements obscènes,
si les services obéissant aux ordres du recourant ne leur avaient pas
mis à disposition les installations téléphoniques nécessaires à cette
fin. Le mode choisi pour la réalisation de l'infraction supposait l'usage
du téléphone et, en le fournissant, le recourant a objectivement apporté
une contribution causale à la réalisation des infractions, en ce sens
que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière si ces
installations n'avaient pas été disponibles.

    Sur le plan subjectif, le recourant a su, dès la lettre du
procureur vaudois, que certains exploitants utilisaient régulièrement le
télékiosque 156 pour commettre l'infraction de publications obscènes. Il
a choisi alors, en toute connaissance de cause, de continuer de fournir
sa prestation, c'est-à-dire de mettre à disposition le télékiosque
156. L'attitude identique qu'il a adoptée après les prises de position du
Ministère public fédéral et du DFJP corrobore l'interprétation qui a été
faite de son comportement au moment où il a reçu la lettre du procureur
vaudois. Voulant assurer le succès du télékiosque 156 qu'il avait lancé,
il a décidé de mettre à disposition le plus longtemps possible un service
spécial servant des prestations qui allaient bien au-delà des installations
téléphoniques usuelles et par lequel les PTT ont réalisé des profits
considérables, et ce alors même qu'il savait que certains exploitants
utilisaient régulièrement et constamment ces services pour diffuser des
messages pornographiques accessibles aux jeunes; il n'ignorait pas le fait
que l'institution de mesures permettant d'éviter que des enfants n'aient
accès à ces messages ne pourraient pas être prises sans entraîner un manque
à gagner non seulement pour les exploitants des lignes du télékiosque mais
également pour les PTT. Il faut relever de surcroît qu'il ne s'agissait
nullement d'une opération commerciale courante (voir ATF 119 IV 289
consid. 2c), mais au contraire d'une prestation tout à fait spécifique
que seuls les PTT étaient en mesure de fournir. Dans ces circonstances,
et face à un tel état d'esprit - constaté en fait d'une manière qui lie la
Cour de cassation -, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral
en constatant que le recourant avait eu le dol d'un complice.

    Il importe peu qu'il n'ait pas lui-même voulu faire entendre des
enregistrements pornographiques à des enfants. Il ne lui est en effet pas
reproché d'avoir commis l'infraction en qualité d'auteur ou de coauteur. Il
est manifeste qu'il poursuivait un but différent, à savoir le succès du
télékiosque 156; il n'empêche qu'ayant été informé et mis au pied du mur
par la lettre du procureur vaudois, il a accepté, en persistant à fournir
ses prestations, d'apporter une contribution causale à des exploitants
dont il savait qu'ils utilisaient ce moyen pour commettre régulièrement
des infractions. L'état de fait décrit correspond bien à la notion
de complicité définie par l'art. 25 CP (également dans le sens d'une
punissabilité de la participation des PTT: CASSANI: op.cit., p. 434 no 30).

    Le recourant ne peut pas être suivi lorsqu'il soutient qu'il ne pouvait
pas agir autrement. Il ressort des constatations de fait - qui lient la
Cour de cassation - que c'est lui qui a décidé d'introduire à l'essai le
système du télékiosque. On en déduit donc qu'il aurait aussi pu décider
de ne pas l'introduire. Il en résulte nécessairement qu'il aurait pu
également fixer des conditions. S'agissant d'un essai, il pouvait donner
des ordres pour l'adapter en fonction de l'évolution des circonstances,
étant entendu qu'il devait veiller au respect de l'ordre juridique dans son
ensemble, y compris les normes pénales. Lorsqu'il a été décidé d'instaurer
le télékiosque 156 de manière définitive, il est évident que le recourant,
en fonction de sa position, jouait un rôle moteur décisif et qu'il pouvait
influencer les décisions à prendre. La rapidité avec laquelle il a été
possible de faire entrer en vigueur la nouvelle version de l'art. 18a OST
après l'arrêt rendu par la Cour de cassation du Tribunal fédéral montre
qu'il était possible de réagir efficacement. Il est sans importance que
le recourant n'ait pas pu prendre les décisions seul ou que les mesures
n'aient pas pu être immédiatement efficaces; ce qui est décisif, pour
retenir la complicité, c'est que le recourant a continué de fournir les
prestations des PTT, sans rien entreprendre, alors même qu'il savait que
certains exploitants des lignes 156 utilisaient régulièrement ce canal
pour commettre des infractions.

    Il importe peu également que le recourant n'ait pas su exactement,
dès réception de la lettre du procureur vaudois, quelles étaient les
mesures définitives à prendre. Dès lors qu'il savait de manière précise
que certains exploitants particuliers utilisaient régulièrement le
télékiosque 156 pour commettre des infractions, il devait en tout cas
ordonner à ses services d'entreprendre la procédure de révocation des
abonnements pour que cela cesse. Lorsque le télékiosque n'existait qu'à
titre d'essai, sans être codifié, cette mesure pouvait déjà être fondée
sur l'interdiction, découlant de l'art. 25 CP, de prêter assistance à la
commission d'une infraction. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit
des télécommunications, les art. 11 al. 2 let. a et 12 al. 3 let. b LTC
prévoient expressément le refus ou la révocation de l'abonnement en cas
d'utilisation à des fins illicites.

    Se référant à l'ATF 119 IV 289 consid. 2c/bb, le recourant observe
que celui qui fournit une prestation courante, de nature neutre, n'est pas
punissable du seul fait qu'en raison des circonstances il pourrait avoir
conscience de collaborer à la réalisation d'une infraction. Ces réflexions
ne sont pas transposables au cas d'espèce. Le recourant a été informé par
le procureur vaudois que certains exploitants déterminés du télékiosque
156 utilisaient régulièrement les installations mises à disposition pour
commettre des infractions; il a été expressément mis en garde qu'en cas de
persistance, il se rendrait coupable de complicité; une telle situation
ne correspond pas à celle envisagée par la jurisprudence, puisqu'il ne
s'agit plus d'une prestation neutre dont l'usage pourrait être illicite,
mais bien d'une contribution indispensable à la commission de l'infraction
qui a été signalée comme telle à l'intéressé par l'autorité pénale,
avant qu'il ne continue à fournir la prestation qui lui est reprochée.

    L'idée que le recourant pouvait attendre un jugement pénal définitif
est insoutenable. Le recourant fait observer que l'on ne saurait
reprocher à un directeur du service des automobiles d'attendre le jugement
pénal pour statuer sur un retrait du permis de conduire. Il perd de vue
cependant que lorsque le directeur du service des automobiles est saisi,
l'infraction à la circulation routière est déjà commise et qu'il n'existe
alors aucune certitude raisonnable qu'une nouvelle infraction va être
commise, de sorte que l'on ne saurait imputer au directeur la volonté
de prêter assistance à une infraction future suffisamment déterminée. Au
surplus, il faut relever que l'autorité administrative ne doit surseoir
à statuer jusqu'à droit connu sur la question pénale que s'agissant
d'un retrait d'admonestation. Lorsqu'un retrait de sécurité est en jeu,
elle peut, voire doit, intervenir immédiatement si elle soupçonne une
incapacité permanente de conduire. D'autres domaines du droit administratif
fournissent également des exemples; ainsi, la mise en vente d'un fromage
peut et doit même le cas échéant être interdite avant que la causalité
avec la propagation d'une maladie n'ait été établie sur le plan pénal. Il
y aura éventuellement lieu d'intervenir avant que la cause exacte d'une
contamination soit établie, voire avant que l'épidémie elle-même n'ait
été constatée de manière absolument certaine. Dès lors que le recourant
avait été informé par le procureur vaudois, sur la base des constatations
faites, que certains exploitants du télékiosque 156 allaient utiliser
effectivement à l'avenir le téléphone pour commettre des infractions,
il ne pouvait, sans réagir, continuer de fournir les prestations des
PTT nécessaires à la réalisation de l'infraction, dès lors qu'il n'avait
aucune raison sérieuse de penser - comme on le verra - que le procureur
vaudois se trompait dans son appréciation juridique des faits.

Erwägung 4

    4.- Le recourant soutient qu'il n'est pas punissable car il doit être
mis au bénéfice de l'art. 32 CP.

    a) Il fait valoir tout d'abord que son comportement lui aurait été
"ordonné par la loi".

    Il ne peut cependant citer aucune disposition qui ordonnerait au
directeur des télécommunications de mettre un raccordement téléphonique
à disposition d'une personne dont il sait qu'elle va l'utiliser afin de
commettre une infraction.

    Il n'existe en particulier aucune disposition qui exonérerait
les fonctionnaires des PTT de toute responsabilité pénale, ni aucune
disposition qui, à l'instar de l'art. 179quinquies CP et 23 al. 2 LStup
(RS 812.121), rendrait non punissable un comportement qui tombe normalement
sous le coup de la loi pénale. On ne peut donc pas parler non plus d'un
acte "que la loi déclare permis ou non punissable" (art. 32 CP).

    Que les PTT soient un service public ne signifie pas que ses
fonctionnaires, dans un cas concret, peuvent mettre les installations
téléphoniques à disposition d'une personne afin de lui permettre de
commettre une infraction, alors qu'ils connaissent son projet.

    Que les PTT n'aient ni le droit, ni le devoir de contrôler le
contenu des communications téléphoniques n'est d'aucun secours pour le
recourant. En effet, il a été informé d'une manière circonstanciée par le
procureur vaudois et il ne saurait se retrancher derrière le fait qu'il
ne savait pas quelle utilisation était faite des raccordements.

    Que les dispositions du droit administratif prévoient la responsabilité
des abonnés pour les messages transmis par les PTT (art. 8 et 28 OST)
résulte manifestement du fait que le contenu de ces messages est en
principe ignoré des PTT. On ne peut interpréter ces dispositions en ce
sens qu'elles exonéreraient sur le plan pénal les fonctionnaires des PTT
qui, en toute connaissance de cause, favoriseraient la commission d'une
infraction pénale en fournissant des installations des PTT.

    b) Le recourant invoque également le devoir de fonction au sens de
l'art. 32 CP et se réfère à ce sujet à la prise de position du DFTCE et
du Conseil fédéral (transmise en particulier par une lettre du chancelier).

    Si l'on examine les opinions exprimées dans l'ordre chronologique -
selon des constatations de fait qui lient la Cour de cassation -, il
apparaît d'emblée que la position de défense adoptée par le recourant a
été formulée d'abord par la Direction des PTT, puis adoptée par le DFTCE,
et enfin, bien que de manière plus dubitative, par le Conseil fédéral. Il
ne s'agissait donc en aucune façon d'ordres qui venaient d'en haut,
mais bien d'une prise de position émanant des services du recourant
qui a été approuvée par les autorités supérieures. Le recourant n'a
jamais reçu l'ordre d'agir comme il l'a fait, mais c'est au contraire
sa prise de position qui a été approuvée par l'autorité supérieure.
Il pouvait certes se sentir soutenu, ce qui est de nature à influencer la
gravité de sa faute et a été pris en compte, à juste titre, au stade de la
fixation de la peine. Il n'empêche que les idées émanaient de ses services
(comme il l'explique très bien pour l'adoption du nouvel art. 18a OST) et
qu'il n'a jamais reçu l'ordre d'agir comme il l'a fait, pas plus que son
comportement ne lui était dicté par une prescription de service. Savoir
s'il a été induit en erreur par les juristes des PTT est une question
qui sera examinée sous l'angle de l'erreur de droit, puisqu'il apparaît
que ces fonctionnaires n'avaient pas le pouvoir de décision et qu'ils
n'avaient donc pas compétence pour déterminer le devoir de fonction.

    Lorsque le recourant conteste qu'il ait été, au sein des PTT,
le responsable du télékiosque 156 auquel on faisait confiance et qui
prenait les décisions à ce sujet, il s'écarte des constatations de fait
de l'autorité cantonale, ce qui n'est pas admissible dans un pourvoi
en nullité.

    c) Le recourant soutient enfin que son comportement était commandé
ou autorisé par la loi coutumière.

    Il ne démontre cependant pas l'existence d'une coutume et cite
des dispositions de droit administratif, reprenant les arguments déjà
discutés ci-dessus.

    On ne voit en tout cas pas qu'une coutume permette à un fonctionnaire
des PTT, en toute connaissance de cause, de favoriser la commission d'une
infraction en fournissant des installations dont il sait qu'elles seront
utilisées à cette fin.

    En refusant d'appliquer l'art. 32 CP, l'autorité cantonale n'a donc
pas violé le droit fédéral.

Erwägung 5

    5.- Le recourant invoque ensuite l'erreur sur les faits (art.  19 CP)
ou l'erreur de droit (art. 20 CP).

    a) Il ressort des constatations de fait cantonales - qui lient la
Cour de cassation - que le recourant a su, par la lettre du procureur
vaudois, que certains exploitants déterminés utilisaient le télékiosque
156 pour diffuser des enregistrements relevant de la pornographie douce;
des transcriptions lui ont été soumises, de sorte qu'il a pu se faire
son opinion personnelle. Il savait également, en tant que responsable du
télékiosque 156, que ce système, tel qu'il était pratiqué, permettait même
à des enfants d'accéder aux messages. Il a été informé par le procureur
vaudois que ces enregistrements allaient continuer d'être diffusés. Dans de
telles circonstances, il n'y a pas de place pour une erreur sur les faits.

    b) Comme on vient de le voir, le DFTCE et le Conseil fédéral n'ont fait
que reprendre la ligne de défense adoptée précédemment par la Direction
des PTT, ce qui ne pouvait échapper au recourant. Il ressort du mémoire du
recourant que cette position avait été adoptée en réalité par les juristes
des PTT. La question est de savoir si leur avis donnait au recourant,
en sa qualité d'autorité de décision, "des raisons suffisantes de se
croire en droit d'agir" (art. 20 CP).

    Dans un arrêt récent (ATF 115 IV 67 ss), le Tribunal fédéral a réprouvé
l'Entreprise des PTT qui s'était opposée à l'autorité pénale en se fondant
exclusivement sur le droit administratif des PTT. Ce précédent, qui n'est
pas sans analogie, aurait dû inciter les membres de la Direction générale,
y compris le recourant, à faire preuve de prudence à l'égard des avis d'un
service qui semble raisonner en matière pénale exclusivement en fonction
des dispositions administratives propres aux PTT. La circonspection était
d'autant plus requise que cet avis allait manifestement dans le sens des
intérêts financiers de l'entreprise.

    De toute manière, le recourant avait été informé, par la lettre
du Procureur général du canton de Vaud, que s'il continuait de mettre
les installations téléphoniques à la disposition des exploitants qui
diffusaient des messages obscènes, il se rendait coupable de complicité
de publications obscènes. Cette lettre n'était pas rédigée de manière
dubitative, mais au contraire sur un ton affirmatif et comminatoire. En
présence d'opinions contradictoires, celle des services juridiques des
PTT d'une part et celle du Procureur général du canton de Vaud d'autre
part, le recourant, qui est lui-même juriste, devait procéder à une
appréciation raisonnable. Il ne pouvait lui échapper que le Procureur
général du canton de Vaud est l'autorité pénale chargée de poursuivre les
infractions relevant de la juridiction du canton; il devait prendre en
compte que cette autorité, bien plus que les services juridiques des PTT,
est spécialisée dans l'interprétation et l'application du droit pénal
ordinaire et qu'elle ne peut en aucune façon être encline à favoriser
exagérément les intérêts financiers de l'entreprise. Vu le ton adopté
et l'autorité dont elle émanait, la lettre du procureur vaudois était
suffisante pour détruire dans l'esprit du recourant, même s'il ne pratique
plus le droit depuis longtemps, les certitudes qu'il pouvait avoir acquises
sur la base de l'avis des juristes des PTT. Dans une telle situation,
tout homme raisonnable serait à tout le moins resté dubitatif. On ne
peut donc pas dire que le recourant "avait des raisons suffisantes de se
croire en droit d'agir" au sens de l'art. 20 CP, puisque les circonstances
devaient en tout cas le laisser dans le doute à ce sujet.

    Lorsque le recourant affirme que des dizaines de magistrats et de
juristes fédéraux étaient opposés à la thèse du procureur vaudois, il
s'écarte des constatations de fait cantonales, ce qui n'est pas admissible
dans le cadre d'un pourvoi en nullité.

    La situation ne s'est pas modifiée par la suite en ce sens que le
recourant aurait acquis ultérieurement des raisons suffisantes de se croire
en droit d'agir. Certes, la position de l'entreprise des PTT a été reprise
par le DFTCE et, dans une certaine mesure, par le Conseil fédéral. Il faut
cependant signaler que parallèlement et relativement peu de temps après
la lettre du procureur vaudois, le Ministère public de la Confédération
a pris position dans le même sens que ce dernier. Il ne s'agissait alors
plus, comme le recourant se plaît à le dire, d'un procureur cantonal parmi
d'autres, mais de l'organe fédéral chargé spécialement de la poursuite
des infractions pénales, dont l'autorité ne pouvait lui échapper. Quelques
temps plus tard, le DFJP s'est exprimé dans le même sens, en autorisant la
poursuite pénale, avec une argumentation détaillée. En définitive, toutes
les autorités extérieures à la hiérarchie des PTT (au sens large) qui ont
été amenées à s'exprimer ont régulièrement et de façon catégorique émis
l'opinion que le fait de mettre à disposition dans ces circonstances des
installations PTT constituait une infraction. On ne saurait donc dire que
le recourant ait eu des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir.

    L'autorité cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en écartant
l'application des art. 19 et 20 CP.

Erwägung 6

    6.- a) Le recourant se plaint de ce que l'autorité cantonale, ayant
admis la complicité, n'aurait pas fait application de l'art. 65 CP.

    Il ressort clairement de l'arrêt cantonal que le recourant a été
condamné comme complice, et non pas comme auteur ou coauteur. C'est
également une activité de complice qui est analysée, pour apprécier la
faute, au moment de la fixation de la peine. On ne saurait donc dire que
la peine a été mesurée en perdant de vue que le recourant était complice;
s'il est vrai que l'art. 65 CP n'est pas expressément mentionné dans
l'arrêt attaqué, il figure dans le jugement de première instance, qui a
été confirmé sur ce point, de sorte que l'on doit considérer qu'il a été
repris par l'autorité cantonale.

    b) Le grief du recourant concernant les frais et dépens vise
manifestement l'hypothèse où la Cour de cassation serait parvenue à la
conclusion qu'il ne devait pas être condamné et puni. Cette hypothèse
n'étant pas réalisée, ce grief est dépourvu de tout fondement.

Erwägung 7

    7.- Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être annulé
et que l'autorité cantonale doit fixer à nouveau la peine en tenant compte
du fait qu'il n'y a pas de complicité de publications obscènes ou de
pornographie lorsqu'il s'agissait de conversations de vive voix. Tous les
points qui n'ont pas été remis en cause ici demeurent acquis (art. 277ter
al. 2 PPF; ATF 119 IV 10 consid. 4c/bb, 117 IV 97 consid. 4, 106 IV 194
consid. 1c, 103 IV 73 consid. 1).

    (Suite de frais).