Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 IV 104



121 IV 104

20. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 3 février 1995
dans la cause Procureur général du canton de Genève contre S. (pourvoi
en nullité) Regeste

    Art. 277bis Abs. 1 BStP.

    Begriff des offensichtlichen Versehens (E. 2b).

    Art. 159 aStGB; ungetreue Geschäftsführung; Schädigung am Vermögen.

    Zum Tatbestand der ungetreuen Geschäftsführung gehört ein
Vermögensschaden. Dieser ist gegeben bei tatsächlicher Schädigung durch
Verminderung der Aktiven, Vermehrung der Passiven, Nicht-Verminderung der
Passiven oder Nicht-Vermehrung der Aktiven sowie dann, wenn das Vermögen
in einem Masse gefährdet wird, dass es in seinem wirtschaftlichen Wert
vermindert ist (E. 2c).

Sachverhalt

    A.- Par arrêt du 18 octobre 1993, la Cour correctionnelle de Genève
a condamné S., pour gestion déloyale, à la peine de 18 mois de réclusion
avec sursis pendant trois ans. Elle l'a en revanche libéré de l'accusation
de gestion déloyale dans cinq cas qui peuvent se résumer de la manière
suivante. S. avait été engagé comme gestionnaire par F. SA, et il avait
mission et pouvoir, dans le cadre de son activité professionnelle, de gérer
pour le compte de clients des sociétés suisses et étrangères; exerçant les
pouvoirs qui lui avaient été conférés, il a fait émettre, d'ordre et pour
le compte de deux sociétés dont il avait la gestion (SI SA dans un cas,
SII dans les quatre autres cas), une lettre de crédit et quatre garanties
par la banque C. en faveur de sociétés tierces, sans l'accord des ayant
droits économiques des deux sociétés dont il avait la gestion. La cour
correctionnelle a motivé l'acquittement en considérant qu'un préjudice
n'était pas établi, aucune des cinq garanties n'ayant été appelées.

    B.- Le Procureur général s'est pourvu en cassation contre cet arrêt
en faisant valoir qu'un préjudice était établi, d'une part, parce que
les deux sociétés avaient dû payer des commissions pour l'émission de ces
garanties et, d'autre part, parce que leurs fonds avaient été immobilisés
et exposés au risque d'un appel de garantie.

    Statuant le 11 octobre 1994, la Cour de cassation cantonale a rejeté
ce pourvoi. En ce qui concerne les commissions mises à la charge des
sociétés, elle a considéré, se référant à la procédure cantonale et
surtout à l'art. 6 ch. 1 et 3 CEDH, que ce fait ne pouvait être pris
en considération car il ne figurait pas dans l'acte d'accusation. En
ce qui concerne l'immobilisation des fonds et le risque d'un appel des
garanties, elle a estimé qu'il ne s'agissait pas d'une atteinte aux
intérêts pécuniaires, au sens de l'art. 159 aCP, les garanties n'ayant
en définitive pas été appelées.

    C.- Le Procureur général se pourvoit en nullité à la Cour de cassation
du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Invoquant à nouveau les commissions
mises à la charge des sociétés et le risque concret d'appel des garanties,
il reproche à la cour cantonale d'avoir méconnu la notion d'atteinte aux
intérêts pécuniaires prévue à l'art. 159 aCP et conclut à l'annulation
de la décision attaquée.

    L'intimé conclut principalement à l'irrecevabilité du pourvoi,
subsidiairement à son rejet.

    La cour cantonale n'a pas formulé d'observations.

    Le Tribunal fédéral admet le pourvoi.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- (recevabilité).

Erwägung 2

    2.- a) Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir méconnu que
l'accusé, en ce qui concerne les points sur lesquels il a été acquitté,
s'est rendu coupable de gestion déloyale au sens de l'art. 159 aCP.

    Cette disposition prévoit que "celui qui, tenu par une obligation
légale ou contractuelle de veiller sur les intérêts pécuniaires d'autrui,
y aura porté atteinte sera puni de l'emprisonnement". Il faut donc, pour
que cette infraction soit réalisée, que l'auteur ait eu une position de
gérant, qu'il ait violé une obligation lui incombant en cette qualité,
qu'il en soit résulté une atteinte aux intérêts pécuniaires d'autrui et
qu'il ait agi intentionnellement.

    En l'espèce, la seule question litigieuse est de savoir s'il y a eu
atteinte aux intérêts pécuniaires d'autrui.

    b) Le recourant fait tout d'abord valoir que cette condition est
réalisée du fait que les comptes des deux sociétés dont l'accusé avait
la gestion ont été débités de commissions pour l'émission des garanties.

    Se référant d'une part à la procédure cantonale et d'autre part à
l'art. 6 CEDH, la cour cantonale a écarté ce fait, à savoir le paiement
des commissions, en considérant qu'il ne pouvait être retenu dès lors
qu'il ne figurait pas dans l'acte d'accusation.

    Comme il a déjà été rappelé, la Cour de céans est liée par les
constatations de fait de l'autorité cantonale, sous réserve de la
rectification d'une inadvertance manifeste. Le recourant rappelle
expressément cette règle, mais soutient que c'est par une inadvertance
manifeste que la cour cantonale n'a pas retenu le fait qu'il invoque.

    Il y a inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale, par
une simple inattention, a retenu un état de fait qui ne correspond
manifestement pas avec le résultat de l'administration des preuves; tel est
le cas par exemple si l'autorité a omis de mentionner un fait clairement
établi ou si, par une simple inattention, elle s'est à l'évidence trompée
sur un point de fait établi sans équivoque. Il n'y a en revanche pas
d'inadvertance manifeste lorsque l'autorité cantonale a retenu ou écarté
un fait à la suite d'un raisonnement ou d'un choix dans l'appréciation
des preuves (CORBOZ, Le pourvoi en nullité, SJ 1991 p. 93 note 237).

    En l'espèce, le fait invoqué par le recourant a été écarté par la
cour cantonale sur la base d'un raisonnement puisqu'elle a estimé qu'il
ne pouvait être retenu pour des motifs tirés de la procédure cantonale et
de l'art. 6 CEDH. On ne saurait donc parler d'une inadvertance manifeste
au sens de l'art. 277bis PPF, de sorte que la Cour de céans est liée.

    La question de savoir si, dans son raisonnement, la cour cantonale
a correctement appliqué la procédure cantonale ou l'art. 6 CEDH ne peut
être examinée dans le cadre d'un pourvoi en nullité. Celui-ci ne peut en
effet être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF),
et non pour violation du droit cantonal (cf. ATF 119 IV 92 consid. 3c,
277 consid. 1a et les arrêts cités). Quant aux droits découlant de la
CEDH, ils sont de rang constitutionnel et leur violation directe ne
pourrait être invoquée que dans le cadre d'un recours de droit public
(art. 269 al. 2 PPF; ATF 119 IV 107 consid. 1a et les arrêts cités),
que l'accusateur public n'a pas qualité pour interjeter (ATF 109 Ia 173
consid. 1 et les arrêts cités).

    Comme l'argumentation du recourant, en ce qui concerne le versement de
ces commissions, repose sur un état de fait autre que celui contenu dans
la décision attaquée, lequel ne repose pas sur une inadvertance manifeste,
elle ne peut être prise en considération.

    c) Le recourant soutient ensuite qu'il y a eu atteinte aux intérêts
pécuniaires d'autrui du fait que les fonds des deux sociétés ont été
temporairement immobilisés en garantie et exposés au risque d'un appel
des garanties.

    Alors que le texte français de l'art. 159 aCP parle d'une "atteinte"
aux "intérêts pécuniaires d'autrui", le texte allemand exige une lésion
du patrimoine ("Wer jemanden am Vermögen schädigt") et il en va de même
du texte italien ("Chiunque, obbligato (...) a curare il patrimonio di
una persona, lo danneggia"). Dans l'ATF 80 IV 249, le Tribunal fédéral a
déjà relevé cette divergence entre les textes. Procédant, dans un arrêt
ultérieur, à un examen plus approfondi, il a observé que le législateur
avait employé les mêmes termes ("intérêts pécuniaires" en français)
aux art. 148 al. 1, 159 al. 1 et 251 ch. 1 aCP, ce qui justifiait une
interprétation identique; comme les art. 148 et 159 aCP sont classés
parmi les infractions contre le patrimoine, il faut en déduire qu'il
s'agit bien de protéger le patrimoine (ATF 83 IV 75 consid. 3b). La
doctrine récente estime également qu'il faut une atteinte au patrimoine
(STRATENWERTH, Bes.Teil I, 5ème éd., Berne 1995, p. 387 no 15 et 16;
SCHUBARTH, Kommentar StGB, art. 159 no 33; REHBERG/SCHMID, Strafrecht
III, 6ème éd., Zurich 1994, p. 227/228; TRECHSEL, Kurzkommentar StGB,
art. 159 no 9) et que la notion de préjudice est la même que dans le
cas de l'escroquerie (STRATENWERTH, op.cit., p. 387 no 16; SCHUBARTH,
op.cit., art. 159 no 33). Pour qu'il y ait gestion déloyale, il faut donc
un préjudice patrimonial. Tel est le cas lorsqu'on se trouve en présence
d'une véritable lésion du patrimoine - c'est-à-dire d'une diminution de
l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou
d'une non-augmentation de l'actif (cf. ATF 119 IV 17 consid. 2c) -, mais
aussi d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en
diminuer la valeur du point de vue économique (STRATENWERTH, op.cit.,
p. 336 no 54 et les références; cf. également ATF 120 IV 122 consid.
6b p. 134, 102 IV 84 consid. 4). Par ailleurs, un préjudice temporaire
suffit (ATF 120 IV 122 consid. 6b p. 135, 105 IV 102 consid. 1c, 102
IV 84 consid. 4, 172 consid. 3; cf. également STRATENWERTH, op.cit.,
p. 337 no 55; TRECHSEL, op.cit., art. 148 no 24).

    d) La cour cantonale a retenu que les fonds des deux sociétés avaient
été temporairement immobilisés pendant la durée de validité des garanties
et a admis qu'ils avaient été exposés au risque d'un appel des garanties,
mais elle a considéré que, celles-ci n'ayant pas été appelées, ce risque ne
s'était pas réalisé et qu'il était au reste "trop éloigné pour justifier
une condamnation au titre de l'art. 159 (a)CP". C'est précisément ce
dernier point qui est contesté par le recourant, qui estime au contraire
que le patrimoine des deux sociétés dont l'intimé avait la gestion a été
exposé à un danger particulier et, partant, qu'il y a eu atteinte aux
intérêts pécuniaires d'autrui au sens défini ci-dessus.

    Ainsi qu'on l'a vu, il peut également y avoir préjudice patrimonial
en cas de mise en danger du patrimoine telle qu'elle a pour effet
d'en diminuer la valeur du point de vue économique. Sur la base des
constatations de fait de l'arrêt attaqué, il n'est toutefois pas possible
de contrôler si, dans le cas d'espèce, on se trouve en présence d'une
mise en danger du patrimoine équivalant à une lésion de celui-ci au sens
de la jurisprudence. En l'absence de constatations de fait suffisantes,
le Tribunal fédéral n'est en effet pas en mesure de se prononcer sur la
question posée de savoir dans quelle mesure la réalisation d'une obligation
éventuelle telle que la constitution d'une garantie équivaut à un dommage
patrimonial. La cause doit dès lors être renvoyée à l'autorité cantonale,
qui devra examiner si la constitution de garanties a eu pour effet de
diminuer la valeur du patrimoine du point de vue économique. Dans la
mesure où l'arrêt attaqué nie l'existence d'un préjudice pour le motif
que les garanties n'ont pas été appelées, il viole le droit fédéral,
puisque, comme on l'a vu, le risque d'un appel des garanties peut suffire.

    e) La cour cantonale a également nié la réalisation de l'infraction
pour le motif que l'intimé était capable de rembourser. A ce jour,
la capacité de remboursement n'a été prise en considération par la
jurisprudence et la doctrine qu'en matière d'abus de confiance (art. 140
aCP). Cet élément devrait cependant aussi jouer un rôle en matière de
gestion déloyale dans la mesure où la réalisation de cette infraction
implique un dessein d'enrichissement illégitime, comme le prévoit en tout
cas le nouveau droit à l'art. 158 ch. 1 al. 3 et ch. 2 CP. Sur ce point
également, les constatations de fait de l'arrêt attaqué sont insuffisantes
pour permettre à la Cour de céans de contrôler si et dans quelle mesure cet
élément peut jouer un rôle dans le cas d'espèce. Le cas échéant, l'autorité
cantonale devra examiner la question au regard de la nouvelle jurisprudence
relative à la capacité de remboursement (cf. ATF 118 IV 27 consid. 3).

Erwägung 3

    3.- (suite de frais).