Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 II 241



121 II 241

40. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 2 octobre 1995
dans la cause E. contre Chambre d'accusation du canton de Genève (recours
de droit administratif) Regeste

    Internationale Rechtshilfe in Strafsachen;
Verhältnismässigkeitsgrundsatz.

    Tragweite des Verhältnismässigkeitsgrundsatzes im Bereich der
Rechtshilfe in Strafsachen (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 22 juillet 1994, le juge d'instruction auprès du Tribunal de
Grande Instance de T. a adressé aux autorités judiciaires genevoises
une commission rogatoire pour les besoins d'une information pénale
dirigée contre G., gérant de la société B., et divers consorts du chef de
corruption active et passive, d'abus de biens sociaux, de faux et usage
de faux, de complicité et de recel. Il exposait que A., alors Président du
Conseil général de V. et sénateur, aurait été directement impliqué dans un
processus de corruption active lié notamment à la construction de l'Ecole
d'ingénieurs de T. et que tout ou partie des commissions versées à A. à
l'occasion de l'attribution de ce marché public à la société B. auraient
été versées sur un compte à Genève sous le pseudonyme éventuel de C. La
demande tendait à obtenir des informations sur l'existence de ce compte et,
dans l'affirmative, à vérifier son état au jour de la commission rogatoire
ainsi que les flux financiers le concernant (provenance, mouvements et
destinations des fonds du titulaire ainsi que de tous ses ayants droit
économiques).

    Les investigations entreprises dans le cadre de cette commission
rogatoire ont permis d'établir que A. avait effectivement ouvert un compte
auprès de la Banque X., à Genève, sous le pseudonyme de C. et que ce compte
avait été crédité le 24 avril 1992 d'une somme de X. francs suisses en
provenance d'un compte numéroté ouvert auprès de la Banque Y., à Genève,
au nom de la société E.

    Le juge d'instruction genevois chargé de l'exécution de la demande
a rendu le 17 mars 1995 une ordonnance de clôture partielle par laquelle
il décidait de transmettre l'ensemble des documents d'ouverture du compte
dont la société E. est titulaire auprès de la Banque Y., l'avis de débit
de X. francs suisses, ainsi que l'extrait de compte portant mention de
ce débit caviardé de tous autres mouvements.

    Par ordonnance du 11 juillet 1995, la Chambre d'accusation du canton
de Genève a rejeté le recours formé par la société E. contre ce prononcé.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, la société
E. demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision en ce qu'elle
ordonne la communication du formulaire A/CDB indiquant le nom de son ayant
droit économique ainsi que l'extrait de son compte auprès de la Banque
Y. portant mention caviardée de tous les autres mouvements bancaires. Elle
a produit une attestation de ses dirigeants certifiant que dans le cadre
du virement litigieux, son ayant droit économique n'avait pas agi à titre
personnel mais en qualité de représentant d'une société tierce établie
en France.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- La recourante se plaint essentiellement d'une violation du principe
de la proportionnalité. Elle reproche au juge d'instruction d'être allé
au-delà de la demande d'entraide en décidant de transmettre au magistrat
requérant le nom de son ayant droit économique et l'extrait caviardé du
compte qu'elle détient auprès de la Banque Y. mentionnant l'opération
litigieuse.

    a) La jurisprudence ne tient pour admissibles des mesures de
contrainte au sens des art. 3 CEEJ et 64 EIMP que si elles satisfont
aux exigences de la proportionnalité. Selon ce principe, l'entraide ne
peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la
vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. Savoir
si les renseignements sollicités sont nécessaires ou simplement utiles
à la procédure pénale instruite dans l'Etat requérant est une question
en principe laissée à l'appréciation des autorités de cet Etat. L'Etat
requis ne disposant généralement pas des moyens qui lui permettraient de
se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves déterminées
au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait substituer sur
ce point sa propre appréciation à celle des magistrats chargés de cette
instruction. La coopération internationale ne peut dès lors être refusée
que si les actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie
et manifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la
demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens
de preuve (ATF 120 Ib 251 consid. 5c et les arrêts cités). Le principe de
la proportionnalité empêche aussi l'autorité requise d'aller au-delà des
mesures sollicitées par l'autorité requérante (ATF 118 Ib 111 consid. 6
p. 125, 117 Ib 64 consid. 5c p. 88 consid. 5c et les arrêts cités);
au besoin, il lui appartient d'interpréter la requête selon le sens que
l'on peut raisonnablement lui donner. A cet égard, rien ne s'oppose à une
interprétation large de la requête, s'il est établi que, sur cette base,
toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies. Par ailleurs,
ce mode de procéder évite une éventuelle demande complémentaire.

    b) Certes, la demande d'entraide n'exige pas formellement la
communication des documents d'ouverture des comptes qui ont été débités au
profit du compte C. ni, par conséquent, celle du nom de leurs titulaires
ou de leurs ayants droit économiques. Elle tend en revanche à connaître
la provenance des fonds ayant alimenté ce compte afin d'établir de manière
plus précise les éléments de la corruption à laquelle G. et consorts sont
soupçonnés d'avoir participé. Comme le relève à juste titre l'autorité
intimée, la connaissance de l'identité du titulaire des comptes d'où
proviennent ces fonds et de leurs éventuels ayants droit économiques est
de nature à répondre à cette question. L'autorité intimée n'a dès lors
pas excédé le cadre de la demande d'entraide en décidant de transmettre
le nom de l'ayant droit économique de la société E. Le grief adressé à
ce titre à la décision attaquée se révèle mal fondé.

    La recourante voit une raison supplémentaire de ne pas communiquer
l'identité de son ayant droit économique dans le fait que l'ordre de virer
le montant litigieux sur le compte C. émanerait en réalité d'une société
tierce dont il n'aurait été que le représentant. Elle n'a toutefois pas
apporté la preuve de cette allégation, l'attestation versée au dossier
n'étant pas déterminante à cet égard puisqu'elle émane de ses propres
dirigeants. Au demeurant, supposé établi, le fait que l'ayant droit
économique aurait agi pour le compte d'une société tierce ne permettrait
pas d'exclure absolument sa participation au processus délictueux décrit
dans la demande. S'agissant d'une question d'appréciation des preuves, il
appartiendra aux autorités pénales de l'Etat requérant de la résoudre. Pour
le surplus, la recourante ne prétend pas que le virement litigieux opéré
sur le compte C. serait sans rapport avec le processus délictueux pour
lequel G. et consorts sont poursuivis en France ou qu'il serait impropre
à faire progresser l'enquête instruite à l'étranger, violant de ce fait
le principe de la proportionnalité. Le recours s'avère mal fondé en tant
qu'il s'en prend à la décision de transmettre le nom de l'ayant droit
économique de la société E.

    c) La recourante s'est également opposée à la transmission de l'extrait
de son compte portant la mention du débit de X. francs suisses opéré le
24 avril 1992 au profit du compte C., caviardé de tous autres mouvements.

    Cette pièce est de nature à établir la provenance du versement
litigieux et s'inscrit ainsi dans le cadre de la demande d'entraide. Pour
cette raison déjà, il se justifie de la remettre à l'autorité requérante
sans qu'il soit besoin d'examiner si l'avis de débit - à la transmission
duquel la recourante ne s'oppose pas - pourrait suffire à établir cet
élément. Il est vrai que ce document permettra à celle-ci de connaître le
nombre de mouvements de fonds opérés sur le compte de la recourante pour la
période considérée. On ne voit pas en quoi la connaissance de cet élément
exposerait cette dernière à une atteinte grave à ses intérêts commerciaux
dès lors que l'autorité intimée a pris toutes les précautions utiles pour
protéger les tiers non impliqués dans la procédure en caviardant les
autres mouvements qui y sont mentionnés. Comme le Tribunal fédéral l'a
déjà jugé dans une précédente cause concernant la recourante, celle-ci
ne peut se prévaloir, en sa qualité de tiers impliqué dans la procédure,
de la protection assurée à l'art. 10 EIMP et doit se laisser imposer les
obligations résultant pour elle des traités internationaux lorsque les
conditions en sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce (arrêt en la
cause 1A.71/1995 du 6 juin 1995 consid. 3c). En l'absence d'une norme
conventionnelle permettant à l'Etat requis de refuser sa coopération
pour protéger les intérêts particuliers des personnes touchées par les
mesures d'entraide à exécuter, elle ne saurait s'opposer à la remise
d'une pièce qui n'est pas sans rapport avec les faits décrits dans
la demande d'entraide. L'intérêt de l'Etat requérant à faire toute la
lumière sur des infractions, qui - eussent-elles été commises - pourraient
objectivement être qualifiées de graves, l'emporte manifestement sur
celui de la recourante à tenir secret le volume de ses affaires.

    d) Dans ces conditions, le juge d'instruction n'a pas violé le
principe de la proportionnalité en décidant de transmettre l'ensemble de
la documentation d'ouverture du compte que la recourante détient auprès
de la Banque Y. et l'extrait de ce compte portant mention du versement
de X. francs suisses opéré le 24 avril 1992 sur le compte C.