Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 III 408



121 III 408

80. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 6 décembre 1995 dans la
cause J. contre A. (recours en réforme) Regeste

    Übertragung einer Geschäftsmiete von bestimmter Dauer - Haftung des
bisherigen Mieters (Art. 263 Abs. 4 OR).

    Wird einem den Vertrag übernehmenden Mieter wegen Verzugs vorzeitig
gekündigt und verlässt er die gemieteten Räumlichkeiten nicht, so haftet
der bisherige Mieter solidarisch für die Entschädigung während der
unerlaubten Weiternutzung, und zwar bis zum Ablauf des Mietvertrags oder
bis zu zwei Jahren seit der Übertragung, falls die Vertragsdauer darüber
hinausgeht (E. 3 und 4).

Sachverhalt

    A.- Par contrat du 16 juin 1988, A. a remis à bail à J. des locaux
à l'usage d'un café-restaurant, à Yverdon-les-Bains. Le bail était
conclu pour dix ans, du 1er septembre 1988 au 30 septembre 1998, puis se
renouvelait de cinq ans en cinq ans.

    Durant l'été 1990, J. a cherché à remettre le café-restaurant. Il
a trouvé un amateur en la personne de M., avec lequel il a signé
une convention de remise de commerce. Les pourparlers ont eu lieu en
présence de A., qui n'a jamais déclaré s'opposer à la reprise du bail
par le nouveau tenancier. Ce dernier a pris possession des lieux le 1er
novembre 1990. Pendant une année, il s'est acquitté régulièrement du loyer,
avant de cesser tout paiement à partir de novembre 1991.

    Entre-temps, un litige était né entre J. et A.; ce dernier contestait,
en particulier, avoir jamais donné son accord au transfert du bail. Le
18 janvier 1991, J. a saisi la Commission de conciliation afin qu'il soit
constaté, notamment, que le bail à loyer avait été valablement transféré à
M. et que le locataire était libéré de toute obligation envers le bailleur
sous réserve de l'art. 263 al. 4 CO.

    B.- a) Le 11 février 1992, A. a fait notifier à J. un commandement
de payer les sommes de 5'055 fr., plus intérêts à 5% dès le 1er novembre
1991 et 5'055 fr., plus intérêts à 5% dès le 1er décembre 1991, à titre
de loyers de novembre et décembre 1991. Le Président du Tribunal civil
du district d'Yverdon a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition
formée par J.

    Par requête du 21 avril 1992, celui-ci a ouvert action en libération
de dette devant le Tribunal des baux du canton de Vaud. Dans une seconde
requête du même jour, également dirigée contre A., il a conclu à ce qu'il
soit constaté qu'il a valablement transféré le bail à M. et qu'il est
libéré de toute obligation envers le bailleur.

    b) Peu auparavant, dans une lettre du 3 mars 1992 envoyée sous deux
plis séparés, A. avait mis en demeure J. et M. de payer dans les trente
jours la somme de 25'920 fr. 10 - représentant les loyers impayés de
novembre 1991 à mars 1992 plus divers frais -, sous peine de résiliation
du bail selon l'art. 257d CO. Aucun des destinataires n'a réagi à cette
sommation.

    Le 13 avril 1992, le bailleur a résilié le contrat pour le 31 mai 1992;
il a adressé la lettre de congé à la fois à J. et à M.

    Comme les locaux étaient toujours occupés malgré la résiliation
du bail, A. a engagé une procédure d'expulsion. Dans ce cadre, la Cour
civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a ratifié une transaction
selon laquelle M. s'engageait irrévocablement à quitter les lieux le 30
avril 1993 au plus tard, ce qu'il a fait à cette date.

    c) Dans l'intervalle, A. avait introduit une seconde poursuite contre
J. en paiement de 86'080 fr. plus intérêts, correspondant aux loyers de
mars 1992 à juin 1993. La mainlevée provisoire de l'opposition formée
par J. a été prononcée à concurrence de 40'440 fr.

    Par requête du 11 juin 1993, J. a ouvert action en libération de
dette devant le Tribunal des baux.

    d) Après jonction des différentes procédures introduites dans cette
affaire, le tribunal a rendu son jugement le 28 janvier 1994. D'une part,
il a reconnu la validité du transfert du bail à M., avec effet au 1er
novembre 1990. D'autre part, il a condamné J. à payer à A. deux fois le
montant de 5'055 fr. avec intérêts, ainsi que la somme de 40'440 fr. avec
intérêts, les oppositions étant définitivement levées à due concurrence.

    Statuant le 1er novembre 1994 sur un recours en réforme et un recours
en nullité de J., la Chambre des recours du Tribunal cantonal a confirmé
le jugement de première instance. Les considérants de cet arrêt ont été
notifiés aux parties le 22 mars 1995.

    C.- J. a interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il
concluait à la réforme de l'arrêt attaqué dans le sens qu'il ne devait
pas à A. le montant de 25'275 fr. avec intérêts à 5% dès le 15 juin 1992,
représentant l'indemnité pour occupation illicite des locaux pour les mois
de juin à octobre 1992; il demandait également le maintien de l'opposition
à la seconde poursuite à concurrence de ce montant.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours et confirmé le jugement
attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- En cas de transfert d'un bail portant sur un local commercial,
le locataire sortant est, en principe, libéré de ses obligations envers
le bailleur; il reste toutefois solidairement responsable avec le tiers
jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou la résiliation de celui-ci
selon le contrat ou la loi, mais dans tous les cas, pendant deux ans au
plus (art. 263 al. 4 CO).

    a) Selon la cour cantonale, le locataire cédant répond de l'indemnité
pour occupation illicite des locaux due par le locataire cessionnaire
dont le bail a été résilié pour cause de demeure et qui n'a pas déguerpi,
pour autant bien sûr que le délai de deux ans ne soit pas échu. A l'appui
de sa thèse, la Chambre des recours invoque l'arrêt publié aux ATF 116
II 512 ainsi que les avis de doctrine, selon lesquels la responsabilité
solidaire du locataire sortant s'étend non seulement à l'obligation de
payer le loyer, mais encore à d'autres obligations, comme celle de remise
en état de la chose louée à la suite de dégâts causés par le cessionnaire.

    b) Pour sa part, le demandeur conteste qu'une dette ne dérivant pas
du bail, comme l'indemnité pour occupation illicite, puisse être mise à
sa charge au titre de la responsabilité solidaire de l'art. 263 al. 4 CO.
   (...)

Erwägung 4

    4.- a) L'art. 263 CO a été introduit lors de la révision de
1990. L'alinéa 4 de cette disposition n'est pas des plus clairs,
particulièrement dans sa version française. Il faut ainsi se référer aux
textes allemand et italien pour comprendre qu'en cas de bail de durée
indéterminée, le locataire sortant répond solidairement avec le tiers
jusqu'au prochain terme contractuel ou légal pour lequel il pouvait
dénoncer le contrat (Message du 27 mars 1985 concernant la révision
du droit du bail, in FF 1985 I, p. 1425; BARBEY, Le transfert du bail
commercial (art. 263 CO), in SJ 1992 p. 45; LACHAT/MICHELI, Le nouveau
droit du bail, 2e éd., p. 274; USPI, Commentaire du bail à loyer, n. 34,
p. 327; ZIHLMANN, Das neue Mietrecht, p. 87).

    L'art. 263 al. 4 CO ne précise pas non plus l'étendue de la
responsabilité solidaire du locataire transférant. Selon la majeure partie
des auteurs, il est débiteur de toutes les obligations contractuelles
dérivant du bail tel qu'il existait au moment du transfert, qu'elles
soient nées avant ou après cette date (HIGI, Commentaire zurichois, n. 57
ad art. 263 CO; JACQUEMOUD-ROSSARI, Le transfert du bail commercial, in
8e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1994, p. 18; contra: BARBEY,
op.cit., p. 45 à 47); cela signifie en particulier que le preneur sortant
peut être solidairement redevable envers le bailleur non seulement du
loyer, mais également, par exemple, des dommages-intérêts dus par le
nouveau locataire à la suite de dégâts que celui-ci a causés dans les
locaux loués (LACHAT/MICHELI, op.cit., p. 274; USPI, op.cit., n. 35,
p. 327; WESSNER, Le nouveau droit du bail à loyer - Les dispositions
générales, in 6e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1990, p. 19).

    La doctrine ne paraît pas s'être penchée sur la question de
l'éventuelle responsabilité de l'ancien locataire pour l'indemnité pour
occupation illicite due par le cessionnaire qui reste indûment dans les
locaux alors que le bail a été résilié. Higi observe néanmoins que si un
congé extraordinaire intervient dans les délais prévus à l'art. 263 al. 4
CO, la responsabilité solidaire du locataire sortant subsiste seulement
dans la mesure où le tiers reste engagé vis-à-vis du bailleur (op.cit.,
n. 55 ad art. 263 CO). De même, BARBEY est d'avis que, dans le cas d'un
contrat de durée déterminée, le transférant reste débiteur jusqu'à
l'échéance ordinaire du bail, dans les limites du délai de deux ans
(op.cit., p. 45), ce qui sous-entend que la responsabilité du locataire
sortant ne prend pas fin en cas de résiliation extraordinaire. Cette
conclusion, également adoptée en l'occurrence par la cour cantonale,
est-elle conforme au droit fédéral? Il convient pour ce faire d'interpréter
l'art. 263 al. 4 CO.

    b) La loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre
(interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument
clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge
recherchera la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation
avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation
systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé,
(interprétation téléologique) ainsi que de la volonté du législateur
telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation
historique) (ATF 121 V 58 consid. 3b p. 60, 119 II 353 consid. 5 p. 355,
119 Ia 241 consid. 7a p. 248, 118 Ib 448 consid. 3c p. 452, 117 Ia 328
consid. 3a p. 331 et les arrêts cités).

    c) Aux termes de l'art. 263 al. 4 CO, l'une des limites à la
responsabilité du locataire sortant est "la résiliation [du bail]
selon le contrat ou la loi". A s'en tenir strictement aux mots, le
texte de la norme ne distingue pas entre résiliations légales ordinaire
(art. 266a et 266d CO) et extraordinaire (art. 257d, 257f, 266g à 266i
CO). On pourrait donc soutenir que n'importe quelle résiliation selon la
loi - y compris celle qui, comme en l'espèce, fait suite à la demeure du
locataire (art. 257d CO) - met un terme à la responsabilité du locataire
transférant. Mais l'absence de précision à ce sujet peut signifier tout
aussi bien que seul le congé ordinaire est déterminant pour faire cesser
la responsabilité du locataire précédent avant l'échéance du délai de
deux ans. L'interprétation littérale ne permet ainsi pas de dégager le
sens véritable de l'art. 263 al. 4 CO.

    Les Chambres fédérales ont adopté l'art. 263 al. 4 CO tel que proposé
par le Conseil fédéral. Le Message précité ne fournit aucune réponse à
la question posée en l'espèce. En revanche, il ressort dudit Message que
la responsabilité solidaire du locataire sortant est la contrepartie du
fait que, dans le nouveau droit, le bailleur n'est pas totalement libre
de s'opposer au transfert du contrat (in FF 1985 I, p. 1425). Le but
visé par l'art. 263 al. 4 CO est donc d'offrir une garantie au bailleur
obligé, sauf justes motifs, de consentir au changement de cocontractant
(art. 263 al. 1 et 2 CO). Or, l'un des risques encourus par le bailleur
lors d'un transfert de bail est précisément que le nouveau locataire ne
respecte pas l'obligation de payer le loyer.

    En pareil cas, si le locataire sortant n'exécute pas non plus son
obligation solidaire et que le bailleur choisit de résilier le contrat
en application de l'art. 257d CO, il apparaît conforme à l'objectif de
l'art. 263 al. 4 CO que le locataire transférant continue de répondre
de la dette du nouveau preneur qui reste indûment dans les locaux après
que le congé est devenu effectif. Au surplus, la nature juridique de
l'indemnité pour occupation illicite n'y fait nullement obstacle puisque,
selon la jurisprudence, le locataire qui reste dans les lieux loués
nonobstant l'expiration du bail commet une faute contractuelle (ATF 117
II 65 consid. 2b p. 68).

    Comme le défendeur le fait observer pertinemment dans sa réponse au
recours, toute autre solution contraindrait pratiquement le bailleur,
en cas de contrat à durée déterminée dont l'échéance tombe au-delà de
deux ans, à attendre la fin de ce délai-ci avant de résilier le bail
pour cause de demeure du locataire, s'il entend bénéficier de l'avantage
accordé par l'art. 263 al. 4 CO. Or l'intérêt du bailleur, protégé par
cette disposition, ne commande pas que celui-ci se trouve placé devant
deux partis incompatibles - la résiliation pour cause de demeure ou la
responsabilité solidaire du locataire sortant - mais bien qu'il puisse
invoquer et l'une et l'autre de ces possibilités.

    Il résulte ainsi de l'interprétation téléologique - la seule propre en
l'espèce à apporter une réponse au problème posé - que la solution adoptée
dans l'arrêt déféré est conforme au droit fédéral. Il convient cependant
de noter au passage qu'elle ne saurait se fonder sur la jurisprudence
consacrée à l'arrêt publié aux ATF 116 II 512 consid. 3, contrairement à ce
que la cour cantonale affirme. Dans cet arrêt, rendu sous l'ancien droit,
le Tribunal fédéral a logiquement dénié au locataire sortant le droit de se
départir du contrat après la cession ou le transfert du bail; il ne s'est
en revanche pas prononcé sur l'étendue de la responsabilité du cédant.