Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 121 III 368



121 III 368

73. Arrêt de la Ire Cour civile du 19 septembre 1995 dans la cause
Département fédéral de justice et police contre Radcliffes Trustee Company
SA (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 718a Abs. 2 und Art. 641 Ziff. 8 OR. Eintrag von Kombinationen
von Kollektivunterschriften im Handelsregister.

    Art. 5 HRegV und Art. 103 lit. b OG. Beschwerdelegitimation des
Eidgenössischen Justiz- und Polizeidepartementes (E. 1).

    Art. 940 OR und Art. 21 HRegV. Umfang der Prüfungsbefugnis
des Handelsregisterführers und Kognition des Bundesgerichts als
Verwaltungsgericht (E. 2).

    Statutarische Klauseln, die eine Kombination von
Kollektivunterschriften vorsehen, müssen im Handelsregister eingetragen
werden (Art. 718a Abs. 2 OR). Ihr Eintrag wird durch den klaren Wortlaut
von Art. 614 Ziff. 8 OR vorgeschrieben (E. 3 und 4).

Sachverhalt

    A.- La société Radcliffes Trustee Company SA (ci-après: Radcliffes),
constituée le 25 novembre 1974, a pour but d'agir comme fiduciaire et,
en cette qualité, de détenir, gérer, acquérir et aliéner, tant en son nom
qu'au nom de bénéficiaires de trusts, tous fonds, biens, droits, immeubles,
ainsi que toutes valeurs mobilières telles qu'actions, obligations,
obligations convertibles et autres titres et papiers-valeurs émis par
des sociétés ou des collectivités publiques.

    Par réquisition adressée au préposé au registre du commerce de Genève
le 4 mai 1994, Radcliffes a sollicité l'inscription de Solly Lawi et René
Mazzuri en qualité de membres du conseil d'administration, avec signature
collective à deux, mais ne signant toutefois pas entre eux.

    Par décision du 17 mai 1994, le préposé au registre du commerce a
refusé de procéder à l'inscription requise, invoquant sa trop grande
complexité, et a proposé à la société requérante d'inscrire simplement,
en faveur des nouveaux membres du conseil d'administration, une signature
collective à deux. Radcliffes n'ayant pas accepté cette proposition,
le préposé a rendu une décision formelle le 17 juin 1994, par laquelle
il a refusé de procéder à l'inscription requise.

    B.- Saisie d'un recours en appel, la Cour de justice du canton de
Genève en tant qu'autorité de surveillance du registre du commerce a,
par décision du 17 août 1994, admis le recours, annulé la décision
attaquée et ordonné au préposé au registre du commerce de procéder à
l'inscription requise.

    C.- Le Département fédéral de justice et police (ci-après: le DFJP)
interjette un recours de droit administratif contre cette décision. Il
conclut à ce qu'il soit constaté qu'aucun intérêt public ne commande
d'inscrire au registre du commerce d'autres restrictions au mode de
représentation que celles définies par la loi et demande l'annulation de
la décision entreprise.

    L'intimée propose le rejet du recours et la confirmation de la
décision attaquée. L'autorité cantonale de surveillance se réfère aux
considérants de sa décision. Le préposé au registre du commerce fait renvoi
aux observations qu'il a adressées à l'autorité cantonale de surveillance.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Le recours de droit administratif peut être interjeté au Tribunal
fédéral contre les décisions des autorités cantonales de surveillance du
registre du commerce (art. 97 et 98 let. g OJ, art. 5 ORC [RS 221.411]). Le
DFJP, qui exerce la haute surveillance sur le registre du commerce et
auquel toutes les décisions des autorités cantonales de surveillance sont
communiquées (art. 3 al. 5 et 4 ORC), a qualité pour intenter un recours
de droit administratif au Tribunal fédéral selon l'art. 103 let. b OJ
(ATF 112 II 64 consid. 1).

    Le DFJP conclut à ce qu'il soit constaté qu'aucun intérêt public ne
commande d'inscrire au registre du commerce d'autres restrictions au mode
de représentation que celles définies par la loi et demande l'annulation
de la décision entreprise. La prétention en constatation de l'inexistence
d'un intérêt public est irrecevable; même si elle tendait à la constatation
d'un droit, elle serait de toute façon irrecevable parce que subsidiaire à
la prétention tendant à la création, à la modification ou à l'annulation
de ce droit. En demandant l'annulation de la décision attaquée, le DFJP
conclut, en réalité, à la réforme de celle-ci dans le sens du rejet de
la réquisition d'inscription formée par l'intimée (art. 114 al. 2 OJ).

Erwägung 2

    2.- L'intimée soutient que le préposé au registre du commerce a
outrepassé son pouvoir de contrôle. L'inscription de combinaisons de
signatures relèverait du droit matériel et, puisque la combinaison choisie
ne viole aucune disposition impérative de la loi, l'admissibilité de
l'inscription devrait être tranchée par le juge civil. L'intimée conclut
au rejet du recours pour ce motif.

    a) Le Tribunal fédéral statuant comme Chambre de droit administratif
ne doit pas trancher définitivement de litiges de droit civil. Il ne peut
refuser une inscription ou ordonner la radiation pour des motifs de droit
matériel que si la situation est évidente (ATF 101 Ib 212 consid. c). Il
doit donc vérifier d'office sa compétence et les limites de son pouvoir
d'examen.

    Aux termes des art. 940 al. 1 CO et 21 al. 1 ORC, le préposé au
registre du commerce doit vérifier si les conditions légales requises
pour l'inscription sont remplies. Ces dispositions n'excluent pas une
vérification portant sur le bien-fondé de l'inscription requise. Le
principe fondamental est que l'inscription doit être conforme à la loi
(ATF 114 II 68 consid. 2).

    Selon la jurisprudence, le préposé vérifie d'abord les conditions
formelles posées par le droit en matière de registre du commerce, soit la
portée des normes qui régissent immédiatement la tenue du registre. Il
jouit à cet égard d'un plein pouvoir d'examen. Il vérifie aussi, mais
avec un pouvoir limité, les conditions matérielles, soit l'interprétation
des règles, de droit civil ou de droit public, qui fondent la conformité
de la réalité constatée avec la loi et dont le respect constitue donc la
condition indirecte de l'inscription. Selon les art. 940 al. 2 CO et 21
al. 2 ORC, il examine, avant de procéder à l'inscription de modifications
statutaires, si celles-ci ne dérogent pas à des dispositions légales de
caractère impératif et si elles contiennent les éléments exigés par la
loi. Il se borne à vérifier le respect des dispositions impératives de la
loi qui sont édictées dans l'intérêt public ou en vue de la protection de
tiers. Il doit renvoyer à agir devant le juge civil les justiciables qui
invoquent des prescriptions de droit dispositif ou concernant uniquement
des intérêts privés. Comme la délimitation entre les unes et les autres
peut s'avérer difficile, l'inscription ne sera refusée que s'il est
manifeste et indiscutable qu'elle est contraire au droit; elle ne devra
en revanche pas l'être si elle repose sur une interprétation plausible
de la loi et devra être soumise à l'appréciation du juge (ATF 117 II 186
consid. 1, 114 II 68 consid. 2, 91 I 360 consid. 2).

    b) En l'espèce, le préposé au registre du commerce a estimé qu'il était
dans son pouvoir de contrôle de trancher la question de l'admissibilité
de l'inscription de la combinaison de signatures choisie. L'autorité
cantonale de surveillance ne s'est pas prononcée sur l'étendue de son
pouvoir; elle s'est bornée à examiner si la base légale était suffisante
pour que l'inscription puisse être ordonnée.

    Sur le plan interne, la société anonyme jouit d'une grande liberté
pour adapter son mode de représentation aux nécessités des affaires ou de
son organisation interne. Toutefois, en vertu de l'art. 718a al. 2 CO, une
limitation des pouvoirs de représentation n'a aucun effet envers les tiers
de bonne foi; font exception les clauses inscrites au registre du commerce
qui concernent la représentation exclusive de l'établissement principal
ou d'une succursale ou la représentation commune de la société. Il ne
s'agit donc pas en l'espèce d'examiner si la clause statutaire sur le
mode de représentation et de signature est manifestement contraire à
une disposition matérielle impérative de la loi. Il s'agit bien plutôt
de déterminer si la combinaison de signatures collectives choisie peut
être inscrite en vertu des règles formelles sur le registre du commerce,
en l'espèce de l'art. 718a al. 2 2e phr. CO.

    Partant, le Tribunal fédéral comme Chambre de droit administratif
jouit d'une pleine cognition dans l'interprétation de cette règle formelle
régissant immédiatement la tenue du registre du commerce.

Erwägung 3

    3.- Selon l'autorité cantonale de surveillance, le registre du commerce
doit assurer la publicité des faits de portée juridique concernant les
entreprises commerciales; il doit constater d'une manière complète et sûre
l'existence des rapports juridiques présentant un intérêt particulier
dans les relations d'affaires. A l'instar du nom des membres du conseil
d'administration et des personnes autorisées à représenter la société
(art. 641 ch. 9 CO), le mode de signature prévu doit être inscrit au
registre du commerce (art. 641 ch. 8 CO). Bien que la circulaire de
l'Office fédéral du registre du commerce aux offices cantonaux du registre
du commerce du 7 octobre 1968 déconseille l'inscription de combinaisons de
signatures collectives, il ne s'agit que d'une recommandation. Puisque la
loi prévoit l'inscription de limitations du pouvoir de représentation, que
l'art. 3 al. 2 let. d de la loi sur les banques et les caisses d'épargne
(ci-après: LB, RS 952.0) prévoit que les membres de la direction qui sont
domiciliés à l'étranger ne sont autorisés à signer que collectivement
avec une autre personne domiciliée en Suisse et également chargée de
la gestion, et que l'inscription sollicitée est lisible pour le public,
celle-ci doit être admise.

    Le recourant conteste cette manière de voir. Si, au plan interne,
la société peut prévoir une variété presque infinie de modes de
signatures, cela ne signifie pas encore qu'elle a le droit d'en obtenir
l'inscription au registre du commerce. En principe, la représentation est
individuelle. Si la loi autorise l'inscription de limitations du pouvoir
de représentation, ces limitations, en tant qu'exceptions, ne peuvent
pas être interprétées extensivement, ni multipliées à volonté. On ne
saurait déduire de l'art. 3 al. 2 let. d in fine LB une norme généralement
applicable. De plus, en vertu de l'art. 20 al. 2 ORC, lorsque l'inscription
d'un fait n'est pas prévue, elle ne peut être admise que si l'intérêt
public justifie de le rendre opposable aux tiers. Or, l'intérêt public ne
commande pas que l'on s'écarte des deux limitations admises par l'art. 718a
al. 2 CO, ni que l'on multiplie les modes de signatures, ce qui revient
à reporter sur les tiers la responsabilité de s'informer de l'existence
de ces restrictions. Il impose, au contraire, que l'on ne surcharge pas
le registre au point de le rendre illisible. Les instructions données
aux préposés par l'Office fédéral du registre du commerce vont dans ce
sens. Comme le même régime doit être appliqué aux petites et aux grandes
sociétés et que celles-ci peuvent donner la signature à un millier de
personnes, l'admission de combinaisons de signatures multiples engendrerait
des difficultés pratiques insurmontables. Enfin, les systèmes informatiques
ne sont pas programmés pour saisir des restrictions autres que celles du
CO et il n'est pas possible de les apposer manuellement. La sécurité du
droit et des transactions, ainsi que la clarté du registre du commerce
s'opposent donc à l'inscription requise.

Erwägung 4

    4.- Il découle de l'art. 718a al. 2 CO que peuvent être inscrites
au registre du commerce les clauses statutaires qui concernent la
représentation commune de la société. L'inscription de la combinaison de
signatures collectives litigieuse pose donc le problème de la portée de
cette disposition légale.

    a) Dans sa jurisprudence relative à l'ancien code des obligations
de 1888 et à l'ancien droit de la société anonyme, le Tribunal fédéral a
notamment admis l'inscription d'une seule et même personne comme signant
collectivement à deux en tant qu'administrateur et individuellement en tant
que directeur puisqu'à l'égard des tiers, cette personne engage dans tous
les cas la société, qu'elle signe seule ou avec un autre administrateur
(ATF 91 I 360 consid. 4; cf. également 86 I 105, 60 I 386). Mais il ne
s'est pas prononcé sur l'inscription de combinaisons de signatures.

    En doctrine, la plupart des auteurs admettent l'inscription de
combinaisons de signatures. Même si, généralement, la représentation est
attribuée à deux personnes, il est admissible, bien que lourd, de lier la
représentation à la signature de trois personnes ou plus, de prévoir la
procuration partielle et la représentation par deux personnes appartenant
à deux groupes différents de représentants (BÜRGI, Zürcher Kommentar,
n. 13 ad art. 718 aCO; SCHUCANY, Kommentar zum schweizerischen Aktienrecht,
6e éd., Zurich 1960, n. 3 ad art. 718 aCO; WATTER, Die Verpflichtung der
Aktiengesellschaft aus rechtsgeschäftlichem Handeln ihrer Stellvertreter,
Prokuristen und Organe, speziell bei sogenanntem "Missbrauch der
Vertretungsmacht", thèse Zurich 1985, p. 149). Il est possible d'inscrire
que le droit de signature a été accordé à A conjointement avec C, à B
conjointement avec D (DE STEIGER, FJS 7 ch. 4 let. k; cf. également RVJ
1969 p. 230), mais non que les pouvoirs sont limités à un genre d'affaires
ou qu'un administrateur peut agir dans certains cas seul, dans d'autres
obligatoirement avec un tiers, car le registre du commerce ne doit pas
être surchargé de restrictions des pouvoirs de représentation qui n'ont
qu'un caractère éphémère ou qui dépendent de circonstances de temps ou
de circonstances inhérentes à la personne du représentant (DE STEIGER,
Le droit des sociétés anonymes en Suisse, p. 264-265). Certains auteurs
ont toutefois relevé que de telles combinaisons de signatures pourraient
créer des difficultés dans les relations commerciales, qu'elles exigent
une attention des tiers qui ne peut que difficilement se justifier,
que le principe de la clarté ne serait pas toujours respecté et que le
principe de l'art. 933 al. 1 CO pourrait être vidé de son sens (LUSSY,
Aktuelle Fragen des Handelsregisterrechts, in FSA Nr. 103 juillet 1986
p. 8-9; OR-WATTER, n. 19-20 ad art. 718a CO). La circulaire de l'Office
fédéral du registre du commerce du 7 octobre 1968, qui n'a pas force de
loi, fait état de la même préoccupation.

    b) L'art. 641 CO règle l'objet de l'inscription au registre du
commerce. En vertu du ch. 8 de cette disposition, le mode de représentation
de la société est inscrit au registre du commerce. L'art. 718 al. 1
CO régit le mode de représentation de la société. Il prévoit que,
sauf disposition contraire des statuts ou du règlement d'organisation,
chaque membre du conseil d'administration a le pouvoir de représenter la
société. Selon l'al. 2 de cette disposition, le conseil d'administration
peut déléguer le pouvoir de représentation à un ou plusieurs de ses
membres. Quant à l'art. 718a CO, il définit, ainsi que la note marginale
le mentionne, l'étendue et la limitation du pouvoir de représentation. En
son al. 1, il fixe l'étendue de ce pouvoir: celui-ci implique le droit
d'accomplir au nom de la société tous les actes que peut impliquer le but
social. En son al. 2, il traite de la limitation des pouvoirs des personnes
habilitées à représenter la société: une éventuelle limitation de ceux-ci
n'est pas opposable aux tiers de bonne foi. Font exception les clauses
inscrites au registre du commerce qui concernent le mode de représentation
de la société, soit en particulier la représentation commune de celle-ci.

    En se basant sur le texte de l'art. 641 ch. 8 CO, on ne peut que
constater que la loi exige l'inscription au registre du commerce du
mode de représentation de la société. La décision de conférer à des
administrateurs la signature commune ne touche en rien l'étendue du droit
de représentation: les administrateurs peuvent accomplir tous les actes
visés à l'art. 718a al. 1 CO, sans autre restriction que de devoir agir
en commun. Qu'ils bénéficient de la signature individuelle ou commune,
une limitation du contenu de leur pouvoir n'est pas opposable aux tiers
de bonne foi en vertu de l'art. 718a al. 2 1ère phr. CO. Les clauses qui
concernent la représentation exclusive de l'établissement principal ou
d'une succursale ou encore la représentation commune selon l'art. 718a
al. 2 2e phr. CO ne visent pas une limitation du droit d'accomplir au nom
de la société tous les actes que peut impliquer le but social, mais bien
le pouvoir de représentation lui-même.

    Ainsi, lorsque la signature commune est accordée à deux
administrateurs, ils doivent certes agir ensemble pour représenter
valablement la société, mais cette circonstance n'implique aucune
limitation des actes qu'ils peuvent accomplir. Il n'en va pas
différemment lorsque celui qui se voit accorder la représentation
commune ne peut exercer ce droit qu'avec certaines personnes également
autorisées à représenter la société et non avec toutes les autres.
Cette limitation ne touche pas à son droit de passer tous les actes
que le but social peut impliquer. Elle a uniquement trait au pouvoir
lui-même de représentation. Une telle circonstance, qui ne traite ni de
l'étendue ni des limitations apportées au droit de représentation, mais
exclusivement du mode de représentation, ne saurait être une restriction
purement interne qui ne saurait faire l'objet d'une inscription.

    Outre le fait que cette déduction résulte du texte clair de l'art. 641
ch. 8 CO, on relève que le refus d'inscription dans des situations
analogues à celle de la présente cause reviendrait à celer l'existence du
véritable mode de représentation de la société. Sur ce point, le registre
du commerce ne le révélerait pas et tromperait ceux qui le consultent. Un
tel résultat ne serait pas acceptable. Il est certain que l'inscription
de combinaisons de signatures implique pour les préposés au registre du
commerce un travail supplémentaire. Mais une considération de ce genre
n'a pas à dicter l'interprétation de la loi, pas plus que les arguments
fondés sur la circonstance que certains systèmes informatiques ont été
conçus selon une autre conception. Partant, le recours est rejeté.

Erwägung 5

    5.- Un émolument judiciaire ne peut être mis à la charge du recourant
(art. 156 al. 2 OJ). Celui-ci devra en revanche verser des dépens à
l'intimée (art. 159 OJ).