Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 V 515



120 V 515

71. Extrait de l'arrêt du 6 décembre 1994 dans la cause Office fédéral
de l'industrie, des arts et métiers et du travail contre P. et Tribunal
administratif du canton de Fribourg Regeste

    Art. 23 Abs. 3, Art. 24 Abs. 1 und 3 AVIG: Nebenverdienst und
Zwischenverdienst.

    - Qualifikation des Verdienstes eines Arbeitslosen in seiner
Eigenschaft als privater Berater für Arbeitslosenversicherungsfragen
(Erw. 3).

    - Das Erfordernis der Berufs- und Ortsüblichkeit betrifft ebenso den
Verdienst aus unselbständiger Tätigkeit wie denjenigen, den der Arbeitslose
aus selbständiger Tätigkeit erzielt (Erw. 4).

    - Unentgeltliche Tätigkeit und Anspruch auf Arbeitslosenentschädigung
(Erw. 5).

Sachverhalt

    A.- P., employé de commerce de formation, a dirigé pendant plusieurs
années le Service cantonal X. Le 1er février 1990, il est entré en qualité
de chef du personnel au service de l'entreprise P. SA. Pour des raisons de
santé, il a été licencié par son employeur pour le 30 avril 1991. Engagé
dès le 1er mai 1991 comme secrétaire régional par le Syndicat Y, il a
reçu son congé pour le 30 avril 1992. Il a requis de l'assurance-chômage
l'allocation d'indemnités journalières à partir du 1er mai 1992. Il
déclarait qu'il était disposé à et capable de travailler à plein temps,
et qu'il réalisait un gain accessoire dans une "Permanence Assurance
Chômage" depuis le 1er avril 1991, lequel s'était élevé en 1991 à "500.-
l'an (net)". La caisse de chômage Chrétienne-sociale lui a versé des
indemnités de chômage.

    Le journal Z publia le 23 juillet 1993 un article consacré à P.,
intitulé "Portrait", dont il ressort en particulier que l'intéressé,
en ouvrant son bureau-conseil, avait réalisé un vieux rêve, que la
situation économique avait bien changé deux ans après et qu'il avait
adapté sa structure aux circonstances, travaillant maintenant une bonne
trentaine d'heures par semaine. Déclarant notamment qu'il avait choisi
d'être plus mobile en été 1992 et que, dans un rayon de 50 km, il se
déplaçait pour une consultation-conseil, il affirmait que ceux qui le
consultaient étaient à l'abri d'une surprise financière et donnait à ce
sujet les explications suivantes:

    "Pour tout mandat au-dessus de 250 francs, je fais un devis, mais
   j'essaie de rationaliser mes déplacements parce que je tiens à des
   coûts très bas."

    L'article précisait que:

    "Son forfait horaire d'écoute est de 40 francs. Il demande 50
francs dès
   qu'il s'agit d'intervenir." "Je peux régler les deux tiers des cas
   par correspondance."

    L'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail
(OFIAMT) invita l'administration cantonale à vérifier si les faits
relatés dans la presse étaient exacts. L'Office cantonal fribourgeois du
travail, par lettre du 14 septembre 1993, requit de P. la production de
sa comptabilité pour 1991 à 1993, et une copie de sa déclaration fiscale
pour la période en cours. L'assuré produisit divers documents bancaires
et fiscaux.

    Par acte du 5 octobre 1993, l'office cantonal du travail décida que
P. était apte au placement et avait droit à la compensation de sa perte
de gain, la naissance du gain intermédiaire étant fixée au 1er mai 1992,
début de l'augmentation des activités de l'assuré. Mais, les gains déclarés
de 469 francs, 220 francs et 119 francs n'étant pas conformes, pour un
travail de 30 heures hebdomadaires, aux usages professionnels et locaux,
la perte de gain devait être déterminée sur la base d'un gain fictif
conforme auxdits usages. Celui-ci s'élevait selon l'office cantonal à
3'780 francs par mois, au motif que l'assuré fixait son prix entre 40
francs et 50 francs l'heure, ce qui donnait une rémunération mensuelle
de l'ordre de 5'400 francs (45 x 30 x 4), montant dont il y avait lieu
de déduire 30% pour les frais généraux.

    B.- P. a recouru contre cette décision devant la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg, en concluant,
sous suite de dépens, à l'annulation de la décision attaquée en ce
qui concerne la prise en considération du gain intermédiaire. A titre
principal, il invitait la juridiction cantonale à dire qu'aucun gain
intermédiaire ne pouvait être déduit de ses indemnités journalières depuis
le 1er mai 1992, et subsidiairement que le revenu effectivement réalisé à
partir de cette date ne devait pas être porté en déduction de celles-ci. Il
a déposé par la suite un mémoire complémentaire, relatif à une décision
d'allocations familiales du 11 novembre 1993 en faveur de son épouse.

    Par jugement du 20 janvier 1994, le tribunal administratif a
partiellement admis le recours et renvoyé l'affaire à l'office cantonal
du travail pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sans
dépens. Il a considéré, en bref, que ledit office avait omis de traiter
d'une manière approfondie la question d'un éventuel gain intermédiaire,
faute d'avoir exposé pourquoi tel ou tel fait était écarté, et qu'en
l'espèce il était judicieux d'interroger l'assuré et de tenir un
procès-verbal. Cela entraînait l'annulation de la décision attaquée en
ce qui concerne la prise en considération du gain intermédiaire, l'office
cantonal du travail devant réexaminer à la lumière de ce qui précède "les
questions de savoir s'il y a un gain intermédiaire, et le cas échéant,
de fixer le montant de ce dernier et la date à partir de laquelle il doit
être pris en considération".

    C.- L'OFIAMT interjette recours de droit administratif contre ce
jugement, en concluant à l'annulation de celui-ci et à la confirmation
de la décision administrative litigieuse du 5 octobre 1993.

    P. conclut au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. L'Office
cantonal fribourgeois du travail propose l'admission du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Aux termes de l'art. 23 al. 3 LACI, un gain accessoire n'est pas
assuré. Est réputé accessoire tout gain que l'assuré retire d'une activité
dépendante exercée en dehors de la durée normale de son travail ou d'une
activité qui sort du cadre ordinaire d'une activité lucrative indépendante.

    b) L'art. 24 LACI a été modifié par la novelle du 5 octobre 1990,
en vigueur depuis le 1er janvier 1992. Il dispose, à l'al. 1, qu'est
réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d'une activité
salariée ou indépendante durant une période de contrôle. En vertu de
l'art. 24 al. 3 LACI, est réputée perte de gain la différence entre le
gain assuré et le gain intermédiaire, ce dernier devant être conforme,
pour le travail effectué, aux usages professionnels et locaux. Les gains
accessoires ne sont pas pris en considération.

    Selon la jurisprudence, le critère de la conformité aux usages
professionnels et locaux figurant à l'art. 24 al. 3 LACI s'applique
également au travail de remplacement qui est prévu à l'art. 24 al. 4
LACI. Mais si ce travail n'était pas conforme à ces usages, il n'en
découlerait nullement pour l'assuré une perte du droit à l'indemnité,
tant dans le cas de l'art. 24 al. 1 à 3 LACI que dans celui de l'art. 24
al. 4 LACI. Dans ces hypothèses, l'assuré a droit à la compensation de
la différence de salaire entre le gain qu'il perçoit effectivement et
celui qui correspond aux usages professionnels et locaux (arrêt non publié
G. du 13 mai 1993; GERHARDS, Kommentar zum Arbeitslosenversicherungsgesetz
(AVIG), vol. III, no 25 p. 1216; ATF 120 V 502).

Erwägung 3

    3.- L'intimé, dans sa demande de prestations du 1er mai 1992,
a requis l'allocation d'indemnités journalières dès cette dernière
date. Il déclarait qu'il réalisait en sa qualité de conseiller en matière
d'assurance-chômage un gain accessoire, lequel s'était élevé en 1991 à
"500.- l'an (net)". L'office cantonal du travail, en retenant un gain
intermédiaire à partir du 1er mai 1992, nie donc l'existence de tout gain
accessoire depuis que l'assuré est au chômage.

    Or, de deux choses l'une:

    - ou bien l'intimé a continué dès le 1er mai 1992, comme avant son
chômage, d'oeuvrer en tant que conseiller privé cinq heures par semaine -
ainsi que semble l'indiquer l'article paru dans le journal Z du 23 juillet
1993, ce qui constitue un indice de l'existence d'un gain accessoire;

    - ou bien l'intimé, conformément à son obligation de diminuer le
dommage (voir, p.ex., ATF 115 V 53 ad consid. 3d, et les références),
a augmenté son activité de conseiller à partir du 1er mai 1992 - comme
cela semble résulter de sa déclaration fiscale pour 1993, selon laquelle le
revenu de son activité indépendante est passé de 300 francs en 1991 à 2'300
francs en 1992 -, réalisant ainsi un gain intermédiaire au sens de la loi.

    Dès lors, une instruction complémentaire est nécessaire pour qualifier
la nature exacte du gain réalisé par l'intimé dès le 1er mai 1992 en
sa qualité de conseiller indépendant, comme l'a jugé à bon droit la
juridiction cantonale.

Erwägung 4

    4.- Pour autant, cela ne dispensait pas les premiers juges
d'examiner le principal grief de l'intimé, selon lequel la rémunération
d'un indépendant ne tombe pas sous le coup de l'exigence légale de la
conformité aux usages professionnels et locaux.

    a) A l'origine, la conformité aux usages professionnels et locaux était
une condition relative au travail de remplacement au sens de l'ancien
art. 25 LACI, abrogé par la novelle du 5 octobre 1990. En effet, selon
l'al. 1er de cette ancienne disposition légale, était réputé travail de
remplacement un emploi à plein temps que l'assuré acceptait d'occuper
pendant au moins une période complète de contrôle, pour éviter de tomber
au chômage ou d'y rester, et dont la rémunération était inférieure à
l'indemnité de chômage à laquelle il avait droit, la rémunération devant,
cependant, être conforme aux usages professionnels et locaux.

    A cet égard, le Conseil fédéral, dans son message à l'Assemblée
fédérale du 2 juillet 1980, concernant une nouvelle loi fédérale sur
l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité,
indiquait qu'"il ne sera pas possible de faire pression sur les
salaires, puisque la rémunération devra correspondre aux usages locaux
et professionnels" (FF 1980 III 584).

    b) Depuis le 1er janvier 1992, date de l'entrée en vigueur de la
novelle du 5 octobre 1990, la conformité aux usages professionnels et
locaux est une condition de l'existence d'un gain intermédiaire. En effet,
dans sa nouvelle teneur, l'art. 24 al. 3 première phrase LACI dispose
que le gain intermédiaire doit être conforme, pour le travail effectué,
aux usages professionnels et locaux.

    Il ressort du message de l'autorité exécutive à l'appui d'une révision
partielle de la loi sur l'assurance-chômage, du 23 août 1989, que "(pour)
les assurés, la nouvelle réglementation est dans l'ensemble au moins
équivalente à l'ancienne" (FF 1989 III 383).

    Or, ainsi qu'on l'a vu, l'exigence de la conformité aux usages
professionnels et locaux concernait à l'origine le travail de remplacement,
c'est-à-dire une activité salariée. Se pose donc la question de savoir si,
dorénavant, seul le gain intermédiaire provenant d'une activité salariée
doit être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels
et locaux.

    aa) Selon GERHARDS, dont l'opinion est invoquée par l'intimé,
l'exigence de la conformité aux usages professionnels et locaux ne
concerne pas les gains provenant d'une activité indépendante (op.cit.,
no 24 p. 1216; cf. toutefois SZS 1994, p. 349 ad let. g).

    bb) Le gain intermédiaire, par définition, est un gain que le chômeur
retire d'une activité salariée ou indépendante (art. 24 al. 1 LACI). Il
serait dès lors contraire à la logique de la loi de soustraire le gain
provenant d'une activité indépendante à l'exigence de la conformité aux
usages professionnels et locaux. Au demeurant, l'art. 24 al. 3 LACI - qui
parle de "travail effectué", pouvant aussi bien être un travail salarié
qu'un travail indépendant - ne prévoit aucune exception en ce qui concerne
le gain intermédiaire que le chômeur retire d'une activité indépendante,
et il n'y a là ni lacune authentique, ni lacune au sens impropre.

    En effet, on ne saurait dans ce cas raisonner par rapport à la notion
de travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, lequel est toujours un
travail salarié qui doit être conforme aux usages professionnels et locaux
et satisfaire en particulier aux conditions des conventions collectives
ou des contrats-types de travail (art. 16 al. 1 let. a LACI).

    La définition du gain intermédiaire au sens de l'art. 24 al. 1 LACI
remonte à l'entrée en vigueur de cette loi. Le législateur n'a pas modifié
cette définition lors de la première révision partielle de la loi. S'il
avait entendu soustraire le gain provenant d'une activité indépendante
à l'exigence de la conformité aux usages professionnels et locaux, il
l'aurait dit expressément, ce qui ne ressort ni du message précité du
Conseil fédéral, ni des travaux parlementaires. Ainsi que le recourant le
démontre, l'exigence de la conformité aux usages professionnels et locaux
applicable au gain intermédiaire pris en compte est garante d'une saine
concurrence, tout en évitant toute ingérence de l'assurance-chômage en
matière de tarifs.

    Les usages professionnels et locaux ne sont du reste pas une
notion étrangère au droit suisse des contrats. En particulier, en
ce qui concerne le contrat de mandat, une rémunération est due au
mandataire si la convention ou l'usage lui en assure une (art. 394
al. 3 CO). L'usage au sens de cette disposition légale est une notion
générale, comprenant aussi bien l'usage local que les usages commerciaux
(FELLMANN, Das Obligationenrecht, Die einzelnen Vertragsverhältnisse,
Der einfache Auftrag, commentaire bernois VI/2, 1992, p. 179, et la
citation). Or, l'usage existe, selon lequel le mandataire rendant un
service à titre professionnel ne le fait pas gratuitement (TERCIER, La
partie spéciale du Code des obligations, p. 395 ss, et les références;
ENGEL, Contrats de droit suisse, p. 456, et la citation). Une partie de
la doctrine suisse estime que, lorsqu'il existe un usage, celui-ci est
décisif pour la fixation de la rémunération (WERRO, Le mandat et ses
effets, p. 256, et note 158; contra, voir p.ex., HOFSTETTER, Le mandat
et la gestion d'affaires, Traité de droit privé suisse VII/II, 1, p. 70,
et note 7). Selon la jurisprudence, en l'absence d'une convention et d'un
usage, le juge doit déterminer la rémunération due au mandataire selon des
principes généraux, en calculant des honoraires objectivement équitables
(ATF 101 II 109).

    Il ne fait dès lors aucun doute que le gain intermédiaire au sens de
l'art. 24 LACI, qu'il provienne d'une activité salariée ou indépendante,
doit être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels
et locaux. Le recours est bien fondé en son principe.

Erwägung 5

    5.- En l'espèce, on ne saurait tenir les affirmations de l'intimé -
telles qu'elles lui sont prêtées par l'article de presse du 23 juillet
1993 - pour décisives.

    L'intimé allègue qu'il a de bonnes raisons, légitimes et explicables,
de renoncer à certaines rétributions ou de les réduire. Cela pose
la question du caractère en partie bénévole de ses activités, mise en
évidence par le recourant.

    A cet égard, il importe de savoir si l'intimé, dans son activité de
conseiller indépendant en matière d'assurance-chômage, rend des services
gratuits en dehors de tout contrat, ou conclut des mandats gratuits
ou à tarif(s) réduit(s) (sur cette problématique, voir, p.ex., WERRO,
op.cit., p. 239). Cette question concerne aussi bien l'existence d'un
mandat proprement dit que le montant de la rémunération due par le mandant.

    Ces différents points nécessitent aussi une instruction complémentaire,
afin que l'on sache si l'intimé accomplit un bénévolat, ou s'il rend des
services à titre professionnel moyennant rémunération. La cause doit dès
lors être renvoyée à l'office cantonal du travail pour qu'il procède dans
ce sens et statue à nouveau.