Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 V 187



120 V 187

27. Arrêt du 29 juin 1994 dans la cause Office fédéral des assurances
sociales contre L., J. et Tribunal des assurances du canton de Vaud Regeste

    Art. 3 Abs. 1 lit. f ELG: Einkommensverzicht.

    - Ein Rechtsgeschäft, mit dem jemand eine ihm gehörende Sache oder
eine ihm zustehende Forderung (in casu eine Lebensversicherungspolice)
dem Gläubiger eines Dritten verpfändet, um dadurch die Bezahlung der vom
Dritten eingegangenen Schulden zu sichern, stellt einen bedingten Verzicht
im Sinne von Art. 3 Abs. 1 lit. f ELG dar (Erw. 3b u. c).

    - Bei Verpfändung einer Versicherungspolice, welche die Ausrichtung
einer Leibrente gegen Bezahlung einer Einmalprämie sicherstellt, ist die
Leibrente, auf die der Inhaber verzichtet hat, als Verzichtseinkommen
zu berücksichtigen und nicht der Rückkaufswert der Police als
Verzichtsvermögen, das der Verminderung gemäss Art. 17a ELV unterliegt
(Erw. 4).

Sachverhalt

    A.- a) L., née en 1914, et sa soeur J., née en 1915, ont conclu
avec la compagnie d'assurance sur la vie Patria (ci-après: la Patria)
deux polices d'assurance-vie par lesquelles cette compagnie s'obligeait
à verser aux assurées, à partir du mois d'août 1985, des rentes viagères
d'un montant mensuel de 585 fr. 65 pour L. et de 398 fr. 85 pour J.,
moyennant le paiement de primes uniques de respectivement 105'000 francs
et 75'000 francs.

    Par acte du 31 janvier 1986, les prénommées ont déclaré remettre en
gage à la Banque cantonale vaudoise tous les objets mobiliers (titres,
papiers-valeurs, livrets d'épargne et de dépôt, polices d'assurance,
etc.) en mains de cette dernière, en garantie des dettes actuelles
et futures contractées par P., fils de J. et neveu de L. Le 10 février
suivant, elles ont en outre remis en nantissement à cette banque les deux
polices d'assurance-vie conclues auprès de la Patria.

    b) J. a bénéficié d'une prestation complémentaire à sa rente
de vieillesse à partir du 1er novembre 1990. Saisie d'une demande de
L. tendant à l'octroi d'une telle prestation, la Caisse cantonale vaudoise
de compensation (ci-après: la caisse) a nié le droit de la prénommée à
une prestation en espèces, mais elle a pris en charge le paiement de ses
cotisations d'assurance-maladie.

    La Banque cantonale vaudoise ayant requis la réalisation des gages
garantissant ses créances envers P., le produit du rachat des polices
de rente viagère en faveur de L. et de J. - soit respectivement 58'734
francs et 43'491 francs - a été versé à la banque précitée le 29 avril
1992. En outre, le 25 mai 1992, la Patria a confirmé à la Banque cantonale
vaudoise qu'elle lui verserait, en sa qualité de créancière-gagiste,
une rente annuelle de 5'221 fr. 50 (excédents compris), payable dès le
27 août 2001 en cas de vie de L. et une rente annuelle de 3'595 fr. 90
(excédents compris), payable dès le 27 août 2002, en cas de vie de J.

    Le 26 mai 1992, les prénommées ont requis la révision de leur droit
aux prestations complémentaires, motif pris que les rentes viagères
servies par la Patria avaient été supprimées ensuite de la réalisation
à leur valeur de rachat des polices constituées en leur faveur.

    c) Par décision du 21 juillet 1992, la caisse a dénié à L. le droit à
une prestation complémentaire en espèces, mais elle a continué de prendre
en charge le paiement de ses cotisations d'assurance-maladie. Pour fixer
la fortune déterminante, elle a tenu compte notamment d'un montant de
58'734 francs au titre de la fortune dont la prénommée s'était dessaisie,
sans en avoir l'obligation, en vue de garantir le paiement des dettes de
son neveu P.

    d) Le même jour, la caisse a notifié deux décisions à J. Par la
première, elle a fixé à 2'196 francs le montant annuel de la prestation
complémentaire due à partir du 1er mai 1992. Pour ce faire, elle a calculé
la fortune déterminante en prenant en considération, notamment, un montant
de 43'491 francs au titre de dessaisissement de l'assurée en faveur de
son fils. Par la seconde décision, elle a fixé à 8'671 francs le montant
de la prestation complémentaire indûment perçu du 1er novembre 1990 au
31 juillet 1992. Pour la période du 1er novembre 1990 au 30 avril 1992,
l'obligation de restituer était fondée sur le fait que la rente viagère
servie par la Patria n'avait été prise en compte que partiellement dans le
revenu déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire. Etant
donné la situation financière de J., la caisse a toutefois remis à celle-ci
son obligation de restituer, sous réserve de retour à meilleure fortune.

    Par décision du 31 juillet 1992, la caisse a fixé à 2'940 francs le
montant annuel de la prestation complémentaire à laquelle J. a droit à
partir du 1er août 1992.

    B.- La prénommée a recouru contre cette dernière décision, dont elle
demandait implicitement l'annulation, devant le Tribunal des assurances
du canton de Vaud. De son côté, L. a saisi ledit tribunal d'un pourvoi
contre la décision qui lui avait été notifiée le 21 juillet 1992. Toutes
deux faisaient grief à la caisse d'avoir pris en compte les valeurs de
rachat des polices d'assurance-vie conclues auprès de la Patria, en les
considérant comme des éléments de fortune dont elles s'étaient dessaisies
sans obligation ni contre-prestation.

    La juridiction cantonale a joint les recours dont elle était saisie. A
l'audience d'instruction du 10 mars 1993, P., entendu en qualité de
témoin, a déclaré notamment qu'il avait investi des fonds importants
dans l'entreprise de son employeur de l'époque, X, lequel avait établi
un testament en sa faveur; il avait toutefois répudié la succession du
prénommé, laquelle s'était révélée lourdement obérée; comme il s'était
en outre porté caution pour X, il avait été mis en demeure par la Banque
cantonale vaudoise de s'exécuter; son compte courant auprès de cette
banque présentant un découvert de 180'000 francs, celle-ci lui avait
demandé des garanties; il avait alors remis en nantissement les polices
d'assurance-vie récemment conclues par sa mère et sa tante auprès de la
Patria, compagnie d'assurance dont il était devenu l'employé. De leur
côté, L. et J. ont déclaré qu'elles connaissaient, en 1985, la situation
financière défavorable de P., mais qu'elles étaient sûres qu'il s'en
sortirait, étant donné qu'il était appelé à reprendre l'entreprise de X.

    Par jugement du 9 août 1993, la juridiction cantonale a admis les
pourvois dont elle était saisie et annulé les décisions entreprises, les
causes étant renvoyées à la caisse pour nouvelles décisions sur le droit de
L. et de J. à une prestation complémentaire à partir du 1er août 1992. Elle
a considéré, en bref, que le nantissement des polices d'assurance, dans
de telles circonstances, ne constituait pas un dessaisissement de fortune
au sens de la loi.

    C.- L'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: l'OFAS)
interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, dont il
demande l'annulation, en concluant au renvoi de la cause à la caisse pour
nouvelles décisions. Il fait valoir, en résumé, que le nantissement des
polices constitue bel et bien un acte de dessaisissement; par ailleurs,
ce ne sont pas les valeurs de rachat des deux polices, comptées comme
éléments de fortune amortissables en vertu de l'art. 17a OPC-AVS/AI,
qui doivent être prises en compte, mais le montant des rentes viagères
auxquelles les assurées ont renoncé, en tant qu'éléments de revenu.

    L. et J. concluent au rejet du recours. De son côté, la caisse est
d'avis que le nantissement des polices d'assurance-vie constitue un
dessaisissement de fortune amortissable et non pas la renonciation à un
revenu, comme le soutient l'OFAS.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Est tout d'abord litigieux, en l'espèce, le point de savoir si le
nantissement d'une police d'assurance-vie auprès du créancier d'un tiers,
en vue de garantir le paiement de la dette contractée par ce dernier,
constitue, en cas de réalisation du gage, un acte de dessaisissement au
sens de l'art. 3 al. 1 let. f LPC.

Erwägung 2

    2.- a) Selon l'art. 2 al. 1 LPC, les ressortissants suisses domiciliés
en Suisse qui peuvent prétendre une rente de l'assurance-vieillesse
et survivants, une rente ou une allocation pour impotent de
l'assurance-invalidité, doivent bénéficier de prestations complémentaires
si leur revenu annuel déterminant n'atteint pas un certain montant.

    b) Aux termes de l'art. 3 al. 1 let. f LPC, le revenu déterminant le
droit aux prestations complémentaires comprend les ressources et parts
de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi. Il y a lieu d'admettre
l'existence d'un dessaisissement au sens de cette disposition lorsque
l'assuré a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation
juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente
(ATF 115 V 354 consid. 5c et les références; RCC 1990 p. 374 consid. 3a).

Erwägung 3

    3.- a) Les premiers juges ont considéré qu'en remettant en nantissement
les deux polices d'assurance-vie en garantie des créances actuelles
et futures que la Banque cantonale vaudoise pourrait avoir contre P.,
les assurées ont accepté, en cas de réalisation du gage, l'éventualité
d'être privées des rentes viagères dont elles bénéficiaient. Selon eux,
ce nantissement ne doit toutefois pas être assimilé à un dessaisissement;
en effet, l'élément décisif est en l'occurrence la conclusion de polices
d'assurance destinées à garantir aux assurées un certain niveau de vie
jusqu'à la fin de leur existence, la mise en gage desdites polices n'étant
qu'un élément en quelque sorte secondaire dans ce contexte.

    b) Ce point de vue ne saurait être partagé. Tout acte juridique par
lequel une personne s'engage envers le créancier d'un tiers à garantir
le paiement de la dette contractée par ce tiers doit être assimilé à un
dessaisissement conditionnel au sens de l'art. 3 al. 1 let. f LPC. Sans
doute, tant que la condition ne s'est pas réalisée, le dessaisissement
n'est-il que virtuel, mais cela ne change rien au problème: toute
libéralité peut être soumise à condition et ce qui seul importe, c'est
qu'au moment où l'on fixe le revenu déterminant le droit éventuel d'un
assuré à une prestation complémentaire, cet assuré dispose ou ne dispose
pas de la fortune et du revenu de celle-ci qui doivent être pris en compte
selon les règles légales. Dès lors, peu importe la cause ou la nature
juridique exacte de l'engagement souscrit par l'assuré en faveur d'autrui.

    Peu importe également que la condition à laquelle est subordonné
l'engagement vienne à échéance avant ou après l'octroi d'une prestation
complémentaire. Dès que le créancier peut exiger du garant l'exécution
de son engagement, celui-ci a perdu la libre disposition de ses biens,
jusqu'à concurrence du montant qui lui est réclamé en exécution de sa
garantie. Cela doit permettre, le cas échéant, de prendre en compte un
élément de revenu ou une part de fortune qui a disparu postérieurement
à l'octroi d'une prestation complémentaire à la suite, par exemple,
d'un cautionnement ou d'un autre engagement en faveur d'autrui souscrit
avant la décision par laquelle l'administration a fixé le montant de
la prestation. Ces principes valent notamment pour toutes les formes de
mise en gage d'un bien de l'assuré en garantie de la dette d'un tiers,
sans qu'il existe à l'égard de ce dernier une obligation juridique de
l'assuré de souscrire un tel engagement.

    c) Dans le cas particulier, en nantissant leurs polices de
rente viagère, les intimées ont accepté, en toute connaissance de
cause, l'éventualité d'être privées des prestations assurées par la
Patria. Ce faisant, elles ont disposé de leurs biens au profit de P.,
sans obligation juridique à l'égard de celui-ci et sans recevoir la
moindre contre-prestation en échange. Aussi ne peuvent-elles aujourd'hui
faire supporter à la collectivité publique qui finance les prestations
complémentaires les conséquences de leur imprévoyance. A cet égard,
le précédent invoqué par l'OFAS à l'appui de son recours (arrêt non
publié M. du 9 août 1991) est pertinent. Dans cette affaire, des titres
appartenant à un interdit avaient été mis en gage, avec l'autorisation
des autorités de tutelle, en vue de garantir un emprunt contracté auprès
d'une banque par le père et tuteur de l'assuré. Le Tribunal fédéral des
assurances a jugé qu'un tel engagement était opposable à l'assuré qui
requérait des prestations complémentaires, car il était le fait d'un tuteur
agissant avec l'approbation des autorités de tutelle. Si, à l'occasion du
calcul de la prestation complémentaire, l'on prend en compte la fortune
dont un assuré faible d'esprit a été dessaisi par son père et tuteur
avec l'accord des autorités de tutelle censées protéger ses intérêts,
à plus forte raison doit-on le faire dans le cas d'espèce. Dès lors,
le recours de l'OFAS est bien fondé.

Erwägung 4

    4.- Lors du calcul des prestations complémentaires qui sont l'objet
des décisions litigieuses, la caisse a pris en compte les valeurs de
rachat des deux polices, comptées comme éléments de fortune amortissables
en vertu de l'art. 17a OPC-AVS/AI.

    De son côté, l'OFAS est d'avis que ce sont bien plutôt les rentes
viagères, auxquelles les intimées ont renoncé par le nantissement des
polices d'assurance, qui doivent être prises en considération en tant
qu'éléments de revenu dont elles se sont dessaisies. C'est le second
point litigieux dans la présente cause.

    Eu égard à la nature de l'élément patrimonial objet du dessaisissement,
il y a lieu de se ranger à l'opinion de l'office recourant. En effet,
en prenant l'engagement de garantir le paiement des dettes contractées
par P. auprès de la Banque cantonale vaudoise par le nantissement de
ces polices d'assurance, les intimées ont accepté l'éventualité d'être
privées d'éléments de revenu consistant dans les rentes mensuelles dont
elles devaient bénéficier leur vie durant, et non pas simplement de
la valeur de rachat des polices d'assurance-vie. Dans ces conditions,
le revenu déterminant le droit éventuel des intimées aux prestations
complémentaires comprend la contre-valeur des rentes viagères, en tant
qu'éléments de revenu dont elles se sont dessaisies au profit de la banque
créancière de leur fils et neveu, sans obligation à l'égard de celui-ci
et sans en recevoir une quelconque contre-prestation.

    Sur ce point également, le recours se révèle bien fondé et la cause
doit être renvoyée à la caisse, à qui il appartiendra de rendre de
nouvelles décisions, conformément à ce qui a été exposé ci-dessus.