Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IV 38



120 IV 38

9. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 23 février 1994
dans la cause N. SA c. C., M. SA et Procureur général du canton de Genève
(pourvoi en nullité) Regeste

    Art. 270 Abs. 1 BStP; Legitimation des Geschädigten zur
Nichtigkeitsbeschwerde; Art. 23 UWG.

    Erörterung der drei Voraussetzungen, die nach der neuen Fassung
von Art. 270 Abs. 1 BStP erfüllt sein müssen, damit der Geschädigte
Nichtigkeitsbeschwerde erheben kann. Selbst wenn diese Voraussetzungen
nicht erfüllt sind, ist das Opfer wegen Verletzung von Rechten, die ihm das
OHG einräumt, und der Strafantragsteller, soweit es um eine angebliche
Verletzung von Art. 28 ff. StGB geht, zur Nichtigkeitsbeschwerde
legitimiert (E. 2).

    Die systematische Weigerung, UWG-Verletzungen strafrechtlich zu
verfolgen, verletzt Bundesrecht (E. 3).

Sachverhalt

    A.- L'entreprise N. SA, dont les activités concernent l'importation
et la vente de peinture, notamment de programmes spécifiques de peinture
pour bateaux, a employé C. durant plusieurs années. Elle a mis fin à ces
relations de travail pour le 31 mai 1992.

    Le 9 juin 1992 a été fondée la société M. SA, dont le but social est
le commerce et la diffusion de produits et articles dans le domaine de la
marine et de la navigation. C. en a été nommé directeur, avec signature
individuelle.

    Le 13 juillet 1992, N. SA a déposé une plainte pénale contre M. SA et
C.; elle leur reproche d'avoir incité deux sociétés à rompre les contrats
de distribution exclusive qui les liaient à elle et d'avoir envoyé, en
fonction de ses fichiers de clientèle, des listes de marchandises et de
prix à tous ses clients. Elle estime que ces faits constituent des actes
de concurrence déloyale, au sens des art. 2 et 4 al. 1 let. a LCD (RS 241).

    Le 30 juillet 1992, C. a porté plainte contre le directeur de N. SA
pour atteinte au crédit.

    B.- Par ordonnance du 22 décembre 1992, le Procureur général du
canton de Genève a décidé de classer les deux plaintes pour des motifs
d'opportunité, eu égard au caractère essentiellement civil de la cause.

    Statuant le 8 mars 1993 sur recours de N. SA, la Chambre d'accusation
genevoise a confirmé l'ordonnance de classement. Comme le Procureur
général, elle a estimé qu'il n'y avait pas matière à instruction pénale
et que le litige relevait essentiellement de la compétence du juge civil.

    C.- N. SA, agissant par l'entremise de son mandataire, s'est pourvue
en nullité contre cette ordonnance. Invoquant une violation de l'art. 4
let. a LCD, elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation
de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- S'agissant de sa qualité pour se pourvoir en nullité, la recourante
fait valoir qu'elle est plaignante et que les délits de concurrence
déloyale énumérés à l'art. 23 LCD ne sont poursuivis que sur plainte. Elle
conteste devoir être considérée comme "accusateur privé" au sens de l'al. 3
de l'art. 270 PPF, mais relève que si le Tribunal fédéral devait juger
que tel est le cas, il faudrait néanmoins admettre qu'elle a qualité
pour se pourvoir en nullité puisque l'accusateur public a expressément
renoncé à soutenir l'accusation. Elle se réfère ainsi manifestement à
l'ancien texte de l'art. 270 PPF, qui prévoyait un droit de recours du
plaignant pour les infractions qui ne sont poursuivies que sur plainte,
ainsi que de l'accusateur privé qui, conformément au droit cantonal,
a soutenu l'accusation à lui seul, sans intervention de l'accusateur
public. Or, ce texte a été remplacé par un nouvel art. 270 PPF (RO 1992
p. 2473), entré en vigueur, avec la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions (LAVI [RS 312.5]) du 4 octobre 1991, le 1er janvier 1993
(RO 1992 p. 2470). La décision de la Chambre d'accusation a été rendue, le
8 mars 1993, sous l'empire du nouveau droit, de sorte que les possibilités
de l'attaquer par la voie du pourvoi en nullité sont régies exclusivement
par les nouvelles dispositions.

    Selon le nouvel art. 270 al. 1 PPF, "le lésé peut également se
pourvoir en nullité s'il était déjà partie à la procédure auparavant et
dans la mesure où la sentence peut avoir des effets sur le jugement de
ses prétentions civiles".

    Il en ressort clairement que la qualité du lésé pour se pourvoir en
nullité dépend de trois conditions cumulatives: il faut que le recourant
soit lésé par l'acte dénoncé, qu'il ait déjà été partie à la procédure
auparavant et, enfin, que la sentence puisse avoir des effets sur le
jugement de ses prétentions civiles.

    a) Doit être considéré comme lésé le titulaire du bien juridique
protégé par les règles auxquelles il a été contrevenu (ATF 118 Ia
14 consid. 2b, 117 Ia 135 consid. 2a et les références citées; voir
également ATF du 27 septembre 1993 dans la cause A., consid. 2b, destiné
à la publication). Dans la mesure où les faits ne sont pas définitivement
arrêtés, il faut se fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé
pour déterminer si tel est effectivement le cas.

    En tant que concurrente de M. SA et de C., la recourante jouit de
la protection des dispositions pénales de la LCD; elle doit donc être
considérée comme lésée par les faits dénoncés.

    b) Selon l'art. 23 du code genevois de procédure pénale, les
parties à la procédure cantonale sont le procureur général, la partie
civile et l'inculpé. Le plaignant n'est nullement mentionné dans cette
énumération. Toutefois, comme l'indique le texte allemand de l'art. 270
al. 1 PPF, selon lequel le lésé peut se pourvoir en nullité "wenn er sich
bereits vorher am Verfahren beteiligt hat", on peut admettre que la qualité
de partie, au sens de cette disposition, doit être comprise de manière
large (voir ATF 119 IV 168 ss) et englober également des cas où, comme en
l'espèce, le lésé a pu former un recours et provoquer la décision attaquée
(dans ce sens: ERHARD SCHWERI, Eidgenössische Nichtigkeitsbeschwerde
in Strafsachen, Berne 1993, p. 90 no 256). L'art. 191 let. a du code
genevois de procédure pénale assimile expressément le plaignant à une
partie pour interjeter un tel recours à la Chambre d'accusation. Il faut
donc conclure que la recourante était partie devant l'autorité qui a
rendu la décision attaquée.

    c) Enfin, l'art. 270 al. 1 PPF ne permet au lésé de se pourvoir en
nullité que "dans la mesure où la sentence peut avoir des effets sur le
jugement de ses prétentions civiles". Le législateur n'a voulu ouvrir
au lésé la faculté de se pourvoir en nullité que pour lui permettre
de défendre ses intérêts juridiques en vue d'obtenir la réparation
civile de son préjudice. Le message relève à ce sujet: "cela permet,
par exemple, à la victime d'attaquer un jugement d'acquittement fondé
sur la constatation que le prévenu n'a pas commis l'acte dommageable"
(FF 1990 II 935). Il faut donc que le jugement pénal touche l'existence
ou la quotité de la prétention civile (SCHWERI, op.cit., p. 91 no 257).

    Le lésé ne saurait se pourvoir en nullité en invoquant un désir de
vengeance, sans rapport avec sa créance en réparation. Ainsi, selon le
message, la victime ne pourra pas recourir contre le genre ou la durée
de la peine prononcée (FF 1990 II 935); elle ne pourra pas se plaindre
non plus de l'octroi ou du refus du sursis, ou encore du prononcé d'une
mesure en lieu et place d'une peine (SCHWERI, op.cit., p. 90 no 257).

    Le droit de se pourvoir en nullité accordé au lésé par la nouvelle
version de l'art. 270 al. 1 PPF lui permet de soumettre au contrôle du
Tribunal fédéral la solution apportée à une question de droit dans la
mesure où elle est susceptible de l'entraver dans ses facultés de faire
valoir ses prétentions civiles. Il ne saurait en revanche permettre
au lésé de s'opposer à une décision parce qu'elle ne facilite pas son
action sur le plan civil. Ainsi, celui-ci ne peut pas exiger des autorités
qu'elles conduisent jusqu'à leur terme des poursuites pénales inopportunes
uniquement pour le placer dans une position aussi favorable que possible
pour faire valoir ses prétentions civiles. Dès lors que l'arrêt cantonal
ne contient rien qui puisse être opposé au lésé sur le plan civil, il y
a lieu d'admettre que la sentence n'a pas d'effet sur le jugement de ses
prétentions civiles, au sens de l'art. 270 al. 1 PPF. Dans l'hypothèse
contraire, il n'est en revanche pas nécessaire de démontrer que l'arrêt
pénal influence effectivement le jugement des prétentions civiles; il
suffit, selon le texte légal clair, qu'il existe à ce propos une simple
possibilité, tel est le cas notamment si le juge civil, même si rien
ne l'y contraint, se sent lié par l'arrêt rendu au pénal. En revanche,
il faut que le jugement attaqué ait pour conséquence que le recourant
rencontrera plus de difficultés à faire valoir ses prétentions civiles,
au point qu'il en résulte pour lui un intérêt juridique à faire modifier
la décision, intérêt juridique qui est d'ailleurs requis pour justifier
l'accès à toute voie de recours.

    En outre, en présence de certaines circonstances particulières, il
est concevable qu'un recours soit recevable alors même que toutes les
conditions prévues aux art. 8 al. 1 let. c LAVI ou 270 al. 1 PPF ne sont
pas réalisées. Ainsi, même si toutes les conditions de l'art. 270 al. 1
PPF ne sont pas données, la victime doit pouvoir introduire un pourvoi
en nullité pour se plaindre de ce que les autorités cantonales ne l'ont
pas mise au bénéfice de tous les droits qui lui sont reconnus par la
LAVI. Par exemple, même en l'absence de toute influence sur d'éventuelles
prétentions civiles, la victime doit pouvoir recourir contre une décision
lui déniant la possibilité de soumettre à un tribunal un refus d'ouvrir
l'action publique ou un non-lieu (art. 8 al. 1 let. b LAVI); de même,
la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle pourra de toute
manière recourir pour se plaindre que la composition du tribunal ne
satisfaisait pas aux exigences de l'art. 10 LAVI. S'agissant d'une
infraction qui n'est poursuivie que sur plainte, le plaignant doit pour
le moins avoir la possibilité de se pourvoir en nullité s'il soutient que
l'arrêt attaqué porterait atteinte au droit de plainte qui lui est reconnu
par le droit fédéral; il doit notamment avoir la possibilité, même s'il
ne remplit pas toutes les conditions de l'art. 270 al. 1 PPF, de porter
devant le Tribunal fédéral une prétendue violation des art. 28 ss CP.

Erwägung 3

    3.- La recourante soutient que les autorités cantonales ne pouvaient
pas mettre fin à la poursuite pénale en l'absence de toute instruction
préparatoire en invoquant, sans autre précision, le résultat incertain
d'une éventuelle instruction. Elle soutient qu'une telle décision de
classement est contraire au droit fédéral.

    Le Tribunal fédéral a admis récemment que le droit fédéral n'exclut
pas que les cantons prévoient la possibilité d'un classement pour des
motifs d'opportunité (ATF 119 IV 92 ss). Il a toutefois précisé que de
telles décisions n'étaient admissibles que dans certaines limites. Comme
le droit cantonal ne saurait faire obstacle à une saine application
du droit fédéral, un classement pour des motifs d'opportunité viole le
droit fédéral s'il trahit une volonté de l'autorité compétente de ne pas
appliquer le droit fédéral ou d'en modifier la portée; il en va de même
si le classement repose sur une motivation tellement peu convaincante
que l'on doive l'assimiler à un refus d'appliquer le droit fédéral (ATF
119 IV 92 consid. 3b).

    En l'espèce, l'autorité cantonale n'a pas motivé de manière
suffisante sa décision d'abandonner les poursuites pénales. La lecture
de l'ordonnance attaquée ne permet en effet pas de discerner les motifs
qui ont amené l'autorité cantonale à considérer que l'affaire qui lui
était soumise avait un caractère essentiellement civil. Dans la mesure
où ce caractère lui serait conféré, aux yeux de l'autorité cantonale,
par la nature même de la cause, il y aurait lieu de considérer que la
décision attaquée viole le droit fédéral car elle dénote d'une volonté
générale de ne pas poursuivre pénalement les infractions à la LCD,
ce qui n'est pas admissible puisque le législateur a prévu, outre des
sanctions civiles, la répression pénale des violations des règles qu'il
a édictées en matière de concurrence déloyale. Comme le rappelle à juste
titre la recourante, le Conseil fédéral, dans son message relatif à la
revision de la LCD, a relevé qu'il y avait lieu, pour des motifs ayant
trait à la prévention, d'aggraver les peines prévues pour les délits de
concurrence déloyale (FF 1983 II 1087 et 1121 s.); il a également insisté
sur le fait que la possibilité de confisquer le bénéfice illicite obtenu
par le biais de la concurrence déloyale devrait largement contribuer à
faire de telles pratiques une affaire vraiment peu payante (FF 1983 II
1122). Il a ainsi clairement mis en lumière le rôle essentiel que les
normes pénales devaient continuer à jouer, indépendamment des règles
civiles également applicables dans ce domaine. Les autorités cantonales
ne sauraient dès lors ne reconnaître d'importance qu'aux dernières,
en renonçant systématiquement à appliquer les premières.

    En outre, le fait que l'information pénale s'annonce longue et
difficile sans que son résultat soit certain ne suffit pas non plus pour
justifier un classement en opportunité. D'éventuelles difficultés dans
l'établissement des preuves ne pourraient le cas échéant être prises en
considération que si les investigations à envisager s'avéraient, dans un
cas déterminé, disproportionnées eu égard à la gravité de l'infraction
et à l'importance de l'intérêt public à sanctionner celle-ci.

    Dans ces circonstances, force est de constater que la motivation de
l'ordonnance attaquée ne permet pas à l'autorité de céans de contrôler si
le droit fédéral a été correctement appliqué ou non. Par conséquent, le
pourvoi doit être admis et il y a lieu de renvoyer la cause à l'autorité
cantonale, conformément à l'art. 277 PPF, afin qu'elle statue à nouveau.