Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IV 361



120 IV 361

60. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 15 novembre 1994
en la cause P. contre Procureur général du canton de Genève (pourvoi en
nullité) Regeste

    Art. 251 StGB: Falschbeurkundung.

    Wer als leitender Angestellter einer Bank die garantenähnliche
Stellung eines Vermögensverwalters hat und in dieser Eigenschaft einem
Bankkunden brieflich falsche Angaben über den Stand seines Kontos macht,
begeht eine Falschbeurkundung (E. 2).

Sachverhalt

    A.- La Cour correctionnelle (avec jury) du canton de Genève a condamné
P. à une peine de 3 ans et demi de réclusion pour abus de confiance
qualifié, escroquerie et faux dans les titres.

    Les faits retenus à la charge du condamné sont en bref les suivants:

    P. a été engagé par la succursale genevoise d'une banque afin de
collaborer aux activités de gestion de fortune. Il s'est spécialisé dans
la gestion des fonds déposés par des clients grecs qui représentaient la
majorité des déposants. Une demi-douzaine de personnes étaient employées
dans cette succursale.

    Il a commis une escroquerie par des irrégularités dans la gestion
d'un premier compte (acte de nantissement falsifié, débits injustifiés).

    P. a aussi commis une série d'abus de confiance en débitant à de très
nombreuses reprises divers comptes, dont la gestion lui avait été confiée,
notamment au bénéfice d'autres comptes qui avaient préalablement fait
l'objet de semblables prélèvements.

    Enfin, l'accusé s'est rendu coupable d'une série de faux dans les
titres en indiquant, dans des lettres aux clients de la banque victimes des
abus de confiance précités, des positions de comptes fictifs afin de leur
présenter une situation plus favorable qu'elle n'était en réalité et de
leur dissimuler ainsi les pertes subies du fait d'opérations malheureuses
et du fait des opérations constitutives de ces abus de confiance.

    La Cour de cassation du canton de Genève a rejeté le recours de
P. Celui-ci se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral.

    Le Tribunal fédéral rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Quant au faux dans les titres, d'après le recourant cette
infraction aurait été retenue à tort, car les lettres adressées aux clients
n'étaient pas mensongères dans la mesure où elles reflétaient les droits
du client envers la banque (compte non tenu des pertes de change réputées
illicites et des débits irréguliers).

    a) L'art. 251 CP prévoit notamment que sont réputés titres
tous écrits destinés ou propres à prouver un fait ayant une portée
juridique. L'aptitude à servir de preuve résulte de la loi ou des usages
commerciaux (ATF 116 IV 52 consid. 2a).

    Un fait est constaté faussement lorsqu'il ne correspond pas à la
vérité. La véracité du contenu d'un titre est une question de fait (ATF
102 IV 191 consid. 3). Ici, il a été retenu, sans arbitraire (selon les
considérants de l'arrêt consécutif au recours de droit public), que le
fait constaté dans les lettres incriminées était faux.

    b) Le législateur a voulu réprimer aussi bien la falsification
d'un document que l'établissement d'un écrit constatant un fait faux
(faux intellectuel). D'après la jurisprudence, l'art. 251 CP doit être
interprété restrictivement en matière de faux intellectuel (ATF 117 IV 35
consid. 1). Par opposition au simple mensonge écrit, la fausse constatation
est réprimée lorsqu'une garantie objective s'attache au document, en
raison par exemple de la qualité de celui qui l'établit (fonctionnaire,
etc.) ou de la valeur que la loi attribue à cet écrit (art. 958 CO relatif
au bilan). De simples faits découlant de l'expérience générale de la vie,
tels que la confiance qu'inspire habituellement une allégation défavorable
à celui qui l'énonce, ne suffisent pas. Peu importe que, dans la vie des
affaires, on s'attende généralement à ce que de telles allégations soient
exactes (ATF 120 IV 122 consid. 4c p. 127, 117 IV 35 consid. 1d).

    Ainsi, l'établissement d'une facture de garage pour des travaux qui
n'avaient pas été effectués et aussi l'établissement de rapports de régie -
rapports journaliers - mensongers, n'ont pas été considérés comme des faux
dans les titres (ATF 117 IV 35, 165). De même, l'art. 251 CP a été jugé
inapplicable à un décompte de salaire dont le contenu était inexact et à
un contrat de vente dont certains éléments étaient faux (ATF 118 IV 363,
120 IV 25); dans ces cas, aucune disposition particulière ne conférait
à ces écrits une force probante accrue.

    Au contraire, ont été considérés comme des faux dans les titres une
feuille de maladie, mensongère, établie par un médecin et une approbation
écrite inexacte émanant d'un architecte chargé de vérifier des factures
(ATF 117 IV 165 consid. 2c, 119 IV 54 consid. 2c/dd). De tels écrits sont
l'oeuvre de professionnels bénéficiant d'une confiance particulière, raison
pour laquelle une vérification n'est en principe pas nécessaire. Commet
également un faux dans les titres le grossiste qui écoule de la viande
d'antilope sous l'appellation de gibier européen; en effet, il est tenu
par la loi de désigner correctement la marchandise, obligation qui le
place dans une situation analogue à celle d'un garant, lequel doit, dans
son cas, protéger le consommateur contre les tromperies (ATF 119 IV 289
consid. 4). Se rend encore coupable de faux intellectuel dans les titres
celui qui crée un prospectus facultatif d'émission, dont le contenu est
inexact, lors d'une augmentation de capital selon la procédure de la
fondation simultanée d'une société anonyme; ce prospectus publicitaire
invite des tiers à souscrire des actions et les souscripteurs doivent
pouvoir se fier aux indications qu'il contient, car ils ne sont pas en
mesure de les vérifier (ATF 120 IV 122 consid. 4d). Le procès-verbal d'une
assemblée générale, dont le contenu est mensonger, tombe sous l'empire de
l'art. 251 CP dans la mesure où cette pièce sert de document justificatif
pour une inscription au registre du commerce (ATF 120 IV 199 consid. 3c
p. 204).

    c) En l'espèce, le recourant était un organe dirigeant d'une succursale
bancaire. Il a adressé à des clients des lettres indiquant des positions
fictives de leurs comptes. Il avait reconnu que ces lettres devaient
rassurer les destinataires, éviter un retrait, les conduire à investir
davantage et à amener de nouveaux déposants. Ces écrits devaient servir
de preuve pour l'état de ces comptes. L'accusé était chargé d'exécuter
un mandat de gestion de fortune. Les clients n'avaient pas connaissance
des opérations de gestion; ils n'étaient pas à même de vérifier l'état
de leur compte.

    Dans ces circonstances, on doit admettre que le recourant était placé
dans une position analogue à celle d'un garant. Il devait exécuter son
mandat dans l'intérêt des déposants. Ses attestations revêtaient une force
probante accrue vu la nature du mandat, l'impossibilité de vérification et
la confiance particulière attachée aux activités commerciales des banques
(soumises à une législation et à des contrôles spécifiques, employant du
personnel en général très qualifié, à la réputation sans tache, qui doit
respecter le secret bancaire; voir ATF 102 IV 191 consid. 3). Certes,
cela ne signifie pas que n'importe quel relevé bancaire dont le contenu
est inexact tombe sous l'empire de l'art. 251 CP; encore faut-il qu'il
présente des caractéristiques du type de celles qui ont été relevées ici.

    d) L'autorité cantonale a constaté que la volonté du recourant
était d'éviter une dénonciation, donc la découverte de la commission
d'une infraction. Par conséquent elle n'a pas non plus violé le droit
fédéral - et le condamné ne paraît pas faire valoir une telle violation -
en admettant que le dessein de se procurer, ou de procurer à un tiers,
un avantage illicite au sens de l'art. 251 ch. 1 CP était réalisé (ATF
118 IV 254 consid. 5).