Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IV 276



120 IV 276

45. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 mai 1994 dans
la cause B. et C. c. le Procureur général du canton de Genève (pourvoi
en nullité) Regeste

    Art. 140 Ziff. 1 Abs. 2 StGB; Veruntreuung im Zusammenhang mit der
definitiven Zuteilung von gezeichneten Aktien.

    Die Mitteilung, mit welcher die Emissionsbank einer zeichnenden
Bank die Zahl der ihr definitiv zugeteilten Namenaktien und die
Zuteilungsbedingungen bekanntgibt, verleiht der zeichnenden Bank eine
Forderung auf Übertragung der Titelrechte zu den festgelegten Bedingungen
aus kaufähnlichem Innominatvertrag. Angestellte der zeichnenden Bank,
die sich die zugeteilten Aktien intern vertragswidrig selbst zuteilen,
begehen eine Veruntreuung.

Sachverhalt

    A.- B. est devenu dès le 12 décembre 1986 directeur adjoint et chef
du service financier, soit responsable des services de la bourse et de la
gestion de l'ABN, dont le siège est à Genève. C. était chef du service
de la bourse de la même banque avec rang de fondé de pouvoir depuis le
1er juillet 1985.

    En vertu du règlement interne de l'ABN, les collaborateurs de
celle-ci n'étaient pas autorisés à effectuer des opérations de bourse
à leur profit dans la mesure où il en résulterait un préjudice pour la
banque et ses clients.

    La banque S. à Zurich a procédé à l'émission d'actions nominatives,
ouverture à la bourse le 13 avril 1987. C. avait été informé de cette
émission par une collaboratrice de la banque S. et savait que ces actions
prendraient rapidement de la valeur. Il a été avisé téléphoniquement
le 10 avril 1987 que l'ABN s'était vu attribuer la veille vingt de ces
actions d'une valeur de 3'000 fr. chacune, pour lesquelles elle devait
être débitée de 60'000 fr., valeur au 15 avril 1987. Un avis écrit émanant
de la banque S. daté du 9 avril 1987 confirmant cette attribution et les
conditions de celle-ci, a été envoyé le même jour à l'ABN. Le jour de la
réception de cet avis, soit le 13 avril 1987, B., C. et une autre employée
travaillant auprès du service de la bourse de l'ABN se sont répartis, à
l'insu de leur employeur, les 20 actions attribuées à ABN, soit 7 actions
à B., 7 à C. et 6 à l'autre employée. Puis, ils ont demandé le 27 avril
1987 l'enregistrement de ces actions à leur nom. La valeur de ces actions
a très rapidement augmenté. Le 9 juin 1987, elles étaient négociées sur
le marché à un cours de 7'850 fr.

    En raison de ces faits notamment, B. et C. ont été licenciés
abruptement pour justes motifs, le 9 juin 1987, par l'ABN qui a déposé
plainte pénale le 5 février 1988 et s'est constituée partie civile.

    B.- Le 16 septembre 1992, le Tribunal de police a libéré B. et
C. de la prévention de gestion déloyale, mais il les a reconnus
coupables respectivement d'abus de confiance qualifié et d'abus de
confiance simple. Il les a condamnés respectivement à des peines de
trois mois d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans et de deux mois
d'emprisonnement avec un sursis de même durée. Ce jugement a été confirmé
par la Chambre pénale de la Cour de justice le 26 avril 1993. L'autorité
cantonale a retenu en substance que l'ABN était devenue l'ayant-droit et
la propriétaire des actions à réception de l'avis du 9 avril 1987 lui
confirmant l'attribution de vingt actions nominatives de la banque S.
sur la base d'un transfert de possession sans tradition. En souscrivant
après coup les titres pour eux-mêmes et en demandant leur inscription au
registre des actions, les accusés s'étaient appropriés une chose mobilière
appartenant à autrui et dont ils n'avaient pas le droit de disposer de
manière unilatérale, soit sans en référer aux autres organes de l'ABN.

    C.- B. et C. ont formé contre cet arrêt un recours de droit public qui
a été rejeté ce jour. Ils se pourvoient également en nullité en invoquant
la violation du code des obligations et celle de l'art. 140 ch. 1 al. 1 CP.

Auszug aus den Erwägungen:

                 Extraits des considérants:

Erwägung 2

    2.- D'après l'art. 140 ch. 1 CP, commet un abus de confiance celui
qui, dans un dessein d'enrichissement illégitime, s'approprie sans droit
une chose mobilière appartenant à autrui et qui lui avait été confiée
ou celui qui, sans droit emploie à son profit ou à celui d'un tiers une
chose fongible, notamment une somme d'argent qui lui avait été confiée.

    L'un des éléments de l'infraction est que l'objet ou l'argent que
l'auteur s'est approprié sans droit soit une chose confiée. L'auteur
acquiert ainsi, grâce à la confiance dont il jouit, la possibilité de
disposer du bien d'autrui. Une chose est donc confiée au sens de l'art. 140
ch. 1 CP lorsqu'elle est remise ou laissée à l'auteur pour qu'il l'utilise
de manière déterminée dans l'intérêt d'autrui, en particulier pour la
garder, l'administrer ou la livrer selon des instructions qui peuvent être
expresses ou tacites (ATF 118 IV 32 consid. 2b; 117 IV 256 consid. 1a et
jurisprudence citée).

Erwägung 3

    3.- Les recourants contestent s'être rendus coupables d'abus de
confiance au sens de l'art. 140 ch. 1 al. 1 CP. Ils prétendent que selon
cette disposition l'objet du délit d'appropriation ne peut être qu'un objet
corporel, à l'exception des droits et des créances. Invoquant le code
des obligations, ils soutiennent que le titre, objet de l'appropriation
qui leur est reprochée, n'existait pas au moment de ce que l'autorité
cantonale décrit comme l'acte d'appropriation, parce qu'il n'avait pas
encore été créé au nom d'une personne déterminée (art. 974 CO).

    Dans le cas particulier, la cour cantonale a retenu que le 9 avril
1987, l'ABN s'était vu attribuer 20 actions nominatives de S. pour
lesquelles elle devait être débitée de 60'000 fr. Partant elle a considéré
que par cet avis, l'ABN était devenue l'ayant-droit et la propriétaire
de ces titres, cet avis constituant la déclaration prévue à l'art. 967
al. 2 CO et qu'il y avait eu un transfert de possession des titres sans
tradition.

    Point n'est besoin dans le cas particulier d'examiner si les actions
nominatives pouvaient être considérées comme déjà créées et si l'ABN
en était devenue propriétaire. En effet, les actions nominatives,
contrairement à ce que prétendent les recourants, sont des titres à
ordre créés par la loi, et non pas des titres nominatifs (ATF 81 II 197
consid. 4), qui sont transmissibles par endossement ou déclaration de
cession donnée sur le document même ou séparément (ATF 81 II 197 précité).
Cependant, l'action nominative est émise au nom d'une personne déterminée
et elle n'est pas fongible ni susceptible de mélange (cf. notamment LOUIS
DALLÈVES, La dématérialisation des papiers-valeurs: un décalage croissant
entre droit et réalité, in La société anonyme suisse, 1987, p. 45). Or,
dans le cas particulier, l'acte d'appropriation reproché par l'autorité
cantonale aux recourants a eu lieu avant qu'une demande d'enregistrement
des actions nominatives S. au nom d'une personne (physique ou morale)
déterminée ait été adressée à ladite banque, ce qui tend à confirmer la
thèse des recourants, mais les faits retenus par l'autorité cantonale ne
permettent pas de répondre précisément à cette question. Celle-ci peut
cependant rester ouverte, car quand bien même l'autorité cantonale se
serait trompée, l'arrêt ne devrait pas être annulé, la condamnation des
recourants pour abus de confiance étant de toute manière justifiée pour
d'autres motifs. Or, un pourvoi ne peut être admis s'il ne s'agit que
de modifier les considérants de la décision attaquée, sans que cela ait
une influence sur la déclaration de culpabilité ou la peine prononcée
(ATF 119 IV 145 consid. 2a et c).

Erwägung 4

    4.- L'avis écrit du 9 avril 1987 a pour but d'informer le
souscripteur du nombre d'actions qui lui sont attribuées (cf. sur ce point
EMCH/RENZ/BÖSCH, Das schweizerische Bankgeschäft, p. 405). Il ne peut être
que postérieur à la souscription par laquelle le souscripteur s'est obligé
à accepter les titres souscrits et à en payer le prix. Dès l'avis écrit du
nombre de titres qui lui sont attribués, le souscripteur acquiert ainsi un
droit à la délivrance de ceux-ci. Le contrat entre le souscripteur et la
banque ("Zeichnungsstelle", soit, dans le cas particulier, la banque S.) a
déjà été qualifié par le Tribunal fédéral de contrat de vente par lequel
la banque s'engage à livrer les papiers-valeurs et le souscripteur à payer
le prix d'émission (EMCH/RENZ/BÖSCH, op.cit., p. 389). De toute manière
il s'agit d'un contrat peut-être innommé mais assimilable à une vente
(cf. Schönle, Zürcher Kommentar, Art. 184 CO Nos 63-68). Le souscripteur
acquiert ainsi contre la banque une créance dont l'objet n'est pas une
somme d'argent (ATF 112 II 444 consid. 2 et 4), mais un fongible aussi
longtemps qu'il ne s'agit que d'un droit sur des actions nominatives non
encore individualisées par l'inscription de leur propriétaire au registre
des actionnaires. De ce point de vue il est donc sans pertinence de savoir
si la banque était en droit de devenir propriétaire desdites actions
au regard de la législation suisse, puisqu'elle n'a jamais prétendu
à leur propriété mais seulement à la titularité du droit - cessible -
de les acquérir ou de permettre leur acquisition, moyennant rétribution
le cas échéant, par les personnes de son choix autorisées par la loi,
en exerçant une activité d'intermédiaire qui est le propre des banques.

    Or, la jurisprudence admet qu'une créance peut constituer une chose
confiée au sens de l'art. 140 ch. 1 al. 2 CP (ATF 118 IV 32 consid. 2a
et les références citées). Dès sa naissance, la créance relative à la
délivrance des vingt actions nominatives S. faisait partie du patrimoine
de l'ABN, qui apparaissait en tant que souscripteur, à qui les actions
avaient été attribuées et qui était débitrice de leur valeur. Cette
créance ne pouvait donc faire partie du patrimoine des recourants pour
lesquels elle devait rester une créance appartenant à autrui, ce qui créait
une situation parfaitement analogue à celle prévue au premier alinéa de
l'art. 140 ch. 1 al. 1 CP, sous la réserve que le bien en question n'était
pas celui prévu audit alinéa, mais à l'alinéa 2 de la même disposition
(ATF 118 IV 32 consid. 2b).

    De plus, il ressort des faits constatés par l'autorité cantonale
qu'en vertu de la réglementation interne de la banque, les recourants ne
pouvaient pas disposer dans leur propre intérêt de la créance de la banque
vis-à-vis de la banque S., sans en référer aux autres organes de l'ABN,
afin que cette dernière puisse prendre une décision sur l'attribution. En
demandant l'enregistrement à leur nom des actions nominatives à l'insu
de leur employeur, les recourants ont employé dans leur propre intérêt
la créance qui leur était confiée, abusant du rapport de confiance qui
les liait à leur employeur et privant ainsi ce dernier de ce que cette
créance aurait pu lui rapporter.

    Par conséquent, la condamnation des recourants pour abus de confiance
ne viole pas le droit fédéral et les recours doivent être rejetés. Les
frais judiciaires, répartis par moitié, sont mis à la charge des
recourants.