Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IV 190



120 IV 190

33. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 septembre
1994 dans la cause X. c. Procureur général du canton de Genève (pourvoi
en nullité) Regeste

    Art. 159 Abs. 1 StGB; ungetreue Geschäftsführung.

    Die Merkmale dieses Tatbestandes.

Sachverhalt

    A.- X., professeur de tennis désirant changer de métier, participa
(dès fin 1987) aux activités de gérant de fortune exercées par Y.
sous la raison individuelle Z. Finance. X. amena diverses personnes qu'il
connaissait à confier des fonds à Z. Finance. Au total, les avoirs déposés
par des clients s'élevaient, entre fin 1987 et mai 1990, à 1,9 million
de francs, soit 1,6 million de francs après déduction des retraits opérés
par différents clients.

    Ces fonds, mélangés sur un compte unique ouvert auprès d'une banque de
Genève, ont été utilisés pour effectuer des opérations spéculatives sur le
marché des options et "futures", cela dans une mesure incompatible avec les
instructions données par les clients. X., qui connaissait la teneur des
contrats, a admis qu'il avait passé pour le compte de Y., entre avril et
mai 1990, des ordres spéculatifs extrêmement importants, ayant entraîné des
pertes sérieuses; il a également admis qu'à sa connaissance Y. n'avait pas
d'argent et qu'il devait donc effectuer ces opérations spéculatives avec
les fonds des clients. X. a encore indiqué qu'à partir de mai 1988, il
avait réalisé les conséquences possibles des opérations spéculatives. Un
agent de bourse a affirmé que X. passait approximativement la moitié des
ordres et qu'il avait été informé par ses soins des risques liés à de
telles opérations. Plusieurs témoins ont déclaré qu'après quelques mois
d'apprentissage, X. avait parfaitement assimilé les techniques du marché.

    Les avoirs des clients ont été intégralement dilapidés, les opérations
spéculatives se soldant par une perte de 800'000 fr., Y. prélevant en
outre 500'000 fr. à des fins personnelles et 200'000 fr. à titre de
commissions et de frais de gestion.

    B.- La Cour correctionnelle avec jury du canton de Genève a
reconnu Y. coupable d'abus de confiance qualifié, pour avoir indûment
prélevé à des fins personnelles 500'000 fr. sur les avoirs des clients,
ainsi que de gestion déloyale pour avoir provoqué une perte de 800'000
fr. par un ensemble d'opérations spéculatives, contraires aux intérêts
et aux instructions de ses clients, et assorties de manoeuvres propres
à dissimuler les pertes. En conséquence, la cour a condamné Y. par
défaut à la peine de 24 mois d'emprisonnement. Par le même arrêt, elle
a reconnu X. coupable de complicité de gestion déloyale, pour avoir
intentionnellement contribué, aux côtés de Y., aux pertes de 800'000
fr. subies par les clients. La cour a estimé que la position de X. n'était
pas celle d'un simple employé, mais d'un partenaire jouant les seconds
rôles. Elle a admis qu'il avait conscience du risque qu'il faisait encourir
aux avoirs confiés par les clients, qu'il avait envisagé sa réalisation et
s'en était accommodé. Estimant qu'il avait agi sous l'ascendant de Y., elle
l'a mis au bénéfice de la circonstance atténuante correspondante. La Cour
correctionnelle l'a condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement
avec sursis pendant deux ans.

    La Cour de cassation du canton de Genève a rejeté le pourvoi formé
par X. contre l'arrêt de la Cour correctionnelle.

    C.- X. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Soutenant que la
cour cantonale a violé le droit fédéral en le reconnaissant coupable de
complicité de gestion déloyale par dol éventuel, il conclut à l'annulation
de la décision attaquée, avec suite de dépens.

    Le recours de droit public formé par le condamné a été rejeté, dans
la mesure où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) La cour cantonale a estimé, sur la base des faits qu'elle a
retenus - qui lient la cour de céans -, que le recourant s'était rendu
coupable de complicité (art. 25 CP) de gestion déloyale (art. 159 al. 1
CP), ce que celui-ci conteste.

    La complicité étant une forme de participation accessoire à une
infraction (ATF 118 IV 309 consid. 1a), il faut tout d'abord se demander si
le coaccusé a lui-même commis l'infraction de gestion déloyale à laquelle
le recourant aurait participé à titre accessoire.

    b) Sous le titre "Gestion déloyale", l'art. 159 al. 1 CP prévoit que
"Celui qui, tenu par une obligation légale ou contractuelle de veiller
sur les intérêts pécuniaires d'autrui, y aura porté atteinte sera puni de
l'emprisonnement". Cette infraction suppose quatre conditions: il faut que
l'auteur ait eu une position de gérant, qu'il ait violé une obligation
lui incombant en cette qualité, qu'il en soit résulté un préjudice et
qu'il ait agi intentionnellement.

    En ce qui concerne la position de gérant, d'après la jurisprudence,
seul peut avoir une position de gérant celui qui dispose d'une indépendance
suffisante et qui jouit d'un pouvoir de disposition autonome sur les
biens qui lui sont remis (ATF 118 IV 244 consid. 2a; sur cette notion:
STRATENWERTH, Bes. Teil I, 4e éd. Berne 1993, p. 360 ss no 5 ss;
REHBERG, Strafrecht III 5e éd., p. 160; NOLL, Bes. Teil I p. 222;
SCHUBARTH, Kommentar Strafrecht, art. 159 no 3 ss p. 208; TRECHSEL,
Kurzkommentar StGB, art. 159 no 2 ss). Ce pouvoir peut se manifester
non seulement par la passation d'actes juridiques, mais également par la
défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux ou par des actes
matériels; il faut cependant que le gérant ait une autonomie suffisante
sur tout ou partie de la fortune d'autrui, sur les moyens de production
ou le personnel d'une entreprise (ATF 118 IV 244 consid. 2a, 105 IV 307
consid. 2a, 102 IV 90 consid. 1b et les références citées). Un gérant
de fortune est typiquement, selon la formule de l'art. 159 al. 1 CP,
une personne tenue par une obligation contractuelle de veiller sur les
intérêts pécuniaires d'autrui (STRATENWERTH, op.cit., p. 362 no 10;
REHBERG, op.cit., p. 160). En l'espèce, il est établi que le coaccusé
exerçait l'activité de gérant de fortune, qu'il recevait des fonds d'autrui
et disposait d'un large pouvoir de décision dans leur gestion. Il n'est
donc pas douteux que le coaccusé avait la qualité de gérant.

    Pour qu'il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l'auteur
ait été gérant, ni qu'il ait violé une quelconque obligation de nature
pécuniaire à l'endroit de la personne dont il gère tout ou partie du
patrimoine; le terme de gestion déloyale et la définition légale de
l'infraction exigent que l'obligation qu'il a violée soit liée à la
gestion confiée (ATF 118 IV 244 consid. 2b, 105 IV 307 consid. 3a, 102
IV 90 consid. 1b, 81 IV 276 consid. 2a, p. 279, 80 IV 243 consid. 1;
voir également: STRATENWERTH, op.cit., p. 362 ss no 11 ss; REHBERG,
op.cit., p. 161; NOLL, op.cit., p. 233; SCHUBARTH, op.cit., art. 159 no
21 ss p. 209 s.; TRECHSEL, op.cit., art. 159 no 8). En l'espèce, il a été
établi en fait que les clients n'acceptaient des placements spéculatifs
que dans une mesure limitée et que le coaccusé, qui était expérimenté en
la matière, s'est lancé délibérément et massivement dans des opérations
à haut risque, violant ainsi son devoir de prudence dans la gestion des
fonds, tel qu'il découlait des contrats conclus.

    L'infraction n'est consommée que s'il y a eu préjudice (sur cette
notion: STRATENWERTH, op.cit., p. 364 s. no 15 ss; REHBERG, op.cit.,
p. 161; NOLL, op.cit., p. 233; SCHUBARTH op.cit., art. 159 no 33 ss p. 210
ss; TRECHSEL, op.cit., art. 159 no 9). En l'espèce, il a été constaté
en fait que les fonds ont été entièrement perdus et que les opérations
se sont soldées par un déficit important. Cette troisième condition est
donc également réalisée.

    Il faut enfin que l'auteur ait agi intentionnellement, mais le dol
éventuel suffit (ATF 105 IV 189 consid. 1b, 86 IV 12 consid. 5 et 6;
STRATENWERTH, op.cit., p. 365 no 18; REHBERG, op.cit., p. 162; NOLL,
op.cit., p. 224; TRECHSEL, op.cit., art. 159 no 10). Il y a dol éventuel
lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins,
même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas
où il se produirait (ATF 119 IV 1 consid. 4b et les arrêts cités). En
matière de gestion déloyale cependant, il faut exiger que le dol éventuel
soit nettement et strictement caractérisé vu l'imprécision des éléments
constitutifs objectifs de cette infraction (ATF 86 IV 12 consid. 6;
SCHUBARTH, op.cit., art. 159 n. 41; PH. GRAVEN, Gestion déloyale, FJS
1035 p. 8 ch. 1). Il est constant en l'espèce que le coaccusé savait
qu'il avait une position de gérant de fortune, qu'il savait également
que les clients n'acceptaient des opérations spéculatives que dans une
mesure limitée et qu'il a choisi délibérément de violer leurs instructions
et de se lancer dans des opérations hasardeuses dont il connaissait les
risques. Ces circonstances montrent qu'il s'accommodait de l'éventualité
que les risques se réalisent.

    Ainsi, s'agissant de l'auteur principal, tous les éléments constitutifs
de la gestion déloyale sont réalisés, ce que le recourant ne conteste
d'ailleurs pas.