Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 IV 10



120 IV 10

3. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 28 janvier 1994
en la cause B. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste

    Verurteilung gestützt auf einen Sachverhalt, der in einem Punkt von
einem Einstellungsbeschluss abweicht; ne bis in idem.

    Der Grundsatz "ne bis in idem" verbietet es, eine Person wegen
desselben Sachverhalts zweimal strafrechtlich zu verfolgen; er ist
verletzt, wenn in bezug auf den Verfahrensgegenstand, die betroffene Person
und die Tat Identität besteht. Der Richter darf in einem Verfahren wegen
vollendeten Mordversuchs eine bestimmte Tatsache - hier: die Wegnahme
einer Handgranate - feststellen, auch wenn in diesem Punkt das Verfahren
von der zuständigen Behörde eingestellt worden ist (E. 2b).

Sachverhalt

    A.- En automne 1981, B. a fait la connaissance de M.; ils ont
sympathisé et se sont revus régulièrement, nouant une liaison sentimentale;
leurs rapports se sont cependant dégradés au cours de l'été 1984; M. décida
de rompre, le 5 août 1984, ce qui entraîna une scène assez violente. Depuis
cette date, B. n'a plus revu M., mais il lui a téléphoné à de nombreuses
reprises; comme il se montrait insistant, M. lui a dit clairement qu'elle
ne souhaitait pas le revoir pour les fêtes de fin d'année 1984.

    Le 31 décembre 1984, M. reçut, à son domicile un colis contenant
une boîte en bois fermée portant, à l'une de ses extrémités, un bouton
semblable à celui d'un tiroir. Elle tenta de l'ouvrir en tirant sur le
bouton, mais, remarquant que la boîte ne paraissait pas être de fabrication
industrielle, elle pensa à l'éventualité d'une farce; elle préféra ôter les
vis et décoller les parois; elle vit à l'intérieur un objet ressemblant
à une massue qu'elle ne put identifier. Elle en parla à un collègue,
lequel pensa qu'il pouvait s'agir d'une grenade à manche. M. se rendit
alors à la gendarmerie, qui fit appel à un démineur, lequel confirma
qu'il s'agissait bien d'une grenade.

    L'examen effectué a montré qu'il s'agissait d'une grenade de l'armée
suisse dont l'allumage devait être provoqué, à l'aide d'une ficelle,
en tirant sur le bouton d'ouverture de la boîte; selon les experts,
l'explosion de cette grenade aurait sans doute occasionné la mort du
manipulateur et celle de toute personne se trouvant à son contact. Grâce
au numéro du détonateur, il fut possible d'établir que cette grenade
provenait d'un lot qui avait été distribué, notamment, le 25 février
1980 à la compagnie dans laquelle B. effectuait un cours de répétition
en qualité de grenadier.

    La justice militaire suisse, ayant appris l'utilisation d'une grenade
suisse, a ouvert une enquête qui s'est terminée par une ordonnance
de non-lieu prononcée par l'auditeur du Tribunal de division 1, le
11 septembre 1987, qui a considéré, sur la base des éléments dont il
disposait, qu'il n'était pas établi que la grenade ait été dérobée par B.

    B.- Statuant le 19 février 1993, le Tribunal criminel du district
de Nyon a acquis la conviction que B. avait fait envoyer ce paquet dans
l'intention de causer la mort de sa destinataire; partant, il l'a condamné,
pour crime manqué d'assassinat, à la peine de onze ans de réclusion.

    Par arrêt du 21 avril 1993, la Cour de cassation cantonale a rejeté
le recours formé par le condamné.

    C.- B. se pourvoit en nullité à la Cour de cassation pénale du Tribunal
fédéral contre cet arrêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- b) Le recourant soutient qu'il y a eu violation du principe
"ne bis in idem", parce que l'autorité cantonale a retenu, dans les
considérants de sa décision, qu'il avait soustrait une grenade lors de son
cours de répétition, alors qu'il avait obtenu sur ce point une ordonnance
de non-lieu rendue par l'autorité militaire compétente.

    Le principe "ne bis in idem", bien qu'il puisse également être
déduit de l'art. 4 Cst. et qu'il soit consacré par l'art. 4 du septième
protocole relatif à la CEDH, appartient, selon la jurisprudence constante,
au droit pénal fédéral (ATF 118 IV 269 consid. 2, 116 IV 262 consid. 3
et les références citées). Il en résulte que sa violation peut donner
lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF [RS 312.0]; ATF 118 IV
269 consid. 2).

    Ce principe, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée,
interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les
mêmes faits (ATF 118 IV 269 consid. 2). L'autorité de la chose jugée
ne s'attache normalement qu'au dispositif de la décision définitive
rendue en premier lieu (SCHMID, Strafprozessrecht, Zürich 1993, p. 163
no 587). L'autorité de chose jugée et le principe "ne bis in idem"
supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la
personne visée et des faits retenus (SCHMID, op.cit., p. 164 no 589;
HAUSER, Strafprozessrecht, Bâle 1984, p. 241; PIQUEREZ, Procédure pénale,
p. 472 s.). Il existe une certaine controverse sur la notion d'identité
des faits, qu'il n'est pas nécessaire d'évoquer ici plus avant (ATF 118 IV
269 consid. 2; SCHMID, op.cit., p. 164 no 589; HAUSER, op.cit., p. 241 s.;
PIQUEREZ, op.cit., p. 473 no 2642 s.). S'agissant plus particulièrement
d'une ordonnance de non-lieu rendue pour insuffisance des charges -
comme c'est le cas en l'espèce -, il est admis que l'autorité de chose
jugée est restreinte en ce sens que la poursuite peut être reprise en
cas de découverte de preuves ou de charges nouvelles (PIQUEREZ, op.cit.,
p. 471 no 2628).

    Il apparaît cependant d'emblée en l'espèce que le recourant n'a pas
été poursuivi ou puni deux fois pour les mêmes faits. Dans la procédure
pénale militaire, il s'agissait de savoir si le recourant avait dérobé
la grenade pendant son cours de répétition, tandis que dans la procédure
actuelle, il s'agissait de déterminer s'il avait fait envoyer le colis
piégé dans l'intention de tuer le destinataire. Les deux procédures se
rapportent donc à des faits distincts, qui se sont produits en un autre
lieu, à une autre date et contre d'autres intérêts. L'état de fait qui
fonde l'accusation n'étant pas identique, le principe "ne bis in idem"
ne trouve pas application. Le recourant n'a nullement été poursuivi ou
puni deux fois pour les mêmes faits, puisque l'autorité cantonale, dans
la présente procédure, ne l'a pas reconnu coupable de vol d'une grenade
et ne l'a pas puni pour ce motif.

    Il reste à se demander si l'autorité cantonale, en admettant que le
recourant avait dérobé la grenade, n'a pas porté atteinte à l'autorité
de chose jugée qui s'attacherait à l'ordonnance de non-lieu rendue
par l'auditeur. Or, le concept d'autorité de chose jugée n'a pas la
portée que semble lui prêter le recourant. Il ne concerne en principe
que le dispositif, c'est-à-dire ce qui a fait l'objet de la décision
définitive. Or, l'autorité cantonale ne s'est nullement prononcée sur
l'existence ou l'inexistence d'une infraction au code pénal militaire,
de sorte qu'elle n'a pas statué sur le même objet. Dès lors que les deux
décisions portent sur des infractions nettement distinctes, le jugement
cantonal n'empiète pas sur la conclusion juridique qui constitue le
dispositif de la décision militaire.

    Certes, les deux autorités ne sont pas parvenues aux mêmes conclusions
sur un point de fait. Fondée sur des éléments différents, leur appréciation
des preuves a divergé. On ne voit cependant pas en quoi cela violerait
le droit fédéral. En effet, l'autorité cantonale était seule compétente
pour statuer sur le délit manqué d'assassinat et il lui appartenait, sur
la base des moyens de preuve apportés devant elle, d'établir l'ensemble
des faits pertinents pour trancher la question qui lui était soumise et
relevait de sa seule compétence. Le juge compétent apprécie librement
les preuves (art. 249 PPF) et on ne voit pas pourquoi il devrait être lié,
sur un point de fait, par l'opinion d'une autorité militaire. L'autorité
pénale cantonale n'est en aucune façon subordonnée à la juridiction
militaire et elle dispose à son égard d'une indépendance totale. On
ne voit pas pourquoi l'autorité cantonale serait liée par l'opinion de
l'auditeur, du seul fait que celui-ci s'est exprimé en premier. Certes,
il est souhaitable d'éviter des décisions contradictoires; on se trouve
ici dans une situation qui présente une certaine analogie - encore que
l'indépendance des questions soit plus marquée - avec le cas du juge
administratif appelé à statuer sur un retrait du permis de conduire après
un jugement pénal définitif; or, dans ce contexte, il a été admis que le
juge administratif pouvait, à certaines conditions, s'écarter des faits
retenus par le juge pénal (ATF 119 Ib 158 ss); dès lors que l'autorité
cantonale disposait d'autres indices que ceux soumis à l'auditeur, elle
pouvait sans aucun doute s'écarter des constatations de fait de celui-ci
(cf. ATF 119 Ib 158 consid. 3c/aa).

    Il n'y a donc pas eu violation du principe de l'autorité de chose
jugée ou de l'adage "ne bis in idem".