Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 II 87



120 II 87

19. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 13 janvier 1994 dans la
cause époux X. contre Département de justice et police du canton de Genève
(recours de droit administratif) Regeste

    Art. 78 Abs. 1 IPRG; Anerkennung einer ausländischen gemeinschaftlichen
Adoption und Eintragung in die schweizerischen Zivilstandsregister;
indirekte Zuständigkeit der ausländischen Behörden.

    Eine gemeinschaftliche Adoption, die durch schweizerische Ehegatten
mit Wohnsitz in der Schweiz im Heimatstaat der Ehegattin - Doppelbürgerin
- durchgeführt worden ist, genügt den Voraussetzungen von Art. 78 Abs. 1
in Verbindung mit Art. 23 Abs. 3 IPRG. Da alle andern Bedingungen erfüllt
sind, steht nichts entgegen, dass sie in der Schweiz anerkannt wird.

Sachverhalt

    A.- Les époux X., de nationalité suisse, sont domiciliés en Suisse,
dans le canton de Genève. Dame X. dispose de la nationalité américaine.

    Le 20 février 1992, la Cour supérieure l'Etat de Washington (USA)
a prononcé l'adoption par les époux X. de l'enfant M., née le 24 janvier
1992.

    B.- Par décision du 12 février 1993, le Département de justice et
police du canton de Genève (ci-après: le Département) a rejeté la requête
des époux X. tendant à la transcription du prononcé d'adoption dans les
registres suisses de l'état civil.

    C.- Agissant en temps utile par la voie du recours de droit
administratif, les époux X. demandent au Tribunal fédéral d'annuler la
décision du Département et d'ordonner la transcription dans les registres
suisses du prononcé d'adoption rendu le 20 février 1992 par la Cour
supérieure de l'Etat de Washington, avec suite de dépens.

    Le Département ainsi que l'Office fédéral de la justice proposent le
rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Il n'existe aucun traité bi- ou multilatéral liant la Suisse
aux Etats-Unis d'Amérique dans le domaine de l'adoption internationale,
qu'il s'agisse de l'application du droit matériel ou de la reconnaissance
et l'exécution des décisions étrangères. Partant, les conditions de la
reconnaissance en Suisse de la décision d'adoption rendue aux Etats-Unis
sont régies par la LDIP (RS 291).

    a) En vertu de l'art. 32 al. 1 et 2 LDIP, une décision ou un acte
étranger concernant l'état civil peut être transcrit, moyennant une
décision de l'autorité cantonale de surveillance, lorsqu'il satisfait
aux conditions générales prévues aux art. 25 à 27 LDIP. Ces dispositions
prévoient en substance qu'une décision étrangère est reconnue en Suisse
pour autant que les autorités judiciaires ou administratives de l'Etat
dont émane la décision étaient compétentes, que la décision n'est plus
susceptible de recours ordinaire et qu'elle n'est pas manifestement
incompatible avec l'ordre public suisse. L'autorité suisse saisie ne
saurait procéder à un examen au fond de la décision dont la transcription
est demandée (cf. VOLKEN, in: HEINI/KELLER/SIEHR/VISCHER/VOLKEN,
IPRG-Kommentar, Zurich 1993, n. 16 ad art. 32 LDIP).

Erwägung 3

    3.- Selon la jurisprudence, la réserve de l'ordre public est une
clause d'exception, dont l'application en matière de reconnaissance
et d'exécution de décisions étrangères est plus restrictive que dans le
domaine de l'application directe des règles de droit. La reconnaissance de
la décision étrangère constitue la règle, dont il ne faut pas s'écarter
sans de bonnes raisons (cf. ATF 116 II 625 consid. 4a; 109 Ib 232
consid. 2a; 103 Ib 74 consid. 3d et les arrêts cités).

    a) Il s'ensuit qu'en l'espèce, la reconnaissance de l'adoption
prononcée aux Etats-Unis ne saurait être refusée au motif qu'étant
intervenue quatre semaines seulement après la naissance de l'enfant M.,
elle ne tiendrait compte ni du délai - impératif en droit suisse - de six
semaines pour le consentement et sa révocation, au sens de l'art. 265b
al. 1 CC, ni, a fortiori, du délai de deux ans de l'art. 264 CC - impératif
lui aussi, cf. ATF 111 II 230 consid. 2 - relatif à la durée des soins
et de l'éducation que doivent avoir fournis à l'enfant les futurs parents
adoptifs avant que puisse intervenir le prononcé d'adoption.

    S'agissant des autres exigences posées par le droit civil suisse,
les recourants, âgés tous deux de plus de 35 ans et mariés depuis plus
de cinq ans, remplissent, en soi, les conditions d'une adoption conjointe
de l'art. 264a CC.

    Il n'est pas contesté, en l'espèce, que l'adoption prononcée aux
Etats-Unis a la portée d'une adoption plénière, en ce sens qu'il ne
subsiste plus aucun lien entre l'enfant et les parents de sang, et que
l'enfant obtient le même statut que s'il était issu des recourants.

    Rien dans le dossier ne permet de considérer que l'adoption en
question serait préjudiciable à l'intérêt de l'enfant. Par ailleurs,
presque deux ans se sont écoulés depuis le prononcé d'adoption, période
à partir de laquelle l'enfant M. a vécu avec les recourants. Or, c'est
à raison que BUCHER, Droit international privé suisse, vol. II, p. 249
n. 751, considère que le temps représente "un élément important de l'effet
atténué de l'ordre public en matière de reconnaissance des décisions
étrangères". C'est également l'avis de l'Office fédéral de la Justice
(cf. circulaire de l'Office aux autorités cantonales de surveillance de
l'état civil, du 15 juillet 1992, REC 1993, p 33-56).

    En revanche, l'ordre public suisse s'oppose à la reconnaissance de
l'adoption étrangère lorsque celle-ci a été prononcée en l'absence du
consentement des parents naturels de l'enfant (cf. art. 265a al. 1 CC),
ce consentement découlant du droit de la personnalité (cf. ATF 113 Ia
271 consid. 6-7; BUCHER, op.cit., p. 248 n. 751).

    En l'espèce, le prononcé d'adoption ne contient pas d'informations sur
les parents de sang de l'enfant adoptée ni ne mentionne leur identité. Il
tend ainsi à sauvegarder le secret de l'adoption (cf. art. 265a al. 2
CC). Il ressort toutefois des pièces que l'organisme privé chargé par
la Superior Court, selon les lois de l'Etat de Washington, de procéder
aux investigations et aux enquêtes nécessaires, avait donné son accord
à l'adoption, estimant que celle-ci était dans l'intérêt de l'enfant. Un
affidavit atteste que les parents naturels avaient renoncé à leurs droits
parentaux et avaient consenti à l'adoption, accompagné de la décision de
la Cour approuvant et entérinant ces déclarations.

    Par conséquent, l'ordre public suisse ne s'oppose pas à la requête
d'inscription de l'adoption dans les registres suisses de l'état
civil. Pour le surplus, le caractère définitif du prononcé d'adoption
n'est pas contesté, aucun élément du dossier ne permettant par ailleurs
d'affirmer que des règles essentielles de procédure auraient été méconnues
(cf. art. 27 al. 2 LDIP).

Erwägung 4

    4.- Reste à examiner si les autorités américaines étaient compétentes
pour prononcer l'adoption de l'enfant M. Sur ce point, l'art. 78 al. 1 LDIP
admet la reconnaissance en Suisse d'adoptions intervenues à l'étranger
"lorsqu'elles ont été prononcées dans l'Etat du domicile ou dans l'Etat
national de l'adoptant ou des époux adoptants".

    En l'espèce, l'adoption a été prononcée dans un Etat qui n'est ni
celui de domicile des époux adoptants, ni leur Etat national, si l'on
tient compte de leur nationalité suisse commune.

    a) La LDIP ne traite pas expressément du cas de double nationalité d'un
époux, pas plus qu'elle ne s'exprime au sujet des cas où les époux sont,
en outre, de nationalités étrangères différentes et que l'adoption est
prononcée dans l'Etat d'origine de l'un d'eux. L'autorité cantonale, qui
s'est ralliée à l'avis de l'autorité fédérale, qu'elle avait consultée,
estime que, dans cette dernière hypothèse - qui n'est pas, toutefois,
celle de l'espèce, les époux ayant une nationalité suisse commune -,
la compétence étrangère devrait être reconnue en Suisse, sauf si les
époux sont tous deux domiciliés en Suisse. Dans ce cas, affirme-t-elle,
l'adoption prononcée dans l'autre Etat d'origine de l'un des époux
adoptants ne saurait être reconnue en Suisse et cela quand bien même les
époux procéderaient dans cet Etat étranger à une adoption conjointe.
En effet, conformément à l'art. 23 al. 2 LDIP, lorsqu'une personne a
plusieurs nationalités, celle de l'Etat avec lequel elle a les relations
les plus étroites est seule retenue pour déterminer le droit applicable,
à moins que la loi n'en dispose autrement. En l'espèce, conclut-elle, les
recourants sont l'un et l'autre de nationalité suisse; ils sont domiciliés
en Suisse; enfin, l'Etat avec lequel ils entretiennent les relations les
plus étroites est celui de leur domicile, la Suisse (cf. dans ce sens,
la circulaire précitée de l'Office fédéral de la Justice). Appliqués au
cas d'espèce, ces critères conduisent à nier la compétence indirecte des
autorités américaines.

Erwägung 5

    5.- Cette opinion ne saurait être suivie. Raisonner ainsi revient
à délimiter la portée de l'un des deux critères prévus à l'art. 78 al.
1 LDIP, celui de la nationalité, en faisant appel à l'autre, celui
du domicile, qui lui est étranger. Les considérations complémentaires
exposées dans les observations du Département fédéral de justice et police
au recours ne justifient pas un autre résultat. Même si la LDIP se rattache
en premier lieu au critère du domicile ou de la résidence habituelle (le
rattachement alternatif au domicile ou à la nationalité étant toutefois
prévu aux art. 39 - changement de nom -, 42 - déclaration d'absence ou de
décès -, 65 al. 1 - divorce ou séparation de corps -, 70 - constatation ou
contestation de la filiation -, 73 al. 1 et art. 74 LDIP - reconnaissance
et légitimation -), rien n'indique qu'à l'art. 78 LDIP, le rattachement
à la nationalité n'ait qu'une portée subsidiaire par rapport au domicile
(cf. KELLER/KREN KOSTKIEWICZ, in HEINI/KELLER/SIEHR/VISCHER/VOLKEN,
op.cit., n. 16 ad art. 23 LDIP).

    C'est en vain que le Département fédéral de justice et police se
réfère, dans ses observations au recours, à la jurisprudence du Tribunal
fédéral concernant la reconnaissance d'un divorce obtenu à l'étranger
par l'époux suisse et étranger, seul domicilié dans l'Etat du jugement
dont il était ressortissant (cf. ATF 94 I 235; 89 I 303). En effet, cette
jurisprudence, antérieure à la codification du droit international privé
suisse, n'avait pour but que de libéraliser une pratique antérieure et
d'éviter des situations boiteuses, mais ne préjuge pas d'un cas comme le
présent. Il en va de même en ce qui concerne la reconnaissance d'un divorce
de deux réfugiés domiciliés en Suisse, prononcé dans l'Etat d'origine des
époux à la demande d'un seul d'entre eux, sans que l'autre ne participe
au procès. Cet arrêt tenait compte, en particulier, du statut de réfugiés
des parties (cf. ATF 105 II 1).

    Le Département fédéral de justice et police reconnaît, au demeurant,
que lors de l'élaboration de la LDIP, toutes les solutions envisagées pour
résoudre les cas de double nationalité ont été écartées parce qu'elles
présentaient l'inconvénient d'être trop rigides. Lorsqu'il s'agit de
déterminer le droit applicable et les conditions de la compétence directe
du juge suisse, l'art. 23 al. 2 LDIP considère comme déterminante, le cas
échéant, la nationalité avec laquelle la personne a les relations les plus
étroites. L'alinéa 3 de la même disposition ne prévoit pas la même solution
s'agissant de la compétence indirecte, savoir la reconnaissance d'une
décision étrangère en Suisse; dans ce cas, la prise en considération d'une
des nationalités de l'intéressé suffit. Aussi la doctrine s'oppose-t-elle
également, dans l'hypothèse envisagée, à la prise en considération de
la nationalité effective, c'est-à-dire de la nationalité de l'Etat avec
lequel la personne concernée a les liens les plus étroits (cf. BUCHER,
op.cit., p. 69 n. 152 et p. 248 n. 750; BUCHER, FJS no 160, qui s'inspire
des règles retenues en matière d'établissement de la filiation - art. 70
et 73 al. 1 LDIP - et de la solution prévue au sujet du for d'origine -
art. 76 LDIP, mais qui semble n'avoir en vue que le cas où les époux n'ont
pas de nationalité (étrangère?) commune; BUCHER enfin, sans restrictions
et avec une critique de la circulaire du Département fédéral de justice
et police, in: L'application de la LDIP à l'état civil, REC 1993, p.
342 ss, notamment p. 351-352. Voir en outre KELLER/KREN KOSTKIEWICZ, resp.
SIEHR, in: HEINI/KELLER/SIEHR/VISCHER/VOLKEN, op.cit., n. 16-17 ad art. 23
LDIP, resp. n. 6 ad art. 78 LDIP; HEGNAUER, Reconnaissance et effets d'une
adoption étrangère effectuée par une femme mariée suisse et étrangère, in
REC 1989, p. 381. Voir également au sujet du critère de la nationalité,
toutefois dans un contexte différent, les réserves exprimées par VON
OVERBECK, Anerkennung einer einfachen Adoption philippinischer Kinder
durch ihren schweizerischen Stiefvater: Zu BGE 117 II 340, in: IPRax 1993,
p. 349-351, notamment n. 12).

    Au vu de ce qui précède, la décision d'adoption prononcée le
20 février 1992 par la Cour supérieure de l'Etat de Washington (USA)
satisfait aux conditions de l'art. 78 al. 1 LDIP, la compétence indirecte
des autorités américaines devant être admise en l'espèce. Partant, il
se justifie d'admettre le recours et d'ordonner la transcription de la
décision précitée dans les registres suisses de l'état civil.