Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 120 II 280



120 II 280

54. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 12 septembre 1994 dans
la cause L.-M. T. contre A. T. (recours en réforme) Regeste

    Art. 165 ZGB. Ausserordentliche Beiträge eines Ehegatten an den
Unterhalt der Familie.

    Die Ehefrau eines Handwerkers, die, wie eine entlöhnte Sekretärin,
regelmässig täglich mehrere Stunden im Unternehmen des Ehemannes die
administrativen Arbeiten besorgt, hat Anspruch auf Entgelt.

    Die Zusprechung einer angemessenen Entschädigung an die Ehefrau, die
mit ihrer Arbeit über lange Zeit in bedeutendem Masse zur Aufbesserung der
wirtschaftlichen Verhältnisse des Haushalts beigetragen hat, rechtfertigt
sich erst recht, wenn die Ehegatten in Gütertrennung leben (E. 6).

Sachverhalt

    A.- A. T., né le 20 septembre 1952, et L.-M. D., née le 17 décembre
1949, se sont mariés à Bernex (GE) le 20 juin 1975, sous le régime de la
séparation de biens. Deux enfants sont issus de leur union: S., né le 7
juillet 1975, et R., née le 4 mai 1977. Des difficultés ayant surgi entre
les conjoints, l'épouse a définitivement quitté le domicile conjugal en
mars 1991.

    Saisi d'une action en divorce de L.-M. T. et d'une demande
reconventionnelle de A. T., le Tribunal de première instance de Genève
a, par jugement du 11 octobre 1993, prononcé le divorce des époux et
débouté la demanderesse de sa requête tendant au versement d'une somme
de 72'000 fr. à titre de contribution extraordinaire dans l'entreprise
de son conjoint, au sens de l'art. 165 CC.

    Statuant le 22 avril 1994 sur appel de chacune des parties, la Cour de
justice du canton de Genève a annulé ledit jugement et condamné le mari
à payer à sa femme l'indemnité demandée. Cette juridiction a en revanche
supprimé la rente allouée à celle-ci en première instance.

    Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où ils étaient recevables,
le recours de droit public de la demanderesse et le recours joint du
défendeur interjetés contre cette décision.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 6

    6.- Le recourant reproche encore à la Cour de justice d'avoir alloué
à son épouse, en violation de l'art. 165 CC, une indemnité fondée sur
cette disposition.

    a) En vertu de leur devoir général d'assistance (art. 159 al. 3 CC),
mari et femme contribuent selon leurs facultés à l'entretien de la famille
(art. 163 al. 1 CC). Selon leur accord, cette contribution peut consister
dans l'aide qu'un époux prête à son conjoint dans sa profession ou son
entreprise (art. 163 al. 2 CC). Exercée dans ce cadre, l'aide apportée
à l'un des époux ne donne droit à aucune rémunération, sous réserve du
droit éventuel à un montant libre à disposition au sens de l'art. 164 CC
(GROSSEN, Le statut patrimonial de base, Les effets généraux du mariage, in
Le nouveau droit du mariage, CEDIDAC 1987, p. 20; HAUSHEER/REUSSER/GEISER,
Kommentar zum Eherecht, vol. I, 1988, n. 12 ad art. 165 CC, p. 211). En
revanche, dès lors que, en l'absence de tout contrat de travail, l'aide
fournie par l'un des époux dans l'entreprise de son conjoint dépasse ce
que le devoir général d'assistance permet normalement d'exiger de lui,
l'équité commande que cette contribution accrue fasse l'objet d'une
compensation pécuniaire au sens de l'art. 165 CC (DESCHENAUX/STEINAUER,
Le nouveau droit matrimonial, 1987, p. 66; WESSNER, La collaboration
professionnelle entre époux dans le nouveau droit matrimonial, in Problèmes
du droit de la famille, 1987, p. 182; HAUSHEER, Arbeitsleistungen in Beruf
und Gewerbe unter Ehegatten de lege lata et ferenda, in Festschrift für
Frank Vischer, 1983, pp. 410/411).

    L'al. 1er de l'art. 165 CC prévoit en effet que l'époux qui a
collaboré à la profession ou à l'entreprise de son conjoint dans une mesure
notablement supérieure à ce qu'exige sa contribution à l'entretien de la
famille a droit à une équitable indemnité. Cette référence à l'équité a
déjà conduit le Tribunal fédéral à atténuer sa jurisprudence - souvent
critiquée - consistant à refuser en principe tout droit au salaire
fondé sur l'art. 320 al. 2 CO à la femme qui collabore à la profession
de son mari. Il a ainsi été jugé que lorsqu'en raison de circonstances
particulières, les efforts d'un époux n'apparaissent pas suffisamment
compensés par l'élévation de son niveau de vie, ainsi que par ses droits en
cas de liquidation du régime matrimonial et ses espérances successorales,
sa collaboration doit être rétribuée dans la mesure où elle excède les
limites de son devoir d'assistance dans une mesure "notablement supérieure"
à ce qui peut être exigé de lui (ATF 113 II 414 consid. 2 pp. 417/418 et
les références).

    A défaut d'accord entre les époux sur la répartition de leurs tâches
(BRÄM/HASENBÖHLER, n. 8 ad art. 165 CC; HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op.cit.,
n. 12 s. ad art. 165 CC, pp. 165 ss), la mesure de cette coopération
s'apprécie selon les circonstances objectives existantes au moment où
celle-ci a été apportée, sans égard au fait que l'époux bénéficiaire
était ou non conscient que l'aide de son conjoint dépassait les devoirs
imposés par le droit matrimonial (HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op.cit.,
n. 12 ss ad art. 165 CC, pp. 165 ss). Il importe d'évaluer dans chaque
cas la nature et l'ampleur de la collaboration professionnelle, en la
mettant en rapport avec les autres prestations fournies comme contribution
ordinaire aux charges du mariage (WESSNER, op.cit., p. 184). A cet égard,
l'art. 165 CC pose de manière générale des conditions moins rigoureuses
que l'art. 320 al. 2 CO (GROSSEN, op.cit., p. 20).

    En l'absence de critères généraux applicables dans ce domaine, le
juge statue en équité en se fondant sur les particularités importantes de
l'espèce (art. 4 CC; BRÄM/HASENBÖHLER, n. 10 ad art. 165 CC). La nature
et la mesure de la participation de l'un des conjoints à l'activité
professionnelle de l'autre relèvent du domaine des faits, et sont donc
des questions soustraites à l'examen de la juridiction de réforme (art. 63
al. 2 OJ); savoir si cette collaboration est "notablement supérieure" aux
obligations découlant des devoirs généraux du mariage est, en revanche,
un point de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement. Il
s'imposera toutefois une certaine retenue vu le pouvoir d'appréciation
laissé au juge en cette matière, et n'interviendra que si la décision
entreprise s'appuie sur des faits sans pertinence ou si, au contraire, elle
ne tient pas compte d'éléments qui auraient dû être pris en considération.

    b) La Cour de justice a retenu en fait que la demanderesse avait
travaillé dans l'entreprise de peinture de son mari "non seulement pour
dactylographier quelques factures mais également pour préparer des devis,
pour répondre au téléphone durant les heures de travail de son époux qui
se trouvait normalement sur les chantiers", et qu'elle effectuait en outre
certains transports. Selon l'autorité cantonale, sa présence "donnait
l'impression d'une entreprise organisée, atteignable facilement". Elle
accomplissait ainsi la tâche d'une secrétaire rémunérée, disposant à
cet effet d'un bureau, en plus de l'éducation de ses deux enfants et de
l'entretien du ménage. Les époux étant séparés de biens, il se justifiait
d'autant plus d'accorder une indemnité à l'épouse qui, par son travail à
long terme, avait manifestement contribué à l'aisance de la famille. Vu
ces circonstances, les conditions d'application de l'art. 165 CC étaient
en l'occurrence réunies.

    Le défendeur soutient que l'aide en question représentait tout au plus
une semaine de travail par année, sa femme ayant d'ailleurs toujours
admis qu'il s'agissait d'une activité gratuite. En outre, celle-ci
a déjà été rémunérée de par l'entretien dont elle a bénéficié et les
économies qu'elle a réalisées durant le mariage. L'autorité cantonale a
dès lors violé l'art. 165 CC en admettant l'existence d'une collaboration
"notablement supérieure" aux devoirs usuels d'assistance entre conjoints.

    c) Par ces critiques, le recourant s'en prend aux constatations
de fait de la Cour de justice, ce qui n'est pas admissible dans un
recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ). De plus, il ne démontre pas en
quoi l'autorité cantonale aurait violé le droit fédéral ou excédé son
pouvoir d'appréciation. Par conséquent, la motivation de son mémoire ne
satisfait guère aux exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ. La question
peut cependant rester indécise, car le recours se révèle de toute façon
mal fondé.

    L'autorité cantonale a en effet retenu pour statuer, dans le cadre
de son pouvoir d'appréciation, des circonstances propres à fonder
sa décision. La régularité et l'importance du travail accompli par la
demanderesse, le fait qu'elle disposait d'un bureau, qu'elle assurait une
permanence en l'absence de son mari et que ces tâches correspondaient,
selon l'arrêt entrepris, à l'activité d'une secrétaire rémunérée,
constituent autant d'éléments qui autorisaient la Cour de justice à
admettre l'existence d'une collaboration au sens de l'art. 165 CC. Même si
cette aide s'est imposée au début du mariage par souci de rentabilité ou
de nécessité, ce qui est fréquent dans les petites entreprises, l'activité
de la demanderesse ne doit pas pour autant être considérée comme gratuite
(BRÄM/HASENBÖHLER, n. 10 ad art. 165 CC). La procédure n'a d'ailleurs
pas permis d'établir l'existence d'un accord sur ce point et le recourant
s'écarte des constatations de la Cour de justice lorsqu'il soutient que
sa femme avait admis travailler gratuitement.

    Comme l'a retenu avec raison l'autorité cantonale, la solution adoptée
peut également se justifier pour des motifs d'équité: en collaborant
à l'entreprise de son mari, la demanderesse a contribué à améliorer de
manière significative la situation économique du ménage. Parti de rien
avec son épouse, le défendeur a en effet acquis pendant le mariage des
immeubles dont il est le seul propriétaire. Les conjoints s'étant mariés
sous le régime de la séparation de biens, le divorce ne permettra pas
à la demanderesse de participer au bénéfice dû à son travail. C'est
précisément pour éviter une telle conséquence, qui peut être ressentie
comme une injustice, que le législateur a adopté la règle de l'art. 165 CC
(WESSNER, op.cit., pp. 182/183; HASENBÖHLER, Lohn für Ehegatten-Mitarbeit,
in Festschrift für Frank Vischer, p. 393; HAUSHEER, op.cit., p. 411;
NÄF/HOFMANN, Partnerschaft als Leitbild der Ehe, n. 41, pp. 23/24;
cf. aussi les références citées par ces auteurs, notamment le Message
du Conseil fédéral du 11 juillet 1979, FF 1979 II 1234 ss). L'épouse
a certes bénéficié au cours des années de l'amélioration du niveau
de vie familial, dont le mari a d'ailleurs également profité. Cette
constatation ne suffit cependant pas à rétablir une situation équitable
entre les époux et ne permet pas de refuser à la demanderesse toute autre
forme de rémunération. Il en est certes tenu compte dans la fixation du
montant accordé à ce titre (ATF 113 II 414 consid. 2 p. 418). Toutefois,
le défendeur ne conteste pas la quotité de l'indemnité allouée, qui paraît
proportionnée aux moyens du débiteur et à l'importance de la collaboration
telle qu'elle ressort des constatations de la Cour de justice. Enfin,
contrairement à ce qu'affirme le recourant, il ne résulte pas de l'arrêt
entrepris que son épouse aurait réalisé des économies en raison même de
sa collaboration professionnelle, circonstance qui n'est du reste prise
en compte que dans la fixation du montant de l'indemnité. Ses critiques
ne résistent donc pas à l'examen.